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05/05/2022 | FRANCE | N°21LY02743

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 05 mai 2022, 21LY02743


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... a demandé au président du tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 15 mars 2021 par lequel le préfet de l'Ardèche lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a désigné le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné d'office, d'enjoindre sous astreinte au préfet de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois et de lui délivrer dans l'attente, sous 15 jours, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, et d

e mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre des frais liés au...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... a demandé au président du tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 15 mars 2021 par lequel le préfet de l'Ardèche lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a désigné le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné d'office, d'enjoindre sous astreinte au préfet de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois et de lui délivrer dans l'attente, sous 15 jours, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre des frais liés au litige.

Par un jugement n° 2101742 du 4 mai 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 6 août 2021, M. A..., représenté par Me Terrasson, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 15 mars 2021 du préfet de l'Ardèche ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Ardèche de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- en dépit de la demande présentée sur le fondement du I bis de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il n'a pas obtenu la communication du dossier contenant les pièces sur la base desquelles la décision contestée a été prise ;

- l'arrêté attaqué est en conséquence entaché d'un vice de procédure, en l'absence de preuve de délivrance de l'information prévue aux articles L. 311-6 et R. 311-37 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, constitutive d'une garantie procédurale permettant à l'étranger d'être correctement informé des conséquences de ses choix dont la méconnaissance doit entraîner l'annulation de la décision, sans qu'il soit besoin de rechercher si le vice a été susceptible d'exercer une influence sur le sens de la décision ;

- en refusant de faire usage de son pouvoir d'instruction pour assurer le respect de son droit d'accès à son dossier, prévu au I bis de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi qu'au point 2b) de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, le premier juge a méconnu ces dispositions, le principe d'égalité des armes ainsi que le caractère contradictoire de la procédure.

La requête a été communiquée au préfet de l'Ardèche, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 juillet 2021.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de M. Bourrachot, président, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant d'Arménie né le 19 janvier 1987, a déclaré être entré en France irrégulièrement le 13 janvier 2020 afin de demander une protection internationale qui lui a été refusée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 8 décembre 2020. Par un arrêté du 15 mars 2021, le préfet de l'Ardèche lui a fait obligation de quitter le territoire français sur le fondement du 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit d'office. M. A... relève appel du jugement du 4 mai 2021 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, aux termes du Ibis de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " L'étranger peut demander au président du tribunal administratif ou au magistrat désigné à cette fin (...) la communication du dossier contenant les pièces sur la base desquelles la décision contestée a été prise ".

3. Il ressort des pièces du dossier de première instance que le tribunal, dans le courrier par lequel il a communiqué la requête au préfet de l'Ardèche, a également demandé à ce dernier de " transmettre le dossier contenant les pièces sur la base desquelles la décision contestée a été prise ". Par suite, pour éminemment regrettable que soit la carence du préfet de l'Ardèche à produire les pièces demandées, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le magistrat désigné aurait refusé de faire usage de ses pouvoirs d'instruction et aurait ainsi méconnu le caractère contradictoire de la procédure, le principe d'égalité des armes ou, en tout état de cause, l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

4. En second lieu, aux termes de l'article L. 311-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable à la demande d'asile de M. A... : " Lorsqu'un étranger a présenté une demande d'asile qui relève de la compétence de la France, l'autorité administrative, après l'avoir informé des motifs pour lesquels une autorisation de séjour peut être délivrée et des conséquences de l'absence de demande sur d'autres fondements à ce stade, l'invite à indiquer s'il estime pouvoir prétendre à une admission au séjour à un autre titre et, dans l'affirmative, l'invite à déposer sa demande dans un délai fixé par décret. Il est informé que, sous réserve de circonstances nouvelles, notamment pour des raisons de santé, et sans préjudice de l'article L. 511-4, il ne pourra, à l'expiration de ce délai, solliciter son admission au séjour. / Un décret en Conseil d'Etat précise les conditions d'application du présent article ". Aux termes de l'article R. 311-37 du même code, dans sa rédaction alors en vigueur : " Lors de l'enregistrement de sa demande d'asile, l'administration remet à l'étranger, dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de penser qu'il la comprend, une information écrite relative aux conditions d'admission au séjour en France à un autre titre que l'asile et aux conséquences de l'absence de demande sur d'autres fondements que ceux qu'il aura invoqués dans le délai prévu à l'article D. 311-3-2 ". L'article D. 311-3-2 alors applicable précise que : " Pour l'application de l'article L. 311-6, les demandes de titres de séjour sont déposées par le demandeur d'asile dans un délai de deux mois. Toutefois, lorsqu'est sollicitée la délivrance du titre de séjour mentionné au 11° de l'article L. 313-11, ce délai est porté à trois mois ".

5. L'information prévue par l'article L. 311-6 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de l'article 44 de la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018, a pour seul objet, ainsi qu'en témoignent d'ailleurs les travaux préparatoires de la loi cités par le requérant lui-même, à compter de l'information ainsi délivrée, de limiter le délai dans lequel il est loisible au demandeur d'asile de déposer une demande de titre de séjour sur un autre fondement. La méconnaissance par l'autorité administrative de cette obligation d'information a ainsi seulement pour effet de faire obstacle au refus d'enregistrement d'une demande de titre de séjour présentée sur un autre fondement au-delà du délai prévu à l'article D. 311-3-2 du code, mais ne s'oppose pas à l'édiction d'une obligation de quitter le territoire français prise sur le fondement du 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile lorsque la demande d'asile a été rejetée. En tout état de cause, elle n'est pas non plus constitutive d'une garantie s'attachant à la procédure de demande d'asile elle-même. Dans ces conditions, la carence du préfet de l'Ardèche à établir, tant en première instance qu'en appel, la délivrance de cette information, n'est pas susceptible de caractériser un vice de procédure de nature à entraîner l'annulation de la décision du 15 mars 2021 portant obligation de quitter le territoire français ni, par voie de conséquence, des décisions qui l'accompagnent.

6. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses demandes. Ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte doivent, par voie de conséquence, être également rejetées.

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse au conseil de M. A... la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Ardèche.

Délibéré après l'audience du 7 avril 2022, à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Dèche, présidente assesseure,

Mme Rémy-Néris, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 5 mai 2022.

Le président, rapporteur,

F. BourrachotLa présidente-assesseure,

P. Dèche

La greffière,

C. Langlet

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

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N° 21LY02743

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY02743
Date de la décision : 05/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: M. François BOURRACHOT
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : TERRASSON CLEMENT

Origine de la décision
Date de l'import : 17/05/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-05-05;21ly02743 ?
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