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31/03/2022 | FRANCE | N°21LY03504

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 31 mars 2022, 21LY03504


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme C... E... épouse F... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 21 décembre 2020 par lequel le préfet de la Côte-d'Or a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant deux ans.

Par jugement n° 2100410 du 24 juin 2021, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

M. A... F... a demandé au tribun

al administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 21 décembre 2020 par lequel le préfet de la ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme C... E... épouse F... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 21 décembre 2020 par lequel le préfet de la Côte-d'Or a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant deux ans.

Par jugement n° 2100410 du 24 juin 2021, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

M. A... F... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 21 décembre 2020 par lequel le préfet de la Côte-d'Or a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant trois ans.

Par jugement n° 2100408 du 24 juin 2021, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

I - Par une requête et un mémoire, enregistrés les 2 novembre 2021 et 4 mars 2022, Mme F..., représentée par Me Boukara, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2100410 du 24 juin 2021 et l'arrêté du 21 décembre 2020 susvisé ;

2°) d'enjoindre au préfet de la Côte d'Or, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation, dans le délai d'un mois à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au titre de la première instance et la somme de 2 400 euros au titre des mêmes dispositions et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 au titre de la deuxième instance.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'une omission à statuer faute d'avoir examiné les moyens tirés de la méconnaissance de la circulaire du 28 novembre 2012 du ministre de l'intérieur, de celle de l'obligation de transparence, de cohérence et de loyauté de l'administration dirigés contre la décision portant refus de séjour opposée à l'intéressée ainsi que celle de son devoir de loyauté dans l'édiction de l'obligation de quitter le territoire français ;

- le jugement attaqué est également entaché d'un défaut de motivation quant à sa réponse au moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'interdiction de retour sur le territoire français qui lui a été opposée ;

- la décision de refus de séjour a été prise en méconnaissance de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration ;

- elle est entachée d'erreur de droit ;

- elle méconnait les prescriptions de la circulaire du 28 novembre 2012 ainsi que son obligation par l'administration de transparence, visé à l'article 15 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, de cohérence et de loyauté ;

- elle méconnaît les dispositions des articles L. 313-11-7° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, de l'article 5 de la directive dite " retour " et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- elle doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation du refus de séjour opposé à son époux ;

- l'obligation de quitter le territoire français a été prise en méconnaissance du principe du contradictoire résultant de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ou du principe général du droit de l'Union européenne sur le droit d'être entendu ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen ;

- elle doit être annulée en raison de l'illégalité du refus de séjour ;

- elle doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision d'éloignement opposée à son époux ;

- elle a été prise en méconnaissance des articles L. 313-11-7° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, de l'article 5 de la directive dite "retour" et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire est entachée d'un défaut de motivation ;

- elle doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de l'obligation de quitter le territoire ;

- elle a été prise en méconnaissance de l'article L. 511-1-II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision d'interdiction de retour a été prise en violation du principe du contradictoire résultant de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ou du principe général du droit de l'Union européenne sur le droit d'être entendu ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle doit être annulée en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire et du refus de délai départ volontaire ;

- elle a été prise sans examen particulier de sa situation ;

- elle est entachée d'erreur de fait, d'une erreur manifeste d'appréciation et d'une méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et de l'article 5 de la directive dite " retour ".

II - Par une requête et un mémoire, enregistrés les 2 novembre 2021 et 4 mars 2022, M. F..., représenté par Me Boukara, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2100408 du 24 juin 2021 et l'arrêté du 21 décembre 2020 susvisé ;

2°) d'enjoindre au préfet de la Côte d'Or, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation, dans le délai d'un mois à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au titre de la première instance et la somme de 2 400 euros au titre des mêmes dispositions et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 au titre de la deuxième instance.

Il présente les mêmes moyens que ceux développés dans la requête n°21LY03504 de son épouse, Mme F..., excepté le moyen tiré de ce que le jugement attaqué est entaché d'un défaut de motivation quant à sa réponse au moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'interdiction de retour sur le territoire français qui lui a été opposée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 mars 2022 dans chacune des instances 21LY03504 et 21LY03506, le préfet de la Côte d'Or, représenté par Me Cano, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de l'appelant(e) la somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par un mémoire en intervention, enregistré le 5 mars 2022 dans chacune des instances 21LY03504 et 21LY03506, l'association avocats pour la défense des droits des étrangers (ADDE), représentée par Me Tercero, demande à la cour d'admettre son intervention et de faire droit aux requêtes d'appel de M. et Mme F....

Elle fait valoir que son intervention est recevable, qu'elle souscrit aux moyens formulés par M. et Mme F... dans leurs requêtes et précise que ces derniers sont fondés à se prévaloir de la circulaire du 28 novembre 2012 du ministre de l'intérieur.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008, dite " Directive retour " ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration,

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Rémy-Néris, première conseillère,

- et les observations de Me Zouine pour M. et Mme F... et l'ADDE et Me Aguettant pour le préfet de la Côte d'Or.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme F..., ressortissants kosovares, sont entrés irrégulièrement en France le 16 avril 2013, selon leurs déclarations, en compagnie de leurs deux enfants, nés en 2006. Un troisième enfant est né en France le 23 mai 2013. Après rejet de leur demande d'asile par décisions de l'office français de protection des réfugiés et apatrides et de la Cour nationale du droit d'asile, les époux F... se sont vus notifier une première obligation de quitter le territoire français le 8 mars 2014, puis une deuxième le 12 décembre 2015, assortie d'une interdiction de retour d'une durée d'un an. La légalité de ces mesures a été confirmée par le tribunal administratif de Dijon le 16 juin 2016. Ils ont ensuite sollicité leur admission exceptionnelle au séjour auprès de la préfecture de Côte-d'Or, qui, le 20 juin 2018, y a opposé un nouveau refus et leur a assigné, pour la troisième fois, l'obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours. La légalité de ces mesures a été confirmée par le tribunal administratif de Dijon le 28 août 2018. Une nouvelle demande d'admission exceptionnelle au séjour a été déposée en novembre 2019. Par arrêtés du 21 décembre 2020, le préfet de la Côte-d'Or a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français de trois ans pour M. F... et de deux ans pour Mme F.... Les intéressés relèvent appel des jugements par lesquels le tribunal administratif de Dijon a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés.

Sur la jonction :

2. Les requêtes n° 21LY03504 et n°21LY03506 présentées par M. et Mme F... qui concernent la situation d'un couple de ressortissants étrangers qui demandent l'annulation des décisions, assorties de mesures d'éloignement, leur ayant refusé le séjour en France et qui ont fait l'objet d'une instruction commune, présentent à juger des questions semblables. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur la recevabilité de l'intervention :

3. L'association avocats pour la défense des droits des étrangers, dont l'objet est, selon l'article 2 de ses statuts, de soutenir l'action des étrangers en vue de la reconnaissance et du respect de leurs droits, a intérêt à intervenir au soutien des conclusions de M. et Mme F... tendant à l'annulation des jugements n°2100410 et n°2100408 du 24 juin 2021 du tribunal administratif de Dijon. Dès lors, son intervention est admise.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

3. Aux termes de l'article L. 312-2 du code des relations entre le public et l'administration, dans sa version issue de l'article 20 de la loi n° 2018-727 du 10 août 2018 pour un Etat au service d'une société de confiance : " Font l'objet d'une publication les instructions, les circulaires ainsi que les notes et réponses ministérielles qui comportent une interprétation du droit positif ou une description des procédures administratives. Les instructions et circulaires sont réputées abrogées si elles n'ont pas été publiées, dans des conditions et selon des modalités fixées par décret. / Un décret en Conseil d'Etat pris après avis de la commission mentionnée au titre IV précise les autres modalités d'application du présent article. " Aux termes de l'article L. 312-3 du même code, dans sa rédaction issue de la même loi : " Toute personne peut se prévaloir des documents administratifs mentionnés au premier alinéa de l'article L. 312-2, émanant des administrations centrales et déconcentrées de l'Etat et publiés sur des sites internet désignés par décret. / Toute personne peut se prévaloir de l'interprétation d'une règle, même erronée, opérée par ces documents pour son application à une situation qui n'affecte pas des tiers, tant que cette interprétation n'a pas été modifiée. / (...) " Aux termes de l'article R. 312-3-1 du même code : " Les documents administratifs mentionnés au premier alinéa de l'article L.312-2 émanant des administrations centrales de l'Etat sont, sous réserve des dispositions des articles L. 311-5 et L. 311-6, publiés dans des bulletins ayant une périodicité au moins trimestrielle et comportant dans leur titre la mention " Bulletin officiel ". Des arrêtés ministériels déterminent, pour chaque administration, le titre exact du ou des bulletins la concernant, la matière couverte par ce ou ces bulletins ainsi que le lieu ou le site internet où le public peut les consulter ou s'en procurer copie. " Aux termes de l'article R. 312-8 du même code, dans sa version issue de l'article 3 du décret n°2018-1047 du 28 novembre 2018, applicable à compter du 1er janvier 2019 : " Par dérogation à l'article R. 312-3-1, les circulaires et instructions adressées par les ministres aux services et établissements de l'Etat sont publiées sur un site relevant du Premier ministre. Elles sont classées et répertoriées de manière à faciliter leur consultation. " Aux termes de l'article R. 312-10 du code précité, dans sa version issue de l'article 4 du décret n°2018-1047 du 28 novembre 2018, applicable à compter du 1er janvier 2019 : " Les sites internet sur lesquels sont publiés les documents dont toute personne peut se prévaloir dans les conditions prévues à l'article L. 312-3 précisent la date de dernière mise à jour de la page donnant accès à ces documents ainsi que la date à laquelle chaque document a été publié sur le site. / Ces sites comportent, sur la page donnant accès aux documents publiés en application de l'article L. 312-3, la mention suivante : " Conformément à l'article L. 312-3 du code des relations entre le public et l'administration, toute personne peut se prévaloir de l'interprétation d'une règle, même erronée, opérée par les documents publiés sur cette page, pour son application à une situation qui n'affecte pas des tiers, tant que cette interprétation n'a pas été modifiée, sous réserve qu'elle ne fasse pas obstacle à l'application des dispositions législatives ou réglementaires préservant directement la santé publique, la sécurité des personnes et des biens ou l'environnement ". / Les circulaires et instructions soumises aux dispositions de l'article R. 312-8 sont publiées sur les sites mentionnés au premier alinéa au moyen d'un lien vers le document mis en ligne sur le site mentionné à ce même article. " L'article D. 312-11 de ce code, dans sa rédaction issue de l'article 4 du décret n°2018-1047 du 28 novembre 2018, prévoit : " Les sites internet mentionnés au premier alinéa de l'article L. 312-3 sont les suivants : (...) - www.interieur.gouv.fr ; (...) Lorsque la page à laquelle renvoient les adresses mentionnées ci-dessus ne donne pas directement accès à la liste des documents mentionnés à l'article L. 312-3, elle comporte un lien direct vers cette liste, identifié par la mention " Documents opposables " ". Enfin, l'article R. 312-7 de ce code, dans sa rédaction issue de l'article 2 du décret n°2018-1047 du 28 novembre 2018, prévoit : " Les instructions ou circulaires qui n'ont pas été publiées sur l'un des supports prévus par les dispositions de la présente section ne sont pas applicables et leurs auteurs ne peuvent s'en prévaloir à l'égard des administrés. / A défaut de publication sur l'un de ces supports dans un délai de quatre mois à compter de leur signature, elles sont réputées abrogées. "

4. L'article L. 113-1 du code de justice administrative dispose que : " Avant de statuer sur une requête soulevant une question de droit nouvelle, présentant une difficulté sérieuse et se posant dans de nombreux litiges, le tribunal administratif ou la cour administrative d'appel peut, par une décision qui n'est susceptible d'aucun recours, transmettre le dossier de l'affaire au Conseil d'Etat, qui examine dans un délai de trois mois la question soulevée. Il est sursis à toute décision au fond jusqu'à un avis du Conseil d'Etat ou, à défaut, jusqu'à l'expiration de ce délai ".

5. Dans la décision de Section, n°383267, 383268, du 4 février 2015, Ministre de l'intérieur c/ M. D... B..., le Conseil d'Etat a jugé que : " En dehors des cas où il satisfait aux conditions fixées par la loi, ou par un engagement international, pour la délivrance d'un titre de séjour, un étranger ne saurait se prévaloir d'un droit à l'obtention d'un tel titre. S'il peut, à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir formé contre une décision préfectorale refusant de régulariser sa situation par la délivrance d'un titre de séjour, soutenir que la décision du préfet, compte tenu de l'ensemble des éléments de sa situation personnelle, serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, il ne peut utilement se prévaloir des orientations générales que le ministre de l'intérieur a pu adresser aux préfets pour les éclairer dans la mise en œuvre de leur pouvoir de régularisation. / Les énonciations de la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière dans le cadre des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne constituent donc pas des lignes directrices dont les intéressés peuvent utilement se prévaloir devant le juge. "

6. La circulaire du 28 novembre 2012 du ministre de l'intérieur relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière dans le cadre des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a fait l'objet d'une mise en ligne sur le site Légifrance le 1er avril 2019, site internet relevant du Premier ministre. Elle ne figure pas parmi la liste des documents opposables publiée sur le site www.interieur.gouv.fr, site internet relevant du ministre de l'intérieur.

5. Les requêtes de M. et Mme F... posent la question nouvelle de savoir si les dispositions précitées, issues de la loi n° 2018-727 du 10 août 2018 pour un Etat au service d'une société de confiance, ont pour effet de modifier la jurisprudence " Cortes-Ortiz " du 4 février 2015 et de rendre invocable une circulaire contenant des orientations générales.

6. En cas de réponse affirmative à cette question, les requêtes posent la question de savoir si l'invocabilité de la circulaire est seulement conditionnée par la publicité prévue par les dispositions des articles L. 312-2 et R. 312-8 du code des relations entre le public et l'administration, les dispositions de l'article R. 312-10 et D. 312-11 du même code étant alors regardées comme régissant seulement l'accès au droit.

7. Se pose la question de savoir si l'invocabilité de la circulaire est également conditionnée par les mentions et l'inscription sur la liste des documents opposables prévues par les dispositions de l'article R. 312-10 et D. 312-11 du code des relations entre le public et l'administration, ces dispositions étant alors regardées comme régissant également l'opposabilité.

8. En cas de réponse affirmative à cette question, se pose la question de savoir si une telle condition pouvait être légalement instituée par décret.

9. Si une des conditions susmentionnées ou les deux conditions sont remplies, se pose la question de savoir si le membre de phrase mentionné à l'article L. 312-3 du code des relations entre le public et l'administration " même erronée " signifie également " même illégale ".

10. Dans l'hypothèse d'une invocabilité de la circulaire du 28 novembre 2012 susmentionnée, se pose la question de savoir si, dans l'hypothèse où un ressortissant étranger n'a pas exécuté une ou plusieurs précédente(s) mesure(s) d'éloignement, il entre dans les prévisions de la circulaire.

11. Enfin, dans l'hypothèse où au moins une des conditions prévues pour l'invocabilité d'une circulaire n'est pas réunie, se pose la question de savoir si le moyen tiré de la méconnaissance de la circulaire est inopérant ou s'il reste toujours opérant comme c'est le cas pour l'application de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.

12. Ces questions présentent une difficulté sérieuse et sont susceptibles de se poser dans de nombreux litiges. Dans ces conditions, il y a lieu de surseoir à statuer sur les requêtes de M. et Mme F... et de transmettre pour avis les dossiers des affaires au Conseil d'Etat.

DECIDE :

Article 1er : L'intervention de l'association avocats pour la défense des droits des étrangers est admise.

Article 2 : Les dossiers des requêtes de Mme C... E... épouse F... et M. A... F... sont transmis au Conseil d'Etat pour examen des questions de droit suivantes :

1°) les dispositions de l'article L. 312-3 du code des relations entre le public et l'administration, issues de la loi n° 2018-727 du 10 août 2018 pour un Etat au service d'une société de confiance, ont-elles pour effet de modifier la jurisprudence " Cortes-Ortiz " du 4 février 2015 et de rendre invocable une circulaire contenant des orientations générales '

2°) En cas de réponse affirmative à cette question, l'invocabilité de la circulaire est-elle seulement conditionnée par la publicité prévue par les dispositions des articles L. 312-2 et R. 312-8 du code des relations entre le public et l'administration, les dispositions de l'article R. 312-10 et D. 312-11 du même code étant alors regardées comme régissant seulement l'accès au droit '

3°) Est-elle également conditionnée par les mentions et l'inscription sur la liste des documents opposables prévues par les dispositions de l'article R. 312-10 et D. 312-11 du code des relations entre le public et l'administration, ces dispositions étant alors regardées comme régissant également l'opposabilité '

4°) En cas de réponse affirmative à cette question, cette condition pouvait-elle être légalement instituée par décret '

5°) Si une des conditions susmentionnées ou les deux conditions sont remplies, le membre de phrase mentionné à l'article L. 312-3 du code des relations entre le public et l'administration " même erronée " signifie-t-il également " même illégale " '

6°) Dans l'hypothèse d'une invocabilité de la circulaire du 28 novembre 2012 susmentionnée, un ressortissant étranger qui n'a pas exécuté une ou plusieurs précédente(s) mesure(s) d'éloignement entre-t-il dans les prévisions de la circulaire '

7°) Dans l'hypothèse où au moins une des conditions prévues pour l'invocabilité d'une circulaire n'est pas réunie, le moyen tiré de la circulaire devient-il inopérant ou bien reste-t-il toujours opérant comme c'est le cas pour l'application de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales'

Article 3 : Il est sursis à statuer sur les requêtes de M. et Mme F... jusqu'à l'avis du Conseil d'Etat ou, à défaut, jusqu'à l'expiration du délai de trois mois à compter de la transmission du dossier prévue à l'article 1er.

Article 4 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.

Article 5: Le présent arrêt sera notifié à Mme C... E... épouse F... et M. A... F..., à l'association avocats pour la défense des droits des étrangers et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Côte d'Or.

Délibéré après l'audience du 10 mars 2022, à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Dèche, présidente assesseure,

Mme Rémy-Néris, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 31 mars 2022.

La rapporteure,

V. Rémy-NérisLe président,

F. Bourrachot

La greffière,

C. Langlet

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY03504, 21LY03506

lc


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY03504
Date de la décision : 31/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Vanessa REMY-NERIS
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : BOUKARA

Origine de la décision
Date de l'import : 12/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-03-31;21ly03504 ?
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