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07/04/2022 | FRANCE | N°21LY00882

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 07 avril 2022, 21LY00882


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler la décision du 30 juillet 2019 par laquelle l'inspecteur du travail de la 1ère section de l'unité de contrôle du département de la Côte d'Or a autorisé la SCP Jean-Jacques Deslorieux, agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société FranceEole industrie, à le licencier pour un motif économique.

Par un jugement n° 1902762 du 26 janvier 2021, le tribunal administratif de Dijon a annulé la décision du 30 juillet 2019 a

utorisant le licenciement de M. B....

Procédure devant la cour

Par une requête enr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler la décision du 30 juillet 2019 par laquelle l'inspecteur du travail de la 1ère section de l'unité de contrôle du département de la Côte d'Or a autorisé la SCP Jean-Jacques Deslorieux, agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société FranceEole industrie, à le licencier pour un motif économique.

Par un jugement n° 1902762 du 26 janvier 2021, le tribunal administratif de Dijon a annulé la décision du 30 juillet 2019 autorisant le licenciement de M. B....

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 23 mars 2021 et un mémoire enregistré le 30 décembre 2021 (non communiqué), présentés pour la SCP Jean-Jacques Deslorieux, agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société FranceEole industrie, il est demandé à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1902762 du 26 janvier 2021 du tribunal administratif de Dijon ;

2°) de rejeter la demande de M. B... devant le tribunal administratif ;

3°) de mettre à la charge de M. B... la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges se sont fondés, pour annuler la décision d'autorisation de licenciement en litige, sur le motif tiré d'une recherche de reclassement insuffisante, dès lors que le respect des obligations de reclassement avait été examiné par l'administration du travail dans le cadre de la décision d'homologation du plan de sauvegarde de l'emploi, qui n'avait pas été contestée et était devenue définitive, par laquelle il avait été constaté que le liquidateur avait bien respecté l'obligation de rechercher tous les emplois disponibles situés sur le territoire national dans les autres entreprises du groupe dont l'entreprise fait partie ;

- la réalité de l'absence de poste disponible en reclassement au sein de toutes les sociétés du groupe, à l'exception de la société F3 Moulds dans laquelle un poste de reclassement était disponible, est établie ;

- le liquidateur ayant démontré qu'aucun poste compatible avec les capacités professionnelles de M. B... n'était disponible au sein des sociétés du groupe, c'est à bon droit que l'inspection du travail a constaté que ce dernier a bien respecté son obligation de recherche de reclassement et autorisé le licenciement de ce salarié, nonobstant la circonstance qu'une offre de reclassement comportait une mention relative à une rémunération " à négocier " alors que l'intéressé ne détenait pas les qualifications pour occuper un tel poste.

Par un mémoire, enregistré le 12 juillet 2021, présenté pour M. B..., il conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

La ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion a produit un mémoire, enregistré le 10 décembre 2021, qui n'a pas été communiqué.

Par ordonnance du 21 octobre 2021 la clôture de l'instruction a été fixée au 30 décembre 2021.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Seillet, président assesseur ;

- les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ;

- et les observations de Me Grisoni, pour la SCP Jean-Jacques Deslorieux ;

Considérant ce qui suit :

1. La société FranceEole industrie, qui avait pour activité la fabrication de mâts d'éoliennes, a été placée, dans un premier temps, en redressement judiciaire puis, dans un second temps, le redressement judiciaire de cette société a été converti en liquidation judiciaire par un jugement du 27 juin 2019 du tribunal de commerce de Chalon-sur-Saône, sans poursuite d'activité autorisée, et la SCP Jean-Jacques Deslorieux a été désignée en qualité de liquidateur par ce jugement qui emportait de plein droit la cessation immédiate de toute activité, la fermeture de l'entreprise, la suppression de tous les postes de travail et de tous les emplois et le licenciement pour motif économique de l'ensemble du personnel, et ce au plus tard dans les vingt et un jours suivant le jugement. Par une décision du 9 juillet 2019, dont la légalité n'a pas été contestée, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte) de Bourgogne-Franche Comté a homologué le document unilatéral élaboré par la société FranceEole industrie, fixant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi de cette société. Le liquidateur a, à la suite de cette homologation, saisi l'inspection du travail, par une lettre reçue le 15 juillet 2019, aux fins d'autoriser le licenciement pour motif économique de M. B..., exerçant des fonctions de grenailleur / peintre et titulaire d'un mandat de membre du comité social et économique de l'entreprise. Par une décision du 30 juillet 2019, l'inspecteur du travail a autorisé le licenciement de M. B.... La SCP Jean-Jacques Deslorieux, agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société FranceEole industrie, relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Dijon a annulé cette décision du 30 juillet 2019.

2. En vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Lorsque leur licenciement est envisagé, celui-ci ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou leur appartenance syndicale. Dans le cas où la demande de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation économique de l'entreprise ou des entreprises du même groupe œuvrant dans le même secteur d'activité justifie le licenciement du salarié en tenant compte notamment de la nécessité des réductions d'effectifs envisagées et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié.

3. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 1233-4 du code du travail, dans sa version applicable au litige : " Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l'entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l'entreprise fait partie et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel. ".

4. Il résulte des dispositions précitées de l'article L. 1233-4 du code du travail que, pour apprécier si l'employeur ou le liquidateur judiciaire a satisfait à son obligation en matière de reclassement, l'autorité administrative saisie d'une demande d'autorisation de licenciement pour motif économique d'un salarié protégé doit s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, qu'il a procédé à une recherche sérieuse des possibilités de reclassement du salarié dans les entreprises dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation permettent, en raison des relations qui existent avec elles, d'y effectuer la permutation de tout ou partie de son personnel. Toutefois, lorsque le licenciement projeté est inclus dans un licenciement collectif qui requiert l'élaboration d'un plan de sauvegarde de l'emploi, lequel comprend, en application de l'article L. 1233-61 du code du travail, un plan de reclassement, et que ce plan est adopté par un document unilatéral, l'autorité administrative, si elle doit s'assurer de l'existence, à la date à laquelle elle statue sur cette demande, d'une décision d'homologation du plan de sauvegarde de l'emploi, à défaut de laquelle l'autorisation de licenciement ne peut légalement être accordée, ne peut ni apprécier la validité du plan de sauvegarde de l'emploi ni, plus généralement, procéder aux contrôles mentionnés à l'article L. 1233-57-3 du code du travail qui n'incombent qu'au directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi compétemment saisi de la demande d'homologation du plan. Il ne lui appartient pas davantage, dans cette hypothèse, de remettre en cause le périmètre du groupe de reclassement qui a été déterminé par le plan de sauvegarde de l'emploi pour apprécier s'il a été procédé à une recherche sérieuse de reclassement du salarié protégé.

5. Il ressort des pièces du dossier que le liquidateur, après avoir interrogé le fonds d'investissement Nimbus Investissements CX BV, de droit néerlandais, sur les sociétés relevant de ce groupe, dont faisait partie la société FranceEole industrie, présentes sur le territoire national, composant le périmètre de reclassement déterminé par le plan de sauvegarde de l'emploi de l'entreprise adopté par le document unilatéral homologué par l'administration du travail, a ensuite adressé aux trois sociétés concernées, la société F3B Moulds, la société Plasticon France et la société Thermaflex France, une demande, du 28 juin 2019, intitulée " recherche de reclassement ", comportant en annexe le profit des salariés à reclasser, à la suite de laquelle seule la première de ces sociétés a indiqué disposer d'un poste de " chaudronnier soudeur ". Par une lettre le 5 juillet 2019, le liquidateur a alors adressé à chaque salarié une lettre de " circularisation des offres de reclassement interne " en annexe de laquelle figurait une description du seul poste disponible, proposé par la société F3B Moulds, comportant l'intitulé du poste proposé, le nom de l'employeur, le niveau de formation requis (diplôme de chaudronnier / soudeur) la nature du contrat de travail (CDI) et sa localisation précise (Cerizay), la rubrique concernant la rémunération mensuelle brute comportant la mention " à négocier ". Les destinataires, auxquels étaient fournies les coordonnées de la société proposant le poste et qui étaient invités à prendre contact pour toute précision sur le poste avec cette société ou la direction des ressources humaines du groupe Nimbus, disposaient d'un délai jusqu'au 11 juillet pour répondre.

6. Dès lors que, conformément aux dispositions de l'article D. 1233-2-1 du code du travail, dans leur rédaction applicable qui permettent à l'employeur, pour l'application de l'article L. 1233-4 du même code, de communiquer la liste des offres disponibles aux salariés, le liquidateur avait adressé à tous les salariés le seul poste disponible au sein des sociétés composant le périmètre de reclassement tel que déterminé par le plan de sauvegarde de l'emploi, et alors que seuls pouvaient présenter leur candidature à ce poste les salariés titulaires d'un diplôme de chaudronnier / soudeur leur conférant la qualification requise pour l'occuper, dont M. B... n'était pas détenteur et qu'il ne pouvait acquérir par une seule formation complémentaire d'adaptation, ce dernier, qui ne pouvait postuler sur ce poste, ne pouvait utilement se prévaloir de l'absence de précision du niveau de rémunération du poste pour soutenir que l'employeur n'avait pas satisfait à son obligation de reclassement. C'est, par suite, à tort que les premiers juges se sont fondés, pour annuler la décision en litige, sur le motif tiré de ce que l'offre ainsi proposée ne pouvait être regardée comme suffisamment précise, ni suffisamment ferme et de ce que, par suite, il n'avait pas été procédé à une recherche sérieuse de reclassement du salarié protégé.

7. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... tant devant le tribunal administratif de Dijon qu'en appel.

8. Il résulte de ce qui a été dit au point 4 qu'il n'appartient pas à l'administration du travail, saisie d'une demande d'autorisation de licenciement, lorsque le licenciement projeté est inclus dans un licenciement collectif qui requiert l'élaboration d'un plan de sauvegarde de l'emploi, lequel comprend, en application de l'article L. 1233-61 du code du travail, un plan de reclassement, et que ce plan est adopté par un document unilatéral, de remettre en cause le périmètre du groupe de reclassement qui a été déterminé par le plan de sauvegarde de l'emploi pour apprécier s'il a été procédé à une recherche sérieuse de reclassement du salarié protégé. Dès lors M. B... ne peut utilement se prévaloir de ce que l'administration n'aurait pas vérifié que le liquidateur avait interrogé la société Plasticon Aubert, qui n'appartenait pas au périmètre de reclassement déterminé par le plan de sauvegarde de l'emploi alors, au demeurant, que le président de la société Plasticon France, sollicité en cette qualité, avait indiqué, le 5 juillet 2019, qu'il n'existait aucun poste disponible non plus au sein de la société Plasticon Aubert.

9. Il résulte de ce qui précède que la SCP Jean-Jacques Deslorieux, agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société FranceEole, est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a, sur la demande de M. B..., annulé la décision du 30 juillet 2019 de l'inspecteur du travail.

10. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... une somme au titre des frais liés au litige exposés par la société requérante.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1902762 du 26 janvier 2021 du tribunal administratif de Dijon est annulé.

Article 2 : La demande de M. B... devant le tribunal administratif de Dijon est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de la SCP Jean-Jacques Deslorieux tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SCP Jean-Jacques Deslorieux, agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société FranceEole, à M. A... B... et à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion.

Délibéré après l'audience du 10 mars 2022 à laquelle siégeaient :

M. Arbarétaz, président de chambre ;

M. Seillet, président assesseur ;

Mme Djebiri, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 avril 2022.

Le rapporteur,

Ph. SeilletLe président,

Ph. Arbarétaz

La greffière,

A. Le Colleter

La République mande et ordonne à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion, en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

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N° 21LY00882

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY00882
Date de la décision : 07/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07 Travail et emploi. - Licenciements.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: M. CHASSAGNE
Avocat(s) : GM ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 19/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-04-07;21ly00882 ?
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