Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler :
- le rejet qu'a implicitement opposé la ministre du travail, le 21 novembre 2015, au recours hiérarchique dirigé contre la décision du 18 mai 2015 par laquelle l'inspecteur du travail, annulant sa décision du 14 avril 2015 ayant autorisé son employeur, l'association APF France Handicap, à la licencier pour inaptitude physique, a de nouveau autorisé son licenciement ;
- la décision du 19 janvier 2016 par laquelle la ministre du travail, retirant sa décision implicite du 21 novembre 2015, a annulé la décision de l'inspecteur du travail du 18 mai 2015 ayant autorisé le licenciement et prononcé un non-lieu à statuer sur la décision du 14 avril 2015.
Par jugement n° 1600265-1601512 lu le 9 octobre 2017, le tribunal a prononcé un nonlieu à statuer sur la demande dirigée contre le rejet implicite de recours hiérarchique, opposé le 21 novembre 2015, et rejeté le surplus de la demande.
Procédure devant la cour
Par arrêt n° 17LY03993 lu le 19 décembre 2019, la cour administrative d'appel de Lyon a, sur appel formé par Mme B..., annulé ce jugement, ainsi que les décisions du 25 novembre 2015 et du 19 janvier 2016 prises par la ministre du travail et, sur évocation d'office, enjoint à cette autorité de réexaminer, sous trente jours, le recours hiérarchique présenté par l'intéressée contre la décision du 14 avril 2015.
Sur pourvoi de l'association APF France Handicap, le Conseil d'Etat a, par décision n° 438869 du 16 avril 2021, annulé l'arrêt n° 17LY03993 lu le 19 décembre 2019 et renvoyé l'affaire à la Cour, réenregistrée au greffe le 23 avril 2021 sous le n° 21LY01278.
Mme B... a présenté un nouveau mémoire, enregistré le 26 mai 2021 dans la présente instance.
Dans le dernier état de ses écritures, elle demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1600265-1601512 du tribunal administratif de Grenoble, la décision du 25 novembre 2015, ainsi que la décision du 19 janvier 2016 en ce qu'elle se borne à annuler la décision prise par l'inspecteur du travail, le 18 mai 2015 ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 7611 du code de justice administrative.
Mme B... soutient, dans le dernier état de ses écritures, que :
- la décision du 18 mai 2015 a illégalement retiré celle du 14 avril emportant refus implicite d'autoriser son licenciement, qui était devenue définitive ;
- c'est à tort que la décision litigieuse du 19 janvier 2016 prononce un non-lieu sur la décision du 14 avril 2015, que son recours hiérarchique visait nécessairement et que les délais de recours ont été interrompus par le retrait prononcé le 18 mai 2015 ;
- les décisions litigieuses du ministre du travail sont fondées sur une inexacte qualification de ses aptitudes physiques à exercer tant les fonctions d'éducateur technique spécialisé que celles d'aide médico-psychologique ;
- elles ont été prises en méconnaissance de l'obligation de recherche loyale de reclassement qui pèse sur l'employeur ;
- elles autorisent un licenciement en lien avec ses mandats syndicaux.
L'association APF France Handicap a présenté un nouveau mémoire (dans la présente instance), enregistré le 29 juillet 2021. Elle conclut, dans le dernier état de ses écritures au nonlieu à statuer sur les conclusions de la requête, subsidiairement, à leur rejet et demande à la cour de mettre à la charge de Mme B... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
L'association APF France Handicap soutient, dans le dernier état de ses écritures, que :
- la décision du 26 février 2020, prise en exécution de l'injonction délivrée par l'arrêt n° 17LY03993, a privé les conclusions de la requête de leur objet ;
- subsidiairement, que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Arbarétaz ;
- les conclusions de M. D... ;
- et les observations de Me Janot pour Mme B..., et celles de Me Jacquemond-Collet pour l'association APF France Handicap ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., investie de plusieurs mandats syndicaux, est salariée de l'association APF France Handicap qui gère des établissements médico-éducatifs et des centres de travail adapté tels que l'Institut d'Education Motrice (IEM) d' ouvert aux enfants handicapés où elle était affectée en tant qu'aide médico-psychologique. A la suite d'un accident du travail survenu le 28 juin 2012, elle a été placée en congé de maladie jusqu'au 19 avril 2013, puis du 15 juillet 2013 au 30 avril 2014. Le 17 septembre 2014, le médecin du travail l'a déclarée inapte à tous postes au sein de l'établissement et apte à un poste identique à celui qu'elle occupait, mais dans un autre contexte professionnel. Mme B... ayant contesté cet avis puis, sur recours hiérarchique, la décision de l'inspecteur du travail qui le confirmait, le ministre du travail a, par décision du 3 avril 2015, fait droit à sa demande en déclarant son aptitude aux fonctions d'aide médico-psychologique ou d'éducateur technique spécialisé, dans un autre établissement de l'association APF France Handicap, sous réserve de limiter le port de charges, l'inaptitude à toute fonction à l'IEM d'Eybens étant confirmée. Dès le 11 février 2015, l'association APF France Handicap a saisi l'inspection du travail d'une demande d'autorisation de licencier Mme B... en raison de l'échec de ses recherches de reclassement. Le 14 avril 2015, l'inspecteur du travail, retirant la décision implicite de rejet née le 13 avril 2015, a délivré l'autorisation à l'employeur mais, par une décision prise le 18 mai 2015, l'a retirée et a autorisé de nouveau le licenciement pour inaptitude physique de Mme B.... La ministre du travail, après avoir rejeté implicitement, le 21 novembre 2015, le recours hiérarchique dont l'avait saisi Mme B..., a par décision expresse du 19 janvier 2016, retiré son rejet implicite, a annulé la décision de l'inspecteur du travail du 18 mai 2015 et a estimé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur la décision de l'inspecteur du travail du 14 avril 2015. Mme B... relève appel du jugement du 9 octobre 2017 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a prononcé un non-lieu à statuer sur sa demande d'annulation de la décision implicite de rejet de recours hiérarchique du 21 novembre 2015 et rejeté le surplus de sa demande dirigé contre la décision expresse du 19 janvier 2016 en ce qu'elle se borne à annuler la décision prise par l'inspecteur du travail, le 18 mai 2015.
Sur l'exception de non-lieu à statuer opposée en cause d'appel par l'association APF France Handicap :
2. Lorsque l'autorité administrative, en exécution d'un jugement ou d'un arrêt qui, après avoir annulé la décision attaquée, avait assorti cette annulation d'une injonction en réexamen de la demande de l'intéressé, statue de nouveau sur ladite demande, la nouvelle décision ainsi prise ne saurait priver d'objet le litige relatif à la décision initiale, lequel se poursuit devant le juge de l'excès de pouvoir en appel puis, le cas échéant, en cassation. En revanche, cette délivrance a pour effet de priver d'objet les conclusions à fin d'injonction tendant aux mêmes fins, qu'elles aient été présentées par les parties ou évoquées d'office par la formation de jugement. Il suit de là que doit être écartée l'exception de non-lieu opposée par l'association APF France Handicap aux conclusions à fin d'annulation de la demande de Mme B..., tirée de ce que la ministre du travail a, sur injonction juridictionnelle, d'ailleurs annulée en cassation, de nouveau statué sur le recours hiérarchique de l'appelante par décision du 26 février 2020.
Sur la décision du 21 novembre 2015 :
3. Le tribunal ayant relevé que Mme B... n'avait pas intérêt à contester l'article 1er de la décision du 19 janvier 2016 qui retirait le rejet implicite de recours gracieux qui lui avait été opposé le 21 novembre 2015 et que ce retrait était devenu définitif dès lors que quatre mois s'étaient écoulés à la date à laquelle lui-même statuait, il a pu, sans entacher le jugement attaqué d'irrégularité, prononcer un non-lieu à statuer sur les conclusions de la demande dirigées contre la décision du 21 novembre 2015. Il suit de là que les conclusions de la requête qui tendent à l'annulation de l'article 1er dudit jugement et à l'annulation de la décision du 21 novembre 2015 doivent être rejetées.
Sur la décision du 19 janvier 2016, en ce qu'elle ne se prononce pas sur la demande de licenciement de l'employeur :
Sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête ;
4. D'une part, lorsqu'il est saisi, sur le fondement des dispositions de l'article R. 2422-1 du code du travail, d'un recours hiérarchique contre une décision d'un inspecteur du travail ayant statué sur une demande d'autorisation de licenciement, le ministre chargé du travail doit, soit confirmer cette décision, soit, si celle-ci est illégale, l'annuler, puis se prononcer de nouveau sur la demande d'autorisation de licenciement, compte tenu des circonstances de droit et de fait en vigueur à la date à laquelle il prend sa propre décision.
5. D'autre part, dans l'hypothèse où le salarié forme un recours hiérarchique contre la décision de l'inspecteur du travail ayant, après avoir retiré une précédente décision accordant l'autorisation de licenciement sollicitée, délivré de nouveau cette autorisation, le ministre du travail doit, dès lors que le salarié n'a intérêt à contester, dans le cadre de son recours hiérarchique, la décision de l'inspecteur du travail qu'en tant qu'elle autorise son licenciement, statuer sur la légalité de la décision d'autorisation de l'inspecteur du travail et soit la confirmer, soit, en cas d'illégalité de celle-ci, l'annuler et se prononcer à son tour sur la demande d'autorisation de licenciement, compte tenu des circonstances de droit et de fait en vigueur à la date à laquelle il se prononce.
6. La ministre du travail ayant annulé la décision du 18 mai 2015 par laquelle l'inspecteur du travail avait autorisé le licenciement de Mme B..., elle devait de nouveau se prononcer sur la demande d'autorisation de licenciement de l'association APF France Handicap, au vu des circonstances de droit et de fait en vigueur à la date à laquelle elle statuait. Il suit de là que la ministre n'a pu, sans méconnaître l'article R. 2422-1 du code du travail, s'en abstenir au motif que la décision du 14 avril 2015, remise en vigueur par l'annulation de la décision du 18 mai, n'aurait pas été formellement contestée par le recours hiérarchique dont elle était saisie.
7. Il résulte de ce qui précède que l'article 3 de la décision du 19 janvier 2016 par laquelle la ministre du travail a statué sur le recours hiérarchique de Mme B... doit être annulé, ainsi que l'article 2 du jugement n° 1600265-1601512 lu le 9 octobre 2017 du tribunal administratif de Grenoble.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par Mme B... contre l'État. Les conclusions présentées par l'association APF France Handicap, partie perdante, contre Mme B... doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : L'article 3 de la décision du 19 janvier 2016 par laquelle la ministre du travail a statué sur le recours hiérarchique de Mme B... et l'article 2 du jugement n° 16002651601512 lu le 9 octobre 2017 du tribunal administratif de Grenoble sont annulés.
Article 2 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion et à l'association APF France Handicap.
Délibéré après l'audience du 24 mars 2022 à laquelle siégeaient :
M. Arbarétaz, président de chambre,
M. Seillet, président assesseur,
Mme Djebiri, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 avril 2022.
Le président, rapporteur,
Ph. Arbarétaz
Le président assesseur,
Ph. Seillet
La greffière,Signé
A-C. Le Ponnelle
La République mande et ordonne à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion, en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
N° 21LY01278 2
acp