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19/05/2022 | FRANCE | N°22LY00497

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 19 mai 2022, 22LY00497


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions du 1er septembre 2021 par lequel le préfet de la Haute-Savoie l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

Par un jugement n° 2106358 du 27 octobre 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 15 février 2022, Mme A.....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions du 1er septembre 2021 par lequel le préfet de la Haute-Savoie l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

Par un jugement n° 2106358 du 27 octobre 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 15 février 2022, Mme A..., représentée par Me Frery, avocate, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble du 27 octobre 2021 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions susmentionnées ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Savoie de lui délivrer une attestation de demande d'asile valant autorisation provisoire de séjour renouvelable jusqu'à ce que la Cour nationale du droit d'asile statue sur son recours ;

4°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Savoie de réexaminer sa situation dans le délai de deux mois à compter de la décision à intervenir ;

5°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Savoie de procéder sans délai à l'effacement de son signalement aux fins de non admission dans le Système d'information Schengen ;

6°) à titre subsidiaire, de suspendre l'exécution de la décision portant obligation de quitter le territoire français du 1er septembre 2021, soit jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile, soit, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celle-ci, en application de l'article L. 752-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

7°) à titre infiniment subsidiaire, de renvoyer l'affaire au tribunal administratif de Grenoble ;

8°) en tout état de cause, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à verser à son conseil au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le magistrat désigné n'a pas répondu au moyen relatif à l'existence d'éléments sérieux justifiant son maintien sur le territoire français pendant l'examen de son recours par la Cour nationale du droit d'asile ;

- le jugement ne comporte pas d'éléments de motivation en ce qu'il écarte le moyen tiré de l'erreur d'appréciation (ou de l'erreur manifeste d'appréciation) et de la méconnaissance de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile dirigés contre la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pendant un an ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français a méconnu son droit d'être entendu ;

- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- cette décision est contraire aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle justifie d'éléments sérieux de nature à lui permettre de se maintenir sur le territoire français durant l'examen de son recours devant la Cour nationale du droit d'asile ; l'obligation de quitter le territoire français doit être suspendue ;

- la décision fixant le délai de départ volontaire est illégale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

- la décision fixant le pays de renvoi est illégale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

- cette décision méconnait l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est illégale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

- cette décision a méconnu son droit d'être entendu ;

- cette décision est insuffisamment motivée ;

- le préfet a méconnu les dispositions de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en adoptant une interdiction de retour sur le territoire français sans prendre effectivement en compte les quatre critères énoncés par cet article ;

- cette décision est entachée d'erreur d'appréciation ;

- cette décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 5 janvier 2022.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le traité sur l'Union européenne ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l a directive 2008/115 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Dèche, présidente assesseure ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., de nationalité kosovare, née 26 août 1991, est entrée en France le 10 octobre 2018, accompagnée de ses parents et de sa sœur. Elle a présenté une demande d'asile qui a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, le 28 mai 2021. Le 27 juillet 2021, elle a exercé un recours contre cette décision devant la Cour nationale du droit d'asile. Par décisions du 1er septembre 2021 le préfet de la Haute-Savoie l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. Mme A... relève appel du jugement du 27 octobre 2021 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, contrairement à ce que soutient la requérante, le premier juge a écarté de manière suffisamment motivée le moyen tiré de ce qu'elle justifiait d'éléments sérieux, au sens des dispositions de l'article L. 752-11 du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile pour obtenir la suspension de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire prise à son encontre. Par suite, le moyen tiré du défaut de réponse à ce moyen ou de l'insuffisance de la motivation du jugement sur ce point doit être écarté.

3. En second lieu, en relevant au point 16 de sa décision que le préfet n'avait entaché sa décision d'aucune insuffisance de motivation ni d'une erreur de droit, ni d'une erreur manifeste d'appréciation en prononçant à l'encontre de Mme A... une interdiction de retour sur le territoire français, limitée à un an, le premier juge a suffisamment motivé sa décision concernant les moyens tirés de la méconnaissance de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'erreur d'appréciation, modalité de contrôle applicable en l'espèce, dans la mise en œuvre de ces dispositions.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

4. En premier lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union " ; qu'aux termes du paragraphe 2 de ce même article : " Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ; (...) ". Aux termes du paragraphe 1 de l'article 51 de la Charte : " Les dispositions de la présente Charte s'adressent aux institutions, organes et organismes de l'Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu'aux Etats membres uniquement lorsqu'ils mettent en œuvre le droit de l'Union. (...) ".

5. Ainsi que la Cour de justice de l'Union européenne l'a jugé dans ses arrêts C-166/13 et C-249/13 des 5 novembre et 11 décembre 2014, le droit d'être entendu préalablement à l'adoption d'une décision de retour implique que l'autorité administrative mette le ressortissant étranger en situation irrégulière à même de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur l'irrégularité du séjour et les motifs qui seraient susceptibles de justifier que l'autorité s'abstienne de prendre à son égard une décision de retour. Il n'implique toutefois pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français ou sur la décision le plaçant en rétention dans l'attente de l'exécution de la mesure d'éloignement, dès lors qu'il a pu être entendu sur l'irrégularité du séjour ou la perspective de l'éloignement.

6. Le droit d'être entendu implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français non prise concomitamment au refus de délivrance d'un titre de séjour, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne.

7. Une violation des droits de la défense, en particulier du droit d'être entendu, n'entraîne l'annulation de la décision prise au terme de la procédure administrative en cause que si, en l'absence de cette irrégularité, cette procédure pouvait aboutir à un résultat différent.

8. Il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressée aurait été, à un moment de la procédure, informée de ce qu'elle était susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement ou mise à même de présenter des observations, la procédure de demande d'asile n'ayant pas une telle finalité. Dans ces conditions le préfet de la Haute-Savoie a entaché sa décision d'irrégularité.

9. Toutefois, il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un tel moyen, d'apprécier si l'intéressée a été, en l'espèce, privée de cette garantie ou, à défaut, si cette irrégularité a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de cette décision.

10. Si la requérante fait valoir qu'à la date de la décision en litige, elle avait épousé, le 26 août 2021, un compatriote titulaire d'une carte de résident, il ressort des pièces du dossier que cette circonstance n'a pas été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision attaquée, dès lors notamment que le mariage de l'intéressée ne lui permettait pas à lui seul d'obtenir la délivrance de plein droit d'un titre de séjour, qui aurait fait obstacle à son éloignement. Ce moyen doit, par suite, être écarté.

11. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance - 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sécurité publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

12. Mme A... est entrée en France, le 10 octobre 2018 à l'âge de 27 ans. Si elle fait valoir que le 26 août 2021, elle a épousé un compatriote titulaire d'une carte de résident, elle n'établit pas le caractère stable et ancien de cette relation, à la date de la décision en litige. Elle ne justifie pas plus d'une insertion sociale ou professionnelle en France et n'établit pas que les menaces dont elle ferait l'objet au Kosovo ne lui permettraient de ne vivre qu'en France. De plus, il ressort des pièces du dossier que ses parents font également l'objet de mesures d'éloignement du territoire français. Enfin, si la requérante se prévaut du recours qu'elle a exercé devant la Cour nationale du droit d'asile, cette circonstance est sans incidence sur la reconnaissance de son droit au respect de sa vie privée et familiale. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes motifs, la décision n'est pas plus entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée.

Sur la légalité de la décision fixant un délai de départ volontaire :

13. Il résulte des motifs qui précèdent que Mme A... n'est pas fondée à invoquer, par voie d'exception à l'encontre de la décision lui accordant un délai de départ volontaire, l'illégalité de la décision d'obligation de quitter le territoire français.

Sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :

14. En premier lieu, il résulte des motifs qui précèdent que Mme A... n'est pas fondée à invoquer, par voie d'exception à l'encontre de la décision fixant le pays de renvoi, l'illégalité de la décision d'obligation de quitter le territoire français.

15. En second lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des traitements inhumains ou dégradants ".

16. La requérante fait valoir qu'elle et sa famille ont subi des menaces et agressions au Kosovo de la part des individus à l'origine du racket de l'entreprise de son père. Toutefois, elle n'établit pas l'impossibilité de faire appel aux autorités kosovares pour la protéger contre ces risques. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que la décision en litige méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales eu égard aux risques qu'elle encourrait en cas de retour au Kosovo.

Sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

17. Aux termes de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11 ".

18. En application des dispositions des articles L. 612-8 et L. 612-10 précités du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet peut, dans le respect des principes constitutionnels et conventionnels et des principes généraux du droit, assortir une obligation de quitter le territoire français pour l'exécution de laquelle l'intéressé dispose d'un délai de départ volontaire, d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de deux ans, en se fondant pour en justifier tant le principe que la durée, sur la durée de sa présence en France, sur la nature et l'ancienneté de ses liens avec la France, sur la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et sur la menace à l'ordre public que représenterait sa présence en France. Cette interdiction de retour ne constitue pas une sanction et elle a vocation à être abrogée si l'intéressé respecte le délai de départ volontaire qui lui a été assigné.

19. En premier lieu, il résulte des motifs qui précèdent que Mme A... n'est pas fondée à invoquer, par voie d'exception à l'encontre de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français, l'illégalité de la décision d'obligation de quitter le territoire français.

20. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs que ceux retenus précédemment, l'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an ne méconnaît pas le droit de l'intéressée d'être entendue.

21. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que, pour justifier l'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an faite à Mme A..., le préfet de la Haute-Savoie, a visé les dispositions des articles L. 612-8 et L. 612-10 du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile sur lesquelles il s'est fondé et qui étaient en vigueur à la date de la décision en litige. La circonstance que le préfet ait mentionné par erreur le " quatrième alinéa de l'article L. 612-8 ", que cet article ne comporte pas, ainsi que l'examen de la situation d'ensemble de l'intéressée a été effectué " au regard notamment du huitième alinéa dudit III " faisant référence à l'article L. 511-1 du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile, devenu l'article L 612-10 ne permet pas d'établir l'insuffisance de motivation en droit de cette décision. Par ailleurs, cette décision qui mentionne qu'aucune atteinte disproportionnée n'est portée au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale dans la mesure où ses parents sont dans la même situation administrative que la sienne, que la requérante n'établit pas qu'elle est dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine et qu'après une étude approfondie et circonstanciée, sa situation ne justifie pas l'intervention d'une mesure gracieuse et dérogatoire en sa faveur est suffisamment motivée en fait.

22. En quatrième lieu, il ressort de l'interdiction de retour sur le territoire français en litige que le préfet de la Haute-Savoie a examiné préalablement l'ensemble de la situation de Mme A... notamment au regard de la durée de sa présence sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France. Dès lors, il a pu, sans commettre d'erreur d'appréciation ni méconnaître les dispositions des articles L. 612-8 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, prononcer à l'encontre de l'intéressée une mesure d'interdiction de retour sur le territoire français et fixer la durée de cette interdiction à un an alors même que sa présence ne constituait pas une menace à l'ordre public, qu'elle n'avait pas fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement et en dépit de la présence en France de son époux et de sa sœur qui a déposé une demande d'asile, et du fait qu'elle ait exercé un recours devant la Cour nationale du droit d'asile.

23. En dernier lieu, il résulte de ce qui précède que les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision sur la situation personnelle de l'intéressée, qui reprennent ce qui a été précédemment développé à l'appui des conclusions tendant à l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français, doivent être écartés pour les mêmes motifs que précédemment.

Sur la demande de suspension de l'obligation de quitter le territoire français :

24. Aux termes de l'article L. 752-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont le droit au maintien sur le territoire a pris fin en application des b ou d du 1° de l'article L. 542-2 et qui fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français peut, dans les conditions prévues à la présente section, demander au tribunal administratif la suspension de l'exécution de cette décision jusqu'à l'expiration du délai de recours devant la Cour nationale du droit d'asile ou, si celle-ci est saisie, soit jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la cour, soit, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celle-ci ". Aux termes de l'article L. 752-11 du même code : " Le président du tribunal administratif ou le magistrat désigné, saisi en application des articles L. 752-6 ou L. 752-7, fait droit à la demande de l'étranger lorsque celui-ci présente des éléments sérieux de nature à justifier, au titre de sa demande d'asile, son maintien sur le territoire durant l'examen de son recours par la Cour nationale du droit d'asile. ".

25. A l'appui de sa demande de suspension de la mesure d'éloignement en litige, la requérante fait valoir qu'elle et sa famille ont subi des menaces et agressions au Kosovo de la part des individus à l'origine du racket de l'entreprise de son père. Toutefois, ainsi qu'il a été dit précédemment, elle n'établit pas l'impossibilité de faire appel aux autorités kosovares pour la protéger contre ces risques. Ainsi, ces circonstances ne sont pas susceptibles de caractériser des éléments sérieux de nature à justifier son maintien en France jusqu'à ce que la Cour nationale du droit d'asile ait statué sur son recours contre la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides. Par suite, la demande de la requérante tendant à la suspension de l'exécution de la mesure d'éloignement présentée sur le fondement de l'article L.752-5 du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être rejetée.

26. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie.

Délibéré après l'audience du 28 avril 2022 à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Dèche, présidente assesseure,

Mme Le Frapper, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 mai 2022.

La rapporteure,

P. Dèche

Le président,

F. Bourrachot,

La greffière,

C. Langlet

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY00497

ap


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY00497
Date de la décision : 19/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Pascale DECHE
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : FRERY

Origine de la décision
Date de l'import : 31/05/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-05-19;22ly00497 ?
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