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07/04/2022 | FRANCE | N°21LY01729

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 07 avril 2022, 21LY01729


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 5 novembre 2020 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 2007420 du 23 mars 2021, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Proc

dure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 1er juin 2021, M. B..., représenté p...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 5 novembre 2020 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 2007420 du 23 mars 2021, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 1er juin 2021, M. B..., représenté par Me Huard, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté du préfet de l'Isère ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour et, à défaut, de réexaminer sa demande de titre de séjour et dans l'attente de lui délivrer un récépissé de demande de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

Sur la légalité du refus de délivrance d'un titre de séjour :

- la décision est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnaît l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet s'est abstenu de saisir la commission du titre de séjour ;

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

- la décision est illégale en raison de l'illégalité affectant le refus de titre de séjour ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; elle est également entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Sur la légalité de l'interdiction de retour sur le territoire français :

- la décision est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est disproportionnée et entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

La requête a été régulièrement communiquée au préfet de l'Isère qui n'a produit aucune observation.

M. C... B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 12 mai 2021.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique, le rapport de M. Pruvost, président ;

Considérant ce qui suit :

1. M. C... B..., ressortissant camerounais né en 1985, est entré en A... en juillet 2010 selon ses déclarations. Le 26 juillet 2013, il a bénéficié d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " valable un an. Le 7 août 2014, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité de salarié et sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 3 juillet 2014, le préfet de l'Isère a rejeté sa demande et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Le 30 octobre 2018, il a de nouveau sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code. Par un arrêté du 5 novembre 2020, le préfet de l'Isère a refusé de faire droit à sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. M. B... relève appel du jugement du 23 mars 2021 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité du refus de délivrance d'un titre de séjour :

2. Il ressort de l'examen de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour que celle-ci vise les considérations de droit qui en constituent le fondement, notamment les dispositions des articles L. 313-14 et L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et comportent l'énoncé des éléments de fait relatifs à la situation personnelle de M. B..., lesquels ne sont pas énoncés de façon stéréotypée. Par suite, le préfet de l'Isère n'a pas entaché la décision d'un défaut de motivation.

3. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

4. M. B... fait valoir qu'il est entré en A... en juillet 2010, qu'il a conclu un pacte civil de solidarité avec une ressortissante française et que ses enfants sont scolarisés en A.... Toutefois, les pièces produites par M. B... ne permettent pas d'établir que celui-ci résiderait en A... depuis dix ans à la date de la décision contestée. Si l'intéressé a conclu un pacte civil de solidarité avec une ressortissante française le 29 octobre 2012, il a déclaré, lors de l'instruction de sa demande de titre de séjour présentée le 7 août 2014, être célibataire et sans enfant à charge et ne produit à l'instance aucun élément démontrant la persistance d'une relation avec sa compagne. Il ressort également des pièces du dossier que ses deux enfants, scolarisés en A... à la date de l'arrêté attaqué, sont arrivés sur le territoire français récemment, en juin 2019. En outre, rien ne fait obstacle à ce que la cellule familiale puisse se reconstituer au Cameroun où résident ses parents ni à ce que ses deux enfants y soient scolarisés. Par ailleurs, M. B... est connu défavorablement des services de police pour des faits de circulation avec un véhicule terrestre à moteur sans assurance, de blessures involontaires ayant entrainé une incapacité inférieure ou égale à trois mois commis le 4 novembre 2015 et des faits d'abus de confiance commis du 25 novembre 2015 au 16 mars 2016. Dans ces conditions, compte des conditions du séjour en A... de M. B... et quand bien même l'intéressé a occupé un emploi pour lequel il avait obtenu un contrat de travail à durée indéterminée, le préfet de l'Isère n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels la décision de refus d'admission au séjour a été prise. Il s'ensuit que la décision de refus n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé.

5. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

6. La décision de refus de séjour n'a ni pour effet ni pour objet de séparer les membres de la famille de M. B.... En tout état de cause, rien ne fait obstacle à ce que les deux enfants de M. B... puissent être scolarisés au Cameroun. Il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.

7. Aux termes des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en A... habituellement depuis plus de dix ans. (...) ".

8. En présence d'une demande de régularisation présentée, sur le fondement de l'article L. 313-14, par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en A... ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Dans cette dernière hypothèse, un demandeur qui justifierait d'une promesse d'embauche ou d'un contrat de travail ne saurait être regardé, par principe, comme attestant, par là-même, des " motifs exceptionnels " exigés par la loi. Il appartient en effet à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel que par exemple, l'ancienneté de son séjour en A..., peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour.

9. D'une part, et compte tenu de ce qui a été dit au point 4 ci-dessus sur la durée de la présence en A... de M. B..., ni la circonstance qu'il a conclu un pacte civil de solidarité avec une ressortissante française ni la présence de ses deux enfants en A... ne constituent un motif exceptionnel ou une considération humanitaire de nature à justifier la régularisation de sa situation en application de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile par la délivrance d'une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale ".

10. D'autre part, si M. B... fait valoir qu'il a bénéficié d'un contrat de travail à durée indéterminée, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé, qui travaille depuis le 1er mars 2018 sans autorisation, ne justifie pas, contrairement à ce qu'il soutient, avoir réalisé des formations professionnalisantes. Par suite, M. B... n'établit pas l'existence de circonstance humanitaire ou de motif exceptionnel de nature à justifier la délivrance d'une carte de séjour " salarié " sur le fondement de l'article L. 313-14 du code.

11. Il résulte de ce qui précède, que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en ne faisant pas usage de son pouvoir de régularisation. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

12. Si M. B... soutient qu'il réside en A... depuis dix ans et que, pour ce motif, le préfet de l'Isère devait saisir pour avis la commission du titre de séjour avant de statuer sur sa demande d'admission exceptionnelle au séjour, il ne l'établit pas ainsi qu'il a été dit précédemment. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet s'est abstenu de saisir la commission du titre de séjour doit être écarté.

13. Les conditions nécessaires à la délivrance du titre demandé sur le fondement des dispositions alors codifiées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'étant pas remplies, le principe de bonne administration de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ne saurait être interprété comme faisant obligation à l'administration de délivrer une autorisation de séjour en méconnaissance de dispositions qui s'imposent à elle.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

14. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire.

15. Les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et de l'erreur manifeste d'appréciation, directement invoqués contre la mesure d'éloignement, doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux visés précédemment.

Sur la légalité de l'interdiction de retour sur le territoire français :

16. M. B... reprend en appel le moyen qu'il avait invoqué en première instance, tiré de l'insuffisante motivation de cette décision au regard notamment des quatre critères énumérés par la loi. Il y a toutefois lieu pour la cour d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par les premiers juges.

17. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté pour les mêmes motifs que précédemment.

18. Il ressort des pièces du dossier que M. B... est défavorablement connu des services de police et qu'il n'a pas déféré à une précédente mesure d'éloignement. Par ailleurs, l'intéressé n'établit pas résider en A... depuis juillet 2010, n'a aucune famille en A... hormis sa propre cellule familiale, ne justifie pas de liens intenses, stables et anciens sur le territoire français, conserve de fortes attaches familiales au Cameroun en la personne de ses parents, n'apporte aucun élément caractérisant une intégration particulière en A... et ne justifie pas non plus d'un quelconque projet professionnel de nature à caractériser son insertion dans la société française. Sa cellule familiale peut être reconstituée hors de A... y compris avec ses deux enfants mineurs dès lors qu'ayant vécu la majeure partie de son existence dans son pays d'origine, il s'y est nécessairement créé des attaches personnelles et sociales. Il s'ensuit que le préfet de l'Isère n'a pas, en prononçant une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an, commis d'erreur d'appréciation au regard des dispositions précitées. En outre, la décision litigieuse prise pour une durée d'un an n'apparaît pas disproportionnée.

19. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 2022, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme Evrard, présidente-assesseure,

Mme Lesieux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 avril 2022 .

Le président-rapporteur,

D. Pruvost

L'assesseure la plus ancienne,

(dans l'ordre du tableau)

A. EvrardLa greffière,

M.-Th. Pillet

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY01729


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY01729
Date de la décision : 07/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: M. Dominique PRUVOST
Rapporteur public ?: Mme VINET
Avocat(s) : HUARD

Origine de la décision
Date de l'import : 19/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-04-07;21ly01729 ?
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