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14/04/2022 | FRANCE | N°20LY02481

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 14 avril 2022, 20LY02481


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 12 juin 2018 par laquelle la ministre des armées lui a infligé la sanction du blâme du ministre, ainsi que la décision du 12 février 2018 par laquelle le ministre de l'intérieur l'aurait mutée d'office dans l'intérêt du service.

Par jugement n° 1806975 lu le 22 juin 2020, le magistrat désigné par la présidente du tribunal a annulé la décision du 12 juin 2018 et rejeté le surplus de la demande.

Procédure

devant la cour

Par une requête et un mémoire enregistrés le 27 août 2020 et le 4 mars 2021,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 12 juin 2018 par laquelle la ministre des armées lui a infligé la sanction du blâme du ministre, ainsi que la décision du 12 février 2018 par laquelle le ministre de l'intérieur l'aurait mutée d'office dans l'intérêt du service.

Par jugement n° 1806975 lu le 22 juin 2020, le magistrat désigné par la présidente du tribunal a annulé la décision du 12 juin 2018 et rejeté le surplus de la demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire enregistrés le 27 août 2020 et le 4 mars 2021, la ministre des armées demande à la cour d'annuler ce jugement en tant qu'il a annulé la décision du 12 juin 2018.

Elle soutient que la matérialité des faits qui ont motivé la sanction disciplinaire de blâme du ministre est établie et que la sanction est proportionnée à la gravité des faits.

Par mémoire enregistré le 13 novembre 2020, Mme B..., représentée par Me Thinon, conclut au rejet de la requête et demande à la cour :

1°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 5 000 euros en indemnisation de son préjudice moral ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu'aucun moyen de la requête n'est fondé.

Par ordonnance du 19 juillet 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 2 août 2021.

Les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur l'irrecevabilité des conclusions indemnitaires, nouvelles en appel, présentées en défense.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la défense ;

- le code de la sécurité intérieure ;

- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Djebiri, première conseillère,

- les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public,

- et les observations de Me Thinon, pour Mme B... ;

Considérant ce qui suit :

Sur l'appel de la ministre :

1. La ministre des armées relève appel du jugement du 22 juin 2020 en tant qu'il a annulé sa décision du 12 juin 2018 ayant sanctionné du blâme du ministre Mme B..., maréchale des logis cheffe de la gendarmerie, alors affectée à la brigade de recherches de, pour avoir contesté l'autorité de ses deux supérieures hiérarchiques, pour son comportement occasionnellement grossier au sein de l'unité et pour avoir, au cours d'une soirée privée organisée en mai 2016 chez un collègue, tenu des propos injurieux et discriminants envers ses supérieures dont elle tournait en dérision le choix de vie.

2. Aucun élément précis et vérifiable ne permet d'étayer le grief tiré de la contestation de l'autorité hiérarchique. Ne saurait en tenir lieu, les allégations d'animosité personnelle, alors que la manière de servir de l'intéressée faisait l'objet d'évaluations élogieuses. En revanche, la matérialité des griefs tirés de la divulgation de la chanson et des manifestations de comportement potache de Mme B... ressort des pièces produites pour la première fois en appel par la ministre des armées qui est, dès lors, fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal a annulé la sanction litigieuse au motif que cette matérialité n'était pas établie.

3. Il appartient, toutefois, à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme B... devant le tribunal.

4. Aux termes de l'article 1er du décret du 27 juillet 2005 susvisé : " (...) peuvent signer, au nom du ministre (...) et par délégation, l'ensemble des actes (...) relatifs aux affaires des services placés sous leur autorité : (...) 3° (...) les majors généraux (...) de la gendarmerie (...) ". Le major général de la gendarmerie nationale tenait de ces dispositions compétence pour signer, au nom de la ministre des armées, la décision de sanction en litige et que le moyen tiré de l'incompétence du signataire doit être écarté.

5. Aux termes de l'article R 434-12 du code de la sécurité intérieure : " (...) le gendarme ne se départ de sa dignité en aucune circonstance. En tout temps, dans ou en dehors du service (...), il s'abstient de tout acte, propos ou comportement de nature à nuire à la considération portée (...) à la gendarmerie nationale (...) ". Aux termes de l'article R. 434-14 du même code : " (...) Respectueux de la dignité des personnes, il [le gendarme] veille à se comporter en toute circonstance d'une manière exemplaire, propre à inspirer en retour respect et considération ". Aux termes de l'article R. 434-27 du même code : " Tout manquement (...) du gendarme aux règles et principes définis par le présent code de déontologie l'expose à une sanction disciplinaire (...) ". Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

6. La vulgarité en service, même sous forme de plaisanterie, est contraire à la réserve et à la dignité attendue du gendarme. Par ailleurs, les dispositions précitées n'obligent pas à un comportement exemplaire qu'en service. Une chanson désobligeante pour ses collègues ou des gradés, interprétée devant d'autres collègues, nuit nécessairement à la considération due à la hiérarchie et au corps de la gendarmerie. Ainsi les faits reprochés, constitutifs de manquements au sens de l'article R. 434-27 du code de la sécurité intérieure, étaient de nature à donner lieu à sanction, alors même que l'un des trois griefs n'est pas établi.

7. Aux termes de l'article L. 4137-2 du code de la défense : " Les sanctions disciplinaires applicables aux militaires sont réparties en trois groupes [par ordre de sévérité croissante] : 1° Les sanctions du premier groupe sont : a) L'avertissement ; b) La consigne ; c) La réprimande ; d) Le blâme ; e) Les arrêts ; f le blâme du ministre (...) ". Eu égard tant à la nature des faits qui ne révèlent pas de démérite notoire que du grade de sous-officier de Mme B..., qui l'obligeait à un devoir d'exemplarité renforcé envers ses collègues de l'unité, la sanction la plus sévère du groupe le moins élevé n'est pas disproportionnée aux manquements matériellement établis.

8. Il résulte de ce qui précède que le jugement attaqué doit être annulé en ce qu'il a annulé la décision du 12 juin 2018 et que la demande d'annulation présentée au tribunal par Mme B... contre la décision du 12 juin 2018 prononçant un blâme du ministre doit être rejetée.

Sur les conclusions indemnitaires présentées par Mme B... :

9. Les conclusions indemnitaires de Mme B..., nouvelles en appel, sont irrecevables et doivent être rejetées.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Les conclusions présentées par Mme B..., partie perdante, doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1806975 du tribunal administratif de Lyon lu le 22 juin 2020 est annulé en tant qu'il a annulé la décision du 12 juin 2018 ayant infligé un blâme du ministre à Mme B....

Article 2 : La demande présentée au tribunal par Mme B... contre la décision du 12 juin 2018 lui ayant infligé un blâme du ministre est rejetée.

Article 3 : Le surplus des conclusions de Mme B... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre des armées et à Mme A... B....

Délibéré après l'audience du 24 mars 2022 à laquelle siégeaient :

M. Arbarétaz, président de chambre,

M. Seillet, président assesseur,

Mme Djebiri, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 14 avril 2022.

La rapporteure,

C. DjebiriLe président,

Ph. Arbarétaz

La greffière,

A. C. Ponnelle

La République mande et ordonne à la ministre des armées, en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

N° 20LY02481 2

ar


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY02481
Date de la décision : 14/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

08-01-01-05 Armées et défense. - Personnels militaires et civils de la défense. - Questions communes à l'ensemble des personnels militaires. - Discipline.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: Mme Christine DJEBIRI
Rapporteur public ?: M. CHASSAGNE
Avocat(s) : SELARL AD JUSTITIAM

Origine de la décision
Date de l'import : 26/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-04-14;20ly02481 ?
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