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18/05/2022 | FRANCE | N°21LY01837

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 18 mai 2022, 21LY01837


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... D... et M. C... E... ont, chacun en ce qui le concerne, demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les arrêtés du 23 décembre 2020 par lesquels le préfet de l'Ardèche a refusé de leur délivrer un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de dix-huit mois.

Par un jugement nos 2100217 - 2100220 du 17 mai 2021, l

e tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes respectives tendant à l'annu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... D... et M. C... E... ont, chacun en ce qui le concerne, demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les arrêtés du 23 décembre 2020 par lesquels le préfet de l'Ardèche a refusé de leur délivrer un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de dix-huit mois.

Par un jugement nos 2100217 - 2100220 du 17 mai 2021, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes respectives tendant à l'annulation de ces arrêtés.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 4 juin 2021, Mme D... et M. E..., représentés par Me Sabatier, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler les arrêtés du préfet de l'Ardèche du 23 décembre 2020 ;

3°) d'enjoindre au préfet de leur délivrer à chacun un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou à tout le moins de réexaminer leur situation, dans un délai de deux mois sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- les refus de titre de séjour méconnaissent le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- ils méconnaissent l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- ils sont entachés d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'application des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- les obligations de quitter le territoire sont illégales du fait de l'illégalité des refus de titre de séjour ;

- elles méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elles méconnaissent l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- les décisions fixant le pays de renvoi sont illégales du fait de l'illégalité des décisions leur refusant un titre de séjour et de l'illégalité de celles portant obligation de quitter le territoire ;

- les décisions portant interdiction de retour sur le territoire français sont illégales du fait de l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ;

- elles sont entachées d'une erreur d'appréciation dans l'application du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

La requête a été communiquée au préfet de l'Ardèche qui n'a pas produit d'observations.

Par une ordonnance du 18 mars 2022 la clôture d'instruction a été fixée au 4 avril 2022 en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Lesieux, premier conseiller,

- et les observations de Me Guillaume représentant Mme D... et M. E... ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme D... et M. E..., ressortissants arméniens nés respectivement en 1977 et en 1978, sont entrés en France le 19 décembre 2013, selon leurs déclarations, accompagnés de leurs deux premiers enfants, nés en 1998 et 2009. Leurs demandes d'asile, présentées sous des fausses identités, ont été successivement rejetées par le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, le 30 juin 2015, et la Cour nationale du droit d'asile, le 26 avril 2016. La légalité des mesures d'éloignement prises en conséquence par le préfet de l'Ardèche, le 5 décembre 2016, a été confirmée par un jugement du tribunal administratif de Lyon du 10 février 2017. Mme D... et M. E..., parents d'un troisième enfant né en 2015 en France, se sont maintenus sur le territoire national et ont sollicité la régularisation de leur situation administrative le 24 juin 2019. Par deux arrêtés du 23 décembre 2020, le préfet de l'Ardèche a refusé de leur délivrer un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de dix-huit mois. Mme D... et M. E... relèvent appel du jugement du 17 mai 2021 du tribunal administratif de Lyon rejetant leurs demandes dirigées contre ces arrêtés.

Sur les refus de titre séjour :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

3. Mme D... et M. E... font valoir la durée de leur présence en France et leur volonté d'intégration par le travail, l'appelante étant employée à domicile par des particuliers depuis 2018 et son compagnon étant titulaire d'une promesse d'embauche en contrat à durée indéterminée en qualité de plaquiste. Il ressort toutefois des pièces du dossier, que les intéressés sont entrés irrégulièrement en France après avoir vécu jusqu'aux âges respectifs de trente-six et trente-cinq ans dans leur pays d'origine. Ils ont sollicité l'asile sous de fausses identités et se sont maintenus sur le territoire national malgré les mesures d'éloignement prises à l'encontre de chacun d'entre eux le 5 décembre 2016. Ils ne disposent pas en France d'autres attaches familiales que leurs deux enfants mineurs et leur fils aîné, dont la demande de titre de séjour a été rejetée par un arrêté du préfet de l'Ardèche du 23 décembre 2020 et qui fait, comme eux, l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, dont la légalité est confirmée par un arrêt de la cour de ce jour. Il s'ensuit que les décisions contestées n'ont pas porté au droit de Mme D... et de M. E... au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elles ont été prises. Le préfet de l'Ardèche n'a ainsi, en refusant de leur délivrer un titre de séjour, pas méconnu les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

4. En deuxième lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

5. Mme D... et M. E... font valoir que leurs enfants mineurs, nés en 2009 et en 2015, ont suivi toute leur scolarité en France et n'ont jamais suivi aucun enseignement en langue arménienne. Cependant, cette circonstance n'est pas à elle seule suffisante à établir qu'en opposant un refus de titre de séjour à leurs parents, le préfet de l'Ardèche a méconnu l'intérêt supérieur des enfants dès lors que les arrêtés en litige n'ont ni pour objet ni pour effet de les séparer de leurs parents dont ils ont la même nationalité, que les appelants ne font état d'aucune circonstance particulière qui ferait obstacle à la reconstitution de la cellule familiale en Arménie, ni d'une impossibilité avérée pour les enfants de poursuivre leur scolarité dans ce pays.

6. En dernier lieu, Mme D... et M. E... reprennent à l'identique en appel le moyen invoqué en première instance tiré de ce que le préfet de l'Ardèche a commis une erreur manifeste d'appréciation dans l'application de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus au point 8 du jugement attaqué.

Sur les obligations de quitter le territoire français :

7. En premier lieu, il résulte de l'examen de la légalité des refus de titre de séjour qui leur a été opposés, que Mme D... et M. E... ne sont pas fondés à exciper de l'illégalité de ces décisions à l'appui de leurs conclusions dirigées contre les décisions portant obligation de quitter le territoire français.

8. Pour les mêmes motifs que ceux exposés ci-dessus, les décisions obligeant Mme D... et M. E... à quitter le territoire français n'ont pas été prises en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Sur les décisions fixant le pays de destination :

9. Il résulte de ce qui précède que Mme D... et M. E... ne sont pas fondés à exciper de l'illégalité des décisions refusant de leur délivrer un titre de séjour et de celles les obligeant à quitter le territoire français à l'appui de leurs conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination.

Sur les décisions portant interdiction de retour sur le territoire français :

10. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen, soulevé par la voie de l'exception, tiré de l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

11. En second lieu, Mme D... et M. E... reprennent à l'identique en appel le moyen invoqué en première instance tiré de ce que le préfet de l'Ardèche, en prononçant à leur encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de dix-huit mois, a commis une erreur d'appréciation dans l'application des dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur. Ce moyen doit être écarté par adoption des motifs retenus au point 14 du jugement attaqué.

12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... et M. E... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes. Leurs conclusions présentées à fins d'injonction sous astreinte et celles présentées au titre des frais du litige doivent en conséquence être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme D... et M. E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... D... et M. C... E... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Ardèche.

Délibéré après l'audience du 14 avril 2022 à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président,

Mme Evrard, présidente-assesseure,

Mme Lesieux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 18 mai 2022.

La rapporteure,

S. LesieuxLe président,

D. Pruvost

La greffière,

M.-A.... Pillet

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY01837


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: Mme Sophie LESIEUX
Rapporteur public ?: Mme VINET
Avocat(s) : SELARL BS2A - BESCOU et SABATIER

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Date de la décision : 18/05/2022
Date de l'import : 24/05/2022

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 21LY01837
Numéro NOR : CETATEXT000045819393 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-05-18;21ly01837 ?
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