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12/04/2022 | FRANCE | N°21LY01757

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre, 12 avril 2022, 21LY01757


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 24 septembre 2020 par lequel la préfète de l'Ain a refusé de renouveler son titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi en cas d'éloignement forcé.

Par un jugement n° 2007087 du 30 avril 2021, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoi

re complémentaire enregistrés le 31 mai et le 18 juin 2021, Mme A..., représentée par Me Lussiana...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 24 septembre 2020 par lequel la préfète de l'Ain a refusé de renouveler son titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi en cas d'éloignement forcé.

Par un jugement n° 2007087 du 30 avril 2021, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés le 31 mai et le 18 juin 2021, Mme A..., représentée par Me Lussiana, demande à la cour :

1°) de surseoir à statuer jusqu'à l'intervention d'une décision définitive concernant sa demande d'aide juridictionnelle ;

2°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 30 avril 2021, ainsi que l'arrêté du 24 septembre 2020 de la préfète de l'Ain ;

3°) d'enjoindre à la préfète de l'Ain de lui délivrer un titre de séjour et à défaut de procéder au réexamen de sa situation dans le délai d'un mois sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le tribunal a entaché son jugement d'irrégularité en omettant de répondre au moyen tiré de l'illégalité de la délégation de signature dont bénéficie le signataire de l'arrêté en litige et en omettant de répondre au moyen tiré de l'incomplétude de l'avis du collège de médecins de l'office français de l'immigration et intégration (OFII) en ce qui concerne l'annexe C dont le modèle est prescrit par arrêté du 27 décembre 2016 ;

- l'arrêté attaqué est entaché d'incompétence ;

- la décision lui refusant un titre de séjour est entachée d'un vice de procédure ; l'avis du collège de médecins de l'OFII est incomplet faute pour l'annexe C dont le modèle est prescrit par arrêté du 27 décembre 2016, d'avoir été complétée ;

- la décision lui refusant un titre de séjour est entaché d'une erreur d'appréciation ; son traitement n'est pas accessible au Cambodge ; cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision lui faisant obligation de quitter le territoire est illégale du fait de l'illégalité de la décision lui refusant un titre de séjour ;

- la décision lui faisant obligation de quitter le territoire méconnaît le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense enregistré le 16 septembre 2021, la préfète de l'Ain conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, par une décision du bureau d'aide juridictionnelle en date du 16 juin 2021.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Psilakis, première conseillère.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante cambodgienne née le 15 décembre 1952, relève appel du jugement du 30 avril 2021 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 septembre 2020 par lequel la préfète de l'Ain a refusé de lui renouveler un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Sur la demande de sursis à statuer :

2. Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, par une décision du bureau d'aide juridictionnelle en date du 16 juin 2021. Il n'y a donc plus lieu de différer le jugement de l'affaire.

Sur la régularité du jugement :

3. En premier lieu, il ressort du point 6 du jugement que le tribunal a suffisamment répondu sur le moyen tiré de l'incomplétude de l'avis du collège des médecins de l'OFII notamment des mentions de procédure devant y figurer obligatoirement et son jugement est suffisamment motivé sur ce point.

4. En deuxième lieu, si les premiers juges ont omis de viser et répondre à la branche du moyen relative à l'incompétence du signataire de l'arrêté en litige et tirée de ce que, faute pour M. B... d'être membre du corps préfectoral, il ne pouvait recevoir une délégation de signature pour les refus de titre de séjour et les décisions d'éloignement en application de la circulaire du 28 mars 2017 relative aux règles applicables en matière de délégation de signature des préfets, il ressort toutefois des dispositions des articles L. 312-2 et L. 312-3 du code des relations entre le public et les administrations que, cette circulaire n'ayant pas été publiée conformément aux prescriptions de l'article R. 312-10 du code des relations entre le public et les administrations sur le site internet du ministère de l'intérieur, ce moyen était inopérant et le tribunal n'était pas tenu d'y répondre. Par suite, le jugement est régulier.

Sur la légalité de l'arrêté du 24 septembre 2020 :

5. En premier lieu, l'arrêté attaqué a été signé par M. D... B..., directeur de la citoyenneté et de l'intégration de la préfecture de l'Ain et qui disposait d'une délégation du 10 septembre 2020, régulièrement publiée au recueil des actes administratifs de la préfecture de l'Ain le jour même l'habilitant suivant les termes de cet arrêté : " 1a), en matière de séjour pour tout acte ou courrier portant refus de séjour " ; / et, selon le 1b) " pour prendre toute mesure d'éloignement à l'exception de celles prises suite à interpellations par les forces de sécurité intérieure ". Cette délégation est suffisamment précise quant au champ et contenu des matières déléguées et Mme A... ayant fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire consécutivement à un refus de renouvellement de titre de séjour sans avoir été interpellée par les forces de police, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté en litige manque en fait et doit être écarté.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...). ". Aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé (...) ". Aux termes de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du même code : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; / d) la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. / Cet avis mentionne les éléments de procédure. Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège ".

7. D'une part, les dispositions de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 selon lesquelles l'avis du collège de médecins de l'OFII mentionne " les éléments de procédure " renvoient, ainsi qu'il résulte du modèle d'avis figurant à l'annexe C de l'arrêté, rendu obligatoire par cet article 6, à l'indication que l'étranger a été, ou non, convoqué par le médecin ou par le collège, à celle que des examens complémentaires ont été, ou non, demandés et à celle que l'étranger a été conduit, ou non, à justifier de son identité. S'il ressort de l'avis émis le 11 juin 2020 que les cases de la rubrique relative aux éléments de procédure aux stades de l'élaboration du rapport et de l'avis n'ont pas été cochées, cette omission n'a, en elle-même, pas privé l'intéressée d'une garantie, ni n'a été susceptible d'exercer une influence sur le sens de la décision. Elle n'est, par suite, pas de nature à avoir entaché l'arrêté attaqué d'une illégalité.

8. D'autre part, par avis rendu le 11 juin 2020, le collège des médecins de l'OFII a estimé que, si l'état de santé de Mme A... nécessitait des soins dont le défaut devrait entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé au Cambodge. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... souffre de la maladie de Gougerot, " avec manifestations hématologiques " ainsi que de troubles thyroïdiens et d'hypertension. Depuis son entrée en France en 2011, l'intéressée a été prise en charge et il ressort du certificat médical établi le 27 mars 2019 que son état s'est stabilisé, la requérante étant depuis astreinte à une surveillance médicale régulière et à la prise d'un traitement. Si Mme A... produit des attestations de laboratoires médicaux postérieurs à la décision en litige évoquant l'impossibilité de trouver les médicaments composant son traitement au Cambodge, il ressort toutefois de la liste des médicaments disponibles au Cambodge versée aux débats par le préfet que les principes actifs de l'ensemble des médicaments composant le traitement de l'intéressée sont disponibles au Cambodge. Enfin, en se bornant à faire état de l'absence de sécurité sociale au Cambodge et de la difficulté pour sa famille y étant demeurée de la prendre en charge, l'intéressée n'établit pas qu'elle ne pourrait pas avoir effectivement accès à son traitement. Par suite, en estimant, à la date de la décision en litige, que l'état de santé de Mme A... pouvait effectivement être pris en charge au Cambodge, la préfète de l'Ain n'a pas entaché sa décision d'une erreur d'appréciation.

9. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que l'intéressée est entrée en France en juin 2011 à cinquante-neuf ans et a été hébergée par sa fille et son gendre y résidant régulièrement. Le titre de séjour fondé sur son état de santé délivré en août 2015 n'a plus été renouvelé à compter du 7 février 2020 et ce refus de renouvellement a été assorti d'une obligation de quitter le territoire. Dans ces conditions, dès lors que Mme A... peut poursuivre son traitement au Cambodge où résident ses deux autres filles, et malgré les liens développés avec ses petits-enfants et arrière-petits-enfants, ainsi que les emplois de saisonniers ponctuellement occupés, le refus de titre de séjour n'est entaché d'aucune erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences sur sa situation personnelle.

10. En troisième lieu, en l'absence d'illégalité de la décision portant refus de séjour, la requérante n'est pas fondée à exciper de son illégalité à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

11. Enfin, pour les mêmes motifs que ceux évoqués au point 8, le moyen tiré de ce que la décision faisant obligation à Mme A... de quitter le territoire méconnaît le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile manque en fait et doit être écarté.

12. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... et(/nom)(ano)A(/ano) au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée à la préfète de l'Ain.

Délibéré après l'audience du 22 mars 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Daniele Déal, présidente ;

M. Thierry Besse, président-assesseur ;

Mme Christine Psilakis, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 avril 2022.

La rapporteure,

Christine Psilakis La présidente,

Danièle Déal

La greffière,

Fabienne Prouteau

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY01757


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21LY01757
Date de la décision : 12/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme DEAL
Rapporteur ?: Mme Christine PSILAKIS
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : LUSSIANA

Origine de la décision
Date de l'import : 26/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-04-12;21ly01757 ?
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