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03/05/2022 | FRANCE | N°21LY00844

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre, 03 mai 2022, 21LY00844


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mmes B... A..., Agnès Rémy et Françoise Poguet ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la délibération du 25 septembre 2018 par laquelle le conseil municipal de Hauterives a approuvé la révision du plan local d'urbanisme (PLU).

Par un jugement n° 1900732 du 19 janvier 2021, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés le 19 mars 2021 et le 30 mars 2022, ce dernie

r arrivé après clôture de l'instruction n'ayant pas été communiqué, Mme A... et autres, représe...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mmes B... A..., Agnès Rémy et Françoise Poguet ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la délibération du 25 septembre 2018 par laquelle le conseil municipal de Hauterives a approuvé la révision du plan local d'urbanisme (PLU).

Par un jugement n° 1900732 du 19 janvier 2021, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés le 19 mars 2021 et le 30 mars 2022, ce dernier arrivé après clôture de l'instruction n'ayant pas été communiqué, Mme A... et autres, représentées par Me Bardet, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 19 janvier 2021 ainsi que la délibération du 25 septembre 2018 et la décision 7 décembre 2018 rejetant leur recours gracieux ;

3°) de mettre une somme de 3 000 euros à la charge de la commune de Hauterives au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- la délibération est entachée d'un vice de procédure ; l'essentiel des décisions des auteurs du PLU a été préparé par une " commission PLU " laquelle, par sa composition et son fonctionnement, ne respecte pas les dispositions de l'article L. 2121-22 du code général des collectivités territoriales ;

- la délibération est entachée d'un vice de procédure, tenant à la carence totale en affichage des comptes rendus des séances du conseil municipal en méconnaissance de l'article L. 2121-25 du code général des collectivités territoriales, notamment celui du 20 février 2017 présentant le projet d'aménagement et de développement durable (PADD) et le plan du bourg ;

- la délibération est entachée d'un vice de procédure, tenant à la participation à l'élaboration du PLU d'une part, de Hauterives, qui était intéressé au classement en zone non constructible de leur parcelle, et d'autre part, qui a fait en sorte que la propriété qu'il détient par le biais d'une société civile immobilière soit classée en zone constructible ;

- la qualité graphique du plan mentionné au PADD est insuffisante et ne permet pas de vérifier la cohérence du zonage, vis-à-vis notamment de la définition du tissu urbain existant ;

- le classement en zone Ap de leur parcelle est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ; les caractéristiques de leur parcelle ne répondent pas à la définition posée par l'article R. 151-22 du code de l'urbanisme.

Par deux mémoires en défense enregistrés le 3 juin et 19 juillet 2021, la commune de Hauterives, représentée par la Selarl Fayol et Associés, conclut au rejet de la requête, demande que soit prononcé la suppression des passages diffamants de la requête et que les requérantes soient condamnées au versement de la somme de 200 € à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article L. 741-2 du code de justice administrative et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge des requérantes au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

La clôture de l'instruction a été fixée au 8 février 2022 par une ordonnance du 24 janvier précédent prise en application des dispositions de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Christine Psilakis, première conseillère,

- les conclusions de M. Jean-Simon Laval, rapporteur public,

- les observations de Me Maamma pour la commune d'Hauterives ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... et autres relèvent appel du jugement du 19 janvier 2021 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la délibération du 25 septembre 2018 par laquelle le conseil municipal de Hauterives a approuvé la révision du plan local d'urbanisme.

Sur la légalité de la délibération du 25 septembre 2018 :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales : " Le conseil municipal peut former, au cours de chaque séance, des commissions chargées d'étudier les questions soumises au conseil soit par l'administration, soit à l'initiative d'un de ses membres. / Elles sont convoquées par le maire, qui en est le président de droit, dans les huit jours qui suivent leur nomination, ou à plus bref délai sur la demande de la majorité des membres qui les composent. Dans cette première réunion, les commissions désignent un vice-président qui peut les convoquer et les présider si le maire est absent ou empêché. / Dans les communes de plus de 1 000 habitants, la composition des différentes commissions, y compris les commissions d'appel d'offres et les bureaux d'adjudications, doit respecter le principe de la représentation proportionnelle pour permettre l'expression pluraliste des élus au sein de l'assemblée communale. ".

3. Si les requérantes font valoir que l'essentiel des arbitrages s'agissant du PLU a été préparé par une " commission PLU " laquelle, par sa composition et son fonctionnement, ne respecte pas les dispositions de l'article L. 2121-22 du code général des collectivités territoriales, elles n'assortissent pas leur moyen de précision suffisante pour y statuer. En tout état de cause, il ressort des pièces du dossier que cette commission, dont l'une des réunions, du 4 septembre 2018 est visée dans la délibération en litige, est la commission permanente urbanisme créée en début de mandat, à laquelle pouvaient s'adjoindre l'ensemble des élus du conseil municipal s'ils le souhaitaient. Cette commission n'a toutefois aucun pouvoir décisionnaire et a, sous l'autorité du maire, examiné les questions relatives à la révision du PLU en informant plus largement les membres du conseil municipal sur le projet de PLU avant sa présentation audit conseil pour vote. Dans ces conditions le moyen sera écarté.

4. En deuxième lieu, l'article L. 2122-25 du code général des collectivités territoriales prévoit que le compte rendu de la séance du conseil municipal est affiché à la mairie et mis en ligne sur le site internet de la commune, lorsqu'il existe, dans un délai d'une semaine. Les requérantes ne peuvent utilement soutenir que le défaut d'affichage du compte rendu des séances du conseil municipal portant sur la procédure de révision du PLU, notamment celle du 20 février 2017 relative au vote sur le PADD, entache la délibération en litige d'illégalité, dès lors que le défaut d'affichage de ces comptes rendus est sans effet sur la légalité de ces délibérations.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales : " Sont illégales les délibérations auxquelles ont pris part un ou plusieurs membres du conseil intéressés à l'affaire qui en fait l'objet, soit en leur nom personnel, soit comme mandataires. ". Il résulte de ces dispositions que la participation au vote permettant l'adoption d'une délibération d'un conseiller municipal intéressé à l'affaire qui fait l'objet de cette délibération, c'est-à-dire y ayant un intérêt qui ne se confond pas avec ceux de la généralité des habitants de la commune, est de nature à en entraîner l'illégalité. De même, sa participation aux travaux préparatoires et aux débats précédant l'adoption d'une telle délibération est susceptible de vicier sa légalité, alors même que cette participation préalable ne serait pas suivie d'une participation à son vote, si le conseiller municipal intéressé a été en mesure d'exercer une influence sur la délibération. Cependant, s'agissant d'une délibération déterminant des prévisions et règles d'urbanisme applicables dans l'ensemble d'une commune, la circonstance qu'un conseiller municipal intéressé au classement d'une parcelle ait participé aux travaux préparatoires et aux débats précédant son adoption ou à son vote n'est de nature à entraîner son illégalité que s'il ressort des pièces du dossier que, du fait de l'influence que ce conseiller a exercée, la délibération prend en compte son intérêt personnel.

6. Pour soutenir que la délibération en litige a été adoptée en méconnaissance de ces dispositions, les requérantes se bornent à alléguer que, propriétaire d'une parcelle voisine, " aurait nécessairement eu intérêt " à classer la parcelle leur appartenant en zone agricole à protéger (Ap). Toutefois, la seule circonstance que la réalisation de constructions sur la parcelle des requérantes pourrait affecter la jouissance d'une parcelle immédiatement contigüe dont celle du, n'est pas de nature, par elle-même, à établir que ce dernier aurait, par sa participation à la délibération, entendu défendre un intérêt propre et étranger à l'intérêt général, s'agissant d'une délibération déterminant les prévisions et règles d'urbanisme applicables sur l'ensemble du territoire de la commune. Il en va de même pour les parcelles propriétés d'une société civile immobilière appartenant de la commune, et qui sont restées classées en zone constructible après la révision du PLU en litige, dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que ces parcelles relèvent d'une partie anciennement urbanisée d'un hameau de la commune et font l'objet d'une orientation d'aménagement et de programmation en vue de leur aménagement global. Dans ces conditions, les requérantes n'établissent pas que la participation de ces deux conseillers municipaux à la délibération aurait influencé le sens de cette dernière par la prise en compte d'un intérêt personnel ni, par suite, qu'elle serait illégale au regard des dispositions citées au point précédent.

7. En quatrième lieu, les requérantes soutiennent que le schéma illustrant les orientations générales du PADD et les orientations en matière d'urbanisation est peu précis, flou et contradictoire avec le document graphique de zonage annexé au PLU. Il ressort toutefois des pièces du dossier qu'au stade du PADD, un tel schéma n'a pas vocation à délimiter à la parcelle le zonage qui sera finalement retenu par les auteurs du PLU. Alors qu'il se borne à illustrer les grandes orientations retenues et à identifier les zones relevant du tissu urbain, ce schéma ne saurait se substituer au document graphique du PLU, seul opposable. Par ailleurs, ce schéma, notamment par les zones de tissu urbain identifiées, est cohérent avec le zonage mentionné dans le document graphique. Le moyen manquant en fait, doit ainsi être écarté.

8. En cinquième lieu, aux termes de l'article R. 123-7 du code de l'urbanisme, codifié à l'article R. 151-22 du même code dans sa version postérieure au 1er janvier 2016 : " Les zones agricoles sont dites "zones A". Peuvent être classés en zone agricole les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles (...) ".

9. Il appartient aux auteurs d'un PLU de déterminer le parti d'aménagement à retenir pour le territoire concerné par le plan, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction. S'ils ne sont pas liés, pour déterminer l'affectation future des différents secteurs, par les modalités existantes d'utilisation des sols, dont ils peuvent prévoir la modification dans l'intérêt de l'urbanisme, leur appréciation peut cependant être censurée par le juge administratif au cas où elle serait entachée d'une erreur manifeste ou fondée sur des faits matériellement inexacts.

10. Mme A... et autres contestent le classement en zone agricole paysagère (Ap) de leur parcelle, située à l'entrée Est de la commune à proximité de la route départementale 51. Il ressort des pièces du dossier que la parcelle en cause, herbue et non bâtie, bien que bordée sur les deux côtés Est et Ouest par des habitations éparses et desservie par les réseaux, s'implante dans un périmètre de protection d'un captage d'eau potable et s'ouvre sur un vaste espace naturel à protéger, à proximité de la rivière Galaure. Dans ces conditions et alors que la zone où s'implante le terrain n'est pas identifiée par les auteurs du PLU comme une zone où l'urbanisation à vocation à se densifier, le classement litigieux n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation.

11. Il résulte de ce qui précède que Mme A... et autres ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande.

Sur les conclusions de la commune tendant à la suppression des écrits diffamatoires et la demande de dommages et intérêts :

12. D'une part, en vertu des dispositions de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881 reproduites à l'article L. 741-2 du code de justice administrative, les cours administratives d'appel peuvent, dans les causes dont elles sont saisies, prononcer, même d'office, la suppression des écrits injurieux, outrageants ou diffamatoires. D'autre part, aux termes du premier alinéa de l'article L.741-3 du code de justice administrative : " Si des dommages-intérêts sont réclamés à raison des discours et des écrits d'une partie ou de son défenseur, la juridiction réserve l'action, pour qu'il y soit statué ultérieurement par le tribunal compétent, conformément au cinquième alinéa de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881 ci-dessus reproduit ".

13. Le passage dont la suppression est demandée par la commune intimée n'excède pas le droit à la libre discussion et ne présente pas un caractère diffamatoire. Les conclusions tendant à sa suppression doivent par suite être rejetées. Il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter les conclusions en dommages-intérêts formulées au titre de l'article L. 741-2 précité.

Sur les frais d'instance :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 font obstacle à ce que la somme que Mme A... et autres demandent au titre des frais qu'elles ont exposés soit mise à la charge de la commune, qui n'est pas partie perdante. En application de ces mêmes dispositions, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre solidairement à la charge de Mme A... et autres le versement d'une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la commune.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... et autres est rejetée.

Article 2 : Mme A... et autres verseront à la commune de Hauterives la somme de 2 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la commune est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., première requérante désignée, ainsi qu'à la commune de Hauterives.

Délibéré après l'audience du 5 avril 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Danièle Déal, présidente de chambre,

M. Thierry Besse, président-assesseur,

Mme Christine Psilakis, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 mai 2022.

La rapporteure,

Christine PsilakisLa présidente,

Danièle Déal

La greffière,

Fabienne Prouteau

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales et à la ministre de la transition écologique, en ce qui les concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY00844


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21LY00844
Date de la décision : 03/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-01-01 Urbanisme et aménagement du territoire. - Plans d'aménagement et d'urbanisme. - Plans d`occupation des sols (POS) et plans locaux d’urbanisme (PLU).


Composition du Tribunal
Président : Mme DEAL
Rapporteur ?: Mme Christine PSILAKIS
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : FAYOL ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 17/05/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-05-03;21ly00844 ?
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