Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 6 janvier 2021 du préfet de la Haute-Savoie lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, fixant le pays de destination et portant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an.
Par un jugement n° 2100997 du 24 mars 2021, le magistrat désigné du tribunal administratif de Grenoble a annulé cet arrêté, a enjoint au préfet de la Haute-Savoie, d'une part, de délivrer à M. B..., une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa situation dans les délais, respectivement, de quinze jours et de deux mois, d'autre part, de procéder à la suppression du signalement de l'intéressé aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen, dans un délai de deux mois et a rejeté le surplus des conclusions de la demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 21 avril 2021, le préfet de la Haute-Savoie demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande de première instance de M. B....
Il soutient que c'est à tort que le magistrat désigné du tribunal administratif de Grenoble a annulé son arrêté pour défaut d'examen préalable de la situation de M. B... dès lors qu'il était tenu d'édicter l'arrêté au vu du rejet définitif de la demande d'asile de l'intéressé et que ce dernier n'a pas accompli les diligences requises aux fins de pouvoir travailler régulièrement sur le territoire français.
Par un mémoire, enregistré le 9 juin 2021, M. B..., représenté par Me Labarthe Azébazé, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'Etat, à verser à son conseil, sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- les décisions portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et interdiction de retour sur le territoire français sont entachées d'un défaut de motivation ; cette dernière décision est par ailleurs injustifiée ;
- le préfet a pris son arrêté sans lui permettre d'apporter les éléments complémentaires et nouveaux nécessaires à l'analyse de son dossier, et ce en méconnaissance du principe général du droit de l'Union d'être entendu ;
- en l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et décidant qu'il serait éloigné à destination du pays dont il a la nationalité, le préfet de la Haute-Savoie a méconnu l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il remplit les conditions pour se voir accorder une régularisation au titre de l'admission exceptionnelle au séjour au titre du travail sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- son analyse de la situation a été nécessairement et volontairement incomplète et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par une décision du 23 février 2022, le bureau d'aide juridictionnelle a classé sans suite la demande d'aide juridictionnelle présentée par M. B....
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de Mme Lesieux, première conseillère, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant malien né en 1988, entré en France le 25 décembre 2016 en provenance du territoire espagnol, a demandé son admission au séjour au titre de l'asile. Il a fait l'objet, le 23 mars 2017, d'un arrêté prononçant sa remise aux autorités espagnoles auquel il s'est soustrait et a été déclaré en fuite. Après le rejet définitif de sa demande d'asile par une décision du 26 octobre 2020 de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), le préfet de la Haute-Savoie a pris à son encontre, sur le fondement du 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur, un arrêté du 6 janvier 2021 l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, fixant le pays de destination, et portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. Par un jugement du 24 mars 2021, dont le préfet de la Haute-Savoie relève appel, le magistrat désigné du tribunal administratif de Grenoble a annulé cet arrêté, enjoint au préfet de réexaminer sa situation et de munir M. B... d'une autorisation provisoire de séjour.
Sur le motif d'annulation retenu par le premier juge :
2. Aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 743-1 et L. 743-2 , à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) ".
3. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2 (...) ".
4. Pour annuler l'arrêté du 6 janvier 2021 obligeant M. B... à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, fixant le pays de destination et portant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an, le magistrat désigné du tribunal administratif de Grenoble a retenu que le préfet de la Haute-Savoie n'avait pas procédé à un examen réel de la situation de l'intéressé dès lors que ce dernier avait adressé à la préfecture, deux demandes de rendez-vous pour une admission exceptionnelle au séjour, le 26 novembre 2020, renouvelée le 2 février 2021 dans lesquelles il précisait travailler de manière continue en restauration depuis mai 2018 sans que le préfet n'en tienne compte. Toutefois, ces seules demandes de rendez-vous, dont l'une est au demeurant postérieure à la date de l'arrêté contesté, ne saurait faire obstacle à ce que l'autorité administrative décide de prononcer une mesure d'éloignement à l'encontre d'un étranger qui se trouve dans le cas mentionné au 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il ne saurait en aller autrement que lorsque la loi prescrit l'attribution de plein droit d'un titre de séjour à l'intéressé, cette circonstance faisant alors obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une obligation de quitter le territoire français.
5. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que M. B... ne s'est pas prévalu de ce qu'il aurait pu prétendre à la délivrance d'un titre de séjour de plein droit mais sollicitait la possibilité d'obtenir un rendez-vous en préfecture afin d'y déposer une demande d'admission exceptionnelle au séjour, sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lequel ne prescrit pas la délivrance d'un titre de plein droit mais laisse à l'administration un large pouvoir pour apprécier si l'admission au séjour d'un étranger répond à des considérations humanitaires ou si elle se justifie au regard des motifs exceptionnels dont l'intéressé se prévaut. Une telle demande de rendez-vous, ainsi qu'il a été dit, au point 4 du présent arrêt, ne pouvait faire obstacle à ce que le préfet de la Haute-Savoie, qui n'était pas tenu de procéder à un examen d'un éventuel droit au séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, prononce une mesure d'éloignement à l'encontre de M. B... dont la demande d'asile avait été définitivement rejetée par la Cour nationale du droit d'asile le 26 octobre 2020.
6. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Haute-Savoie est fondé à soutenir que c'est à tort que le premier juge a retenu le moyen tiré du défaut d'examen de la situation particulière de M. B... pour annuler son arrêté du 6 janvier 2021.
7. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... tant en première instance qu'en appel.
Sur les autres moyens soulevés par M. B... :
8. L'arrêté du préfet de la Haute-Savoie du 6 janvier 2021 n'a pas pour objet de refuser un titre de séjour à M. B... mais prononce une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, sur le fondement du 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en conséquence du rejet définitif de la demande d'asile de M. B..., fixe le pays de destination en cas d'exécution forcée de cette mesure et porte interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an. Par suite, les moyens tirés du défaut de motivation d'une décision portant refus de titre de séjour et de la méconnaissance de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être rejetés comme inopérants.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
9. En premier lieu, aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " (...) La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée (...) ".
10. La décision portant obligation de quitter le territoire français, contenue dans l'arrêté du 6 janvier 2021, indique les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur lesquelles elle se fonde, précise que la demande d'asile présentée par M. B... a été définitivement rejetée par une décision de la CNDA du 26 octobre 2020 et que l'intéressé n'établit pas entrer dans une des catégories d'étrangers relevant des dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. L'arrêté précise par ailleurs que selon les déclarations de M. B..., une partie de sa famille proche réside dans son pays d'origine. La décision est donc suffisamment motivée tant en droit qu'en fait.
11. En deuxième lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union " ; qu'aux termes du paragraphe 2 de ce même article : " Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ; (...) ". Aux termes du paragraphe 1 de l'article 51 de la Charte : " Les dispositions de la présente Charte s'adressent aux institutions, organes et organismes de l'Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu'aux Etats membres uniquement lorsqu'ils mettent en œuvre le droit de l'Union. (...) ".
12. Ainsi que la Cour de justice de l'Union européenne l'a jugé dans ses arrêts C-166/13 et C-249/13 des 5 novembre et 11 décembre 2014, le droit d'être entendu préalablement à l'adoption d'une décision de retour implique que l'autorité administrative mette le ressortissant étranger en situation irrégulière à même de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur l'irrégularité du séjour et les motifs qui seraient susceptibles de justifier que l'autorité s'abstienne de prendre à son égard une décision de retour. Il n'implique toutefois pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français ou sur la décision le plaçant en rétention dans l'attente de l'exécution de la mesure d'éloignement, dès lors qu'il a pu être entendu sur l'irrégularité du séjour ou la perspective de l'éloignement.
13. Le droit d'être entendu implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français non prise concomitamment au refus de délivrance d'un titre de séjour, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne.
14. Une violation des droits de la défense, en particulier du droit d'être entendu, n'entraîne l'annulation de la décision prise au terme de la procédure administrative en cause que si, en l'absence de cette irrégularité, cette procédure pouvait aboutir à un résultat différent.
15. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B..., dont la demande d'asile a été présentée antérieurement à l'entrée en vigueur des dispositions de l'article L. 311-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile issues de la loi du 10 septembre 2018 visée ci-dessus, aurait été, à un moment de la procédure, informé de ce qu'il était susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement ou mis à même de présenter des observations, la procédure de demande d'asile n'ayant pas une telle finalité. Il ressort d'ailleurs des pièces du dossier que postérieurement au rejet de sa demande d'asile par la CNDA, M. B... a sollicité un rendez-vous en préfecture en vue de déposer une demande d'admission exceptionnelle au séjour. Il soutient que le préfet de la Haute-Savoie, qui n'a pas donné suite à sa demande, l'a privé de la possibilité de faire valoir des éléments pouvant faire obstacle à ce qu'une mesure d'éloignement soit prise à son encontre et a méconnu son droit d'être entendu avant l'édiction de cette mesure. Il ressort des pièces du dossier qu'à l'appui de sa demande de rendez-vous en vue de déposer une demande d'admission exceptionnelle au séjour, l'intéressé faisait état de sa présence en France depuis 2017, de son activité professionnelle depuis 2018 et de sa volonté d'intégration par le travail. Ces éléments qu'il a pu au demeurant porter à la connaissance du préfet à l'occasion de sa demande de rendez-vous, avant que ce dernier ne prenne à son encontre la mesure d'éloignement contesté, n'étaient toutefois pas susceptibles, d'affecter le sens de la décision en litige. Le moyen tiré de ce que l'obligation de quitter le territoire français a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière doit donc être écarté.
16. En dernier lieu, M. B... fait valoir la durée de sa présence en France et son intégration par le travail. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé est entré irrégulièrement en France en provenance du territoire espagnol et s'est soustrait à la décision de remise aux autorités espagnoles. Il ne s'est maintenu régulièrement sur le territoire national qu'à compter du 17 janvier 2019, date à laquelle il a renouvelé sa demande d'asile, qui a été définitivement rejetée par la Cour nationale du droit d'asile le 26 octobre 2020. Par ailleurs, l'intéressé, entré en France à l'âge de vingt-huit ans, y est dépourvu d'attaches familiales, son épouse et sa fille mineure résidant désormais en Mauritanie. Dans ces conditions, l'appelant n'est pas fondé à soutenir que le préfet de la Haute-Savoie a entaché sa décision portant obligation de quitter le territoire français d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle.
En ce qui concerne le pays de destination :
17. En premier lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
18. M. B... soutient qu'il craint d'être exposé à des traitements inhumains et dégradants en cas de retour au Mali du fait de son père, opposé à son mariage avec une jeune femme appartenant à la caste des esclaves. Il soutient que c'est pour cette raison qu'il a quitté son pays en 2012 et que sa femme et sa fille se sont réfugiées en Mauritanie. Toutefois, ce récit n'a pas convaincu l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ni la Cour nationale du droit d'asile qui ont successivement rejeté sa demande d'asile. Les pièces qu'il produit, à savoir un communiqué de presse du 9 septembre 2020 des experts des droits de l'homme des Nations Unies exhortant le Mali à mettre un terme à la pratique de l'esclavage ainsi qu'un " certificat administratif " du 11 décembre 2019 établi par le maire de la commune rurale de Sahel, reprenant les informations données par deux témoins selon lesquelles le père de l'intéressé serait dans l'obligation de le tuer s'il poursuit son mariage, sont antérieures à la date à la laquelle la Cour nationale du droit d'asile s'est prononcé sur son droit à la protection internationale. L'intéressé ne démontre pas qu'il n'a pas été en mesure de les porter à la connaissance de la cour. En tout état de cause, ces pièces sont insuffisantes à démontrer l'existence de menaces réelles et actuelles pesant sur M. B... en cas de retour dans son pays d'origine.
19. En second lieu, M. B... soutient qu'en fixant comme pays de destination le Mali, le préfet de la Haute-Savoie a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation dans la mesure où son épouse et sa fille vivent, contrairement aux mentions portées dans la décision litigieuse, en Mauritanie. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé a quitté son pays d'origine en 2012, à l'âge de vingt-quatre ans, peu après la naissance de sa fille, et qu'il vit depuis son départ, séparé de son épouse et de leur enfant. En fixant comme pays de destination en cas d'exécution d'office de la mesure d'éloignement le pays dont l'intéressé a la nationalité et dans la mesure où l'intéressé ne démontre pas qu'il y serait exposé à des menaces graves et actuelles, le préfet de la Haute-Savoie n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation. Il n'a pas davantage en indiquant à tort que l'épouse et la fille de l'intéressé vivent au Mali, dès lors qu'il s'est prononcé au vu des éléments portés à sa connaissance, entaché sa décision d'un défaut d'examen particulier de la situation de M. B....
En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an :
20. Aux termes du III l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger (...) Lorsqu'elle ne se trouve pas en présence du cas prévu au premier alinéa du présent III, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français ".
21. En premier lieu, la décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs. Si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère.
22. L'arrêté en litige précise la date d'entrée en France de M. B..., sa demande d'asile, l'arrêté de remise aux autorités espagnoles et la circonstance que l'intéressé s'y est soustrait. Il fait état également de ce que l'intéressé ne dispose pas de liens familiaux en France. Par suite, et alors même que le préfet de la Haute-Savoie n'a pas expressément précisé que l'intéressé ne présentait pas une menace à l'ordre public, la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an n'est pas entachée d'une insuffisance de motivation.
23. En second lieu, l'intéressé, entré irrégulièrement en France en 2016 en provenance du territoire espagnol, a fait l'objet d'une décision de remise aux autorités espagnoles à laquelle il s'est soustrait. S'il ne représente pas une menace à l'ordre public et s'il exerce une activité professionnelle au sein d'une entreprise de restauration de manière continue depuis mai 2018, M. B... ne justifie pas de l'intensité de ses liens personnels avec la France et ce alors que son épouse et sa fille mineure résident désormais en Mauritanie. Par suite, le préfet de la Haute-Savoie n'a pas commis d'erreur d'appréciation en lui opposant une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an.
24. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Haute-Savoie est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé son arrêté du 6 janvier 2021 et lui a enjoint réexaminer la situation de M. B.... En conséquence, le jugement du 24 mars 2021 du tribunal administratif de Grenoble doit être annulé et la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif doit être rejetée.
25. Par voie de conséquence, les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2100997 du 24 mars 2021 du tribunal administratif de Grenoble est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Grenoble et le surplus des conclusions en appel sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie et au procureur de la République près le tribunal judiciaire d'Annecy en application de l'article R. 751-11 du code de justice administrative.
Délibéré après l'audience du 17 mars 2022 à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président,
Mme Evrard, présidente-assesseure,
Mme Lesieux, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 avril 2022.
La rapporteure,
S. LesieuxLe président,
D. Pruvost
La greffière,
M.-T. Pillet
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
2
N° 21LY01271