Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 11 janvier 2021 par lequel le préfet de la Savoie l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour d'une durée d'un an.
Par un jugement n° 2100211 du 26 février 2021, la magistrate désignée du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 7 juin 2021, M. B..., représenté par Me Morlat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 11 janvier 2021 du préfet de la Savoie ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Savoie de réexaminer sa demande dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros en application des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté a été signé par une autorité incompétente ;
- il est insuffisamment motivé ;
- il méconnaît l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.
La requête a été communiquée au préfet de la Savoie qui n'a pas produit d'observations.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 avril 2021.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
La présidente de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de Mme C... ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. M. D... B..., ressortissant ivoirien né le 2 mai 1996, est entré irrégulièrement en France le 2 septembre 2017 selon ses déclarations. Le 23 novembre 2019, il a sollicité le bénéfice de l'asile. Le 14 avril 2020, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté sa demande, décision confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 12 novembre 2020. Par un arrêté du 11 janvier 2021, le préfet de la Savoie l'a obligé à quitter le territoire français sans délai sur le fondement du 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. M. B... relève appel du jugement du 26 février 2021 par lequel la magistrate désignée du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. M. B... reprend en appel le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté attaqué. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à juste titre par le premier juge.
3. L'arrêté attaqué comporte la mention des circonstances de fait et de droit qui en constituent le fondement et est, par suite, suffisamment motivé.
4. Aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 portant la mention " salarié " ou la mention " travailleur temporaire " peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigé. "
5. Si l'intéressé fait valoir qu'il a sollicité le 4 novembre 2019 son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui a été rejetée le 7 septembre 2020, l'arrêté contesté n'a pas été pris à la suite d'un refus de délivrance d'un titre de séjour mais sur le fondement du 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
6. Par ailleurs, un étranger ne peut faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français en application des dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lorsque la loi prescrit que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour. Toutefois, les dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne prescrivent pas l'attribution de plein droit d'un titre de séjour. Dès lors, le moyen tiré de ce que M. B... remplit les conditions pour bénéficier d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est inopérant.
7. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
8. M. B... fait valoir qu'il a suivi une formation professionnelle et a obtenu un CAP " agent polyvalent de restauration " et qu'il est bien intégré. Il ressort des pièces du dossier que l'intéressé, entré irrégulièrement en France le 2 septembre 2017, a été initialement pris en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance du conseil départemental de la Savoie en qualité de mineur isolé après avoir dissimulé son identité et indiqué être né le 21 décembre 2001 alors qu'il est né le 2 février 1996 conformément aux mentions portées sur l'attestation de sa demande d'asile, et a fait l'objet d'un refus de délivrance d'un titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français le 7 septembre 2020 au motif notamment que son identité réelle ne pouvait être établie. Par ailleurs, M. B..., célibataire et sans enfant à charge, a vécu la majeure partie de son existence en Côte d'Ivoire où résident sa fille, la mère de son enfant, sa mère et ses frère et sœur. Dans ces conditions, et en dépit des études qu'il a suivies ou dans lesquelles il s'est engagé et des liens qu'il a pu nouer en France, le préfet de la Savoie n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas davantage entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle.
9. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte et tendant à l'application des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Savoie.
Délibéré après l'audience du 31 mars 2022, à laquelle siégeaient :
Mme Evrard, présidente de la formation de jugement,
Mme Caraës, première conseillère,
Mme Lesieux, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 mai 2022.
La rapporteure,
R. C...
La présidente,
A. EvrardLa greffière,
M.-A.... Pillet
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 21LY01838