Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. C... et Mme E... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 8 juin 2017 par lequel le maire de Passy a délivré un permis de construire à Mme F... une maison sur les parcelles cadastrées G..., ainsi que la décision du 20 septembre 2017 rejetant leur recours gracieux contre ce permis.
Par un jugement n° 1706577 du 23 janvier 2020, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 23 mars et 23 octobre 2020, ce dernier n'ayant pas été communiqué, M. et Mme A..., représentés par Me Laurent, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 23 janvier 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 8 juin 2017 ainsi que la décision rejetant leur recours gracieux ;
3°) de mettre une somme de 4 000 euros à la charge de la commune de Passy au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- ils ont intérêt pour contester le permis en litige en qualité de voisins immédiats du projet et dès lors que ce permis leur créera des préjudices de jouissance de leur maison du fait de la proximité et de la hauteur des remblais autorisés ;
- c'est à tort que le tribunal a estimé que l'arrêté en litige n'était pas un permis de construire modificatif, dès lors qu'il a pour objet de régulariser le permis délivré le 27 juin 2012 et pour lequel le maire de Passy a, par courrier du 16 septembre 2014 relevé de nombreuses irrégularités ; or aucun permis modificatif ne pouvait intervenir puisque les travaux résultant du permis délivré en 2012 ont été totalement exécutés ; ce permis, par l'ampleur des modifications apportées au projet initial, relève de la qualification de nouveau permis ;
- le permis en litige est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ; les travaux exécutés par la pétitionnaire ne pouvaient pas être régularisés, les remblais projetés ont pour unique but de dissimuler le niveau initial de la construction ;
- le projet méconnaît l'article R. 111-17 du code de l'urbanisme ; l'auvent à l'entrée du chalet empiète sur la parcelle d'assiette de la voie de desserte aux différents lots et méconnaît la règle des trois mètres de recul ;
- le projet méconnaît l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme, notamment par la hauteur des remblais qu'il prévoit.
Par un mémoire en défense enregistré le 21 août 2020, Mme D..., représentée par la SCP Ballaloud-Aladel, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge des requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- l'intérêt pour agir des requérants n'est pas établi ;
- les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense enregistré le 1er septembre 2020, la commune de Passy, représentée par Me Vital-Durand, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge des requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
La clôture de l'instruction a été fixée au 29 octobre 2020 par une ordonnance du 29 septembre précédent prise sur le fondement de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Christine Psilakis, première conseillère,
- les conclusions de M. Jean-Simon Laval, rapporteur public,
- les observations de Me Laurent pour M. et Mme A... et celles de Me Vital-Durand pour la commune de Passy ;
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme A... relèvent appel du jugement du 23 janvier 2020 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 juin 2017 par lequel le maire de Passy a délivré un permis de construire à Mme D..., ainsi que la décision du 20 septembre 2017 rejetant leur recours gracieux contre ce permis.
Sur la légalité de l'arrêté du 8 juin 2017 :
2. Il ressort des pièces du dossier que Mme D... a sollicité et obtenu par arrêté du maire de Passy du 27 juin 2012, pris sur le fondement du plan d'occupation des sols alors en vigueur, un permis de construire une maison individuelle d'une surface de plancher de 151,58 m². La construction réalisée s'est toutefois avérée non conforme en plusieurs points à cette autorisation. Un procès-verbal d'infraction a été dressé le 19 mars 2015 mais la pétitionnaire a été relaxée des poursuites intentées contre elle par jugement de la chambre correctionnelle du tribunal judiciaire de Chambéry du 12 janvier 2017. Pour régulariser la construction, Mme D... a déposé une demande de permis de construire, lequel lui a été délivré par arrêté du 8 juin 2017.
3. En premier lieu, il appartient au propriétaire de présenter une demande portant sur l'ensemble des éléments de construction qui ont eu ou qui auront pour effet de transformer le bâtiment tel qu'il avait été autorisé par le permis primitif. Ainsi qu'il a été dit au point 2, la construction n'ayant pas été réalisée dans sa conception globale conformément au permis de construire délivré le 27 juin 2012, Mme D... devait, pour la régulariser, présenter une demande portant sur l'ensemble de la construction. Dans ces conditions, M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que le maire ne pouvait pas délivrer un permis régularisant la construction de Mme D... quand bien même ce permis visait à régulariser des travaux qui n'avaient pas été exécutés conformément à un précédent permis obtenu au visa du plan d'occupation des sols (POS) alors applicable et devenu caduc à compter du 27 mars 2017 en application de l'article L. 174-3 du code de l'urbanisme. Par ailleurs, le permis en litige étant un permis de régularisation portant sur la totalité de la construction et non un permis modificatif, les moyens tirés de ce que le permis modificatif est illégal au motif que les travaux sont achevés et qu'il présente des modifications trop importantes par rapport au projet initial, sont inopérants et doivent être, comme tels, écartés.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 111-17 du code de l'urbanisme : " A moins que le bâtiment à construire ne jouxte la limite parcellaire, la distance comptée horizontalement de tout point de ce bâtiment au point de la limite parcellaire qui en est le plus rapproché doit être au moins égale à la moitié de la différence d'altitude entre ces deux points, sans pouvoir être inférieure à trois mètres. ". Ces dispositions ne s'appliquent pas à la distance des immeubles par rapport aux voies publiques ou aux voies privées, laquelle est exclusivement régie par l'article R. 111-16 du code de l'urbanisme. Par conséquent, les requérants ne peuvent utilement soutenir que l'auvent en débord de toiture de la construction projetée méconnaîtrait les dispositions précitées au motif qu'il s'implanterait en bordure de la parcelle d'assiette de la voie privée de desserte du lotissement.
5. En troisième et dernier lieu, les requérants font valoir que le permis en litige méconnaîtrait l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme, dès lors que le permis litigieux autorise des remblaiements importants et permet de régulariser une construction non conforme à l'autorisation délivrée en 2012 et au POS de la commune alors en vigueur.
6. D'une part, il ne ressort pas des pièces du dossier, notamment des photographies d'insertions et des plans versés à l'appui de la demande de permis que la construction projetée, notamment par les remblaiements qu'elle prévoit ne s'insèrerait pas dans son environnement, composé d'autres constructions pavillonnaires similaires et bâties, comme la construction projetée, sur un terrain comportant une pente similaire. D'autre part, la légalité du permis de construire doit être appréciée au regard des règles applicables au moment de sa délivrance. Ainsi qu'il a été dit précédemment, la circonstance que le permis en litige permet de régulariser des travaux qui n'ont pas été exécutés conformément à un précédent permis délivré au visa du POS de la commune, notamment s'agissant des remblais réalisés, est sans effet sur la légalité du permis attaqué.
7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par la pétitionnaire intimée, que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande.
Sur les frais d'instance :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 font obstacle à ce que la somme que les époux A... demandent au titre des frais qu'ils ont exposés soit mise à la charge de la commune de Passy, qui n'est pas partie perdante. En application de ces mêmes dispositions, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des époux A... le versement d'une somme de 1 000 euros au bénéfice de la commune de Passy d'une part, et de Mme D... d'autre part, au titre des frais exposés par eux.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme A... est rejetée.
Article 2 : M. et Mme A... verseront à la commune de Passy d'une part et à Mme D... d'autre part, la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... et Mme B... A..., à la commune de Passy ainsi qu'à Mme F....
Délibéré après l'audience du 22 mars 2022 à laquelle siégeaient :
Mme Danièle Déal, présidente de chambre,
M. Thierry Besse, président-assesseur,
Mme Christine Psilakis, première conseillère.
Lu en audience publique, le 12 avril 2022.
La rapporteure,
Christine Psilakis La présidente,
Danièle Déal
La greffière,
Fabienne Prouteau
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales et à la ministre de la transition écologique, en ce qui les concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 20LY01165