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05/05/2022 | FRANCE | N°21LY01229

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 05 mai 2022, 21LY01229


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société anonyme (SA) Poxel a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge des cotisations de taxe sur les salaires auxquelles elle a été assujettie pour des montants de 129 856 euros au titre de l'année 2014 et 252 955 euros au titre des années 2015 et 2016 et le remboursement des sommes ainsi acquittées assorties des intérêts moratoires en application de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales.

Par un jugement n° 1904219 du 12 février 2021, le tribunal admini

stratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société anonyme (SA) Poxel a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge des cotisations de taxe sur les salaires auxquelles elle a été assujettie pour des montants de 129 856 euros au titre de l'année 2014 et 252 955 euros au titre des années 2015 et 2016 et le remboursement des sommes ainsi acquittées assorties des intérêts moratoires en application de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales.

Par un jugement n° 1904219 du 12 février 2021, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 16 avril 2021, la SA Poxel, représentée par Me Meddeber, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 12 février 2021 ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations susmentionnées ainsi que le remboursement des sommes acquittées assorti des intérêts moratoires ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 10 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice ;

4°) de condamner l'Etat aux dépens en application de l'article R. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le paragraphe 210 de la doctrine BOI-TPS-TS-20-30-20141107 ainsi que la jurisprudence l'autorisent à sectoriser ses activités ; son activité financière est dissociable de son activité de recherche ; cette activité dispose de son propre personnel, de son propre matériel ainsi que d'une comptabilité distincte ;

- elle subit une inégalité de traitement par rapport à la situation d'un autre contribuable.

Par un mémoire enregistré le 2 décembre 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- pour l'application des dispositions de l'article 231 du code général des impôts et de celle de l'article 209 de l'annexe II à ce même code, les opérations financières réalisées par la société sont étroitement imbriquées dans son activité opérationnelle, en constituent le complément indispensable, direct et permanent et procèdent conséquemment d'une seule activité économique ;

- sa situation ne rentre pas plus dans les prescriptions de la doctrine dont elle se prévaut ;

- elle ne peut se prévaloir de la méconnaissance du principe d'égalité de traitement.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dèche, présidente assesseure ;

- et les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. La SA Poxel qui exerce une activité de recherche, de développement et de commercialisation de molécules thérapeutiques a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2016. Par propositions de rectification des 14 décembre 2017 et 8 février 2018, l'administration lui a notifié des rappels de taxe sur les salaires au titre des périodes du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2016. La SA Poxel relève appel du jugement du 12 février 2021 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions.

Sur l'application de la loi fiscale :

2. Aux termes du 1 de l'article 231 du code général des impôts applicable aux impositions en litige : " Les sommes payées à titre de rémunérations aux salariés, à l'exception de celles correspondant aux prestations de sécurité sociale versées par l'entremise de l'employeur, sont soumises à une taxe égale à 4,25 % de leur montant (...). Cette taxe est à la charge des entreprises et organismes qui emploient ces salariés (...) qui paient ces rémunérations lorsqu'ils ne sont pas assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée ou ne l'ont pas été sur 90 % au moins de leur chiffre d'affaires au titre de l'année civile précédant celle du paiement desdites rémunérations. L'assiette de la taxe due par ces personnes ou organismes est constituée par une partie des rémunérations versées, déterminée en appliquant à l'ensemble de ces rémunérations le rapport existant, au titre de cette même année, entre le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée et le chiffre d'affaires total (...) ".

3. Lorsque les activités d'une entreprise sont, pour l'exercice de ses droits à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée, réparties en plusieurs secteurs distincts au sens des articles 213 et 209, successivement applicables, de l'annexe II au code général des impôts, la taxe sur les salaires doit être déterminée par secteur, en appliquant aux rémunérations des salariés affectés spécifiquement à chaque secteur le rapport d'assujettissement propre à ce secteur. L'activité d'une entreprise peut être répartie en secteurs distincts si les services de l'entreprise peuvent être utilisés indépendamment les uns des autres, s'ils comportent la mise en œuvre de techniques et de moyens de production séparés et s'ils font l'objet d'une comptabilisation distincte. La taxe sur les salaires des personnels concurremment affectés à plusieurs secteurs doit être établie en appliquant à leurs rémunérations le rapport existant pour l'entreprise dans son ensemble entre le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée et le chiffre d'affaires total.

4. La société requérante soutient que les produits générés par les placements de sa trésorerie relèvent d'un secteur distinct de son activité opérationnelle au sens des dispositions précitées. Toutefois, il résulte de l'instruction que la requérante qui, pour réaliser son activité opérationnelle de recherche dispose de ressources financières issues notamment d'appel public à l'épargne, d'emprunts et de crédits d'impôt, procède au placement à son propre bénéfice de ces fonds propres investis dans des SICAV monétaires à court terme et dans des comptes à terme. Cette activité de placement à son propre bénéfice de ses fonds propres doit donc être regardé comme le prolongement direct, permanent et nécessaire de son activité principale soumise à la taxe sur la valeur ajoutée, dont elle n'est pas distincte Dans ces conditions, l'activité de placement de sa propre trésorerie en vue de générer des produits financiers ne peut être regardée comme un secteur d'activité distinct au sens des dispositions susmentionnées des articles 213 puis 209 de l'annexe II au code général des impôts, alors même que la société est cotée sur Euronext Paris depuis février 2015. Par suite, les éléments fournis par la requérante ne permettent pas d'établir qu'elle aurait été en droit, même rétroactivement, de sectoriser son activité.

Sur le bénéfice de la doctrine :

5. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. ".

6. La requérante se prévaut sur le fondement des dispositions précitées de la doctrine publiée au BOFiP sous la référence BOI TPS-TS-20-30 paragraphe 210, qui précise que : " Lorsque les produits financiers (exonérés et hors champ de la TVA) excèdent la limite de 5 % du total des recettes et produits du redevable, il est admis, pour les seuls besoins de la taxe sur les salaires, que les entreprises constituent un secteur d'activité sous réserve que ce secteur dispose de moyens propres en personnel et en matériel pour la réalisation des opérations financières. Dans cette situation, la taxe sur les salaires est calculée dans les conditions suivantes : - les rémunérations des personnels affectés exclusivement et de manière permanente au " secteur financier " (produits financiers exonérés et/ou hors champ) sont intégralement soumises à la taxe sur les salaires ; - les rémunérations des personnels affectés de manière permanente et exclusive aux activités imposées à la TVA sont exonérées (ou sont, le cas échéant, soumises à la taxe sur les salaires à raison du rapport d'assujettissement propre au secteur d'activité concerné) ; - les rémunérations versées au personnel commun (personnels non affectés de manière permanente et exclusive à un secteur déterminé) sont passibles de la taxe sur les salaires à raison du rapport général d'assujettissement qui comprend l'ensemble des recettes financières ".

7. La requérante fait valoir que son activité financière constitue un secteur distinct au sens de cette doctrine dès lors qu'elle met en œuvre du personnel, du matériel et des techniques propres. Elle produit des tableaux de suivi du temps de travail de ses salariés concernant les périodes en litige et relève que trois de ses salariés ont enregistré une quote-part de leur temps de travail en " gestion de trésorerie ", qu'elle évalue à 20 % en moyenne, en précisant que ce temps correspond au choix des investissements, à leur réalisation et aux écritures comptables correspondantes. Elle ajoute que le matériel affecté à l'activité financière correspond à du matériel de bureau ainsi qu'à du matériel informatique et qu'à compter de 2015, elle a mis en place une comptabilité analytique permettant de distinguer le coût de son personnel attaché au secteur financier dans une section " TRESO PERSO ". Toutefois, l'administration fait valoir sans être contredite, que les documents produits par la requérante font ressortir que les personnels concernés sont affectés de manière générale à des tâches administratives comprenant les activités financières en litige au même titre que celles relevant de la formation notamment. Ainsi, il ne ressort pas des documents produits par la requérante qu'elle mettrait en œuvre des moyens propres en personnel et en matériel pour réaliser son activité financière, alors même qu'elle serait dans la capacité d'évaluer de manière analytique, le coût consacré à une telle activité. Par suite, cette activité ne remplissant pas la condition de disposer de moyens propres au sens de la doctrine référencée BOI TPS-TS-20-30 paragraphe 210, laquelle est d'interprétation stricte, la SA Poxel ne saurait se prévaloir de la tolérance administrative qu'elle invoque et l'administration était dès lors fondée à s'opposer à la création de ce secteur financier.

8. Enfin, pour faire échec à l'application de la loi fiscale, la requérante ne peut utilement invoquer une rupture à son détriment du principe d'égalité en se prévalant de la position prise par l'administration sur la situation d'un autre contribuable dès lors qu'il est constant qu'elle ne se trouvait pas dans la situation de fait sur laquelle l'administration a porté l'appréciation invoquée.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la SA Poxel n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence doivent être rejetées ses conclusions tendant à l'application des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SA Poxel est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SA Poxel et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré après l'audience du 7 avril 2022 à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Dèche, présidente assesseure,

Mme Rémy-Néris, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 mai 2022.

La rapporteure,

P. Dèche

Le président,

F. Bourrachot,

La greffière,

C. Langlet

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

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N° 21LY01229

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY01229
Date de la décision : 05/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-05-01 Contributions et taxes. - Impôts assis sur les salaires ou les honoraires versés. - Versement forfaitaire de 5 p. 100 sur les salaires et taxe sur les salaires.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Pascale DECHE
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : MEDDEBER

Origine de la décision
Date de l'import : 17/05/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-05-05;21ly01229 ?
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