Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 22 juin 2021 par lequel la préfète de l'Ain lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle sera éloignée en cas d'exécution d'office de la mesure d'éloignement.
Par un jugement n° 2108375 du 28 janvier 2022, le tribunal administratif de Lyon a annulé cet arrêté, a enjoint à la préfète de l'Ain de délivrer à Mme B... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser au conseil de Mme B... en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que son conseil renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Procédure devant la cour
I) Par une requête enregistrée sous le n° 22LY00527 le 16 février 2022, la préfète de l'Ain demande à la cour de prononcer le sursis à l'exécution de ce jugement du 28 janvier 2022, en application de l'article R. 811-15 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- il existe un doute sérieux quant au bien-fondé du motif d'annulation retenu par le tribunal ; c'est à tort que les premiers juges ont estimé que le refus de titre de séjour méconnaît l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;
- les autres moyens soulevés en première instance ne sont pas fondés.
Par un mémoire enregistré le 25 avril 2022, Mme B..., représentée par Me Paquet, conclut au rejet des requêtes susvisées et à ce que l'Etat verse à son conseil la somme de 1 800 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
La clôture de l'instruction a été fixée au 27 avril 2022 par une ordonnance du 12 avril précédent prise en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
Par une décision du 23 mars 2022, le bureau d'aide juridictionnelle a admis Mme B... à l'aide juridictionnelle totale.
II) Par une requête enregistrée sous le n° 22LY00528 le 16 février 2022, la préfète de l'Ain demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 28 janvier 2022 ;
2°) de rejeter la demande de Mme B....
Elle soutient que :
- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que le refus de titre de séjour méconnaît l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;
- les autres moyens soulevés en première instance ne sont pas fondés.
Par un mémoire enregistré le 25 avril 2022, Mme B..., représentée par Me Paquet, conclut au rejet des requêtes susvisées et à ce que l'Etat verse à son conseil la somme de 1 800 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
La clôture de l'instruction a été fixée au 27 avril 2022 par une ordonnance du 12 avril précédent prise en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
Par une décision du 23 mars 2022, le bureau d'aide juridictionnelle a admis Mme B... à l'aide juridictionnelle totale.
Dans les deux requêtes la préfète de l'Ain a produit le 10 mai 2022 un mémoire en réplique qui n'a pas été communiqué arrivé après clôture de l'instruction.
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
La présidente de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Christine Psilakis, rapporteure,
- les observations de Me Paquet pour Mme B... ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme C... B..., ressortissante guinéenne née en 1975, est entrée en France selon ses déclarations en août 2017 avec deux de ses enfants mineurs. Sa demande d'asile a été définitivement rejetée par décision de la Cour nationale du droit d'asile du 6 décembre 2018. La préfète de l'Ain a pris à son encontre un premier arrêté du 22 février 2019, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de destination. Mme B... en a demandé l'annulation devant le tribunal administratif de Lyon mais sa demande a été rejetée en dernier lieu par un arrêt de la cour administrative d'appel du 25 août 2020. Mme B... a déposé, le 11 juillet 2019, une demande de titre de séjour en se prévalant de son état de santé et a renouvelé sa demande qui a été finalement enregistrée en préfecture le 18 décembre 2020. La préfète de l'Ain a, par arrêté du 22 juin 2021, refusé la délivrance de ce titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination en cas d'exécution d'office de la mesure d'éloignement. La préfète de l'Ain relève appel et demande le sursis à exécution du jugement du 28 janvier 2022 par lequel le tribunal administratif de Lyon a annulé son arrêté du 22 juin 2021.
2. Il y a lieu de joindre pour qu'elles fassent l'objet du même arrêt les requêtes visées ci-dessus de la préfète de l'Ain tendant respectivement à l'annulation et au sursis à exécution du même jugement.
Sur les conclusions de la requête n° 22LY00528 :
En ce qui concerne le bien-fondé du jugement :
3. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (...). ".
4. Pour refuser d'admettre au séjour Mme B..., la préfète de l'Ain s'est appropriée l'avis rendu par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), le 18 avril 2021, estimant que si l'état de santé de la requérante nécessite une prise en charge médicale, un éventuel défaut de soins ne devrait pas être de nature à entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité, l'avis précisant en outre que l'intéressée peut voyager sans risque vers son pays d'origine.
5. Pour annuler l'arrêté en litige, le tribunal s'est notamment fondé sur la circonstance que l'intimée a bénéficié d'un avis favorable du collège de médecins de l'OFII le 23 mars 2020 préconisant la poursuite de soins durant neuf mois ainsi que sur les certificats médicaux établis par son médecin psychiatre des 25 octobre 2019, 15 mai 2020 et 7 octobre 2021, indiquant, notamment pour celui établi postérieurement à la date de la décision attaquée, que Mme B... " présente un risque d'effondrement psychique accru en raison des évènements en Guinée " et évoquent " un risque de décompensation majeur et de passage à l'acte suicidaire ". Toutefois, et en l'absence d'autres éléments, ces certificats médicaux ne permettent pas d'établir le lien entre la pathologie dont souffre l'intimée et les évènements vécus en Guinée et ne permettent pas, de même que les ordonnances prescrivant son traitement versées aux débats, de remettre en cause l'analyse du collège de médecins de l'OFII, composé notamment de deux médecins psychiatres que s'est appropriée la préfète et rappelée au point 4. Dans ces conditions, la préfète de l'Ain est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a retenu, pour annuler sa décision de refus de séjour, que les dispositions précitées au point 3 avaient été méconnues.
6. Il appartient dès lors à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme B... tant en première instance qu'en appel.
En ce qui concerne les autres moyens soulevés par Mme B... :
7. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que le collège de médecins de l'OFII, composé de trois médecins, a rendu un avis le 18 avril 2021 après avoir été saisi d'un rapport médical établi le 31 mars 2021 par un médecin instructeur dont l'identité est différente des membres du collège de médecins de l'OFII. Dans ces conditions le moyen tiré de ce que l'arrêté en litige aurait été pris à l'issue d'une procédure irrégulière doit être écarté comme manquant en fait.
8. En deuxième lieu, Mme B... soutient que la procédure suivie avant l'édiction de l'arrêté en litige viole le secret médical dès lors qu'au cours de son rendez-vous en préfecture le 24 septembre 2020, elle a remis des documents médicaux la concernant à l'agent au guichet alors que ces documents, couverts par le secret médical, n'étaient pas sous pli fermé à destination du médecin instructeur. Il ressort toutefois des pièces du dossier que l'intimée a pu déposer sous pli fermé à destination du médecin instructeur les documents médicaux la concernant au cours d'un rendez-vous fixé ultérieurement, le 18 décembre 2020, et que seuls ces derniers documents ont fondé la décision en litige, le premier dépôt de documents n'ayant pas donné lieu à l'enregistrement d'une demande de titre de séjour. Dans ces conditions, et alors que les circonstances évoquées par l'intimée n'ont eu aucune influence sur le sens de la décision attaquée, le moyen tiré de ce que l'arrêté en litige a été pris au terme d'une procédure violant le secret médical n'est pas fondé et doit être écarté.
9. En troisième lieu, si l'intimée fait état d'erreurs de fait dont serait entaché l'arrêté en litige, notamment s'agissant de la minorité de son fils aîné et de ce qu'elle n'a jamais été mise en possession d'un récépissé de demande de titre de séjour et si elle évoque des dysfonctionnements du guichet de la préfecture ayant précédé l'enregistrement de sa demande de titre de séjour, l'ensemble de ces circonstances ne suffisent toutefois pas à établir un défaut d'examen particulier de sa demande.
10. En quatrième lieu, Mme B... ne peut utilement invoquer la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant en se prévalant de la situation de son aîné, lequel, né en 2001, est majeur à la date de la décision en litige. Par ailleurs, si Mme B... se prévaut de la méconnaissance de ces stipulations au bénéfice de son fils né en 2007, il ressort toutefois des pièces du dossier que ce dernier peut poursuivre sa scolarité en Guinée où il a vocation à retourner avec sa mère et son frère.
11. En cinquième lieu, il ressort des pièces du dossier que l'intimée est entrée en France, où elle ne possède aucune attache privée et familiale, accompagnée de deux de ses enfants mineurs. Si Mme B... soutient que la poursuite de sa vie privée et familiale en Guinée est impossible, dès lors qu'elle est toujours sans nouvelles de son époux membre d'un parti d'opposition interpellé en 2013, et qu'elle y serait exposée à des menaces et des agressions physiques, aucune pièce du dossier ne vient toutefois corroborer ses allégations, de sorte que l'intéressée, dont la demande d'asile a, au demeurant, été définitivement rejetée par la cour nationale du droit d'asile, ne justifie pas être exposée à des mauvais traitements en cas de retour dans ce pays où elle a vécu jusqu'à l'âge de quarante-deux ans et où elle conserve nécessairement des attaches personnelles. Enfin, si deux des enfants de A... B... démontrent une volonté d'intégration, en réalisant notamment une scolarité méritante, l'ensemble de ces circonstances n'est pas de nature à démontrer qu'en lui refusant un titre de séjour et en lui faisant obligation de quitter le territoire français, la préfète de l'Ain a entaché sa décision d'une violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni d'une erreur manifeste d'appréciation.
12. En sixième lieu, pour les motifs indiqués au point précédent, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination méconnaitrait l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
13. En septième et dernier lieu, aux termes de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision. / L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. / Elle peut prolonger le délai accordé pour une durée appropriée s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. L'étranger est informé par écrit de cette prolongation. ".
14. L'arrêté du 22 juin 2021 fixe le délai de départ volontaire à trente jours. Si l'intimée évoque la scolarité de ses deux enfants présents en France et la difficulté à voyager en période de pandémie pour contester ce délai, toutefois ces circonstances ne sont pas de nature à établir que la préfète aurait entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation en n'accordant pas un délai supérieur.
15. Il résulte de tout ce qui précède que la préfète de l'Ain est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lyon a annulé son arrêté du 22 juin 2021 et partant à en demander l'annulation ainsi que le rejet de la demande de Mme B....
16. Les conclusions à fin d'annulation de Mme B... étant rejetées, ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à la préfète de l'Ain de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions des articles 37 de loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative doivent être également rejetées.
Sur les conclusions de la requête n° 22LY00527 aux fins de sursis à exécution :
17. Le présent arrêt statue sur la requête de la préfète de l'Ain tendant à l'annulation du jugement attaqué. Par suite, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement.
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 22LY00527 aux fins de sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Lyon du 28 janvier 2022.
Article 2 : Le jugement n° 2108375 du 28 janvier 2022 du tribunal administratif de Lyon est annulé.
Article 3 : La demande de Mme B... devant le tribunal administratif de Lyon ainsi que ses conclusions en appel sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme C... B.... Copie en sera adressée à la préfète de l'Ain.
Délibéré après l'audience du 10 mai 2022 à laquelle siégeaient :
Mme Danièle Déal, présidente,
M. Thierry Besse, président-assesseur,
Mme Christine Psilakis, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 mai 2022.
La rapporteure,
Christine PsilakisLa présidente,
Danièle Déal
La greffière,
Fabienne Prouteau
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 22LY00527, N° 22LY00528