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25/05/2022 | FRANCE | N°21LY01281

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre, 25 mai 2022, 21LY01281


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les arrêtés du 7 avril 2021 par lesquels le préfet de l'Isère, d'une part, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et prononcé à son encontre une interdiction de retour d'une durée d'un an, d'autre part, l'a assigné à résidence dans le département de l'Isère pour une durée de quarante-cinq jours renouvelable une fois.

Par un jugement n° 2102252 du 14 avril 2021, le magistrat désigné par le président

du tribunal administratif de Grenoble, après avoir admis M. A... B..., à titre provisoire...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les arrêtés du 7 avril 2021 par lesquels le préfet de l'Isère, d'une part, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et prononcé à son encontre une interdiction de retour d'une durée d'un an, d'autre part, l'a assigné à résidence dans le département de l'Isère pour une durée de quarante-cinq jours renouvelable une fois.

Par un jugement n° 2102252 du 14 avril 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble, après avoir admis M. A... B..., à titre provisoire, au bénéfice de l'aide juridictionnelle, a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 23 avril 2021, M. A... B..., représenté par Me Schürmann, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble du 14 avril 2021 ;

2°) d'annuler les arrêtés du préfet de l'Isère du 7 avril 2021 ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement sous astreinte de 150 euros par jours de retard ou, à défaut, de lui délivrer une carte de séjour temporaire " vie privée et familiale ", ou à défaut, de réexaminer sa situation dans le même délai et sous la même astreinte, et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le refus de titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire français ont été rendus par une autorité incompétente ;

- ces décisions sont entachées d'une insuffisance de motivation et d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- ces décisions sont entachées d'une erreur de droit dès lors que le préfet n'a pas instruit la demande de titre de séjour ;

- ces décisions ont été prises en méconnaissance de son droit à être entendu ;

- ces décisions sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- l'interdiction de retour sur le territoire français est entachée d'une insuffisance de motivation et d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- cette décision méconnaît le III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'assignation à résidence méconnaît l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en l'absence de perspective d'éloignement raisonnable.

Par un mémoire enregistré le 28 mai 2021, le préfet de l'Isère conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés sont infondés.

Par décision du 12 mai 2021, le bureau d'aide juridictionnelle a rejeté la demande d'aide juridictionnelle formée par M. A... B....

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique, le rapport de Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère ;

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 7 avril 2021, le préfet de l'Isère a prononcé à l'encontre de M. A... B..., ressortissant tunisien, né le 17 janvier 1985, une obligation de quitter le territoire français sans délai et assorti cette décision d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. Par un arrêté du même jour, le préfet a assigné l'intéressé à résidence dans le département de l'Isère pour une durée de quarante-cinq jours renouvelable une fois. Les conclusions de M. A... B... dirigées contre un prétendu refus de titre de séjour résultent d'une simple erreur matérielle, ce dernier relevant appel du jugement du 14 avril 2021 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation de ces arrêtés.

Sur la légalité des arrêtés du 7 avril 2021 :

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

2. En premier lieu, M. A... B... reprend en appel ses moyens de première instance tirés de l'incompétence, du défaut de motivation et de l'absence d'examen particulier de sa situation. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs du jugement attaqué.

3. En deuxième lieu, M. A... B... est entré en France en septembre 2019, sous couvert d'un visa de long séjour afin de rejoindre son épouse française. Il s'est maintenu sur le territoire français, sans solliciter la délivrance d'un titre de séjour, après l'expiration de son visa le 26 août 2020. Si M. A... B... indique qu'il avait obtenu un rendez-vous à la préfecture de l'Isère afin de solliciter un titre de séjour en qualité de conjoint de français, une telle circonstance ne faisait pas obstacle à ce qu'une obligation de quitter le territoire français soit prise à son encontre. En tout état de cause, la délivrance de la carte de séjour, mentionnée au 4° de l'article L. 313-11, est subordonnée au fait que la communauté de vie n'ait pas cessé, condition que le requérant ne démontre pas satisfaire, de sorte qu'il ne pouvait prétendre de plein droit à l'obtention de ce titre de séjour à la date de la décision en litige.

4. En troisième lieu, ainsi que la Cour de justice de l'Union européenne l'a jugé dans ses arrêts C-166/13 et C-249/13 des 5 novembre et 11 décembre 2014, le droit d'être entendu préalablement à l'adoption d'une décision de retour implique que l'autorité administrative mette le ressortissant étranger en situation irrégulière à même de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur l'irrégularité de son séjour et les motifs qui seraient susceptibles de justifier que l'autorité s'abstienne de prendre à son égard une décision de retour. Il n'implique toutefois pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français ni davantage sur celles fixant le délai de départ volontaire ou le pays de destination dès lors que l'intéressé a pu être entendu sur l'irrégularité du séjour ou la perspective de l'éloignement.

5. Il ressort des pièces du dossier et notamment du procès-verbal d'audition signé par M. A... B... qu'il a été entendu par les services de police le 7 avril 2021 dans le cadre d'une garde à vue pour violence volontaire sur conjoint en ce qui concerne sa situation personnelle et administrative. Dans ce cadre, il a déclaré avoir l'intention de se conformer à la décision qui pourrait être prise par les autorités compétentes. M. A... B... a eu, ainsi, la possibilité, de faire connaître des observations utiles et pertinentes de nature à influer sur la décision prise à son encontre. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français méconnaîtrait le principe général du droit d'être entendu, qui est au nombre des principes fondamentaux du droit de l'Union européenne et qui est notamment énoncé à l'article 41 de la Charge des droits fondamentaux de l'Union européenne, doit être écarté.

6. A la date de la mesure d'éloignement contestée, M. A... B... était présent en France depuis moins de deux ans, alors qu'il a vécu jusqu'à l'âge de 34 ans en Tunisie. Son épouse française a porté plainte contre lui pour violences conjugales, faits pour lesquels il avait déjà été interpellé en décembre 2019. Dans ces circonstances, le requérant n'est pas fondé à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français en litige serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :

7. M. A... B..., qui ne conteste pas qu'il s'est vu légalement refuser tout délai de départ volontaire pour exécuter l'obligation de quitter le territoire prise à son encontre, n'établit l'existence d'aucune circonstance humanitaire qui aurait pu justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour sur le territoire français à son encontre.

8. Pour prononcer à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français, le préfet de l'Isère, qui a procédé à l'examen de la situation du requérant au regard de l'ensemble des critères définis au III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur, a principalement relevé la brièveté de son séjour sur le territoire français, la circonstance que son épouse est victime de violences, qu'il n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, qu'il se maintient irrégulièrement sur le territoire français où sa présence constitue une menace à l'ordre public. Ce faisant, le préfet a suffisamment motivé sa décision.

9. Compte tenu notamment de ce qui a été dit aux points 3 à 6, M. A... B... n'est pas fondé à soutenir que l'interdiction de retour sur le territoire français prononcée à son encontre, d'une durée d'une année, serait entachée d'une erreur d'appréciation.

En ce qui concerne l'assignation à résidence :

10. M. A... B... soutient que la perspective d'éloignement ne peut être considérée comme raisonnable du fait du contexte sanitaire. Toutefois, il ressort des pièces du dossier de première instance qu'à la date de la décision en litige, des vols à destination de la Tunisie demeuraient possibles. En tout état de cause, eu égard à la durée nécessairement temporaire des dispositions exceptionnelles de fermeture des frontières, et alors que la mesure d'assignation à résidence d'une durée initiale de quarante-cinq jours est renouvelable une fois, le requérant ne démontre pas l'absence de perspective raisonnable d'éloignement à la date de la décision en litige.

11. Il résulte de ce qui précède que M. A... B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Sur les conclusions aux fins d'injonction sous astreinte :

12. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions de M. A... B..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte ne peuvent dès lors qu'être rejetées.

Sur les frais d'instance :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il en soit fait application à l'encontre de l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 3 mai 2022 à laquelle siégeaient :

M. Gilles Fédi, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère,

Mme Sophie Corvellec, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 mai 2022.

La rapporteure,

Bénédicte LordonnéLe président,

Gilles Fédi

La greffière,

Sandra Bertrand

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

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N° 21LY01281


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY01281
Date de la décision : 25/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. FEDI
Rapporteur ?: Mme Bénédicte LORDONNE
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : SCHURMANN

Origine de la décision
Date de l'import : 07/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-05-25;21ly01281 ?
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