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04/05/2022 | FRANCE | N°21LY01038

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre, 04 mai 2022, 21LY01038


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Par une première demande, M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 12 janvier 2021 par lequel le préfet de l'Isère l'a obligé à quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, lui a fait interdiction de retour pendant une durée d'un an et a fixé la Tunisie comme pays de destination de cette mesure d'éloignement.

Par une seconde demande, M. A... a demandé au tribunal administratif de Grenobl

e d'annuler l'arrêté du 12 janvier 2021 par lequel le préfet de l'Isère l'a assigné à...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Par une première demande, M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 12 janvier 2021 par lequel le préfet de l'Isère l'a obligé à quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, lui a fait interdiction de retour pendant une durée d'un an et a fixé la Tunisie comme pays de destination de cette mesure d'éloignement.

Par une seconde demande, M. A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 12 janvier 2021 par lequel le préfet de l'Isère l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 2100212-2100213 du 19 janvier 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble, après avoir admis M. A..., à titre provisoire, au bénéfice de l'aide juridictionnelle, a rejeté le surplus des conclusions de ses demandes.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 2 avril 2021, M. A..., représenté par Me Vigneron, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble du 19 janvier 2021 ;

2°) d'annuler les arrêtés du préfet de l'Isère du 12 janvier 2021 ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 200 euros par jour de retard, de lui délivrer un titre de séjour, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de deux jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous la même astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'arrêté attaqué est entaché d'incompétence ;

- l'arrêté attaqué est entaché d'un défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle ;

- l'arrêté attaqué a été pris sans qu'il ait été entendu en méconnaissance de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, alors que la procédure de vérification du droit au séjour est nulle ; c'est à tort que le jugement a écarté le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu ;

- c'est à tort que le premier juge a retenu qu'il se maintient irrégulièrement sur le territoire national, dès lors que le dépôt d'une demande d'aide juridictionnelle pour contester le refus de titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire français du 12 septembre 2019 est suspensif ;

- la mesure d'éloignement en litige viole l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- elle est entachée d'illégalité dans le contexte sanitaire actuel ;

- le préfet ne pouvait fonder le refus de lui accorder un délai de départ volontaire sur les dispositions de l'article L. 511-1 III 3°du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en l'absence de caractère exécutoire de l'obligation de quitter le territoire français du 12 septembre 2019 ;

- l'interdiction de retour sur le territoire français est disproportionnée et injustifiée ;

- la décision fixant la Tunisie comme pays de destination méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'assignation à résidence est privée de base légale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

- il reprend à l'encontre de cet arrêté les mêmes moyens d'annulation que ceux soulevés à l'encontre de l'arrêté portant obligation de quitter le territoire français ;

- l'obligation de se rendre deux fois par semaine au commissariat de police est incompatible avec le suivi sérieux de sa scolarité et pourrait compromettre ses chances de réussite ;

- les perspectives d'éloignement sont inexistantes au regard de la situation sanitaire actuelle.

Par un mémoire en défense enregistré le 17 mai 2021, le préfet de l'Isère conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par une décision du 3 mars 2021, le bureau d'aide juridictionnelle a accordé le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale à M. A....

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique, le rapport de Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant tunisien né en 2001, entré en France le 5 avril 2018, a été pris en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance du département de l'Isère à compter du 12 novembre 2018. Il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui lui a été refusé par un arrêté du préfet de l'Isère du 12 septembre 2019, assorti d'une mesure d'éloignement. A la suite de son interpellation le 11 janvier 2021 par les services de police, le préfet de l'Isère a pris à son encontre, le 12 janvier 2021, deux arrêtés l'obligeant à quitter le territoire français, refusant de lui accorder un délai de départ volontaire, lui faisant interdiction de retour pendant une durée d'un an et fixant la Tunisie comme pays de destination, et l'assignant à résidence. M. A... relève appel du jugement du 19 janvier 2021 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de ces décisions.

Sur la légalité des arrêtés du 12 janvier 2021 :

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

2. M. A... réitère en appel ses moyens de première instance, tirés de l'incompétence du signataire de la mesure d'éloignement en litige, du défaut d'examen particulier de sa situation personnelle et de la méconnaissance du droit d'être entendu. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs circonstanciés retenus à bon droit par le premier juge.

3. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a déclaré être entré en France le 5 avril 2018, à l'âge de 16 ans révolus, alors qu'il était mineur. Il vit en France depuis moins de trois ans à la date de la décision attaquée, où il poursuit un contrat d'apprentissage en maçonnerie et s'y maintient en dépit de l'obligation de quitter le territoire français qui a été prise à son encontre le 12 septembre 2019, et qui lui a été notifiée le 16 septembre 2019. Il conserve nécessairement de fortes attaches dans son pays d'origine, où il a vécu la majeure partie de sa vie et où résident ses parents, son frère et sa sœur, même s'il indique qu'il n'aurait plus de contact avec eux. Dans ces circonstances, le moyen tiré de ce que l'obligation de quitter le territoire français porterait une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté, de même que celui tiré de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences d'un éloignement sur la situation personnelle du requérant.

En ce qui concerne le refus d'accorder un délai de départ volontaire :

4. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) II. (...) l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; (...) ".

5. Si M. A... justifie du dépôt, le 6 octobre 2019, d'une demande d'aide juridictionnelle pour contester l'obligation de quitter le territoire français du 12 septembre 2019, cette circonstance est sans effet sur le délai de départ volontaire qui lui a été accordé pour quitter le territoire français, comme l'a relevé le premier juge. L'intéressé, s'étant maintenu en France après cette date, il se trouvait dans le cas visé au d) du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur permettant, sauf circonstance particulière, de présumer établi le risque de soustraction à la mesure d'éloignement en litige. Le contexte sanitaire dont il se prévaut ne constitue pas une circonstance humanitaire qui aurait pu justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour sur le territoire français à son encontre. Le moyen selon lequel le préfet de l'Isère a fait une inexacte application des dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur en refusant de lui accorder un délai de départ volontaire doit ainsi être écarté.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

6. Il résulte de ce qui a été dit plus haut que le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision en litige a été prise en violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :

7. Compte tenu notamment de ce qui a été dit au point 3 et en l'absence de circonstance humanitaire faisant obstacle à ce qu'une interdiction de retour sur le territoire soit prononcée à son encontre, M. A..., qui a déjà fait l'objet d'une mesure d'éloignement qu'il n'a pas exécutée, n'est pas fondé à soutenir que l'interdiction de retour sur le territoire français prononcée à son encontre, d'une durée d'une année, serait entachée d'une erreur d'appréciation.

En ce qui concerne l'assignation à résidence :

8. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision portant assignation à résidence.

9. En deuxième lieu, M. A... reprend à l'encontre de cet arrêté les mêmes moyens d'annulation que ceux soulevés à l'encontre de l'arrêté portant obligation de quitter le territoire français. Ces moyens ne peuvent, en tout état de cause, qu'être écartés.

10. En troisième lieu, malgré le contexte sanitaire dont se prévaut le requérant, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il n'existe aucune perspective raisonnable à son éloignement à la date de la mesure d'assignation en litige.

11. En dernier lieu, le requérant ne démontre pas que l'obligation de se rendre deux fois par semaine au commissariat de police serait incompatible avec le suivi sérieux de sa scolarité et pourrait compromettre ses chances de réussite.

12. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté les conclusions à fin d'annulation de ses demandes.

Sur les conclusions aux fins d'injonction sous astreinte :

13. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions de M. A..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte ne peuvent dès lors qu'être rejetées.

Sur les frais d'instance :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il en soit fait application à l'encontre de l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 12 avril 2022 à laquelle siégeaient :

M. Jean-Yves Tallec, président,

Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère,

Mme Sophie Corvellec, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 mai 2022.

La rapporteure,

Bénédicte LordonnéLe président,

Jean-Yves Tallec La greffière,

Michèle Daval

La République mande et ordonne ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

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N° 21LY01038


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY01038
Date de la décision : 04/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. TALLEC
Rapporteur ?: Mme Bénédicte LORDONNE
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : VIGNERON

Origine de la décision
Date de l'import : 17/05/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-05-04;21ly01038 ?
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