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02/06/2022 | FRANCE | N°21LY01750

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 02 juin 2022, 21LY01750


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 8 novembre 2020 par lequel la préfète de la Loire lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays de renvoi, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an et l'a assigné à résidence dans le département de la Loire pour une durée de six mois.

Par un jugement n° 2008001 du 30 avril 2

021, le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision par laquelle la préfète de l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 8 novembre 2020 par lequel la préfète de la Loire lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays de renvoi, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an et l'a assigné à résidence dans le département de la Loire pour une durée de six mois.

Par un jugement n° 2008001 du 30 avril 2021, le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision par laquelle la préfète de la Loire a assigné M. D... à résidence et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 1er juin 2021, M. D..., représenté par Me Kadri, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande ;

2°) d'enjoindre à la préfète de la Loire, à titre principal, de lui délivrer un premier titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou un titre de régularisation, et à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle a été signée par une autorité incompétente pour ce faire ;

- la préfète n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît le 1. de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

Sur la légalité de la décision portant refus de délai de départ volontaire :

- elle a été signée par une autorité incompétente pour ce faire ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

- elle est illégale en conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

Sur la légalité de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

- elle a été signée par une autorité incompétente pour ce faire ;

- la préfète n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

La préfète de la Loire a produit un mémoire, enregistré le 20 avril 2022, par lequel elle conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Evrard, présidente-assesseure,

- et les observations de Me Kadri, représentant M. D... ;

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., ressortissant arménien né le 16 juillet 1984, est entré irrégulièrement en France en octobre 2012 et a sollicité la reconnaissance du statut de réfugié. Sa demande a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 20 mars 2014, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 7 juillet 2015. La préfète de la Loire a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination par un arrêté du 3 avril 2014, dont la légalité a été confirmée par un arrêt de la présente cour du 27 décembre 2016. M. D... a fait l'objet, le 10 août 2015, de décisions portant obligation de quitter le territoire français et assignation à résidence qui ont également été confirmées par un jugement du tribunal administratif de Lyon du 14 août 2015. Le 18 novembre 2016, M. D... a sollicité son admission exceptionnelle au séjour. Sa demande a été rejetée par un arrêté du 29 octobre 2019 assorti d'une obligation de quitter le territoire français sans délai, dont la légalité a été confirmée par un jugement du tribunal administratif de Lyon du 16 octobre 2020. A la suite du placement de l'intéressé en retenue aux fins de vérification du droit au séjour, la préfète de la Loire, par un arrêté du 8 novembre 2020, lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. Par un arrêté du même jour, la préfète l'a assigné à résidence pour une durée de six mois renouvelable. Par un jugement du 30 avril 2021, le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision par laquelle la préfète de la Loire a assigné M. D... à résidence et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande tendant à l'annulation de ces arrêtés. M. D... relève appel de ce jugement dans cette dernière mesure.

Sur le moyen commun aux décisions attaquées :

2. Il ressort des pièces du dossier produites par la préfète de la Loire en première instance que, par un arrêté du 24 août 2020, régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial du 25 août 2020, M. A... C..., sous-préfet de Montbrison, a reçu, afin de pouvoir assurer la permanence préfectorale du vendredi 20h au lundi 8h30, délégation de la préfète de la Loire à l'effet de signer, notamment, les arrêtés pris en application du livre V du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il n'est pas établi, ni même allégué que M. C... n'assurait pas la permanence préfectorale à la date de l'édiction des décisions attaquées. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de ces décisions manque en fait.

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

3. En premier lieu, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que la préfète de la Loire n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. D... avant de prendre à son encontre une mesure d'éloignement.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

5. M. D... se prévaut de la durée de son séjour en France, de l'absence d'attaches familiales en Arménie, de la présence en France de sa compagne, compatriote titulaire d'une carte de résident et de sa fille, née le 7 octobre 2015 sur le territoire français, et indique qu'il prend soin de l'enfant de sa compagne né d'une précédente union. Il ressort toutefois des pièces du dossier que M. D... n'a été admis au séjour que durant l'examen de sa demande d'asile, que la réalité et la continuité de son séjour en France durant l'ensemble de la période invoquée n'est pas établie et qu'il se maintient en situation irrégulière en dépit de plusieurs mesures d'éloignement prises à son encontre. En outre, l'existence d'une communauté de vie de M. D... avec la mère de son enfant, alors que l'intéressé a déclaré une adresse distincte de celle de cette dernière lorsqu'il a reconnu l'enfant préalablement à sa naissance ainsi qu'à l'occasion de sa demande de titre de séjour et de son audition par les services de police le 8 novembre 2020, ne peut être tenue pour établie par les pièces produites, au demeurant, pour la plupart d'entre elles, postérieures à l'arrêté attaqué, et qui consistent uniquement en des correspondances du tribunal et de son avocat, des certificats médicaux et des attestations de proches dénuées de précisions, un dossier de souscription d'un pacte civil de solidarité non enregistré ainsi qu'une facture d'un site de commerce en ligne et un avis de contravention de vitesse. En tout état de cause, M. D... ne fait état d'aucune circonstance faisant obstacle à ce que la mère de son enfant et lui reconstituent, le cas échéant, leur cellule familiale dans leur pays d'origine, dont ils ont la nationalité et où le requérant a vécu jusqu'à l'âge de vingt-huit ans. Dans les circonstances de l'espèce, le préfet, en obligeant M. D... à quitter le territoire français, n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette décision a été prise. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut être accueilli. Il n'est pas davantage établi que le préfet aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé.

6. En second lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

7. Contrairement à ce que soutient M. D..., la décision d'éloignement n'implique pas que sa fille soit séparée de ses parents. Il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que la préfète de la Loire n'aurait pas pris en compte l'intérêt supérieur de l'enfant en prenant la décision contestée. Il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.

Sur la légalité de la décision portant refus de délai de départ volontaire :

8. M. D... reprend en appel à l'encontre de cette décision le moyen qu'il avait invoqué en première instance tiré de l'erreur manifeste d'appréciation dont elle serait entachée. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif de Lyon.

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

9. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré par M. D... de ce que la décision fixant le pays de destination devrait être annulée en conséquence de l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté.

Sur la légalité de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

10. En premier lieu, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que la préfète de la Loire n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. D... avant de prononcer à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

11. En second lieu, M. D... reprend en appel à l'encontre de cette décision le moyen qu'il avait invoqué en première instance tiré de l'erreur manifeste d'appréciation dont elle serait entachée. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif de Lyon.

12. Il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté le surplus des conclusions de sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE:

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié M. E... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée à la préfète de la Loire.

Délibéré après l'audience du 5 mai 2022, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme Evrard, présidente assesseure,

Mme Caraës, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 2 juin 2022.

La rapporteure,

A. Evrard

Le président,

D. Pruvost

La greffière,

M.-Th. Pillet

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY01750


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY01750
Date de la décision : 02/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: Mme Aline EVRARD
Rapporteur public ?: Mme VINET
Avocat(s) : KADRI

Origine de la décision
Date de l'import : 14/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-06-02;21ly01750 ?
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