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14/04/2022 | FRANCE | N°20LY02071

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 14 avril 2022, 20LY02071


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... B... a présenté au tribunal administratif de Grenoble une demande, transmise au tribunal administratif de Lyon par une ordonnance du président de la section du contentieux du Conseil d'Etat du 6 avril 2019, tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle le recteur de l'académie de Grenoble a refusé de lui accorder la protection fonctionnelle et à la condamnation de l'Etat à lui payer la somme de 28 708,34 euros en réparation de ses préjudices moral et financier et des troubles dans s

es conditions d'existence résultant d'agissements de harcèlement moral su...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... B... a présenté au tribunal administratif de Grenoble une demande, transmise au tribunal administratif de Lyon par une ordonnance du président de la section du contentieux du Conseil d'Etat du 6 avril 2019, tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle le recteur de l'académie de Grenoble a refusé de lui accorder la protection fonctionnelle et à la condamnation de l'Etat à lui payer la somme de 28 708,34 euros en réparation de ses préjudices moral et financier et des troubles dans ses conditions d'existence résultant d'agissements de harcèlement moral subis en service.

Par un jugement n° 1724073 du 25 mars 2020, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 29 juillet 2020, présentée pour Mme B..., il est demandé à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1724073 du 25 mars 2020 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) d'annuler la décision susmentionnée et de condamner l'Etat à lui payer la somme totale de 29 958,34 euros ;

3°) d'enjoindre au recteur de l'académie de Grenoble de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle dans le délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 756 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle a été victime d'agissements répétés constitutifs de harcèlement moral et qu'elle devait se voir accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle ;

- elle a subi un préjudice moral, des troubles dans ses conditions d'existence, un préjudice financier correspondant à des pertes de traitement et elle a exposé des frais pour un suivi thérapeutique.

Par un mémoire, enregistré le 24 janvier 2022, le recteur de l'académie de Grenoble conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Seillet, président assesseur ;

- les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ;

- et les observations de Me Borel, substituant Me Kummer, pour Mme B... ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., professeure agrégée de physique-chimie affectée au lycée à, dans l'Isère, relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision implicite par laquelle le recteur de l'académie de Grenoble a refusé de lui accorder la protection fonctionnelle et, d'autre part, à la condamnation de l'Etat à lui payer, en réparation de ses préjudices moral et financier et des troubles dans ses conditions d'existence résultant d'agissements de harcèlement moral subis en service, une somme chiffrée en appel à 29 958,34 euros.

2. D'une part, aux termes du premier alinéa de l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983 susvisée : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ". Aux termes de l'article 11 de la même loi, dans sa rédaction applicable: " I.-A raison de ses fonctions (...), le fonctionnaire (...) bénéficie, dans les conditions prévues au présent article, d'une protection organisée par la collectivité publique qui l'emploie à la date des faits en cause (...) / (...) IV. - La collectivité publique est tenue de protéger le fonctionnaire contre les atteintes volontaires à l'intégrité de la personne, les violences, les agissements constitutifs de harcèlement, les menaces, les injures, les diffamations ou les outrages dont il pourrait être victime sans qu'une faute personnelle puisse lui être imputée. Elle est tenue de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté (...) ". Ces dispositions établissent à la charge de l'administration une obligation de protection de ses agents dans l'exercice de leurs fonctions, à laquelle il ne peut être dérogé que pour des motifs d'intérêt général. Cette obligation de protection a pour objet, non seulement de faire cesser les attaques auxquelles l'agent est exposé, mais aussi d'assurer à celui-ci une réparation adéquate des torts qu'il a subis. La mise en œuvre de cette obligation peut notamment conduire l'administration à assister son agent dans l'exercice des poursuites judiciaires qu'il entreprendrait pour se défendre. Il appartient dans chaque cas à l'autorité administrative compétente de prendre les mesures lui permettant de remplir son obligation vis-à-vis de son agent, sous le contrôle du juge et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce.

3. D'autre part, il appartient à l'agent public qui soutient avoir été victime de faits constitutifs de harcèlement moral, lorsqu'il entend contester le refus opposé par l'administration dont il relève à une demande de protection fonctionnelle fondée sur de tels faits de harcèlement, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles d'en faire présumer l'existence. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

4. Mme B... a sollicité, en dernier lieu le 15 mars 2017, du recteur de l'académie de Grenoble le bénéfice de la protection fonctionnelle en raison du harcèlement moral qu'elle estimait subir de la part du chef de son établissement d'affectation, ainsi que l'indemnisation des préjudices subis.

5. S'il ressort des pièces du dossier que les relations entre Mme B... et la proviseure du lycée Marie Reynoard à Villard Bonnot, au cours de la période durant laquelle ladite proviseure y a été affectée, ont été marquées par des échanges tendus ayant parfois entraîné pour la requérante des conséquences sur son état de santé, il n'en ressort pas que, comme l'ont relevé les premiers juges, les agissements en cause du chef d'établissement, au titre desquels Mme B... demandait le bénéfice de la protection fonctionnelle, pouvaient être qualifiés de harcèlement moral. Ainsi, si Mme B... prétend qu'à plusieurs reprises, sa cheffe d'établissement s'est adressée à elle de manière agressive, notamment lors d'une réunion du 24 septembre 2013, d'un entretien le 28 avril 2016 et d'un échange le 1er décembre 2015, les pièces produites par la requérante, au demeurant rédigées parfois par elle-même, ne font pas apparaitre un comportement excédant l'exercice normal du pouvoir hiérarchique, lequel peut conduire son titulaire à adresser aux agents des recommandations, des remarques voire des reproches. De même, les différents refus opposés par la cheffe d'établissement, au cours de la période en cause, dont certains n'ont été au demeurant que temporaires avant une acceptation finale des demandes de Mme B..., concernant la participation de certains de ses élèves à des projets, à des sorties scolaires, son propre soutien ou son remplacement ou le paiement d'heures supplémentaires, pour des motifs tirés de l'organisation de l'établissement et de la responsabilité de l'établissement, ne révèlent pas une animosité à son égard ou un traitement discriminatoire alors, d'ailleurs, que la proviseure a eu l'occasion de louer la capacité de Mme B... à tirer le meilleur des élèves performants et son implication, tout en relayant certaines plaintes émises par des collègues de la requérante quant à son propre comportement et l'engagement exigé d'eux. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que l'annotation qu'envisageait de porter la cheffe d'établissement sur la fiche d'évaluation de Mme B... pour l'année 2015, quant à la nécessité pour cette dernière de communiquer directement avec ce responsable, annotation au demeurant finalement retirée de cette fiche, révèlerait une intention vexatoire, dont il n'est pas allégué, en outre, qu'elle aurait présenté un caractère répété. Une telle intention ne résulte pas non plus de l'organisation de la rentrée scolaire 2016-2017, nonobstant la circonstance que, contrairement aux années scolaires précédentes, Mme B... se soit vu attribuer une seule classe de terminale S avec un effectif limité à vingt élèves, outre deux classes de seconde. Enfin, si la cheffe d'établissement a relayé des plaintes de collègues de la requérante relatives à son degré d'exigence dans la préparation des cours et l'organisation des travaux pratiques, l'enquête administrative qui s'en est suivie, dans le cadre de laquelle a été organisée une réunion au rectorat, en l'absence de la proviseure du lycée, et le rapport rédigé à la suite ont confirmé l'état du mal-être de l'équipe enseignante à l'origine de ladite enquête.

6. Il résulte de ce qui précède qu'en l'absence d'agissements de la cheffe d'établissement pouvant être qualifiés de harcèlement moral, l'administration n'avait pas à la soustraire à ces agissements ni à l'en indemniser. Mme B... n'est dès lors pas fondée à contester la légalité de la décision implicite par laquelle a été rejetée sa demande tendant au bénéfice de la protection fonctionnelle fondée sur de tels faits de harcèlement ni à demander la condamnation de l'Etat à réparer les préjudices qu'elle impute à ces faits. Par suite, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à la mise à la charge de l'Etat d'une somme au titre des frais liés au litige.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports. Copie en sera communiquée au recteur de l'académie de Grenoble.

Délibéré après l'audience du 24 mars 2022 à laquelle siégeaient :

M. Arbarétaz, président de chambre,

M. Seillet, président assesseur,

Mme Djebiri, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 avril 2022.

Le rapporteur,

Ph. SeilletLe président,

Ph. Arbarétaz

La greffière,

A.C. Ponnelle

La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

1

2

N° 20LY02071

ap


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY02071
Date de la décision : 14/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-07-10-005 Fonctionnaires et agents publics. - Statuts, droits, obligations et garanties. - Garanties et avantages divers. - Protection contre les attaques.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: M. CHASSAGNE
Avocat(s) : KUMMER

Origine de la décision
Date de l'import : 26/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-04-14;20ly02071 ?
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