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31/03/2022 | FRANCE | N°20LY01429

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 31 mars 2022, 20LY01429


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) Metalic a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler pour excès de pouvoir le refus opposé le 20 novembre 2018 à sa demande d'agrément en vue du transfert des déficits fiscaux reportables de la société Fonderie Rhône, de faire droit à cette demande ou, à titre subsidiaire, d'enjoindre à l'Etat de la réexaminer dans un délai d'un mois, et de mettre à la charge de l'Etat les dépens ainsi qu'une somme de 5 000 euros au titre de l'ar

ticle L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1900357 du ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) Metalic a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler pour excès de pouvoir le refus opposé le 20 novembre 2018 à sa demande d'agrément en vue du transfert des déficits fiscaux reportables de la société Fonderie Rhône, de faire droit à cette demande ou, à titre subsidiaire, d'enjoindre à l'Etat de la réexaminer dans un délai d'un mois, et de mettre à la charge de l'Etat les dépens ainsi qu'une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1900357 du 10 mars 2020, le tribunal administratif de Lyon a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire enregistrés le 10 mai 2020 et le 3 mars 2022, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, l'EURL Metalic et la Selarl AJ Partenaire, en sa qualité de mandataire judiciaire, représentées par Me Giroud, demandent à la cour :

1°) à titre préjudiciel, d'interroger la Cour de justice de l'Union européenne sur le point de savoir si le fait, pour une autorité administrative, dans le cadre d'une opération de fusion entre deux sociétés, de refuser à un contribuable le bénéfice d'une interprétation publiée d'une disposition fiscale nationale est contraire au principe de sécurité juridique et de confiance légitime ;

2°) à titre principal, d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lyon du 10 mars 2020 ainsi que, pour excès de pouvoir, la décision de refus d'agrément du 20 novembre 2018 ;

3°) de faire droit à la demande d'agrément et d'accorder à l'EURL Metalic le bénéfice du transfert des déficits fiscaux reportables de la société Fonderie Rhône nés au cours de la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2016, pour un montant de 912 355 euros ;

4°) à titre subsidiaire, de lui accorder le bénéfice du transfert de ces déficits à hauteur de 327 232 euros pour l'exercice clos au 31 décembre 2014 et de 59 590 euros pour l'exercice clos au 31 décembre 2015 ;

5°) d'enjoindre à l'autorité compétente de se prononcer à nouveau sur la demande d'agrément dans un délai d'un mois ;

6°) de mettre à la charge de l'Etat les dépens et la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal a omis de statuer sur sa demande d'injonction de réexamen ;

- pour rejeter sa demande d'agrément portant sur le transfert des déficits des exercices clos les 31 décembre 2011, 31 décembre 2014 et 31 décembre 2015, l'administration fiscale s'est fondée sur des données relatives aux années 2009 et 2010, pour lesquelles aucun transfert de déficit n'était demandé, en méconnaissance du II de l'article 209 du code général des impôts ;

- son activité n'a pas connu de changements significatifs entre 2011, 2014 ainsi que 2015, d'une part, et 2016, d'autre part, la seule variation de son chiffre d'affaires, liée au contexte économique, et la baisse induite de ses effectifs, ne suffisant pas à caractériser un changement des conditions d'exploitation, en l'absence de modification de ses capacités de production ; à tout le moins, elle pouvait bénéficier d'un transfert partiel de ses déficits ;

- ses demandes de transfert au titre des exercices clos en 2011, 2014 et 2015 étaient détachables les unes des autres, de sorte que c'est à tort que les premiers juges n'ont pas fait droit à sa demande d'annulation partielle, en méconnaissance du principe d'annualité de l'impôt ;

- le refus d'agrément méconnaît les principes de confiance légitime et de sécurité juridique, les règles relatives aux fusions étant encadrées notamment par la directive (UE) 2019/2121 du 27 novembre 2019, modifiant la directive (UE) 2017/1132, dès lors que la doctrine administrative, qui ouvrait un droit au transfert partiel de déficits, est jugée non invocable et ainsi privée de tout effet juridique.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 novembre 2020, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par l'EURL Metalic ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la directive (UE) 2019/2121 du 27 novembre 2019 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Le Frapper, première conseillère,

- et les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. L'EURL Metalic a acquis le 11 juillet 2013 100% du capital social de la société par actions simplifiée (SAS) Fonderie Rhône. Ces deux sociétés ont été placées en redressement judiciaire par jugements du tribunal de commerce de Lyon du 18 février 2015, lequel a adopté le 15 juin 2016 un plan de continuation prévoyant notamment la transmission universelle du patrimoine de la SAS Fonderie Rhône à son associée unique. La dissolution sans liquidation de la société Fonderie Rhône, placée sous le régime de l'article 210 A du code général des impôts, a été décidée le 27 mars 2017, avec une date d'effet fiscal au 1er janvier 2017. Par un courrier du 24 mars 2017 complété ultérieurement, l'EURL Metalic a demandé le bénéfice de l'agrément prévu par les dispositions du II de l'article 209 du code général des impôts afin d'être autorisée à transférer à son profit les déficits reportables constatés dans la comptabilité de la SAS Fonderie Rhône au terme des exercices clos les 31 décembre 2011, 31 décembre 2014 et 31 décembre 2015, et non encore déduits, pour un montant total cumulé de 912 355 euros. Par une décision du 20 novembre 2018, le directeur régional des finances publiques d'Auvergne Rhône-Alpes et du département du Rhône a refusé d'accorder cet agrément. L'EURL Metalic relève appel du jugement du 10 mars 2020 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation, pour excès de pouvoir, de cette décision.

Sur la régularité du jugement :

2. Il ressort des termes du jugement déféré, et notamment de son point 9, que les premiers juges, contrairement à ce que soutient la société requérante, ont explicitement statué, pour les rejeter, sur ses conclusions à fin d'injonction. Le jugement, qui rejette l'ensemble de la requête à l'article 1er de son dispositif, n'est, par suite, pas entaché d'omission à statuer.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. Aux termes de l'article 209 du code général des impôts, dans sa version alors applicable : " II. - En cas de fusion ou opération assimilée placée sous le régime de l'article 210 A, les déficits antérieurs (...) non encore déduits par la société absorbée ou apporteuse sont transférés, sous réserve d'un agrément délivré dans les conditions prévues à l'article 1649 nonies, à la ou aux sociétés bénéficiaires des apports, et imputables sur ses ou leurs bénéfices ultérieurs dans les conditions prévues respectivement au troisième alinéa du I et au sixième alinéa du 1 du II de l'article 212. / (...) L'agrément est délivré lorsque : / (...) b) L'activité à l'origine des déficits ou des intérêts dont le transfert est demandé n'a pas fait l'objet par la société absorbée ou apporteuse, pendant la période au titre de laquelle ces déficits (...) ont été constatés, de changement significatif, notamment en termes de clientèle, d'emploi, de moyens d'exploitation effectivement mis en œuvre, de nature et de volume d'activité (...) ".

4. Il résulte du b précité du II de l'article 209 du code général des impôts que la condition qu'il énonce tient à ce qu'examinée pour elle-même, l'activité transférée à la société absorbante n'ait pas fait l'objet de changements significatifs pendant la période au titre de laquelle ont été constatés les déficits dont le transfert est demandé. Cette période s'étend de l'exercice de naissance des déficits en cause jusqu'à celui au cours duquel est effectuée la demande tendant à leur transfert.

5. En premier lieu, il résulte de ce qui vient d'être dit que la société Metalic, qui a bien demandé le transfert global du montant des déficits cumulés par la société Fonderie Rhône et non encore déduits à la date de la dissolution sans liquidation, n'est pas fondée à soutenir que sa demande de transfert de bénéfices aurait présenté un caractère divisible et que le refus de faire droit à sa demande à hauteur des seuls déficits constatés à la clôture des exercices 2014 et 2015 méconnaîtrait le principe d'annualité de l'impôt.

6. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que, pour refuser à la société requérante l'agrément qu'elle demandait pour transférer les déficits constatés au terme des exercices clos aux 31 décembre 2011, 31 décembre 2014 et 31 décembre 2015, en raison d'un changement significatif dans le volume d'activité, l'auteur de la décision attaquée a comparé le chiffre d'affaires de l'exercice clos le 31 décembre 2010 et l'effectif de la société au 31 décembre 2009 avec les données correspondantes de l'exercice clos au 31 décembre 2016, alors que la demande d'agrément ne portait explicitement que sur les déficits constatés au cours des trois exercices précités, à l'exclusion des exercices antérieurs au 1er janvier 2011. La décision attaquée procède ainsi d'une erreur de droit dans la détermination de la période au cours de laquelle l'activité ne doit pas avoir connu de changements significatifs.

7. En troisième lieu, l'administration peut toutefois, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.

8. Le ministre de l'économie, des finances et de la relance fait valoir, dans ses écritures d'appel, que " l'analyse des différents critères chiffrés utiles pour caractériser un éventuel changement significatif d'activité pour la période courant du 31 décembre 2010 au 31 décembre 2016 conduit à la même conclusion que celle ayant justifié le refus d'agrément, à savoir un changement significatif d'activité ". Il doit ainsi être regardé comme demandant une substitution des motifs de fait sur lesquels repose la décision de refus d'agrément. Il ressort des pièces du dossier, ainsi que le fait valoir le ministre dans ses écritures, que la production vendue par la société Fonderie Rhône a chuté de plus de 1,6 millions d'euros au terme de l'exercice clos le 31 décembre 2011 à 288 000 euros au 31 décembre 2016 et que, dans le même temps, ses effectifs, au nombre de 25 au 31 décembre 2011, sont tombés à 7 au 31 décembre 2016 et ont, au demeurant, continué à décroître pendant l'exercice au cours duquel la demande de transfert a été formulée. Par suite, en admettant même que les moyens d'exploitation mis en œuvre par la société Metalic pendant cette période n'auraient pas connu d'évolutions, le volume de son activité a néanmoins connu, contrairement à ce qu'elle soutient, des changements significatifs pendant la période au titre de laquelle ont été constatés les déficits dont le transfert est demandé, se matérialisant par une baisse de l'ordre de 70% à 80% de son chiffre d'affaires et de ses effectifs. Il résulte de l'instruction que la même décision aurait été prise si son auteur avait entendu se fonder initialement sur ces motifs de fait. Il y a lieu, dès lors, de prononcer la substitution demandée, qui ne prive d'aucune garantie procédurale la société Metalic, laquelle a été mise à même de présenter ses observations, et d'écarter le moyen tiré de l'absence de changements significatifs du volume d'activité.

9. En dernier lieu, la requérante soutient qu'elle aurait, à tout le moins, pu bénéficier d'un transfert partiel des déficits non encore déduits, en se prévalant des paragraphes 150 et suivants, et notamment du paragraphe 170, de la documentation administrative publiée sous la référence BOI-SJ-AGR-20-30-10-10, qui prévoit que : " dans l'hypothèse où les critères d'analyse mettraient en évidence une activité erratique ou ayant subi diverses évolutions, seule une fraction des déficits pourrait, sous certaines conditions, être admise au bénéfice du transfert ". Toutefois, les changements significatifs du volume d'activité de tôlerie constatés au cours de la période de référence ne sauraient être constitutifs de simples évolutions et, compte tenu de la baisse continue des effectifs comme de la production vendue, ne caractérisent pas davantage une activité erratique, qui ne résulte pas non plus de la seule ouverture d'une procédure collective et du contexte économique. La société Metalic n'entre ainsi pas, en tout état de cause, dans les prévisions de la documentation administrative qu'elle invoque. Pour les mêmes motifs, elle n'est, en tout état de cause, et sans qu'il soit besoin d'interroger la Cour de justice de l'Union européenne, pas fondée à soutenir que la décision attaquée méconnaîtrait le principe de confiance légitime et de sécurité juridique.

10. Il résulte de tout ce qui précède que l'EURL Metalic n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Le présent arrêt n'impliquant aucune mesure d'exécution, ses conclusions à fin d'injonction doivent, par voie de conséquence, être également rejetées.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à l'EURL Metalic la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En l'absence de dépens, la demande au titre de l'article R. 761-1 du même code doit être également rejetée.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de l'EURL Metalic est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'EURL Metalic, à la Selarl AJ PARTENAIRE, en sa qualité de mandataire judiciaire, et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré après l'audience du 10 mars 2022, à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Dèche, présidente assesseure,

Mme Le Frapper, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 31 mars 2022.

La rapporteure,

M. Le FrapperLe président,

F. Bourrachot

La greffière,

C. Langlet

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 20LY01429

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY01429
Date de la décision : 31/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

19-04-01-04-03 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Règles générales. - Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales. - Détermination du bénéfice imposable.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Mathilde LE FRAPPER
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : GIROUD

Origine de la décision
Date de l'import : 12/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-03-31;20ly01429 ?
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