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07/04/2022 | FRANCE | N°21LY02220

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 07 avril 2022, 21LY02220


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... Deshayes a demandé au tribunal administratif de Lyon :

- d'annuler la décision individuelle de notification du groupe de fonctions RIFSEEP du 3 octobre 2019 du directeur délégué à l'administration inter-régionale judiciaire de Lyon fixant le montant mensuel de son indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise (IFSE) à 490,19 euros, soit un montant annuel de 5 882,28 euros ;

- d'enjoindre au directeur délégué à l'administration inter-régionale judiciaire de réexaminer son c

as et de prendre une nouvelle décision fixant le montant annuel de cette indemnité à 6 300...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... Deshayes a demandé au tribunal administratif de Lyon :

- d'annuler la décision individuelle de notification du groupe de fonctions RIFSEEP du 3 octobre 2019 du directeur délégué à l'administration inter-régionale judiciaire de Lyon fixant le montant mensuel de son indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise (IFSE) à 490,19 euros, soit un montant annuel de 5 882,28 euros ;

- d'enjoindre au directeur délégué à l'administration inter-régionale judiciaire de réexaminer son cas et de prendre une nouvelle décision fixant le montant annuel de cette indemnité à 6 300 euros à compter du 1er janvier 2019.

Par jugement n° 1910102 du 28 avril 2021, le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du directeur délégué à l'administration inter-régionale judiciaire de Lyon du 3 octobre 2019 en tant qu'elle a fixé l'IFSE de Mme Deshayes à un montant annuel inférieur à 6 300 euros et a enjoint audit directeur de prendre, dans un délai de deux mois, une décision fixant le montant annuel de cette indemnité de Mme Deshayes, pour la période courant à compter du 1er janvier 2019, à au moins 6 300 euros pour un travail à temps plein.

Procédure devant la cour

Par requête enregistrée le 30 juin 2021, le garde des sceaux, ministre de la justice demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1910102 du 28 avril 2021 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) de rejeter la demande de Mme Deshayes devant le tribunal.

Il soutient que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que l'intéressée était fondée à exciper de l'illégalité de la circulaire du 3 juillet 2019, au motif que la combinaison des dispositions du décret du 20 mai 2014 et de cette circulaire instaurait une différence de traitement qui n'est justifiée par aucune différence objective de situation pertinente au regard de l'objet de la réglementation instituant le régime indemnitaire litigieux ni par aucun motif d'intérêt général, dès lors que les greffiers ayant obtenu leur grade de greffier principal antérieurement au 1er janvier 2019 sous le régime de l'IFF et les greffiers ayant obtenu leur grade de greffier principal postérieurement au 1er janvier 2019 dans le cadre du RIFSEEP ne se trouvaient pas dans une situation comparable eu égard à la distinction entre le régime de l'IFF et le régime du RIFSEEP, régis par des textes différents.

Par mémoire enregistré le 17 décembre 2021, présenté pour Mme Deshayes, elle conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'État d'une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au titre des frais exposés par la fédération Interco CFDT.

Elle soutient que le moyen soulevé par le garde des sceaux, ministre de la justice n'est pas fondé.

Par ordonnance du 21 décembre 2021 la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 20 janvier 2022.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 2014-513 du 20 mai 2014 ;

- l'arrêté du 17 décembre 2018 pris pour l'application au corps des greffiers des services judiciaires des dispositions du décret n° 2014-513 du 20 mai 2014 portant création du RIFSEEP ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Seillet, président assesseur ;

- et les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article 1er du décret du 20 mai 2014 susvisé portant création d'un régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel dans la fonction publique de l'État (RIFSEEP) : " Les fonctionnaires relevant de la loi du 11 janvier 1984 susvisée peuvent bénéficier, d'une part, d'une indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise et, d'autre part, d'un complément indemnitaire annuel lié à l'engagement professionnel et à la manière de servir, dans les conditions fixées par le présent décret (...) ". Mme Deshayes, greffière principale des services judiciaires, a demandé l'annulation de la décision individuelle de notification du groupe de fonctions RIFSEEP du 3 octobre 2019 du directeur délégué à l'administration inter-régionale judiciaire de Lyon fixant le montant mensuel de son indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise (IFSE) à 490,19 euros, soit un montant annuel de 5 882,28 euros, en tant que ce montant est inférieur à 6 300 euros. Le garde des sceaux, ministre de la justice relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a fait droit à cette demande.

2. Aux termes de l'article 2 du décret du 20 mai 2014 susvisé : " Le montant de l'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise est fixé selon le niveau de responsabilité et d'expertise requis dans l'exercice des fonctions. / Les fonctions occupées par les fonctionnaires d'un même corps (...) sont réparties au sein de différents groupes au regard des critères professionnels suivants : 1° Fonctions d'encadrement, de coordination, de pilotage ou de conception ; 2° Technicité, expertise, expérience ou qualification nécessaire à l'exercice des fonctions ; 3° Sujétions particulières ou degré d'exposition du poste au regard de son environnement professionnel. / Le nombre de groupes de fonctions est fixé pour chaque corps (...) par arrêté du ministre chargé de la fonction publique et du ministre chargé du budget et, le cas échéant, du ministre intéressé. / Ce même arrêté fixe les montants minimaux par grade (...), les montants maximaux afférents à chaque groupe de fonctions (...) ". Aux termes de son article 3 : " Le montant de l'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise fait l'objet d'un réexamen : 1° En cas de changement de fonctions ; 2° Au moins tous les quatre ans, en l'absence de changement de fonctions et au vu de l'expérience acquise par l'agent ; 3° En cas de changement de grade à la suite d'une promotion ". Aux termes de l'article 6 du même décret : " Lors de la première application des dispositions du présent décret, le montant indemnitaire mensuel perçu par l'agent au titre du ou des régimes indemnitaires liés aux fonctions exercées ou au grade détenu et, le cas échéant, aux résultats, à l'exception de tout versement à caractère exceptionnel, est conservé au titre de l'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise jusqu'à la date du prochain changement de fonctions de l'agent, sans préjudice du réexamen au vu de l'expérience acquise prévu au 2° de l'article 3 ". L'arrêté interministériel du 17 décembre 2018 pris pour l'application au corps des greffiers des services judiciaires du décret du 20 mai 2014 portant création du RIFSEEP a fixé à trois le nombre de groupes de fonctions dans lesquels doivent être classés les greffiers des services judiciaires, les plafonds annuels de l'IFSE afférents à chacun de ces trois groupes, ainsi que les montants minimaux annuels de l'indemnité pour chacun des deux grades de ce corps.

3. La circulaire du garde des sceaux, ministre de la justice du 3 juillet 2019, portant sur les modalités de gestion du régime indemnitaire du corps des directeurs des services de greffe judiciaires et greffiers des services judiciaires prévoit, d'une part, à son paragraphe 1.2, que ce qu'elle qualifie de " socle indemnitaire " " correspond à un montant minimum et non pas à un montant indemnitaire unique par groupe. Au sein d'un même groupe de fonctions, les agents peuvent ainsi bénéficier de montants individuels différents en raison, notamment, de la diversité de leurs parcours professionnels ". L'annexe 3 de cette circulaire fixe le " socle indemnitaire " de l'IFSE pour chacun des trois groupes des greffiers, en distinguant ceux qui exercent leurs fonctions à l'administration centrale du ministère de la justice et ceux qui exercent dans les juridictions, les services déconcentrés et les écoles de formation. A son paragraphe 6, cette circulaire dispose, d'autre part, que : " Le changement de grade se traduit par une revalorisation automatique du montant de l'IFSE perçu par l'agent avant sa promotion, dans la limite du plafond réglementaire applicable au groupe de fonctions correspondant au poste occupé par l'agent. / Les montants de revalorisation, fixés par la présente circulaire, sont forfaitaires et identiques pour tous les périmètres d'affectation " et renvoie à l'annexe 4 la fixation à 1 000 euros du montant de cette revalorisation pour les greffiers qui deviennent greffiers principaux à compter de la mise en œuvre du RIFSEEP au 1er janvier 2019 pour ce corps de fonctionnaires.

4. Ainsi que le mentionne au demeurant ladite circulaire, la fixation par le ministre de la justice d'un " socle indemnitaire ", qu'il définit comme le montant minimum d'IFSE garanti à un agent en raison des fonctions exercées, pour chacun des trois groupes de fonctions des greffiers des services judiciaires, ne fait pas obstacle à ce que le montant de l'IFSE attribué aux membres d'un même groupe de fonctions soit différent entre ces agents pour tenir compte de l'expérience et de la technicité acquise par chacun dans l'exercice de ces fonctions, sous réserve de ne pas dépasser le plafond annuel de cette indemnité fixé par arrêté interministériel. En prévoyant que les greffiers des services judiciaires exerçant dans les juridictions et classés dans le groupe de fonctions n° 3 bénéficient d'un socle indemnitaire d'un montant de 5 300 euros au 1er janvier 2019, l'annexe 3 de cette circulaire n'a pas entendu interdire que l'expérience et la technicité acquise par un greffier et reconnue notamment par sa réussite à l'examen professionnel de greffier principal avant la mise en œuvre du nouveau régime indemnitaire au 1er janvier 2019 soit prise en compte par l'attribution par son gestionnaire d'un montant d'IFSE au moins égal au montant attribué aux greffiers qui accèdent à ce grade à compter de cette date, majoré de la revalorisation de 1 000 euros prévue par l'annexe 4 de cette circulaire. Par suite, c'est à tort que, pour annuler la décision en litige, les premiers juges se sont fondés sur le motif tiré de l'illégalité de ladite circulaire, invoquée par voie d'exception, en ce qu'en ne prévoyant pas que les greffiers principaux des services judiciaires ayant accédé à ce grade avant le 1er janvier 2019 devaient bénéficier d'un montant d'IFSE au moins égal au montant majoré de la revalorisation prévue pour les greffiers ayant accédé à ce même grade à compter du 1er janvier 2019, l'annexe 3 de ladite circulaire méconnaît le principe d'égalité.

5. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme Deshayes tant devant le tribunal administratif de Lyon qu'en appel.

6. Il résulte de l'article 2 du décret du 20 mai 2014 que les fonctions occupées par les fonctionnaires d'un même corps sont réparties dans chaque groupe au regard des critères professionnels que cet article énumère, dans lesquels ne figure pas le grade détenu par les fonctionnaires de ce corps. Dès lors Mme Deshayes n'est pas fondée à soutenir que la circulaire du 3 juillet 2019 méconnaît le décret du 20 mai 2014 et l'arrêté du 17 décembre 2018 pris pour son application en ne tenant pas compte du grade détenu par les greffiers des services judiciaires pour les répartir au sein des groupes de fonctions.

7. Il résulte de ce qui précède que le garde des sceaux, ministre de la justice, est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision individuelle de notification du groupe de fonctions RIFSEEP du 3 octobre 2019 du directeur délégué à l'administration inter-régionale judiciaire en tant qu'elle a fixé l'IFSE de Mme Deshayes à un montant annuel inférieur à 6 300 euros.

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'État, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, au titre des frais liés au litige exposés par Mme Deshayes.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1910102 du 28 avril 2021 du tribunal administratif de Lyon est annulé.

Article 2 : Les conclusions de Mme Deshayes sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au garde des sceaux, ministre de la justice et à Mme A... Deshayes.

Délibéré après l'audience du 10 mars 2022 à laquelle siégeaient :

M. Arbarétaz, président de chambre ;

M. Seillet, président assesseur ;

Mme Djebiri, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 avril 2022.

Le rapporteur,

Ph. SeilletLe président,

Ph. Arbarétaz

La greffière,

A. Le Colleter

La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

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N° 21LY02220

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY02220
Date de la décision : 07/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-08-03 Fonctionnaires et agents publics. - Rémunération. - Indemnités et avantages divers.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: M. CHASSAGNE
Avocat(s) : MYRIAM BOUSSOUM AVOCAT

Origine de la décision
Date de l'import : 19/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-04-07;21ly02220 ?
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