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07/04/2022 | FRANCE | N°21LY04299

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre, 07 avril 2022, 21LY04299


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 8 avril 2021 par lequel la préfète de l'Ain a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle était susceptible d'être reconduite d'office à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 2107696 du 7 décembre 2021, le tribunal a annulé cet arrêté et enjoint à la préfète de l'Ain de délivrer un

titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " à Mme C... dans un délai de deux...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 8 avril 2021 par lequel la préfète de l'Ain a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle était susceptible d'être reconduite d'office à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 2107696 du 7 décembre 2021, le tribunal a annulé cet arrêté et enjoint à la préfète de l'Ain de délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " à Mme C... dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la cour

I. Par une requête enregistrée le 28 décembre 2021 sous le n° 21LY04299, la préfète de l'Ain demande à la cour d'annuler ce jugement.

Elle soutient que :

- le caractère frauduleux de la reconnaissance de paternité résulte de présomptions sérieuses et concordantes, notamment la demande du procureur de la République près le tribunal judiciaire de Bobigny d'annulation de la reconnaissance de paternité ;

- elle pouvait opposer le caractère frauduleux de la reconnaissance sans attendre de décision de l'autorité judiciaire ;

- le tribunal administratif ne pouvait lui enjoindre de délivrer à Mme C... un titre de séjour en qualité de mère d'un enfant français sans soumettre au tribunal judiciaire la question de la nationalité de sa fille ;

- le certificat de nationalité établi quelques semaines avant l'arrêté en litige l'a été sur la base d'une reconnaissance de paternité frauduleuse ;

- il appartenait au tribunal de s'enquérir auprès du juge judiciaire des suites réservées aux actions introduites par le parquet ;

- les autres moyens soulevés par Mme C... devant le tribunal ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 11 mars 2022, Mme C..., représentée par Me Marie, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'Etat à verser à son conseil au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par la préfète ne sont pas fondés.

Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 2 mars 2022.

II. Par une requête enregistrée le 29 décembre 2021 sous le n° 21LY04302, la préfète de l'Ain demande à la cour qu'il soit sursis à l'exécution du jugement n° 2107696 du tribunal administratif de Lyon du 7 décembre 2021 sur le fondement de l'article R. 811-15 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens qu'elle soulève dans la requête au fond sont de nature à justifier, outre l'annulation du jugement attaqué, le rejet des conclusions accueillies par ce jugement.

Par un mémoire en défense enregistré le 11 mars 2022, Mme C..., représentée par Me Marie, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'Etat à verser à son conseil au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par la préfète dans la requête au fond ne sont pas fondés.

Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 2 mars 2022.

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

La présidente de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de Mme Duguit-Larcher ayant été entendu ;

Considérant ce qui suit :

1. Il y a lieu de joindre, pour qu'il y soit statué par un même arrêt, les requêtes visées ci-dessus qui sont dirigées contre le même jugement.

2. Mme C..., ressortissante ivoirienne, a sollicité le 12 juin 2019 la délivrance d'un titre de séjour en qualité de mère d'un enfant français. Par un arrêté du 8 avril 2021, la préfète de l'Ain a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle serait éloignée en cas d'exécution d'office. Par un jugement du 7 décembre 2021, le tribunal administratif de Lyon a annulé cet arrêté et enjoint à la préfète de l'Ain de lui délivrer un titre de séjour. La préfète de l'Ain demande l'annulation de ce jugement par la requête n° 21LY04299 et qu'il soit sursis à son exécution par la requête n° 21LY04302.

Sur la requête n° 21LY04299 :

3. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée ; / Lorsque la filiation est établie à l'égard d'un parent, en application de l'article 316 du code civil, le demandeur, s'il n'est pas l'auteur de la reconnaissance de paternité ou de maternité, justifie que ce dernier contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant, dans les conditions prévues à l'article 371-2 du même code, ou produit une décision de justice relative à la contribution à l'éducation et à l'entretien de l'enfant. Lorsque le lien de filiation est établi mais que la preuve de la contribution n'est pas rapportée ou qu'aucune décision de justice n'est intervenue, le droit au séjour du demandeur s'apprécie au regard du respect de sa vie privée et familiale et au regard de l'intérêt supérieur de l'enfant ; (...) ".

4. Il ressort des termes de l'arrêté du 8 avril 2021 que pour refuser de délivrer un titre de séjour en qualité de parent d'un enfant français à Mme C..., la préfète de l'Ain s'est fondée, d'une part, sur la circonstance que l'intéressée n'avait pas produit de justificatif de nationalité française de son enfant et, d'autre part, sur le fait qu'une fraude à la reconnaissance de paternité était avérée dans la mesure où le procureur de la République de Bobigny avait, après le signalement qu'elle lui avait fait, sollicité l'annulation de cette reconnaissance de paternité.

5. Il ressort des pièces du dossier que Mme C..., née en le 14 avril 1991 et entrée en France le 1er avril 2018, a donné naissance le 12 mai 2018 à une enfant qui avait été reconnue de façon anticipée par M. A..., ressortissant français, le 20 avril 2018. Si dans ses écritures, la préfète fait valoir que cette enfant a été conçue à l'étranger, que les parents n'ont jamais vécu ensemble et que le père ne contribue pas à son entretien et à son éducation, elle convient elle-même que ces éléments ne suffisent pas à caractériser une fraude. La circonstance que le procureur de la République de Bobigny ait, sur signalement de la préfète, après avoir estimé que la fraude était caractérisée, sollicité l'annulation de la reconnaissance de paternité auprès du tribunal judiciaire, ne suffit pas, à défaut d'éléments précis et concordants portés à la connaissance du juge administratif, à établir le caractère frauduleux de cette reconnaissance. Par suite, et ainsi que l'a jugé le tribunal administratif qui n'était pas tenu, avant de statuer, de demander au tribunal judiciaire de Bobigny l'état de la procédure en contestation de reconnaissance de paternité, la préfète de l'Ain a méconnu les dispositions du 6° de l'article L 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant le 8 avril 2021 de délivrer à Mme C... un titre de séjour en qualité de parent d'un enfant français au motif que la reconnaissance de paternité présentait un caractère frauduleux.

6. Si la décision de la préfète se fondait également sur le fait que l'intéressée n'avait pas produit de justificatif de nationalité française de son enfant, celle-ci a indiqué devant le tribunal administratif, sans contestation de la préfète de l'Ain sur ce point, qu'elle avait produit à l'appui de sa demande le certificat de nationalité française de sa fille délivré le 5 mars 2021 par le tribunal judiciaire de Bobigny.

7. Compte tenu du motif d'annulation de l'arrêté et eu égard à ce qui est indiqué au point 6 du présent arrêt, c'est à juste titre que le tribunal administratif, qui n'était pas tenu de surseoir à statuer jusqu'à ce que le tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse se soit prononcé sur la nationalité de l'enfant, a enjoint à la préfète de l'Ain de délivrer un titre de séjour à Mme C....

8. Il résulte ce qui précède que la préfète de l'Ain n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a annulé l'arrêté du 8 avril 2021 et lui a enjoint de délivrer à Mme C... un titre de séjour.

Sur la requête n° 21LY04302 :

9. Le présent arrêt statuant sur l'appel présenté contre le jugement n° 2107696 du tribunal administratif de Lyon, les conclusions de la requête n° 21LY04302 tendant à ce qu'il soit sursis à son exécution sont ainsi privées d'objet. Il n'y a pas lieu, par suite, d'y statuer.

Sur les frais d'instances :

10. Mme C... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Marie, avocat de Mme C..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros à verser à Me Marie.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 21LY04302.

Article 2 : La requête n° 21LY04299 de la préfète de l'Ain est rejetée.

Article 3 : L'État versera à Me Marie la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cet avocat renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à Mme B... C... et à Me Marie.

Copie en sera adressée à la préfète de l'Ain.

Délibéré après l'audience du 17 mars 2022, à laquelle siégeaient :

Mme Michel, présidente,

Mme Duguit-Larcher, première conseillère,

M. Rivière, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 avril 2022.

La rapporteure,

A. Duguit-LarcherLa présidente,

C. Michel

Le greffier,

J. Billot

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

Le greffier,

2

Nos 21LY04299, 21LY04302


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY04299
Date de la décision : 07/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière - Légalité externe.


Composition du Tribunal
Président : Mme MICHEL
Rapporteur ?: Mme Agathe DUGUIT-LARCHER
Rapporteur public ?: M. SAVOURE
Avocat(s) : MARIE

Origine de la décision
Date de l'import : 19/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-04-07;21ly04299 ?
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