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04/05/2022 | FRANCE | N°20LY00869

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre, 04 mai 2022, 20LY00869


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

L'association " Saône-et-Loire Environnement Nature " (SELEN) a demandé, par tierce-opposition, au tribunal administratif de Dijon d'annuler le jugement n° 1302530 du 27 janvier 2015 par lequel ce tribunal a annulé l'arrêté du préfet de Saône-et-Loire du 6 août 2013 refusant d'autoriser la société C... à exploiter une carrière et une installation de traitement de matériaux sur le territoire des communes de B... et de A... (article 1er), a accordé à cette société l'autorisation d'exploiter qu'elle so

llicitait et pour une durée de vingt ans, assortie des prescriptions énumérées a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

L'association " Saône-et-Loire Environnement Nature " (SELEN) a demandé, par tierce-opposition, au tribunal administratif de Dijon d'annuler le jugement n° 1302530 du 27 janvier 2015 par lequel ce tribunal a annulé l'arrêté du préfet de Saône-et-Loire du 6 août 2013 refusant d'autoriser la société C... à exploiter une carrière et une installation de traitement de matériaux sur le territoire des communes de B... et de A... (article 1er), a accordé à cette société l'autorisation d'exploiter qu'elle sollicitait et pour une durée de vingt ans, assortie des prescriptions énumérées au point 12 de ce jugement, à savoir réduction du périmètre d'exploitation conformément au projet modifié, réduction de la production moyenne à 80 000 tonnes par an pendant la durée d'exploitation fixée à vingt ans, abaissement du front de taille de la carrière sur le territoire de la commune de A... visible dans le vallon depuis la route départementale et le village, végétalisation du gradin par des arbustes d'essence locale et des semis herbacées après exploitation, conservation de la crête boisée à la limite des deux communes de A... et de B... et enfin maintien du merlon paysager du front supérieur nord-est sur la commune de B... et de l'écran topographique boisé en limite Est sur la commune de A... (article 2), a prescrit au préfet de Saône-et-Loire de prendre, dans un délai ne devant pas excéder trois mois, un arrêté reprenant les prescriptions ci-dessus et fixant toute autre prescription complémentaire utile à la protection des intérêts visés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement ainsi que l'ensemble des conditions d'exploitation (article 3) et a mis à la charge de l'Etat le versement à la société Grosne Terrassement d'une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative (article 4).

Par un jugement n° 1600981 du 17 décembre 2019, le tribunal administratif de Dijon rejeté cette demande en tierce-opposition.

Procédure devant la cour

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 24 février 2020, 17 août 2021 et 14 octobre 2021, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, l'association SELEN, représentée par Me Untermaier, demande à la cour :

1°) d'annuler les jugements du tribunal administratif de Dijon n° 1302530 du 27 janvier 2015 et n° 1600981 du 17 décembre 2019 ;

2°) de mettre une somme de 3 000 euros à la charge de la société C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le dossier de demande d'autorisation est insuffisant en l'absence de présentation des solutions de substitution au projet ; c'est à tort que le tribunal, qui a commis une erreur de droit, a opposé l'inapplicabilité, à la date du dépôt du dossier d'autorisation, des dispositions du 5° du II de l'article R. 122-5 du code de l'environnement telles que modifiées par le décret n° 2011-2019 du 29 décembre 2011 portant réforme des études d'impact, alors que la légalité du projet s'apprécie au regard des règles de procédure applicables à la date de la délivrance de l'autorisation ;

- le dossier de demande d'autorisation est incomplet en l'absence de justification de la maîtrise foncière des terrains d'assiette du projet par le pétitionnaire en l'absence de contrat de bail et de contrat de fortage ; la délibération sur laquelle s'est fondé le jugement ne concerne pas la partie de la parcelle A 592 et le chemin de desserte qui sont pourtant inclus dans l'assiette du projet ;

- l'autorisation d'exploiter a été délivrée sur la base d'un avis irrégulier rendu par l'autorité environnementale au regard des exigences de la directive 2011/92/UE du 13 décembre 2011 ;

- les modifications apportées au projet postérieurement à l'enquête imposaient l'organisation d'une nouvelle enquête publique ; c'est à tort que le tribunal, qui a commis une erreur de droit, a déduit de la non-aggravation des impacts du projet sur l'environnement, l'absence de bouleversement de l'économie générale du projet ; la réduction du tonnage annuel était de nature à modifier substantiellement l'intérêt socio-économique du projet ;

- l'autorisation d'exploiter, qui doit être considérée comme une autorisation environnementale au sens de l'article L. 181-1 du code de l'environnement, est illégale en tant qu'elle n'incorpore pas la dérogation au titre des espèces protégées ; l'exploitant a été mis en demeure de l'obtenir et sa demande n'a jamais abouti ; l'arrêté du 22 mai 2015, qui en mentionne la nécessité, ne peut la faire figurer comme une simple prescription ;

- l'autorisation d'exploiter ne prévoit pas le maintien en l'état des chemins de randonnées situés sur le flanc est du Mont de la dont certains rejoignent le chemin de crête ; ils constituent des chemins ruraux qui ne peuvent pas être supprimés sans procédure d'aliénation préalable ; aucune prescription ne garantit le maintien de ces chemins ; c'est à tort que le tribunal a jugé que le chemin faîtral est maintenu sur toute sa longueur alors que l'arrêté préfectoral du 22 mai 2015 prévoit d'aménager le passage de camions sur ce chemin ;

- l'atteinte aux intérêts protégés par l'article L. 511-1 du code de l'environnement, eu égard à l'intérêt et à la sensibilité du vallon de A... et à l'atteinte irréversible au site que porte le projet, sur un nouveau versant de la colline, imposait de refuser l'autorisation et non de l'assortir de prescriptions particulières ; l'impact paysager du projet a été sous-estimé.

Par des mémoires en défense enregistrés les 24 avril 2020 et 21 septembre 2021, la société Grosne Terrassement, représentée par la SCP Nicolaÿ - de Lanouvelle - Hannotin, conclut au rejet de la requête, subsidiairement, à ce qu'il soit fait application de l'article L. 181-18 du code de l'environnement, et demande qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de l'association SELEN en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les moyens contestant le bien-fondé de l'autorisation soulevés pour la première fois dans le mémoire enregistré le 17 août 2021, relevant d'une cause juridique nouvelle, sont irrecevables ;

- les moyens soulevés sont infondés ;

- l'irrégularité de l'avis de l'autorité environnementale et l'absence de dérogation au titre des espèces protégées sont des vices régularisables ; cela ne fait nullement obstacle à la poursuite de l'activité dans l'attente de cette régularisation ;

- une régularisation est en cours concernant l'absence de maîtrise foncière d'une partie infime du périmètre de la carrière.

Par ordonnance du 23 septembre 2021, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 15 octobre 2021.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'environnement ;

- l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 relative à l'autorisation environnementale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère ;

- les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public ;

- et les observations de Me Untermaier pour l'association SELEN ainsi que celles de Me Robert pour la société C....

Et après avoir pris connaissance de la note en délibéré présentée pour l'association SELEN, enregistrée le 14 avril 2022 ;

Considérant ce qui suit :

1. L'association SELEN relève appel du jugement du 17 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa requête en tierce-opposition dirigée contre le jugement n° 1302530 du 27 janvier 2015 par lequel ce tribunal a annulé l'arrêté du préfet de Saône-et-Loire du 6 août 2013 refusant d'autoriser la société C... à exploiter une carrière et une installation de traitement de matériaux sur le territoire des communes de B... et de A..., a accordé à cette société l'autorisation d'exploiter qu'elle sollicitait et pour une durée de vingt ans, assortie de prescriptions, et a prescrit au préfet de prendre, dans un délai ne devant pas excéder trois mois, un arrêté reprenant ces prescriptions et fixant toute autre prescription complémentaire utile à la protection des intérêts visés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement ainsi que l'ensemble des conditions d'exploitation. L'association SELEN, qui demande l'annulation des jugements n° 1302530 du 27 janvier 2015 et n° 1600981 du 17 décembre 2019, doit être regardée en réalité comme sollicitant que le premier de ces jugements soit déclaré nul et non avenu.

Sur la légalité de l'autorisation d'exploiter accordée à la société Grosne-Terrassement :

En ce qui concerne les moyens de légalité externe :

S'agissant du dossier de demande :

2. En vertu de l'article L. 181-17 du code de l'environnement, issu de l'article 1er de l'ordonnance du 26 janvier 2017 et applicable depuis le 1er mars 2017, l'autorisation environnementale est soumise à un contentieux de pleine juridiction. Il appartient au juge du plein contentieux, comme le soutient l'association SELEN, d'en apprécier la légalité au regard des règles de procédure applicables à la date de délivrance de l'autorisation.

3. Si à la date de délivrance, par le jugement du 27 janvier 2015, de l'autorisation contestée, les dispositions du 5° du II de l'article R. 122-5 du code de l'environnement, dans sa rédaction issue du décret n° 2011-2019 du 29 décembre 2011 portant réforme des études d'impact des projets de travaux, d'ouvrages ou d'aménagements, étaient entrées en vigueur, en vertu de l'article 13 du même décret, ces dispositions ne sont applicables qu'aux projets dont le dossier de demande a été déposé à compter du 1er jour du sixième mois suivant sa publication, soit le 1er juin 2012, ce qui n'est pas le cas en l'espèce s'agissant d'un dossier de demande déposé en 2009. Le moyen tiré de ce que l'étude d'impact ne comportait pas d'esquisse des principales solutions de substitution examinées par le pétitionnaire doit ainsi être écarté comme inopérant.

4. Aux termes de l'article R. 512-6 du code de l'environnement, dans sa rédaction immédiatement antérieure à celle issue du décret n° 2011-2019, applicable au litige ainsi qu'il résulte du point précédent : " I.-A chaque exemplaire de la demande d'autorisation doivent être jointes les pièces suivantes : (...) / 8° Pour les carrières et les installations de stockage de déchets, un document attestant que le demandeur est le propriétaire du terrain ou a obtenu de celui-ci le droit de l'exploiter ou de l'utiliser. (...) ".

5. Eu égard notamment aux obligations qui peuvent être imposées par le régime des installations classées au propriétaire du terrain en cas de dommages pour l'environnement, il incombe à l'autorité administrative, lorsque le demandeur n'est pas le propriétaire du terrain, non seulement de s'assurer de la production de l'autorisation donnée par le propriétaire, sans laquelle la demande d'autorisation ne peut être regardée comme complète, mais également de vérifier qu'elle n'est pas manifestement entachée d'irrégularité.

6. La délivrance d'une autorisation d'exploitation d'une installation classée n'est pas nécessairement subordonnée à la maîtrise foncière par le pétitionnaire des chemins d'accès, dès lors notamment que ceux-ci sont ouverts à la circulation. Si le chemin de desserte est inclus dans le projet d'extension, il ne résulte pas de l'instruction qu'il ferait l'objet d'équipements d'infrastructures ou d'installations particulières. En revanche, si, par une délibération du 12 février 2010, le maire de A... a été autorisé à signer les contrats de location et de fortage de la carrière communale, parcelle cadastrée A n° 593, seuls des projets de contrats sont versés au dossier, et non les contrats eux-mêmes. Le rapport de l'inspection des installations classées a relevé que " l'exploitant ne dispose pas encore des droits d'exploitation sur la partie en extension sur la commune de A... mais qu'un contrat de fortage est en cours de discussion avec la mairie de A... ". Par ailleurs, comme le soutient l'association SELEN, la pétitionnaire ne justifiait pas de l'autorisation du propriétaire de la partie de la parcelle cadastrée section A n° 592 qui fait également partie de l'assiette du projet d'extension de la carrière autorisée par l'arrêté du 22 mai 2015. Par suite, la demande d'autorisation ne peut être regardée comme complète. Il ne résulte pas de l'instruction que ce vice de procédure aurait été régularisé à la date du présent arrêt.

S'agissant de la nécessité d'une nouvelle enquête publique :

7. Il est possible de modifier les caractéristiques du projet à l'issue de l'enquête publique, sous réserve, d'une part, que ne soit pas remise en cause l'économie générale du projet et, d'autre part, que cette modification procède de l'enquête.

8. Il résulte de l'instruction que la société Grosne Terrassement a été autorisée, par un arrêté préfectoral du 8 mars 2005, à exploiter une carrière d'extraction de pierres sur le territoire de la commune de B..., au lieu-dit, pour une durée de quinze ans. Elle a demandé, le 2 septembre 2009, une prolongation de son autorisation, en portant la durée d'exploitation à vingt ans, une extension du périmètre d'exploitation de cette carrière sur le territoire de la commune de A..., pour la même durée et une autorisation d'installation de traitement des matériaux. Par un dossier de modification de sa demande initiale, en octobre 2011, elle a décidé de réduire, de moitié, le périmètre de l'exploitation sollicitée sur le territoire de la commune de A... et le volume de sa demande, prévoyant une production moyenne de 80 000 tonnes par an pendant vingt ans, au lieu des 180 000 tonnes sollicitées initialement, pour tenir compte des réserves exprimées par le commissaire-enquêteur. Contrairement à ce que soutient l'association SELEN, ces modifications, qui avaient pour objet de tenir compte des résultats de l'enquête publique, et ont pour effet objet d'en réduire les conséquences sur l'environnement, ne peuvent, pour substantielles qu'elles soient, être regardées comme constituant une remise en cause de l'économie générale du projet impliquant l'ouverture d'une nouvelle enquête.

S'agissant de l'avis de l'autorité environnementale :

9. L'association SELEN soutient que l'avis de l'autorité environnementale a été émis au terme d'une procédure irrégulière au regard des exigences de l'article 6 de la directive du 13 décembre 2011 imposant que, dans le cas où l'autorité publique compétente pour autoriser un projet est en même temps chargée de la consultation en matière environnementale, une séparation fonctionnelle soit organisée au sein de cette autorité, de manière à ce que l'entité administrative concernée dispose d'une autonomie réelle, impliquant notamment qu'elle soit pourvue de moyens administratifs et humains qui lui soient propres, et soit ainsi en mesure de remplir la mission de consultation qui lui est confiée en donnant un avis objectif sur le projet concerné.

10. Les exigences de la directive ne peuvent être regardées comme satisfaites lorsque le projet a été instruit pour le compte du préfet de département par la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) et que l'avis environnemental émis par le préfet de région a été préparé par la même direction, à moins que l'avis n'ait été préparé, au sein de cette direction, par le service mentionné à l'article R. 122-21 du code de l'environnement qui a spécialement pour rôle de préparer les avis des autorités environnementales.

11. Au cas d'espèce, la demande d'autorisation d'exploiter a été instruite par l'unité départementale de Saône-et-Loire de la DREAL Bourgogne Franche-Comté, qui a également préparé l'avis environnemental. L'association SELEN est ainsi fondée à soutenir que l'avis de l'autorité environnementale a été rendu selon des modalités qui ont méconnu les exigences découlant du paragraphe 1 de l'article 6 de la directive du 13 décembre 2011 qui constituent une garantie. La société Grosne Terrassement ne peut utilement se prévaloir de la circonstance que l'autorisation d'exploiter n'a pas été accordée par le préfet mais par le tribunal administratif, eu égard au stade de la procédure auquel se rapporte l'irrégularité de l'avis de l'autorité environnementale, qui peut nécessiter qu'une enquête publique complémentaire soit organisée à titre de régularisation.

En ce qui concerne les moyens de légalité interne :

12. L'appelant doit énoncer, dans le délai d'appel, la ou les causes juridiques sur lesquelles il entend fonder sa requête. La société Grosne Terrassement soutient que l'association requérante n'est pas recevable, après l'expiration du délai d'appel, à présenter des moyens de légalité interne, qui se rattachent à une cause juridique différente de celles évoquées dans le délai d'appel. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que l'association SELEN a invoqué dans sa requête introductive d'instance, un moyen qui se rattache à la même cause juridique, tiré de l'atteinte aux intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement. Par suite, ces moyens sont recevables.

13. Il appartient au juge du plein contentieux d'apprécier le respect des règles de fond régissant l'installation au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date à laquelle il se prononce.

S'agissant de l'absence de dérogation au titre des espèces protégées :

14. En vertu de l'article 15 de l'ordonnance du 26 janvier 2017, les autorisations instruites et délivrées selon les dispositions législatives et réglementaires dans leur rédaction antérieure au 1er mars 2017, date de son entrée en vigueur, sont considérées, à compter de cette date, comme des autorisations environnementales. Dès lors que l'autorisation environnementale créée par cette ordonnance tient lieu des diverses autorisations, enregistrements, déclarations, absences d'opposition, approbations et agréments énumérés au I de l'article L. 181-2 du code de l'environnement, dont la dérogation à l'interdiction de destruction d'espèces animales non domestiques et de leurs habitats prévue à l'article L. 411-2 du code de l'environnement, l'autorisation environnementale issue de l'autorisation d'exploitation en litige peut être utilement contestée au motif qu'elle n'incorpore pas, à la date à laquelle la cour statue, la dérogation dont il est soutenu qu'elle est requise pour le projet en cause.

15. Il résulte du rapport de la visite du 26 janvier 2011 de l'inspection des installations classées, qui a conclu à la non-conformité notamment pour ce motif, que le projet implique le défrichement de boisements faisant office de site de reproduction et de chasse pour treize espèces d'oiseaux protégés et nécessite l'obtention d'un d'arrêté préfectoral de dérogation aux espèces protégées. La société pétitionnaire indique qu'elle a déposé un dossier de demande à ce titre, le 11 août 2021, sans toutefois justifier qu'une telle dérogation lui a été accordée, de sorte qu'à la date du présent arrêt, le vice ne peut être regardé comme ayant été régularisé. L'association SELEN est, dès lors, fondée à soutenir que l'arrêté attaqué est entaché d'illégalité en tant qu'il n'incorpore pas la dérogation prévue par les dispositions du 4° de l'article L. 411-2 du code de l'environnement. Ce vice, qui est divisible des autres dispositions de l'autorisation environnementale, n'est toutefois pas de nature à l'entacher d'illégalité dans son ensemble et peut être régularisé.

S'agissant des chemins de randonnée :

16. Aux termes de l'article L. 161-1 du code rural et de la pêche maritime : " Les chemins ruraux sont les chemins appartenant aux communes, affectés à l'usage du public, qui n'ont pas été classés comme voies communales. Ils font partie du domaine privé de la commune " ". Aux termes de l'article L. 161-2 du même code : " L'affectation à l'usage du public est présumée, notamment par l'utilisation du chemin rural comme voie de passage ou par des actes réitérés de surveillance ou de voirie de l'autorité municipale ".

17. L'association SELEN soutient que le projet porte atteinte aux chemins de randonnée, dont un chemin intégré au plan départemental des itinéraires de promenade et de randonnée (PDIPR). Ces chemins, affectés à l'usage du public, constituent des chemins ruraux, sans que la société pétitionnaire puisse utilement faire valoir qu'ils ne seraient pas carrossables et ne répondraient pas aux caractéristiques techniques prévues par le code rural auxquelles ils doivent répondre. Toutefois, contrairement à ce que soutient l'association SELEN, l'autorisation d'exploiter en litige n'emporte aucune aliénation de ces chemins ruraux, qui resteront propriété de la commune. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que ces chemins seraient supprimés. Le chemin faîtral en particulier, situé sur la crête du Mont de la Péralle, sera maintenu sur toute sa longueur, une entaille ne sera pratiquée que dans la végétation. Si l'avis de l'autorité environnementale a relevé que l'exploitation mettait en cause le tracé actuel de chemins de randonnée, l'association SELEN, qui ne se prévaut sur ce point de la méconnaissance d'aucune disposition, n'établit ni même n'allègue une atteinte à la continuité des chemins inscrits sur le PDIPR. Son moyen selon lequel l'autorisation environnementale ne prévoit pas le maintien en l'état de chemins de randonnée situés sur le flanc est du Mont de la Péralle dont certains rejoignent le chemin de crête, dépourvu des précisions permettant à la cour d'en apprécier la portée et le bien-fondé doit, dès lors, être écarté, de même que le moyen selon lequel l'arrêté préfectoral du 22 mai 2015 méconnaîtrait le jugement du tribunal administratif en l'absence de prescription relative à la sécurité des randonneurs.

S'agissant de l'atteinte aux intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement :

18. Aux termes de l'article L. 181-3 du code de l'environnement : " I. - L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1, selon les cas. (...) ". Selon l'article L. 511-1 de ce code : " Sont soumis aux dispositions du présent titre (...) d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients (...) pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages (...) ".

19. A l'appui du moyen tiré de l'atteinte aux intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement, l'association SELEN soutient que l'impact paysager du projet a été sous-estimé, que la modélisation produite par la société Grosne Terrassement est erronée, de sorte que l'extension de la carrière sera réalisée en détruisant la crête et le chemin faîtral. Toutefois, l'autorisation délivrée par le tribunal administratif de Dijon a été accordée sous réserve du respect des prescriptions énumérées au point 12 de ce jugement, en particulier de " la conservation de la crête boisée à la limite des deux communes de A... et de B... ". L'arrêté préfectoral du 22 mai 2015 reprend une telle prescription dans son article 2. 3. 6. " Aménagement paysager ", de sorte que les allégations de l'association, à les supposer établies, relèvent de l'exécution de cette autorisation. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'atteinte portée aux intérêts énumérés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement doit être écarté.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 181-18 du code de l'environnement :

20. Aux termes de l'article L. 181-18 du code de l'environnement : " I. - Le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre une autorisation environnementale, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés : / 1° Qu'un vice n'affecte qu'une phase de l'instruction de la demande d'autorisation environnementale, ou une partie de cette autorisation, peut limiter à cette phase ou à cette partie la portée de l'annulation qu'il prononce et demander à l'autorité administrative compétente de reprendre l'instruction à la phase ou sur la partie qui a été entachée d'irrégularité ; / 2° Qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé par une autorisation modificative peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation. Si une telle autorisation modificative est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. / II - En cas d'annulation ou de sursis à statuer affectant une partie seulement de l'autorisation environnementale, le juge détermine s'il y a lieu de suspendre l'exécution des parties de l'autorisation non viciées ".

21. Lorsqu'il est saisi de conclusions en ce sens, le juge est tenu de mettre en œuvre les pouvoirs qu'il tient du 2° du I de l'article L. 181-18-du code de l'environnement si les vices qu'il retient apparaissent, au vu de l'instruction, régularisables. Le juge peut préciser, par son jugement avant dire droit, les modalités de cette régularisation, qui implique l'intervention d'une décision corrigeant le vice dont est entachée la décision attaquée. Un vice de procédure, dont l'existence et la consistance sont appréciées au regard des règles applicables à la date de la décision attaquée, doit en principe être réparé selon les modalités prévues à cette même date. Si ces modalités ne sont pas légalement applicables, notamment du fait de l'illégalité des dispositions qui les définissent, il appartient au juge de rechercher si la régularisation peut être effectuée selon d'autres modalités qu'il lui revient de définir en prenant en compte les finalités poursuivies par les règles qui les ont instituées et en se référant, le cas échéant, aux dispositions en vigueur à la date à laquelle il statue.

22. Les différentes illégalités, énoncées aux points 6, 11 et 15 du présent arrêt, entachant l'autorisation environnementale en litige sont susceptibles d'être régularisées par l'intervention d'une autorisation modificative de régularisation, prise au vu d'un dossier actualisé qui sera soumis à une nouvelle enquête publique, conformément aux modalités qui suivent.

23. L'illégalité qui résulte de l'incomplétude du dossier de demande peut être régularisée par l'intervention d'une autorisation modificative de régularisation prise au regard d'un dossier actualisé comportant un document attestant que la société C... est le propriétaire des parcelles cadastrée A n° 592 et 593 ou a obtenu de celui-ci le droit de les exploiter ou de les utiliser.

24. En l'absence de dispositions législatives ou réglementaires applicables à la date de l'arrêté attaqué et conformes aux exigences rappelées au point 9 du présent arrêt, l'irrégularité de l'avis de l'autorité environnementale relevée au point 11 du présent arrêt peut être régularisée par la consultation de la mission régionale de l'autorité environnementale (MRAE) du Conseil général de l'environnement et du développement durable. L'avis de l'autorité environnementale ainsi recueilli à titre de régularisation, ou l'information relative à l'absence d'observations émises par la mission régionale sera porté à la connaissance du public dans le cadre de l'enquête publique mentionnée au point 22 du présent arrêt.

25. Le vice résultant de l'absence de la demande de dérogation en application du 4° de l'article L. 411-2 du code de l'environnement est susceptible d'être régularisé par une autorisation modificative comportant une telle dérogation prise après la consultation prévue à l'article R. 181-28 du code de l'environnement. L'avis recueilli à l'issue de cette consultation ainsi que la demande de dérogation de la pétitionnaire seront versés au dossier.

26. Eu égard aux modalités de régularisation ainsi fixées, l'éventuelle autorisation modificative devra être communiquée à la cour dans un délai de neuf mois à compter du présent arrêt.

27. Il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu de surseoir à statuer sur la tierce opposition de l'association SELEN jusqu'à l'expiration du délai mentionné au point précédent afin de permettre la régularisation de l'autorisation environnementale en litige.

DÉCIDE :

Article 1er : Il est sursis à statuer sur la tierce-opposition de l'association SELEN pendant un délai de neuf mois à compter de la notification du présent arrêt, dans l'attente de la production, par le préfet de Saône-et-Loire, d'une autorisation modificative en vue de régulariser l'autorisation environnementale selon les modalités précisées aux points 23 à 26 du présent arrêt.

Article 2 : Pendant la période de neuf mois mentionnée à l'article précédent, le préfet de Saône-et-Loire fournira à la cour, au fur et à mesure de leur accomplissement, les actes entrepris en vue de la régularisation prévue à l'article précédent.

Article 3 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'association SELEN, à la société Grosne Terrassement et à la ministre de la transition écologique et solidaire. Copie en sera adressée au préfet de Saône-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 12 avril 2022 à laquelle siégeaient :

M. Jean-Yves Tallec, président,

Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère,

Mme Sophie Corvellec, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 mai 2022.

La rapporteure,

Bénédicte LordonnéLe président,

Jean-Yves Tallec

La greffière,

Michèle Daval

La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique et solidaire en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 20LY00869


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY00869
Date de la décision : 04/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

54-08-04 Procédure. - Voies de recours. - Tierce-opposition.


Composition du Tribunal
Président : M. TALLEC
Rapporteur ?: Mme Bénédicte LORDONNE
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : UNTERMAIER

Origine de la décision
Date de l'import : 17/05/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-05-04;20ly00869 ?
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