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02/06/2022 | FRANCE | N°20LY02364

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 02 juin 2022, 20LY02364


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SCI Najwil a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014 et du complément d'impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2012, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement nos 1803136, 1905568 du 7 juillet 2020, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédur

e devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 18 août 2020 et le 3 juin 202...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SCI Najwil a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014 et du complément d'impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2012, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement nos 1803136, 1905568 du 7 juillet 2020, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 18 août 2020 et le 3 juin 2021, la SCI Najwil, représentée par Me Tournoud, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la procédure d'imposition est entachée d'une irrégularité substantielle faute, pour l'administration, d'avoir organisé l'entretien avec le supérieur hiérarchique du vérificateur prévu au paragraphe 5 du chapitre III de la charte du contribuable vérifié en dépit du recours hiérarchique qu'elle a présenté avant la mise en recouvrement des impositions ;

- en l'absence de remise en cause du caractère régulier, sincère et probant de la comptabilité, l'administration ne justifie pas les rappels de taxe sur la valeur ajoutée par la méthode qu'elle a retenue, plus imprécise que la comptabilité ;

- l'inscription d'une dette au compte 467110 créditeur ayant été constatée avant le 1er janvier 2008, date d'effet de son option pour l'impôt sur les sociétés, la règle de l'intangibilité des écritures du premier exercice non prescrit ne peut lui être opposée ;

- subsidiairement, à supposer que le service était fondé à écarter les écritures de bilan antérieures à son assujettissement à l'impôt sur les sociétés, il lui appartenait d'écarter également, selon les mêmes règles et les mêmes motifs, les comptes d'actif correspondants.

Par un mémoire, enregistré le 1er mars 2021 et un mémoire non communiqué, enregistré le 25 avril 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par la société appelante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Lesieux, première conseillère,

- les conclusions de Mme Vinet, rapporteure publique,

- et les observations de Me Hakkar, représentant la SCI Najwil ;

Considérant ce qui suit :

1. La SCI Najwil, société soumise à l'impôt sur les sociétés qui exerçait une activité de location de locaux à usage professionnel, a fait l'objet, en 2015, d'une vérification de comptabilité portant, en matière d'impôt sur les sociétés, sur les exercices clos les 31 décembre 2012 et 2013 et, en matière de taxe sur la valeur ajoutée, sur la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014. A l'issue de ce contrôle, le vérificateur a, d'une part, réintégré dans son résultat de l'exercice clos le 31 décembre 2012, premier exercice non prescrit, le solde créditeur d'un compte-courant ouvert au nom de la SARL GIIF d'un montant de 581 104 euros que la société n'a pu justifier et, d'autre part, soumis à la taxe sur la valeur ajoutée les omissions de taxe déclarées révélées par l'examen des écritures comptables de la société. En conséquence de ces redressements, la SCI Najwil s'est vu réclamer, au titre de la période vérifiée, des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée notifiés selon la procédure contradictoire et a été assujettie à un complément d'impôt sur les sociétés, au titre de l'exercice clos en 2012, en application de la procédure de taxation d'office prévue au 2° de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales. La SCI Najwil relève appel du jugement du 7 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses demandes tendant à la décharge de ces impositions et des pénalités dont elles ont été assorties.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Aux termes du dernier alinéa de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales : " Avant l'engagement d'une des vérifications prévues aux articles L. 12 et L. 13, l'administration des impôts remet au contribuable la charte des droits et obligations du contribuable vérifié ; les dispositions contenues dans la charte sont opposables à l'administration ". Aux termes de cette charte, dans sa version de mai 2014 remise à la SCI Najwil avant l'engagement de la vérification de comptabilité : " Si le vérificateur a maintenu totalement ou partiellement les rectifications envisagées, des éclaircissements supplémentaires peuvent vous être fournis si nécessaire par l'inspecteur divisionnaire ou principal ".

3. Ces dispositions assurent au contribuable la garantie substantielle de pouvoir obtenir, avant la clôture de la procédure de redressement, un débat avec le supérieur hiérarchique du vérificateur sur les points où persiste un désaccord avec ce dernier. Il en résulte que lorsque le contribuable sollicite régulièrement, avant la mise en recouvrement des impositions, un entretien en application de ces dispositions, l'administration ne peut, sans entacher la procédure d'irrégularité, procéder au recouvrement de ces impositions avant d'avoir satisfait à cette demande.

4. Il résulte de l'instruction que les rectifications envisagées, notifiées à la SCI Najwil par une proposition de rectification du 7 octobre 2015, ont été intégralement maintenues par le service dans sa réponse aux observations du contribuable, envoyée à la société le 18 décembre 2015. Par un courrier du 9 mars 2016, adressée au supérieur hiérarchique du vérificateur chargé du contrôle, le conseil de la SCI Najwil a confirmé son désaccord en ce qui concerne la question de l'évaluation de l'actif net à la clôture de l'exercice clos en 2012 et a sollicité des éclaircissements sur ce point. La SCI Najwil reproche à l'inspecteur principal de ne pas l'avoir conviée à un entretien et de s'être borné à lui apporter une réponse écrite le 7 avril 2016. Il résulte toutefois de l'instruction que la SCI Najwil n'a pas, dans son courrier du 9 mars 2016, expressément manifesté son intention de demander à bénéficier d'un débat avec le supérieur hiérarchique du vérificateur. Par un second courrier du 7 avril 2016, faisant suite à des échanges téléphoniques avec la SCI, l'inspecteur principal l'a invitée à confirmer par écrit son intention de solliciter un entretien dans le cadre d'un recours hiérarchique. Aucune demande en ce sens ne lui est parvenue avant la mise en recouvrement des impositions litigieuses le 30 décembre 2016. Dans ces conditions, la SCI Najwil n'a pas été privée d'une garantie substantielle. Elle n'est dès lors pas fondée à soutenir que les impositions en litige ont été établies à l'issue d'une procédure irrégulière.

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée collectée :

5. Aux termes de l'article 256 du code général des impôts : " I. -Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel (...) IV. - 1° Les opérations autres que celles qui sont définies au II, notamment la cession ou la concession de biens meubles incorporels, le fait de s'obliger à ne pas faire ou à tolérer un acte ou une situation, les opérations de façon, les travaux immobiliers et l'exécution des obligations du fiduciaire, sont considérés comme des prestations de services (...) ". Aux termes de l'article 269 de ce code : " 1. Le fait générateur de la taxe se produit : / a) Au moment où la livraison, l'acquisition intracommunautaire du bien ou la prestation de services est effectué (...) 2. La taxe est exigible : (...) c) Pour les prestations de services autres que celles visées au b bis, lors de l'encaissement des acomptes, du prix, de la rémunération ou, sur option du redevable, d'après les débits (...) ".

6. Il résulte de l'instruction que l'administration, qui n'a pas écarté la comptabilité de la SCI Najwil, a mis en évidence les insuffisances de taxe déclarée en recalculant les chiffre d'affaires de chacun des exercices clos en 2012, 2013 et 2014 à partir des encaissements figurant sur ses relevés bancaires mensuels, qu'elle a confrontés aux écritures comptables, en particulier les soldes des produits et ceux des comptes clients, corrigés de leur variation entre l'ouverture et la clôture de chacune des périodes considérées. La SCI n'est ainsi pas fondée à soutenir que l'administration a recouru à une méthode d'évaluation moins précise que les écritures comptabilisées et ce au demeurant alors qu'il résulte de l'instruction que le compte 445800 " Régularisation de TVA collectée ", arrêté à la clôture de chaque exercice comptable présentait les mêmes montants de taxe sur la valeur ajoutée collectée due, non reversés au Trésor.

En ce qui concerne l'impôt sur les sociétés :

7. Aux termes de l'article 38 du code général des impôts : " 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés (...) 4 bis. Pour l'application des dispositions du 2, pour le calcul de la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de l'exercice, l'actif net d'ouverture du premier exercice non prescrit déterminé, sauf dispositions particulières, conformément aux premier, deuxième et troisième alinéas de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales ne peut être corrigé des omissions ou erreurs entraînant une sous-estimation ou surestimation de celui-ci. / Les dispositions du premier alinéa ne s'appliquent pas lorsque l'entreprise apporte la preuve que ces omissions ou erreurs sont intervenues plus de sept ans avant l'ouverture du premier exercice non prescrit. / Elles ne sont pas non plus applicables aux omissions ou erreurs qui résultent de dotations aux amortissements excessives au regard des usages mentionnés au 2° du 1 de l'article 39 déduites sur des exercices prescrits ou de la déduction au cours d'exercices prescrits de charges qui auraient dû venir en augmentation de l'actif immobilisé. / Les corrections des omissions ou erreurs mentionnées aux deuxième et troisième alinéas restent sans influence sur le résultat imposable lorsqu'elles affectent l'actif du bilan. Toutefois, elles ne sont prises en compte ni pour le calcul des amortissements ou des provisions, ni pour la détermination du résultat de cession ".

8. En application de ces dispositions, dans l'hypothèse où le bénéfice imposable d'un exercice a été déterminé par différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de l'exercice et où son montant a servi de base à une imposition qui est devenue définitive en raison de l'expiration du délai de répétition, les erreurs qui ont entraîné une sous-estimation ou une surestimation de l'actif net ressortant du bilan de clôture de cet exercice peuvent être ultérieurement corrigées, à l'initiative du contribuable ou à celle de l'administration à la suite d'une vérification, dans les bilans des exercices non couverts par la prescription et, par suite, dans les bilans d'ouverture de ces exercices à l'exception du premier.

9. Il résulte de l'instruction que, lors des opérations de contrôle, le vérificateur a constaté qu'un compte-courant ouvert au nom de la SARL GIIF présentait un solde créditeur de 581 104 euros, figurant au passif du bilan de la SCI Najwil, sans que cette dernière ne soit en mesure de justifier de l'origine de cette dette et ce alors que la SARL GIIF et la SCI Najwil ont le même gérant, M. B..., par ailleurs associé de ces deux sociétés. La SCI Najwil soutient que le solde créditeur de ce compte-courant apparaissait déjà dans sa comptabilité de l'exercice clos en 2007, année au cours de laquelle elle relevait du régime d'imposition des sociétés de personnes, et que la somme en cause n'est que la reprise de soldes antérieurs. Cette circonstance n'est toutefois pas de nature à remettre en cause la règle d'intangibilité du bilan d'ouverture du premier exercice non prescrit et ce alors que la SCI ne justifie ni même n'allègue relever des exceptions à cette règle posée par les deuxième et troisième alinéas du 4 bis de l'article 38 du code général des impôts. Il en résulte que l'administration était fondée à réintégrer la somme de 581 104 euros dans le bénéfice imposable de la SCI Najwil de l'exercice clos en 2012 en application du 2 de l'article 38 du code général des impôts.

10. Il résulte en outre de l'instruction qu'au cours de la vérification de comptabilité, le vérificateur a constaté la comptabilisation, à l'actif du bilan, d'un solde débiteur du compte-courant d'associé ouvert au nom de M. B..., que la société n'a pas été en mesure de justifier. L'administration, qui n'a tiré aucune conséquence de ses constatations sur le bénéfice imposable de la SCI Najwil, a considéré que les sommes de 575 415 euros et 2 411 euros constituaient des revenus distribués entre les mains de M. B... sur le fondement du a. de l'article 111 du code général des impôts au titre respectivement des années 2012 et 2013. Si la SCI Najwil, qui soutient que le solde débiteur de ce compte-courant d'associé constitue la reprise des soldes antérieurs à la date à laquelle elle a opté pour son assujettissement à l'impôt sur les sociétés, entend demander, à titre subsidiaire, que cette écriture soit remise en cause au titre de l'exercice clos en 2012, pour les mêmes motifs que ceux ayant conduit l'administration fiscale à réintégrer le solde créditeur du compte courant ouvert au nom de la SARL GIIF dans ses résultats, ce moyen n'est pas assorti des précisions permettant d'en apprécier la portée et ne peut dès lors qu'être écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède que la SCI Najwil n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Ses conclusions présentées au titre des frais du litige doivent en conséquence être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SCI Najwil est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Najwil et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré après l'audience du 5 mai 2022 à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président,

Mme Evrard, présidente-assesseure,

Mme Lesieux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 2 juin 2022.

La rapporteure,

S. LesieuxLe président,

D. Pruvost

La greffière,

M.-A.... Pillet

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

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N° 20LY02364


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