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05/05/2022 | FRANCE | N°20LY00773

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 05 mai 2022, 20LY00773


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SARL Europub's a demandé au tribunal administratif de Lyon la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1807031 du 23 décembre 2019, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et trois mémoires, enregistrés les 24 février, 12 mars, 3 décembre 2020 et 8 avril 2021, la SARL Eu

ropub's, représentée par Me Martin, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal ad...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SARL Europub's a demandé au tribunal administratif de Lyon la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1807031 du 23 décembre 2019, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et trois mémoires, enregistrés les 24 février, 12 mars, 3 décembre 2020 et 8 avril 2021, la SARL Europub's, représentée par Me Martin, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 23 décembre 2019 et lui accorder la décharge sollicitée ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les propositions de rectifications et les réponses aux observations du contribuable qui lui ont été adressées sont insuffisamment motivées au regard des prescriptions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ; l'administration a ainsi méconnu le principe du contradictoire ;

- la procédure est entachée d'irrégularité en l'absence de réunion de synthèse menée par l'administration concernant l'exercice 2012 ; l'exigence du débat oral et contradictoire a été méconnue ;

- l'administration ne lui a pas communiqué les SMS envoyés par son gérant au vérificateur, évoqués devant la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, en méconnaissance de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ;

- le rejet de comptabilité n'est pas justifié, celle-ci est régulière en la forme et probante ;

- elle se prévaut du paragraphe 60 de la doctrine BOI-CF-IOR-10-20 et du paragraphe 40 de la doctrine BOI-BIC-DECLA-30-10-20-50 concernant le rejet de sa comptabilité ;

- la reconstitution des recettes est radicalement viciée compte tenu des tarifs retenus, du taux de perte appliqué aux bières pression, de l'absence de prise en compte des vols d'une salariée, des erreurs de calcul entachant les achats consommés ; elle propose une méthode alternative de reconstitution basée sur les coefficients multiplicateurs moyens pour chaque catégorie de produit constatés sur les exercices 2015 à 2017 et le taux de marge en résultant ; en s'abstenant de tenir compte de cette méthode, l'administration méconnaît le principe de l'égalité des armes, protégé par les stipulations de l'article 6§1 de la convention européenne de sauvegarde de droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par deux mémoires, enregistrés les 13 octobre 2020 et 6 mai 2021 (non communiqué), le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens ne sont pas fondés.

Une ordonnance du 5 mars 2021 a fixé la clôture de l'instruction au 30 avril 2021.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Rémy-Néris, première conseillère,

- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public,

- et les observations de Me Martin, représentant la SARL Europub's ;

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Europub's, qui exploite un bar pub anglais, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014. Par des propositions de rectification des 30 décembre 2015 concernant l'exercice clos en 2012 et 7 juin 2016 concernant les exercices clos en 2013 et 2014, l'administration a rejeté la comptabilité de la société, puis reconstitué son chiffre d'affaires. La SARL Europub's relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014, ainsi que des pénalités correspondantes.

Sur le bien-fondé des impositions en litige :

En ce qui concerne la procédure d'imposition :

2. En premier lieu, la SARL Europub's réitère en appel et sans apporter aucun élément nouveau de fait ou de droit à l'appui de celui-ci ni critiquer utilement les motifs par lesquels le tribunal a écarté ce moyen, le moyen tiré de l'insuffisante motivation des propositions de rectifications qui lui ont été adressées les 30 décembre 2015 s'agissant de l'exercice clos en 2012 et 7 juin 2016 s'agissant des exercices clos en 2013 et 2014 ainsi que celle des réponses à ses observations datées des 4 mai 2016 et 5 octobre 2016. Il y a lieu pour la cour d'écarter ce moyen dans toutes ses branches par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges aux points 4 à 6 de leur jugement. Il en va de même, et pour les mêmes motifs, du moyen tiré de la méconnaissance à ce titre du principe du caractère contradictoire de la procédure de rectification.

3. En deuxième lieu, en vertu de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales, la date à laquelle la vérification sur place des livres et documents mentionnée par ces dispositions doit être regardée comme ayant débuté est celle à laquelle le vérificateur commence à contrôler sur place la sincérité des déclarations fiscales. La date à laquelle elle s'achève correspond en principe à la dernière intervention sur place du vérificateur. Il s'ensuit qu'en dehors de l'hypothèse de l'emport de documents comptables non restitués à la date de la dernière intervention sur place du vérificateur, une réunion de synthèse dans les locaux de l'administration ne se rattache pas aux opérations de vérification de comptabilité. Dès lors et en tout état de cause, la requérante ne peut soutenir que l'absence de réunion de synthèse concernant l'exercice 2012 a vicié les opérations de vérification de la comptabilité. Elle ne soutient pas en outre que, lors des interventions du vérificateur, ce dernier se serait opposé à tout débat. Le moyen tiré du défaut de débat oral et contradictoire ne peut donc qu'être écarté.

4. En dernier lieu, l'appelante soulève à nouveau en appel le moyen tiré de la méconnaissance par le vérificateur des dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par les premiers juges.

En ce qui concerne le rejet de la comptabilité présentée :

5. Si la SARL Europub's conteste le rejet de sa comptabilité par l'administration, il est constant qu'elle n'a pas conservé, pour les exercices vérifiés, sur quelque support que ce soit, les bandes de contrôle ni les doubles des notes clients alors que les seuls tickets Z produits pour justifier des recettes, qui centralisaient les données de chaque journée par nature d'opération, par taux de taxe sur la valeur ajoutée et moyen de paiement, ne permettent pas de préciser le détail chronologique et quotidien des ventes. Il n'est pas contesté par ailleurs que les tickets Z globalisaient certaines recettes et ne permettaient pas de vérifier la concordance des ventes déclarées avec les achats comptabilisés. Par suite, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve du caractère irrégulier et non probant de la comptabilité qui lui a été présentée, celle-ci devant être regardée comme entachée de graves irrégularités au sens des dispositions de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales.

6. Sur la doctrine, la société requérante n'est pas fondée à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, du paragraphe 60 de la doctrine BOI-CF-IOR-10-20 du 12 septembre 2012 dès lors que cette doctrine ne donne pas d'interprétation différente de la loi fiscale ni du §40 du BOI-BICDECLA-30-10-20-50 qui admet, pour tenir compte des conditions d'exercice du commerce de détail, " lorsque la multiplicité et le rythme élevé des ventes de faible montant font pratiquement obstacle à la tenue d'une main courante, que l'enregistrement global des recettes en fin de journée ne suffise à lui seul à faire écarter la comptabilité présentée à condition toutefois que celle-ci soit, par ailleurs, bien tenue et que les résultats-et notamment le bénéfice brut qu'elle accuse - soient en rapport avec l'importance et la production apparente de l'entreprise ", dès lors que, contrairement aux prescriptions de cette doctrine, la comptabilité de la société n'était pas bien tenue.

En ce qui concerne la reconstitution de recettes :

7. En l'espèce, il résulte de l'instruction que, pour opérer la reconstitution de chiffres d'affaires de la société vérifiée sur les exercices 2012, 2013 et 2014, le vérificateur a pris en compte les achats figurant dans la comptabilité, corrigés de la variation des stocks à l'ouverture et la clôture des trois exercices en cause, s'agissant de trois groupes d'achats à savoir les groupes " alcools " et " bière pression " sur les trois exercices vérifiés auxquels s'est ajouté le groupe " bière bouteille " pour l'exercice 2013. Le vérificateur a retenu la répartition des types de contenances servies communiquées par le gérant et a déterminé en outre un taux d'unités d'alcool consommées pour les alcools combinés (cocktails). Il a corrigé le chiffre d'affaires théorique obtenu en multipliant les unités de consommation par le tarif concerné par des taux d'offerts, de consommation du personnel et de perte technique et générale.

8. Afin de contester la méthode ainsi utilisée, la SARL Europub's, qui supporte la charge de la preuve, fait valoir que l'administration s'est fondée sur des tarifs erronés pour les exercices 2012 et 2013. Toutefois, il résulte de l'instruction que, lors du contrôle, le vérificateur a accepté, sur proposition du gérant de la société, de retenir pour les exercices 2012 et 2013 les tarifs retenus pour l'exercice 2014 exposés sur la carte présentée lors du contrôle sous déduction de 10 centimes d'euros pour chaque produit. La société requérante ne saurait ainsi contester les tarifs retenus par le vérificateur alors qu'au surplus, elle ne produit aucun élément probant permettant d'attester des tarifs qu'elle a pratiqués sur les exercices 2012 et 2013. Si elle conteste également, s'agissant uniquement du groupe " bière pression ", le taux de perte " technique " évalué par le vérificateur à 8%, elle n'apporte pas d'élément concernant le dysfonctionnement allégué de son propre système de contrôle du débit de boissons et ne justifie pas d'un pourcentage de perte évaluée par elle à 17%. S'agissant du taux de perte " générale ", également retenu par le vérificateur, à 4% sur l'exercice 2012 puis à 2% sur les exercices suivants, cette diminution du taux retenu se justifie par l'augmentation corrélative du taux d'offerts constatés pour ces deux exercices à savoir 5,47% sur 2013 et 4,10 % sur 2014 sur les données des tickets Z, lequel s'élevait uniquement à 1,31% du chiffre d'affaires TTC sur l'exercice 2012. La SARL Europub's ne chiffre pas, par ailleurs, la perte de chiffres d'affaires qui aurait été générée par les vols opérés par une salariée entre mai 2013 et janvier 2014 alors que la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires a pu souligner à ce titre que les taux de marge étaient restés stables entre les exercices 2012 et 2014 ce qui ne démontre aucune baisse du chiffre d'affaires lié à des vols de salariés. La société requérante ne justifie pas davantage des erreurs alléguées par l'expert qu'elle a mandaté commises par le vérificateur au niveau des achats consommés dès lors qu'elle n'apporte pas de précisions sur les achats concernés ni les produits en cause et se borne à évaluer un impact global de 19 613 euros sur les chiffres d'affaires reconstitués par le vérificateur. Enfin, si elle propose une méthode alternative de reconstitution de recettes, il ressort du rapport d'expertise qu'elle produit au soutien de celle-ci que les conditions d'exploitation de son activité n'ont pas été identiques au cours des exercices vérifiés et des exercices pris en comparaison, à savoir les exercices 2015 à 2017, dès lors que pour ces derniers exercices le chiffre d'affaires a été affecté, selon l'expert, sur 2015 et 2016 " par des travaux entamés puis arrêtés s'étant traduit par l'impossibilité d'utiliser la terrasse pendant 10 mois avant d'obtenir de la mairie le déblocage de l'arrêté interruptif de travaux concernant la construction d'une pergola bioclimatique " et, sur 2017, " par des travaux de requalification du centre-ville comprenant la démolition puis la reconstitution de la terrasse du pub ". Par suite, la société requérante ne peut se prévaloir des coefficients multiplicateurs moyens pour chaque catégorie de produit ni du taux de marge déterminés à la suite de l'analyse de ces chiffres d'affaires à l'encontre de la reconstitution opérée. Il s'en suit que la société requérante n'établit pas que la reconstitution opérée par l'administration serait radicalement viciée ou excessivement sommaire.

9. Enfin, la SARL Europub's ne peut utilement se prévaloir des stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et invoquer ainsi l'atteinte au principe d'égalité des armes pour contester les rappels de taxe sur la valeur ajoutée devant le juge de l'impôt, dès lors que ces stipulations ne sont applicables qu'aux procédures contentieuses suivies devant les juridictions lorsqu'elles statuent sur des droits et obligations de caractère civil ou sur des accusations en matière pénale. Ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'égalité des armes, invoqué sur le fondement de ces stipulations, ne peut qu'être écarté en ce qui concerne l'établissement de ces impositions.

10. Il résulte de ce qui précède que la SARL Europub's n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014, ainsi que des pénalités correspondantes.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la SARL Europub's réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SARL Europub's est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Europub's et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré après l'audience du 7 avril 2022 à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Dèche, présidente assesseure,

Mme Rémy-Néris, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 5 mai 2022.

La rapporteure,

V. Rémy-NérisLe président,

F. Bourrachot

La greffière,

C. Langlet

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 20LY00773

ar


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-06-02 Contributions et taxes. - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. - Taxe sur la valeur ajoutée.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Vanessa REMY-NERIS
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : SCP LAMY et ASSOCIES

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Date de la décision : 05/05/2022
Date de l'import : 17/05/2022

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 20LY00773
Numéro NOR : CETATEXT000045766838 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-05-05;20ly00773 ?
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