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18/05/2022 | FRANCE | N°21LY02035

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 18 mai 2022, 21LY02035


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... C... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 6 mai 2020 par lequel le préfet de la Savoie lui a refusé le renouvellement d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai d'un mois, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

Par un jugement n° 2007459 du 28 janvier 2021, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 18 juin 2021, Mme A...,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... C... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 6 mai 2020 par lequel le préfet de la Savoie lui a refusé le renouvellement d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai d'un mois, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

Par un jugement n° 2007459 du 28 janvier 2021, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 18 juin 2021, Mme A..., représentée par Me Marcel, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Savoie du 6 mai 2020 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Savoie de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou à défaut de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travailler sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

Sur la légalité du refus de renouvellement du titre de séjour :

- la décision est insuffisamment motivée ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen attentif de sa situation ;

- la décision méconnaît le 11 de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- le préfet s'est estimé à tort en situation de compétence liée par l'avis du collège des médecins ;

- la décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

- la décision sera annulée par voie de conséquence de l'annulation du refus de renouvellement de son titre de séjour ;

- elle méconnaît le 10 de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :

- la décision sera annulée par voie de conséquence de l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français ;

- la décision méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Sur la légalité de l'interdiction de retour sur le territoire français :

- l'interdiction n'est pas justifiée et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire, enregistré le 7 avril 2022, le préfet de la Savoie conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 12 mai 2021.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de Mme Caraës, première conseillère, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... C... A..., ressortissante angolaise née le 31 juillet 1984, est irrégulièrement entrée en France le 27 juillet 2014 selon ses déclarations. Par deux arrêtés des 22 février et 4 juillet 2016, le préfet de la Savoie a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Le 14 août 2018, Mme A... a été munie d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " valable un an. Le 25 juillet 2019, Mme A... a sollicité le renouvellement de son titre de séjour. Par un arrêté du 6 mai 2020, le préfet de la Savoie a rejeté sa demande, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. Mme A... relève appel du jugement du 28 janvier 2021 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité du refus de renouvellement du titre de séjour :

2. La décision qui énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle est fondée est suffisamment motivée.

3. Il ne ressort pas des pièces des dossiers de première instance et d'appel que le préfet ne se serait pas livré à un examen particulier de la situation personnelle de Mme A... ni que cette même autorité administrative se serait estimée liée par l'avis du collège des médecins de l'Office français pour l'immigration et l'intégration.

4. Aux termes des dispositions alors codifiées à l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ". Aux termes des dispositions alors codifiées à l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé (...) ".

5. Il ressort des pièces du dossier que le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé, dans son avis du 13 décembre 2019, que si l'état de santé de Mme A... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut était susceptible d'entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle pouvait bénéficier dans son pays d'origine d'un traitement approprié à son état de santé et voyager sans risque vers ce pays. Ni le certificat médical du 27 juillet 2016 qui précise que Mme A... présente des troubles psychiatriques nécessitant un suivi psychiatrique et psychologique et que les soins nécessaires ne pourraient avoir lieu dans de bonnes conditions en Angola ni le certificat médical du 7 août 2019 faisant état de la nécessité de poursuivre les soins engagés ne permettent de démontrer que Mme A... ne pourrait accéder en Angola à une prise en charge médicale adaptée à son état de santé. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir qu'en refusant de renouveler son titre de séjour, le préfet de la Savoie a méconnu le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision sur la situation personnelle de l'intéressée.

6. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sécurité publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

7. Mme A... fait valoir qu'elle séjourne en France depuis près de sept ans à la date de l'arrêté attaqué, que son état de santé justifie son maintien en France et qu'elle a exercé une activité professionnelle quand elle a été admise au séjour. Toutefois, il résulte de ce qui a été dit au point 4 que Mme A... peut bénéficier de soins appropriés à son état de santé dans son pays d'origine. En outre, Mme A..., célibataire, dispose d'attaches familiales dans son pays d'origine où elle a vécu jusqu'à l'âge de trente ans et où réside son enfant. La circonstance qu'elle a exercé une activité professionnelle en France durant les périodes où elle a été admise au séjour pour raison de santé n'est pas de nature à lui conférer un droit au séjour. Ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, la décision de refus de renouvellement de son titre de séjour ne porte pas au droit de Mme A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Dès lors, elle n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision sur la situation personnelle de l'intéressée.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

8. Il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 7 que Mme A... n'est pas fondée à exciper, à l'encontre de la décision en litige, de l'illégalité du refus de renouvellement de titre de séjour.

9. Les moyens tirés de ce que la décision méconnaît le 10 de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés pour les motifs exposés aux points 5 et 7 du présent arrêt.

Sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :

10. Il résulte de ce qui a été dit aux points 8 et 9 que Mme A... n'est pas fondée à exciper, à l'encontre de la décision en litige, de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.

11. Mme A... soutient qu'elle encourt des risques sérieux pour sa liberté ou son intégrité physique en cas de retour dans leur pays d'origine. Toutefois, elle n'apporte aucun élément permettant d'établir la réalité des risques personnels qu'elle allègue. Par suite, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que la décision méconnait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Sur la légalité de l'interdiction de retour sur le territoire français :

12. Il ressort des mentions de la décision contestée que le préfet de la Savoie a indiqué que, si le comportement de Mme A... ne représente pas une menace pour l'ordre public, celle-ci, célibataire, a fait l'objet de deux précédentes mesures d'éloignement auxquelles elle n'a pas déféré, qu'elle s'est maintenue irrégulièrement sur le territoire français, qu'elle ne justifie pas d'une insertion sociale et professionnelle particulière dans la société française nonobstant son activité au sein d'Emmaüs Chambéry depuis le 2 janvier 2018, qu'elle ne justifie pas avoir tissé en France de liens personnels et familiaux intenses, stables et anciens ni d'une vie familiale et personnelle ancrée dans la durée alors qu'au demeurant elle n'est pas dépourvue d'attaches personnelles et familiales dans son pays d'origine où elle a vécu jusqu'à l'âge de trente ans soit la majeure partie de sa vie et où réside son enfant. Par suite, le préfet de la Savoie pouvait, sans commettre d'erreur d'appréciation et sans méconnaitre les dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, prononcer à l'encontre de Mme A... une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

13. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Savoie.

Délibéré après l'audience du 14 avril 2022, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme Evrard, présidente-assesseure,

Mme Caraës, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 18 mai 2022.

La rapporteure,

R. Caraës

Le président,

D. PruvostLa greffière,

M.-Th. Pillet

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY02035


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY02035
Date de la décision : 18/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: Mme Rozenn CARAËS
Rapporteur public ?: Mme VINET
Avocat(s) : MARCEL

Origine de la décision
Date de l'import : 24/05/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-05-18;21ly02035 ?
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