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19/05/2022 | FRANCE | N°21LY01233

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 19 mai 2022, 21LY01233


Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 20 avril 2021, le 4 novembre 2021 et le 7 mars 2022, la société d'exploitation Provencia, représentée par Me Dutoit, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler, en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale, l'arrêté du 25 février 2021 par lequel le maire de La Tour-en-Maurienne a délivré à la SAS Amandine un permis de construire en vue de l'extension d'un bâtiment existant à l'enseigne Intermarché et la démolition d'un bâtiment désaffecté sur le territoire de cette commu

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2°) de mettre à la charge de la commune de La Tour-en-Maurienne une somme d...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 20 avril 2021, le 4 novembre 2021 et le 7 mars 2022, la société d'exploitation Provencia, représentée par Me Dutoit, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler, en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale, l'arrêté du 25 février 2021 par lequel le maire de La Tour-en-Maurienne a délivré à la SAS Amandine un permis de construire en vue de l'extension d'un bâtiment existant à l'enseigne Intermarché et la démolition d'un bâtiment désaffecté sur le territoire de cette commune ;

2°) de mettre à la charge de la commune de La Tour-en-Maurienne une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle dispose d'un intérêt à agir et sa requête est recevable ;

- l'identité et la compétence du signataire de l'acte sont impossibles à déterminer ;

- cet arrêté n'est pas motivé en méconnaissance des dispositions des articles L. 424-3, A.424-3 et A.424-4 du code de l'urbanisme ;

- la société Amandine ne lui a pas notifié son dossier de demande d'autorisation d'exploitation commerciale actualisé en méconnaissance de l'article R. 752-43 du code de commerce ;

- le projet de la société Amandine se situe dans un secteur où elle ne pouvait bénéficier d'une autorisation d'exploitation commerciale, en application de l'article L. 142-4 du code de l'urbanisme ;

- l'extension sollicitée est incompatible avec le schéma de cohérence territoriale ;

- la commission départementale d'aménagement commercial puis la Commission nationale d'aménagement commercial aurait dû pouvoir se prononcer sur l'ensemble du projet impactant l'ensemble commercial de La Tour-en-Maurienne ;

- le projet ne tient pas compte de l'avis précédent de la Commission nationale d'aménagement commercial qui était défavorable ;

- il aura un impact négatif sur l'animation de la vie urbaine et rurale ;

- il n'est pas accessible à des modes de déplacement doux ;

- il va entraîner une imperméabilisation excessive de l'espace ;

- il ne propose que deux places permettant la recharge des véhicules électriques ;

- il se situe à proximité de nombreux sites et aménagements dangereux et la protection des consommateurs n'est pas garantie.

Par des mémoires enregistrés le 24 septembre 2021 et le 7 mars 2022, la SAS Amandine, représentée par Me Debaussart, avocat, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 6 000 euros soit mise à la charge de la requérante en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requérante ne justifie pas de l'accomplissement des formalités mentionnées à l'article L. 752-17 du code de commerce ;

- elle ne justifie pas d'un intérêt à agir ;

- l'arrêté comporte les mentions exigées par l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration ;

- la requérante n'est pas recevable à invoquer l'absence de motivation de l'arrêté attaqué au regard du code de l'urbanisme ;

- elle a bien notifié sa nouvelle demande à la requérante ;

- la requérante ne démontre pas que son projet formerait un ensemble commercial avec le magasin Bricomarché ;

- le projet est compatible avec le schéma de cohérence territoriale ;

- les motifs du précédent avis défavorable de la Commission nationale d'aménagement commercial ont été pris en compte ;

- le projet va contribuer à l'animation de la vie locale ;

- il sera accessible par les modes de déplacement doux ;

- il va permettre de réhabiliter une friche ;

- elle a informé la Commission nationale d'aménagement commercial de la nature des risques présents sur la zone du projet.

Par des mémoires enregistrés le 12 octobre 2021 et le 4 février 2022, la commune de La Tour-en-Maurienne, représentée par Me Duraz, avocate, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la requérante en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête ne respecte pas les dispositions des articles R. 600-1 et R. 600-4 du code de l'urbanisme ;

- la requérante ne justifie pas qu'elle a saisi la Commission nationale d'aménagement commercial dans les délais ;

- elle ne justifie d'aucun intérêt à agir ;

- la décision en litige a été signée par une autorité compétente ;

- cette décision est suffisamment motivée ;

- le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 142-4 du code de l'urbanisme est inopérant ;

- la requérante ne démontre pas l'existence d'un ensemble commercial et la demande du pétitionnaire était recevable ;

- le projet est compatible avec le schéma de cohérence territoriale ;

- la nouvelle demande a bien été adressée à la requérante ;

- le projet prend en compte le réaménagement de la zone ;

- il ne génère pas d'artificialisation des sols ;

- l'insertion paysagère et architecturale est respectée ;

- le dossier présente les mesures prises pour la sécurité des consommateurs ;

- le projet va favoriser l'animation de la vie locale ;

- il sera accessible par les modes de déplacement doux ;

- il ne génère aucune artificialisation des sols et il permet la réhabilitation d'une friche.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de commerce ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dèche, présidente assesseure,

- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public,

- les observations de Me Dutoit, représentant La société d'exploitation Provencia, et de Me Debaussart, pour la SAS Amandine ;

Considérant ce qui suit :

1. Le 14 février 2019, la SAS Amandine a déposé auprès de la mairie de La Tour-en-Maurienne une demande de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale en vue de l'extension d'un bâtiment existant à l'enseigne Intermarché et la démolition d'un bâtiment désaffecté sur le territoire de cette commune. Saisie de recours contre l'avis favorable rendu par la commission départementale d'aménagement commercial de Savoie, le 22 mai 2019, la Commission nationale d'aménagement commercial a émis, le 26 septembre 2019, un avis défavorable au projet, avec la faculté pour le pétitionnaire de saisir directement la Commission conformément aux dispositions de l'article L. 752-21 du code de commerce. Le 15 juin 2020, la SAS Amandine a déposé auprès de la mairie de La Tour-en-Maurienne une nouvelle demande de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale. Le 17 septembre 2020, la Commission nationale d'aménagement commercial a émis un avis favorable au projet et par un arrêté du 25 février 2021, le maire de La Tour-en-Maurienne a délivré à la SAS Amandine, un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale. La société d'exploitation Provencia qui exploite sur le territoire de la commune de Saint-Jean-de-Maurienne, un hypermarché à l'enseigne Carrefour demande l'annulation de cet arrêté en tant qu'il tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale.

Sur la légalité de l'arrêté du maire de La Tour-en-Maurienne du 25 février 2021 :

En ce qui concerne la méconnaissance de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration :

2. Aux termes de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Toute décision prise par une administration comporte la signature de son auteur ainsi que la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci. (...) "

3. Conformément aux dispositions précitées, l'arrêté attaqué mentionne le nom et le prénom du maire, il comporte sa qualité et sa signature. Contrairement à ce que prétend la requérante, il n'apparaît pas que les mentions manuscrites puissent émaner de deux personnes distinctes. Par suite, le moyen doit être écarté. Il ne ressort pas des pièces du dossier que cette signature émanerait d'une personne différente de celle dont le nom et la qualité sont mentionnés sur la décision en litige.

En ce qui concerne la méconnaissance des articles L424-3, A.424-3 et A.424-4 du code de l'urbanisme :

4. D'une part, aux termes de l'article L. 424-3 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable au litige : " Lorsque la décision rejette la demande ou s'oppose à la déclaration préalable, elle doit être motivée. / Il en est de même lorsqu'elle est assortie de prescriptions, oppose un sursis à statuer ou comporte une dérogation ou une adaptation mineure aux règles d'urbanisme applicables. ". L'article A. 424-3 du même code précise que : " L'arrêté indique, selon les cas : (...) d) Si la décision est assortie de prescriptions ". Aux termes de l'article A. 424-4 dudit code : " Dans les cas prévus aux b à f de l'article A. 424-3, l'arrêté précise les circonstances de droit et de fait qui motivent la décision et indique les voies et délais de recours ".

5. D'autre part, le premier alinéa de l'article L. 600-1-4 du code de l'urbanisme prévoit que : " Lorsqu'il est saisi par une personne mentionnée à l'article L. 752-17 du code de commerce d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre le permis de construire mentionné à l'article L. 425-4 du présent code, le juge administratif ne peut être saisi de conclusions tendant à l'annulation de ce permis qu'en tant qu'il tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale. Les moyens relatifs à la régularité de ce permis en tant qu'il vaut autorisation de construire sont irrecevables à l'appui de telles conclusions. "

6. Les dispositions du code de commerce et du code de l'urbanisme constituent des législations indépendantes, répondant à des finalités distinctes. Par suite, la requérante n'est pas recevable à soulever le moyen tiré de la méconnaissance des articles L. 424-3, A.424-3 et A.424-4 du code de l'urbanisme à l'appui de sa requête dirigée contre un permis relevant de l'article L. 425-4 du code de l'urbanisme en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale.

En ce qui concerne l'incomplétude de la demande de saisine directe de la Commission nationale d'aménagement commercial :

7. Aux termes de l'article R. 752-43-4 du code de commerce : " La nouvelle demande comprend, outre l'avis ou la décision de la Commission nationale rendu sur le projet, le dossier actualisé de demande d'autorisation d'exploitation commerciale./ A peine d'irrecevabilité, la demande est accompagnée d'un exposé synthétique des ajustements apportés au projet./ A peine d'irrecevabilité, le demandeur dispose de cinq jours, à compter de la saisine de la Commission nationale, pour notifier la nouvelle demande au préfet du département d'implantation du projet et, s'il y a lieu, à chaque requérant auteur d'une précédente saisine de la Commission nationale sur le même projet. Cette notification comporte une copie de l'exposé synthétique mentionné à l'alinéa précédent. Le préfet informe sans délai les membres de la commission départementale d'aménagement commercial de cette nouvelle demande. / Lorsque la réalisation du projet nécessite un permis de construire, le délai de cinq jours court, sous la même sanction d'irrecevabilité, à compter de la date d'enregistrement de la nouvelle demande en mairie, le récépissé délivré par le maire faisant foi. "

8. Il ressort des pièces du dossier qu'en application de l'alinéa 3 de l'article R 752-43-4 du code de commerce, la nouvelle demande directement présentée par le pétitionnaire à la Commission nationale d'aménagement commercial, sur le fondement de l'article L. 752-21 de ce même code a été notifié à la requérante. Cette notification mentionnait qu'était jointe la " copie de la demande déposée et de l'exposé synthétique ". Si la requérante soutient que cet envoi était incomplet en ce qu'il n'aurait pas compris notamment le dossier de demande d'autorisation réactualisé et comportant la description des modifications apportées au projet, elle n'établit pas avoir fait les diligences nécessaires pour obtenir copie de ce document. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit être écarté.

En ce qui concerne la méconnaissance de l'article L. 142-4 du code de l'urbanisme :

9. Aux termes de l'article L. 142-4 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable au litige : " Dans les communes où un schéma de cohérence territoriale n'est pas applicable : / (...) / 4° A l'intérieur d'une zone ou d'un secteur rendu constructible après la date du 4 juillet 2003, il ne peut être délivré d'autorisation d'exploitation commerciale en application de l'article L. 752-1 du code de commerce (...) ". Il résulte de ces dispositions que, dans les communes qu'elles visent et qui ne sont pas couvertes par un schéma de cohérence territoriale applicable, il ne peut, sauf dérogation accordée par le préfet ou, lorsqu'un schéma de cohérence territoriale est en cours d'élaboration, par l'établissement public auteur du schéma de cohérence territoriale, être délivrée d'autorisation d'exploitation commerciale à l'intérieur des zones à urbaniser de ces communes ouvertes à l'urbanisation après l'entrée en vigueur de la loi du 2 juillet 2003.

10. Il ressort des pièces du dossier que le schéma de cohérence territoriale (SCoT) du Pays de Maurienne a été approuvé par délibération du 25 février 2020 et que la commune de La Tour-en-Maurienne était couverte par ce schéma, à la date de la décision attaquée. En tout état de cause, il ressort de l'avis rendu par le ministre chargé de l'urbanisme que le terrain d'assiette du projet était ouvert à l'urbanisation avant le 4 juillet 2003. Par suite, la requérante ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 142-4 du code de l'urbanisme.

En ce qui concerne l'incompatibilité du projet en litige avec le schéma de cohérence territoriale du Pays de Maurienne :

11. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 752-6 du code de commerce, dans sa rédaction applicable au litige : " I.- L'autorisation d'exploitation commerciale mentionnée à l'article L. 752-1 est compatible avec le document d'orientation et d'objectifs des schémas de cohérence territoriale (...) ". Il appartient aux commissions d'aménagement commercial, non de vérifier la conformité des projets d'exploitation commerciale qui leur sont soumis aux énonciations des schémas de cohérence territoriale (SCoT), mais d'apprécier la compatibilité de ces projets avec les orientations générales et les objectifs qu'ils définissent pris dans leur ensemble.

12. Il ressort de l'objectif 4 du document d'orientation et d'objectifs (DOO) du SCoT du Pays de Maurienne qu'aucune nouvelle zone commerciale ou extension de zone existante ne sera créée dans le cadre du SCoT et que " les développements et créations ne se feront qu'en densification et requalification de l'existant avec une surface de plancher autorisée limitée à 5 000 m² ". Toutefois, le projet en litige qui se situe au sein de la Zone d'activités de Longefan identifiée par le DOO du SCoT du Pays de Maurienne ne constitue que l'extension d'un bâtiment existant comprenant également la démolition d'un bâtiment désaffecté, dont la surface de plancher ne dépassera pas 5 000 m². Par suite, le moyen tiré de l'incompatibilité du projet avec le SCoT du Pays de Maurienne doit être écarté.

En ce qui concerne l'appartenance du projet à un ensemble commercial :

13. Aux termes de l'article L. 752-1 du code de commerce : " Sont soumis à une autorisation d'exploitation commerciale les projets ayant pour objet : / (...) 4° La création d'un ensemble commercial tel que défini à l'article L. 752-3 et dont la surface de vente totale est supérieure à 1 000 mètres carrés ; (...) ". Aux termes de l'article L. 752-3 du code de commerce : " I. - Sont regardés comme faisant partie d'un même ensemble commercial, qu'ils soient ou non situés dans des bâtiments distincts et qu'une même personne en soit ou non le propriétaire ou l'exploitant, les magasins qui sont réunis sur un même site et qui : 1° Soit ont été conçus dans le cadre d'une même opération d'aménagement foncier, que celle-ci soit réalisée en une ou en plusieurs tranches ; 2° Soit bénéficient d'aménagements conçus pour permettre à une même clientèle l'accès des divers établissements ; 3° Soit font l'objet d'une gestion commune de certains éléments de leur exploitation, notamment par la création de services collectifs ou l'utilisation habituelle de pratiques et de publicités commerciales communes ; 4° Soit sont réunis par une structure juridique commune, contrôlée directement ou indirectement par au moins un associé, exerçant sur elle une influence au sens de l'article L. 233-16 ou ayant un dirigeant de droit ou de fait commun. II. - Toutefois, les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux zones d'aménagement concerté créées dans un centre urbain, en vertu de l'article L. 311-1 du code de l'urbanisme. III. - Au sens du présent code, constituent des points permanents de retrait par la clientèle d'achats au détail commandés par voie télématique, organisés pour l'accès en automobile, les installations, aménagements ou équipements conçus pour le retrait par la clientèle de marchandises commandées par voie télématique ainsi que les pistes de ravitaillement attenantes ".

14. Contrairement à ce que soutient la requérante, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'extension du bâtiment existant du magasin Intermarché bénéficie d'aménagements ou d'accès communs avec le bâtiment voisin du magasin Bricomarché qui a été déplacé au sein de la zone concernée et dont il est séparé par une voie publique. La requérante n'est dès lors pas fondée à soutenir que le projet d'extension du magasin Intermarché présenté par la SAS Provencia aurait dû être présenté comme faisant partie, avec le magasin Bricomarché, d'un même ensemble commercial, au sens des dispositions précitées de l'article L. 752-3 du code de commerce. En tout état de cause, il ressort des pièces du dossier que le pétitionnaire a indiqué à la Commission nationale d'aménagement commercial, dans les mesures d'ajustement envisagées par rapport à son projet initial, le déplacement effectif du magasin Bricomarché, au sein de la zone et la présence de l'ancien bâtiment de ce magasin restant à réhabiliter. Dans ces conditions, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la Commission nationale d'aménagement commercial aurait été privée de pouvoir apprécier le projet en toute connaissance de cause et que, de ce fait, la procédure d'autorisation d'exploitation commerciale aurait été entachée d'irrégularité.

En ce qui concerne la méconnaissance de l'article L. 752-21 du code de commerce :

15. Aux termes de l'article L. 752-21 du code de commerce : " Un pétitionnaire dont le projet a été rejeté pour un motif de fond par la Commission nationale d'aménagement commercial ne peut déposer une nouvelle demande d'autorisation sur un même terrain, à moins d'avoir pris en compte les motivations de la décision ou de l'avis de la commission nationale. (...) ".

16. Il ressort des pièces du dossier que le pétitionnaire a bien pris en compte l'avis négatif du 26 septembre 2019 de la Commission nationale d'aménagement commercial dans le projet objet du permis attaqué dès lors qu'il a tenu compte du réaménagement de la zone d'implantation du projet lié notamment à l'intervention du schéma de cohérence territoriale du Pays de Maurienne et du déplacement du magasin Bricomarché au sein de cette zone. Egalement, concernant l'imperméabilisation des sols, le pétitionnaire a tenu compte du précédent avis en prévoyant une augmentation de la surface des espaces verts, du nombre des places en revêtement drainant et du nombre d'arbres de haute tige plantés. En ce qui concerne l'insertion architecturale et paysagère, le nouveau projet prévoit des ajustements tenant compte de l'environnement montagneux en intégrant l'extension dans le prolongement des volumes du bâtiment existant, en habillant partiellement la façade principale du bâtiment de matériaux composites d'aspect bois et en traitant l'auvent sur l'entrée existante ainsi que son prolongement en panneaux composite de type " Trespa ". Enfin, s'agissant de la protection des consommateurs et du risque industriel lié à la présence, d'un ouvrage et d'une installation classée à proximité du site, le pétitionnaire est venu préciser, ainsi que l'entendait le précédent avis de la Commission nationale d'aménagement commercial, qu'en dehors des mesures générales édictées par la mairie, il n'existe pas de mesures spécifiques applicables au magasin Intermarché et que l'extension envisagée n'est pas de nature à modifier la situation actuelle. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 752-21 du code de commerce doit être écarté.

En ce qui concerne la méconnaissance de l'article L. 752-6 du code de commerce :

17. Aux termes de l'article L. 752-6 du code de commerce dans sa rédaction applicable au litige : " I.- L'autorisation d'exploitation commerciale mentionnée à l'article L. 752-1 est compatible avec le document d'orientation et d'objectifs des schémas de cohérence territoriale ou, le cas échéant, avec les orientations d'aménagement et de programmation des plans locaux d'urbanisme intercommunaux comportant les dispositions prévues au dernier alinéa de l'article L. 123-1-4 du code de l'urbanisme. La commission départementale d'aménagement commercial prend en considération : 1° En matière d'aménagement du territoire : a) La localisation du projet et son intégration urbaine ; b) La consommation économe de l'espace, notamment en termes de stationnement ; c) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et dans les zones de montagne et du littoral ; d) L'effet du projet sur les flux de transports et son accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone ; 2° En matière de développement durable : a) La qualité environnementale du projet, notamment du point de vue de la performance énergétique, du recours le plus large qui soit aux énergies renouvelables et à l'emploi de matériaux ou procédés éco-responsables, de la gestion des eaux pluviales, de l'imperméabilisation des sols et de la préservation de l'environnement ; b) L'insertion paysagère et architecturale du projet, notamment par l'utilisation de matériaux caractéristiques des filières de production locales ; c) Les nuisances de toute nature que le projet est susceptible de générer au détriment de son environnement proche. Les a et b du présent 2° s'appliquent également aux bâtiments existants s'agissant des projets mentionnés au 2° de l'article L. 752-1 ; 3° En matière de protection des consommateurs : a) L'accessibilité, en termes, notamment, de proximité de l'offre par rapport aux lieux de vie ; b) La contribution du projet à la revitalisation du tissu commercial, notamment par la modernisation des équipements commerciaux existants et la préservation des centres urbains ; c) La variété de l'offre proposée par le projet, notamment par le développement de concepts novateurs et la valorisation de filières de production locales ; d) Les risques naturels, miniers et autres auxquels peut être exposé le site d'implantation du projet, ainsi que les mesures propres à assurer la sécurité des consommateurs.(...) ".

18. D'une part, il résulte de ces dispositions que l'autorisation d'aménagement commercial ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet contesté compromet la réalisation des objectifs énoncés par la loi. Il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles statuent sur les dossiers de demande d'autorisation, d'apprécier la compatibilité du projet à ces objectifs, au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du code de commerce.

19. D'autre part, les dispositions ajoutées au I de l'article L. 752-6 du code de commerce par la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018, telles qu'interprétées par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2019-830 QPC du 12 mars 2020, poursuivent l'objectif d'intérêt général de favoriser un meilleur aménagement du territoire et, en particulier, de lutter contre le déclin des centres-villes. Elles se bornent à prévoir un critère supplémentaire pour l'appréciation globale par les commissions départementales d'aménagement commercial (CDAC) des effets du projet sur l'aménagement du territoire et ne subordonnent pas la délivrance de l'autorisation à l'absence de toute incidence négative sur le tissu commercial des centres-villes. L'analyse d'impact prévue par le III du même article vise à faciliter l'appréciation des effets du projet sur l'animation et le développement économique des centres-villes et de l'emploi et n'institue aucun critère d'évaluation supplémentaire d'ordre économique. Enfin, les dispositions du IV de l'article L. 752-6, relatives à l'existence d'une friche en centre-ville ou en périphérie, ont pour seul objet d'instituer un critère supplémentaire permettant d'évaluer si, compte tenu des autres critères, le projet compromet la réalisation des objectifs énoncés par la loi. Ces dispositions n'ont pas pour effet d'interdire toute délivrance d'une autorisation au seul motif qu'une telle friche existerait.

S'agissant de l'aménagement du territoire :

20. En premier lieu, le projet litigieux consiste en l'extension de la surface de vente d'un supermarché existant depuis 1988, situé au sein d'une zone d'aménagement commercial (ZACOM), distante d'un peu plus d'un kilomètre du centre de la commune nouvelle de La Tour-en-Maurienne, qui, à l'instar de celui des quatre communes limitrophes ne comporte pas de commerce. Le projet qui prévoit d'accroître l'offre en matière de produits locaux ne devrait pas entraîner de conséquences négatives sur le centre-ville de Saint-Jean-de-Maurienne dont le taux de vacance commerciale est relativement faible.

21. En second lieu, s'il ressort des pièces du dossier que le projet situé en dehors des agglomérations existantes, ne sera desservi que par un arrêt de bus effectuant quatre passages quotidiens, l'accès au site pourra se faire également à vélo, à partir des bandes cyclables situées sur la RD 77. La requérante n'établit pas que l'accroissement escompté de la clientèle qui demeure limité aurait justifié la modification des conditions d'accès au site d'implantation du projet pour les piétons et les vélos. Dans ces conditions, le projet n'est pas de nature à compromettre la réalisation de l'objectif énoncé par la loi en matière d'aménagement du territoire.

S'agissant du développement durable :

22. Si la requérante soutient que les surfaces perméables et les espaces verts seraient insuffisants, il ressort des pièces du dossier que le nouveau projet qui prévoit la réhabilitation d'une friche commerciale existante, traitera en espaces verts les espaces libres existants et prévoit la plantation d'arbres sur ces espaces ainsi que sur les parkings au sud du bâtiment, ce qui permettra l'accroissement de la part des espaces verts par rapport à l'emprise foncière totale de 9 à 11 %. Le projet prévoit également la création de 42 places de stationnement en pavés drainant au nord du bâtiment et aboutit à une diminution de l'imperméabilisation des sols par rapport à l'état existant. Par ailleurs, contrairement à ce que prétend la requérante, le projet prévoit 14 et non 2 places pré-équipées pour accueillir des véhicules électriques. Enfin, ainsi qu'il a été dit précédemment, le nouveau projet prévoit des ajustements tenant compte de l'environnement montagneux permettant son intégration architecturale et paysagère. Dans ces conditions, le projet ne peut être regardé comme méconnaissant l'objectif fixé par le législateur en matière de développement durable.

S'agissant de la protection du consommateur :

23. En premier lieu, si la requérante soutient que le projet ne comporte aucune mesure novatrice, il ressort des pièces du dossier qu'il prévoit la mise en valeur des productions locales, du vrac, des produits bio ainsi que l'installation d'une " place des saveurs ".

24. En second lieu, si la requérante fait valoir qu'il existe, au voisinage du projet, des risques relatifs au transport de matières dangereuses par la route ou à la présence d'une usine de poudre d'aluminium et d'un bassin de retenu, elle n'apporte aucun élément permettant d'établir que ces risques qui ont été pris en compte par le pétitionnaire seraient de nature à porter atteinte à l'objectif de protection des consommateurs. Par ailleurs, la circonstance que le pétitionnaire n'a pas apporté de réponse particulière concernant les mesures prises au titre des risques sismiques, ne suffit pas à établir que la protection des consommateurs n'a pas été prise en compte, alors que le projet se situe en zone de sismicité modérée.

25. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées en défense, la société d'exploitation Provencia n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 25 février 2021 par lequel le maire de La Tour-en-Maurienne a délivré à la SAS Amandine un permis de construire en vue de l'extension d'un bâtiment existant à l'enseigne Intermarché.

Sur les frais liés à l'instance :

26. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit à la demande présentée par la société d'exploitation Provencia au titre des frais qu'elle a exposés à l'occasion de cette instance.

27. En revanche il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette société le versement d'une somme de 2 000 euros à la commune de La Tour-en-Maurienne et une somme de 2 000 euros à la SAS Amandine au titre des frais exposés par elles dans cette instance.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société d'exploitation Provencia est rejetée.

Article 2 : La société d'exploitation Provencia versera à la commune de La Tour-en-Maurienne une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La société d'exploitation Provencia versera à la SAS Amandine une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société d'exploitation Provencia, à la SAS Amandine, à la commune de La Tour-en-Maurienne, au président de la Commission nationale d'aménagement commercial et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré après l'audience du 28 avril 2022 à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Dèche, présidente assesseure,

Mme Le Frapper, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 19 mai 2022.

La rapporteure,

P. DècheLe président,

F. Bourrachot

La greffière,

C. Langlet

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, à la ministre de la transition écologique, au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, au ministre de l'économie, des finances et de la relance, en ce qui les concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY01233

ar


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY01233
Date de la décision : 19/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

14-02-01-05 Commerce, industrie, intervention économique de la puissance publique. - Réglementation des activités économiques. - Activités soumises à réglementation. - Aménagement commercial.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Pascale DECHE
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : DUTOIT

Origine de la décision
Date de l'import : 31/05/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-05-19;21ly01233 ?
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