La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/06/2022 | FRANCE | N°21LY00181

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 02 juin 2022, 21LY00181


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Sogimm Maurice B... Constructeur a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge partielle des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, des majorations et intérêts de retard auxquels elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2013.

Par un jugement n° 1802474 du 6 novembre 2020, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire enregistrés le 19 janvier et le

24 août 2021, la SASU SOGIMM Maurice B... Constructeur, représentée par Me Daly, demande à la cou...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Sogimm Maurice B... Constructeur a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge partielle des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, des majorations et intérêts de retard auxquels elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2013.

Par un jugement n° 1802474 du 6 novembre 2020, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire enregistrés le 19 janvier et le 24 août 2021, la SASU SOGIMM Maurice B... Constructeur, représentée par Me Daly, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la réduction de cette imposition et des pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'année de rattachement du complément à la cotisation d'impôt sur les sociétés est erronée dès lors que le complément devait être rattaché à l'année au cours de laquelle a été conclu l'acte authentique de vente en l'état futur d'achèvement ;

- en application de l'article L. 17 du livre des procédures fiscales, il appartient à l'administration d'apporter la preuve d'une insuffisance du prix à partir des méthodes prescrites par la réglementation et la jurisprudence ; la méthode d'évaluation par les tantièmes n'est pas probante, est dépourvue de lien avec la valeur vénale d'un immeuble et aboutit à des incohérences ;

- les pénalités pour manquement délibéré ne sont pas fondées ; l'existence de liens capitalistiques indirects entre les cédants et les acquéreurs ne suffit pas à caractériser l'existence d'une intention délibérée d'éluder l'impôt.

Par un mémoire, enregistré le 28 juillet 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- et les conclusions de Mme Vinet, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. La SCCV Palluds, société civile de construction-vente ayant pour associés, d'une part, la SASU SOGIMM Maurice B... Constructeur qui détenait 90 % de ses parts et en assurait la gérance, et, d'autre part, la société SOGIMM Patrimoine, membre du groupe fiscalement intégré dont la SASU SOGIMM Maurice B... Constructeur était la société mère, laquelle détenait 10 % de ses parts, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité. A l'issue de ce contrôle, l'administration, estimant que la vente en l'état futur d'achèvement d'un appartement T3 compris dans un programme immobilier à Poisy (Haute-Savoie), consentie par la société le 28 décembre 2011 à M. D... B..., son gérant, et à son épouse, était intervenue à un prix inférieur à sa valeur vénale, a réintégré l'insuffisance de prix, qu'elle évaluée à 49 426 euros dans le bénéfice industriel et commercial de l'exercice clos en 2013 de la SCCV Palluds. En conséquence de ce rehaussement, la SASU SOGIMM Maurice B... Constructeur a été assujettie, au titre de l'exercice clos en 2013, à un complément d'impôt sur les sociétés résultant de l'assujettissement à l'impôt sur les sociétés de sa part de bénéfice correspondant aux droits qu'elle détenait dans la SCCV Palluds en application des articles 8 et 218 du code général des impôts. La SASU SOGIMM Maurice B... relève appel du jugement du 6 novembre 2020 en tant que le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la réduction de cette imposition, des intérêts de retard et de la majoration pour manquement délibéré de 40 % appliquée à ce rappel d'impôt.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

2. En application des dispositions combinées de l'article 8 du code général des impôts, applicable aux associés des sociétés ayant pour objet la construction d'immeubles en vue de la vente en vertu de l'article 239 ter, et de l'article 206 du même code, la SASU SOGIMM Maurice B... Constructeur est imposable à l'impôt sur les sociétés pour la part de bénéfices sociaux correspondant à ses droits dans la SCCV Palluds, soit 90 %.

En ce qui concerne l'année d'imposition :

3. Aux termes de l'article 38 du code général des impôts : " (...) 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés (...) 2 bis. Pour l'application des 1 et 2, les produits correspondant à des créances sur la clientèle ou à des versements reçus à l'avance en paiement du prix sont rattachés à l'exercice au cours duquel intervient la livraison des biens pour les ventes ou opérations assimilées et l'achèvement des prestations pour les fournitures de services. Toutefois, ces produits doivent être pris en compte : (...) b) Pour les travaux d'entreprise donnant lieu à réception complète ou partielle, à la date de cette réception, même si elle est seulement provisoire ou faite avec réserves, ou à celle de la mise à la disposition du maître de l'ouvrage si elle est antérieure. / La livraison au sens du premier alinéa s'entend de la remise matérielle du bien lorsque le contrat de vente comporte une clause de réserve de propriété (...) ". En l'absence de toute disposition législative définissant les actes ou opérations qui, au regard de la loi fiscale, doivent être regardés comme constitutifs d'une livraison, il y a lieu, lorsque le contrat de vente ne comporte aucune clause de réserve de propriété, de se référer à la " délivrance ", définie à l'article 1604 du code civil comme " le transport de la chose vendue en la puissance et possession de l'acheteur ".

4. Il est constant que M. et Mme B... ont acquis, par acte du 28 décembre 2011, auprès de la SCCV Palluds un appartement avec cave et parking dans le cadre d'une vente en l'état futur d'achèvement pour un montant de 188 000 euros. Ce bien immobilier a fait l'objet d'une livraison en juillet 2013. Dans ces conditions, l'administration était fondée à imposer le produit rectifié résultant de la vente en état de futur achèvement de cet appartement au titre de l'année 2013, au cours de laquelle est intervenue la livraison du bien en application du 2 bis de l'article 38 du code général des impôts. Par suite, le moyen tiré de ce que le produit résultant pour la SCCV Palluds de la cession de l'appartement était imposable au titre de l'exercice clos en 2011 doit être écarté.

En ce qui concerne l'existence d'un acte anormal de gestion :

5. En vertu des dispositions combinées des articles 38 et 209 du code général des impôts, le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion normale. Constitue un acte anormal de gestion l'acte par lequel une entreprise décide de s'appauvrir à des fins étrangères à son intérêt. Il appartient, en règle générale, à l'administration, qui n'a pas à se prononcer sur l'opportunité des choix de gestion opérés par une entreprise, d'établir les faits sur lesquels elle se fonde pour invoquer ce caractère anormal.

S'agissant de la valeur vénale du bien :

6. La valeur vénale d'un bien doit être estimée en se référant au prix qui aurait pu être obtenu par le jeu de l'offre et de la demande à la date où l'acquisition est intervenue. Lorsque l'administration procède à l'évaluation de la valeur vénale d'un immeuble, elle doit se référer à des transactions portant sur l'immeuble même ou sur des immeubles similaires situés à proximité de celui-ci et intervenues à une date proche de celle du fait générateur de l'impôt.

7. Pour déterminer la valeur vénale du bien immobilier cédé par la SCCV Palluds à M. et Mme B..., le service a retenu comme des termes de comparaison, sur la base d'un prix au tantième, des ventes antérieures ou concomitantes portant sur des appartements similaires (T3 en étage élevé avec balcon) livrés par la SCCV Palluds à des tiers non liés à la société. Il a été constaté un écart de prix par tantième substantiel de 23,92 % après avoir déduit les frais de commercialisation.

8. Si la société requérante fait valoir que la méthode d'appréciation par tantième n'est pas probante et est dépourvue de lien avec la valeur vénale de l'immeuble, toutefois elle n'établit pas qu'en se fondant, pour établir la valeur vénale du bien cédé, sur la méthode consistant, pour un lot de copropriété, à retenir les superficies privatives et les tantièmes rattachables pour obtenir une base de comparaison similaire, et non sur la méthode dite des " mètres carrés habitables ", l'administration aurait procédé à une estimation approximative et erronée et ce alors qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'impose à l'administration de procéder à l'évaluation de la valeur vénale d'un immeuble sur la base des mètres carrés habitables. Dans ces conditions, l'administration établit, comme elle en a la charge, l'existence d'un écart significatif de 23,92 % entre le prix convenu et la valeur réelle du bien concerné.

S'agissant de l'existence d'une intention libérale et de l'existence de contreparties :

9. Pour apporter la preuve de ce que la vente en cause, est intervenue dans des conditions étrangères à une gestion commerciale normale, l'administration fiscale relève, outre l'écart significatif entre le prix convenu et la valeur vénale, la circonstance que l'acquéreur était également le dirigeant de la SCCV Palluds et son principal associé, ce qui laisse présumer l'intention libérale du cédant à l'égard du cessionnaire.

10. La SASU SOGIMM Maurice B... Constructeur ne conteste pas cette présomption de libéralité et ne justifie pas de l'existence de contrepartie. Dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme démontrant que la SCCV Palluds s'est délibérément appauvrie à des fins étrangères à son intérêt en procédant à la vente, à son dirigeant, d'un appartement à un prix significativement minoré, témoignant ainsi de l'existence d'un acte anormal de gestion. C'est, par suite à juste titre, en application des règles ci-dessus rappelées que l'administration a réintégré, dans le bénéfice imposable de la SASU SOGIMM Maurice B... Constructeur, le montant de la libéralité correspondante à concurrence de sa quote-part dans la SCCV Palluds.

Sur la majoration pour manquement délibéré :

11. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".

12. Pour appliquer la majoration de 40 % prévue par les dispositions précitées de l'article 1729 du code général des impôts, l'administration a relevé que la SCCV Palluds, la SOGIMM Maurice B... Constructeur et la SOGIMM Patrimoine avait un même représentant légal, M. D... B..., et que l'identité de dirigeant de la SCCV Palluds et de la SASU SOGIMM Maurice B... Constructeur démontrait que cette dernière avait nécessairement connaissance de l'existence des ventes réalisées à un prix minoré et que, par voie de conséquence, elle avait parfaitement conscience de minorer la quote-part de résultat de la SCCV Palluds devant lui revenir. Ce faisant, c'est à bon droit que le service, qui apporte la preuve qui lui incombe de l'intention délibérée du contribuable d'éluder l'impôt, a appliqué la majoration de 40 % pour manquement délibéré.

13. Il résulte de ce qui précède que la SASU SOGIMM Maurice B... Constructeur n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE:

Article 1er : La requête de la SASU SOGIMM Maurice B... Constructeur est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SASU SOGIMM Maurice B... Constructeur et ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 5 mai 2022, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme Evrard, présidente assesseure,

Mme Caraës, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 juin 2022.

La rapporteure,

R. C...

Le président,

D. PruvostLa greffière,

M.-A.... Pillet

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY00181


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY00181
Date de la décision : 02/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-04-02-01-04-082 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. - Bénéfices industriels et commerciaux. - Détermination du bénéfice net. - Acte anormal de gestion.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: Mme Rozenn CARAËS
Rapporteur public ?: Mme VINET
Avocat(s) : JURISOPHIA SAVOIE - BUREAU D'ANNECY

Origine de la décision
Date de l'import : 14/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-06-02;21ly00181 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award