Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Dijon :
1°) d'annuler la décision de la commission départementale d'aménagement foncier de Bouix Cerilly et Etrochey du 2 mai 2016 ;
2°) de mettre à la charge de la commission départementale d'aménagement foncier de Bouix Cerilly et Etrochey la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1601931 du 28 juin 2019, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 22 août 2019, M. B..., représenté par Me Fosseprez, demande à la cour :
1°) à titre principal, d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 28 juin 2019 et d'annuler la décision de la commission départementale d'aménagement foncier de Bouix Cerilly et Etrochey du 2 mai 2016 ;
2°) de mettre à la charge de la commission départementale d'aménagement foncier de Bouix Cerilly et Etrochey une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
3°) à titre subsidiaire, avant dire droit, d'ordonner la désignation d'un expert foncier.
M. B... soutient que :
- le tribunal administratif a méconnu les conclusions de l'expert De B... et sa méthodologie concluant à un déséquilibre grave des conditions de son exploitation ;
- le tribunal administratif a méconnu des preuves complémentaires provenant des attestations de professionnels agricoles accréditant le déséquilibre grave des conditions de l'exploitation du fait des attributions ;
- le tribunal administratif a méconnu les preuves complémentaires apportées par l'expert sur le manque de polyvalence des sols argileux restitués vis-à-vis de la culture de l'orge de printemps et la confirmation de cette analyse par l'Institut Végétal de Côte d'Or Arvalis, qui réalise plus de 1 700 essais culturaux par an ;
- le déséquilibre grave des conditions de l'exploitation résulte du manque de polyvalence des terres restituées par rapport aux cultures traditionnelles de l'exploitation, à savoir les orges des printemps ;
- l'expert De B... a constaté des erreurs significatives dans le rapport d'expertise judiciaire ;
- les valeurs correspondant à la productivité réelle des parcelles ne peuvent être retenues puisque certaines parcelles d'apport ont été sous évaluées, alors que des parcelles de restitution ont été surévaluées au regard des constatations parcellaires faits par l'expertise De B... ;
- la décision viole l'article 1er du protocole additionnel de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense enregistré le 21 novembre 2019, le département de la Côte-d'Or, représenté par la SCP Chaton-Grillon-Brocard-Gire :
1°) conclut au rejet de la requête ;
2°) demande qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de M. B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que les moyens présentés par le requérant ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le protocole additionnel de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Fédi, président-assesseur,
- les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public,
- et les observations de Me Gire, représentant le département de la Côte d'Or ;
Considérant ce qui suit :
1. Par délibération en date du 5 octobre 2009, à la demande des communes de Bouix, Cerilly et Etrochey, le département de la Côte-d'Or a ordonné l'ouverture d'opérations d'aménagement foncier et agricole. La commission intercommunale d'aménagement foncier (CIAF) a élaboré un projet d'aménagement foncier, agricole et forestier, qui a été soumis à enquête publique et adopté par délibération du 5 juin 2014. Le 3 septembre 2014, M. B..., agriculteur dont le siège d'exploitation se situe sur le territoire de la commune de Cerilly, a présenté un recours devant la commission départementale d'aménagement foncier (CDAF) à l'encontre de la décision prise par la CIAF concernant les comptes n° 1420 et 1440, le compte 1420 regroupant ses biens propres et le compte 1440 ses biens de communauté. Cette réclamation a été rejetée par décision du 6 mars 2015, laquelle a été annulée par jugement du tribunal administratif de Dijon du 23 novembre 2015. La commission a de nouveau examiné la réclamation de M. B..., et l'a rejetée par décision du 2 mai 2016. Sur demande de M. B..., le juge des référés du tribunal administratif de Dijon, par ordonnance n° 1601932 du 26 septembre 2016, a ordonné une expertise contradictoire en présence de M. B... et du département de la Côte-d'Or et a désigné, en qualité d'expert, M. A......, en confiant à ce dernier les missions de décrire la consistance, la caractéristique des sols, l'historique des rendements sur les six dernières années, les conditions de production et les choix culturaux les plus adaptés, de comparer cette évaluation aux apports et restitutions des parcelles témoins retenues dans le cadre des opérations de remembrement de Cerilly, Bouix et Sainte Colombes et de déterminer si les parcelles attribuées pour l'ensemble des comptes sont équivalentes aux parcelles apportées au regard de la surface et de la productivité. L'expert a remis son rapport le 27 mars 2019. M. B... a demandé l'annulation de la décision du 2 mai 2016. Le tribunal administratif de Dijon a rejeté la demande de M. B... par un jugement du 28 juin 2019 dont il relève appel.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article L. 121-1 du code rural et de la pêche maritime : " L'aménagement foncier rural a pour but d'améliorer les conditions d'exploitation des propriétés rurales agricoles ou forestières (...) " et aux termes de l'article L. 123-1 du même code : " L'aménagement foncier agricole (...) applicable aux propriétés rurales non bâties, se fait au moyen d'une nouvelle distribution des parcelles morcelées et dispersées. / Il a principalement pour but, par la constitution d'exploitations rurales d'un seul tenant ou à grandes parcelles bien groupées, d'améliorer l'exploitation agricole des biens qui y sont soumis. (...). Sauf accord des propriétaires et exploitants intéressés, le nouveau lotissement ne peut allonger la distance moyenne des terres au centre d'exploitation principale, si ce n'est dans la mesure nécessaire au regroupement parcellaire ". L'article L. 123-4 du code rural et de la pêche maritime précise en outre : " Chaque propriétaire doit recevoir, par la nouvelle distribution, une superficie globale équivalente, en valeur de productivité réelle, à celle des terrains qu'il a apportés, déduction faite de la surface nécessaire aux ouvrages collectifs mentionnés à l'article L. 123-8 et compte tenu des servitudes maintenues ou créées. (...) Sauf accord exprès des intéressés, l'équivalence en valeur de productivité réelle doit, en outre, être assurée par la commission communale dans chacune des natures de culture qu'elle aura déterminées. (...). ". Enfin, selon les dispositions de l'article R. 123-3 du même code : " Les opérations définies aux articles R. 123-1 et R. 123-2 prennent en considération l'état des fonds à la date de la délibération du conseil départemental ou, en cas d'application de l'article L. 123-24, de l'arrêté de son président ordonnant l'opération d'aménagement foncier. ". Ces dispositions ne garantissent aux propriétaires ni une égalité absolue entre la surface qui leur est attribuée et celle de leurs apports, ni une équivalence parcelle par parcelle ou classe par classe entre ces terres. Les commissions d'aménagement foncier sont seulement tenues d'attribuer des lots équivalents en valeur de productivité réelle aux apports de chaque propriétaire après déduction de la surface nécessaire aux ouvrages collectifs. L'aggravation éventuelle des conditions d'exploitation et la règle de l'équivalence entre les apports et les attributions s'apprécient, non parcelle par parcelle, mais pour l'ensemble d'un compte de propriété et selon la valeur de productivité réelle des sols, indépendamment de la valeur vénale, locative ou cadastrale des parcelles.
3. Il résulte des termes de la décision attaquée que, pour écarter les arguments du rapport d'expertise réalisés par M. de B... à la demande de M. B..., la commission a estimé que la méthodologie suivie par ce dernier, d'une part, ne faisait pas référence de façon explicite aux parcelles témoins ou ne le faisait que de façon partielle sans indiquer la ou les parcelles témoins définies par la commission intercommunale, d'autre part, se fondait sur une comparaison parcelle par parcelle en confondant les deux comptes d'apport, la commission estimant qu'elle n'entendait pas retenir les éléments d'expertise présentés par l'intéressé à l'appui de sa réclamation. Ce faisant, en écartant cette expertise, qui au demeurant n'était pas contradictoire, les premiers juges, ont fait une exacte application des dispositions de l'article L. 121-1 du code rural et de la pêche maritime, alors même, et en tout état de cause, que M. B... n'établit pas que les conditions de son exploitation se soient aggravées et que la commission départementale ait ainsi commis une erreur d'appréciation.
4. De même, M. B... ne peut utilement se prévaloir, pour soutenir que le tribunal administratif a méconnu des preuves complémentaires, à savoir les attestations de professionnels agricoles accréditant un déséquilibre grave des conditions de son exploitation, dès lors que ces témoignages ne peuvent être regardés comme ayant une quelconque valeur probante compte tenu de leur caractère subjectif et du fait qu'ils ne reposent sur aucune méthode objective de classement telle que celle définie, par exemple, par la commission intercommunale.
5. En se bornant à produire un simple mail du 14 janvier 2019, lequel au demeurant aurait dû faire l'objet d'une transmission à l'expert désigné par le tribunal administratif, M. B... n'établit pas que le tribunal administratif aurait méconnu les preuves complémentaires apportées par l'expert De B... sur le manque de polyvalence des sols argileux restitués vis-à-vis de la culture de l'orge de printemps et la confirmation de cette analyse par l'Institut Végétal de Côte-d'Or Arvalis qui réalise plus de 1 700 essais culturaux par an. En tout état de cause, la critique de M. B..., qui ne concerne qu'un seul secteur du remembrement, doit être écartée, dès lors que l'aggravation éventuelle des conditions d'exploitation et la règle de l'équivalence entre les apports et les attributions s'apprécient, non parcelle par parcelle, mais pour l'ensemble d'un compte de propriété et selon la valeur de productivité réelle des sols.
6. De même si M. B... soutient que le déséquilibre grave des conditions de l'exploitation résulte, d'une part, du manque de polyvalence des terres argileuses restituées, qui ne se prêtent pas à la culture de l'orge de printemps par rapport aux cultures traditionnelles de l'exploitation, d'autre part, de la baisse du rendement actuel de la marge brute globale très rémunératrice qui affectera les 125 hectares concernés par le remembrement, enfin d'un manque à gagner annuel de 18 000 euros, auquel s'ajoute le surcoût lié à la location du site de stockage et au transport de la paille, il n'est pas sérieusement contesté que l'expert judiciaire désigné par le tribunal administratif a précisé, dans son rapport, sans que ses conclusions soient sérieusement remises en cause de manière pertinente par l'appelant, que ce dernier n'était pas dans l'impossibilité de cultiver de l'orge de printemps et que le préjudice allégué ne pouvait être retenu. Par suite, le moyen doit être écarté.
7. La circonstance, à la supposer même établie, que l'expertise De B... ait constaté des erreurs significatives dans le rapport d'expertise judiciaire, reste sans incidence sur la décision attaquée, dès lors que cette expertise, non contradictoire, n'établit pas que les conditions de l'exploitation se sont aggravées.
8. M. B... réitère en appel, sans les assortir d'éléments nouveaux, ses moyens tirés de ce que les valeurs correspondant à la productivité réelle des parcelles ne peuvent être retenues puisque certaines parcelles d'apport ont été sous-évaluées, alors que des parcelles de restitution ont été surévaluées, au regard des constatations parcellaires faites par l'expertise De B.... Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges dans les points 6 à 13 du jugement attaqué. Par ailleurs, les circonstances, notamment tirées de la nécessité d'enlever les pierres, pour un devis de 8 655 euros, de remettre en état la parcelle Champs Percè YN, d'une superficie de 2,76 ha, restituée en voie de Bissey qui serait une véritable poche d'eau et de ce que, pour l'attribution des parcelles ZX Les Russiles et Sous Têtes, le drainage serait défectueux, ne sont pas suffisantes pour établir que la commission départementale d'aménagement foncier aurait méconnu la règle d'équivalence posée par l'article L. 123-4 du code rural et que l'échange de parcelles aurait un caractère inéquitable ou encore, ainsi qu'il a été déjà dit, que la commission aurait aggravé les conditions de l'exploitation de M. B.... De même, la comparaison invoquée ne saurait être retenue dès lors qu'elle ne tient pas compte des avantages que lui procure l'opération de remembrement. En outre, il est constant que l'appelant gagne d'une part, 2,47 % en superficie et 0,46 % en points pour le compte 1420, d'autre part, 1,96 % en superficie et 0,3 % en points pour le compte 1440. De même, pour la distance d'éloignement des attributions par rapport au centre de l'exploitation, la distance moyenne pondérée globale de l'exploitation de M. B... passe de 1,96 km avant remembrement à 1,91 km après l'aménagement foncier.
9. L'article 1er du protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales énonce que : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. / Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes ". Une personne ne peut prétendre au bénéfice de ces stipulations que si elle peut faire état de la propriété d'un bien qu'elles ont pour objet de protéger et à laquelle il aurait été porté atteinte. En l'espèce, puisque M. B..., ainsi qu'il a été dit, gagne en points et en superficie, ne remet pas en cause sérieusement la méthode de calcul opérée par la CDAF et ne justifie pas que l'opération conduirait à une détérioration des conditions de son exploitation, il n'est pas fondé à soutenir que la décision méconnaitrait les stipulations de l'article 1er du protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
10. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une nouvelle expertise, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du département de la Côte-d'Or, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par M. B.... Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... une somme de 1 000 euros à verser au département de la Côte-d'Or, au titre de ces mêmes dispositions.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : M. B... versera au département de la Côte-d'Or une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au département de la Côte-d'Or.
Délibéré après l'audience du 17 mai 2022, à laquelle siégeaient :
M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,
M. Gilles Fédi, président-assesseur,
Mme Sophie Corvellec, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er juin 2022.
Le rapporteur,
Gilles FédiLe président,
Jean-Yves Tallec
La greffière,
Sandra Bertrand
La République mande et ordonne au préfet de Côte-d'Or en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
2
N° 19LY03296