La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

31/03/2022 | FRANCE | N°20LY01253

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 31 mars 2022, 20LY01253


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société à responsabilité limitée (SARL) Nambudo, anciennement dénommée Aspide, a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge partielle des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2014 et 2015 du fait des exercices clos aux 31 décembre 2014 et 30 juin 2015, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1809098 du 4 février 2020, le tribunal administratif de Lyon a rejeté ses demandes.



Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 3 avril 2020 et...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société à responsabilité limitée (SARL) Nambudo, anciennement dénommée Aspide, a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge partielle des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2014 et 2015 du fait des exercices clos aux 31 décembre 2014 et 30 juin 2015, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1809098 du 4 février 2020, le tribunal administratif de Lyon a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 3 avril 2020 et le 22 septembre 2020, la SARL Nambudo, représentée par Me Teissier, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge partielle, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2014 et 2015 du fait des exercices clos aux 31 décembre 2014 et 30 juin 2015 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les avances de trésorerie rémunérées consenties à sa filiale allemande de 2008 à 2013 puis provisionnées en 2014 et 2015 n'avaient pas un caractère financier, puisqu'elles procédaient d'une stratégie commerciale, et ne relevaient pas d'un acte anormal de gestion ;

- les provisions constituées en 2014 et 2015 ne sauraient se confondre avec un abandon de créance, et donc avec une aide financière, alors qu'elle n'avait pas encore renoncé à recouvrer ses créances, et elles étaient en conséquence déductibles ;

- l'abandon de créance, et donc l'aide au sens de l'article 39 du code général des impôts, n'est caractérisé qu'à compter d'octobre 2015, et visait, avec le choix d'une liquidation amiable, à préserver tant le réseau commercial que la réputation du groupe, et donc son propre intérêt commercial, de sorte qu'en tout état de cause les provisions auraient dû faire l'objet d'une reprise au cours de l'exercice correspondant à l'abandon effectif de la créance, qui n'a toutefois pas été vérifié.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 août 2020, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la SARL Nambudo ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 2012-958 du 16 août 2012 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Le Frapper, première conseillère,

- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public,

- et les observations de Me de Lagarde, substituant Me Teissier, représentant la SARL Nambudo ;

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Aspide, désormais dénommée Nambudo, exerce une activité de holding d'un groupe intervenant dans le développement et la commercialisation de dispositifs chirurgicaux implantables. A l'issue d'une vérification de sa comptabilité, l'administration fiscale l'a assujettie à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des années 2014 et 2015, du fait des exercices respectivement clos aux 31 décembre et 30 juin, résultant notamment de la remise en cause de la déductibilité de provisions pour risque de non recouvrement de créances, inscrites en comptabilité à hauteur de 500 184 euros au terme de l'exercice 2014 et de 583 518 euros au terme de l'exercice 2015. La SARL Nambudo relève appel du jugement du 4 février 2020 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté ses demandes tendant à la décharge, en droits et pénalités, des impositions supplémentaires résultant de la réintégration à ses résultats de ces deux provisions.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

2. En premier lieu, aux termes du 13 de l'article 39 du code général des impôts, issu de l'article 17 de la loi du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012, et applicable aux exercices clos à compter du 4 juillet 2012 : " Sont exclues des charges déductibles pour l'établissement de l'impôt les aides de toute nature consenties à une autre entreprise, à l'exception des aides à caractère commercial. / Le premier alinéa ne s'applique pas aux aides consenties en application d'un accord constaté ou homologué dans les conditions prévues à l'article L. 611-8 du code de commerce ni aux aides consenties aux entreprises pour lesquelles une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire est ouverte ".

3. Il résulte de l'instruction que la SARL Aspide, devenue Nambudo, a comptabilisé au titre des exercices clos les 31 décembre 2014 et 30 juin 2015 des provisions d'un montant respectif de 500 184 et 583 518 euros, pour risque de non recouvrement des créances qu'elle détenait sur la société de droit allemand Aspide Medical Deutschland, filiale détenue à 100 % jusqu'à sa liquidation amiable avec effet au 31 octobre 2015, ces créances résultant d'avances de trésorerie rémunérées consenties chaque année par versement en compte courant d'associé depuis la création de la filiale en 2008 dans le but de pénétrer le marché allemand. La seule inscription dans la comptabilité de la société mère de provisions destinées à couvrir un risque, au demeurant non contesté, de non recouvrement de créances ne peut être regardée comme constituant par elle-même une aide au bénéfice de la filiale, au sens des dispositions précitées du 13 de l'article 39 du code général des impôts, à supposer même qu'à la date de leur inscription la société requérante ait déjà eu l'intention avérée d'abandonner ultérieurement les créances correspondantes.

4. En second lieu, aux termes du 1 de l'article 39 du code général des impôts : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : / (...) 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice (...). Les provisions qui, en tout ou en partie, reçoivent un emploi non conforme à leur destination ou deviennent sans objet au cours d'un exercice ultérieur sont rapportées aux résultats dudit exercice (...) ". Il appartient à la requérante de justifier du principe de la déductibilité des provisions inscrites en comptabilité. Il incombe ensuite à l'administration d'établir les faits sur lesquels elle se fonde pour invoquer le caractère anormal des actes de gestion à l'origine de l'inscription des provisions.

5. Peut revêtir un caractère normal, pour assurer le développement commercial d'un groupe à l'étranger, une aide apportée par une société mère à une filiale implantée à l'étranger pour des raisons commerciales en relation avec l'implantation de produits sur un nouveau marché étranger, en particulier dans un contexte marqué par une difficulté de pénétration de ce marché. En l'espèce, il n'est pas discuté que la filiale Aspide Medical Deutschland a été créée afin de tenter de pénétrer le marché allemand jugé particulièrement porteur. Les avances de trésorerie rémunérées, alors même que cette rémunération aurait seulement été inscrite en compte courant d'associé, consenties par la holding au cours des premières années de vie de la filiale, et jusqu'au dernier exercice clos avant le 4 juillet 2012, ne sauraient être regardées comme ayant eu pour seul objet de permettre la survie de la filiale et sont ainsi suffisamment justifiées par la nécessité d'investir les sommes nécessaires à l'implantation de la marque sur un nouveau marché. Le chiffre d'affaires de la filiale allemande, quoique toujours nettement plus faible que les avances de trésorerie, a d'ailleurs été en progression constante de 2008 à 2011. Par suite, contrairement à ce qu'a retenu le service, les avances de trésorerie rémunérées, consenties à hauteur de 796 000 euros au cours des exercices clos en 2008, 2009, 2010 et 2011, ne présentaient pas le caractère d'actes anormaux de gestion et, dès lors que le risque de non recouvrement des créances correspondantes n'est pas en litige, pouvaient ainsi faire l'objet de provisions déductibles au terme des exercices clos en 2014 et 2015. Les dispositions du 13 de l'article 39 du code général des impôts, qui ne sont applicables qu'aux exercices clos à compter du 4 juillet 2012, ne font pas obstacle à cette déductibilité. La circonstance que la société ait consenti en 2014 et 2015 de nouvelles avances susceptibles de recevoir la qualification d'actes anormaux de gestion est, en outre, sans effet, par elle-même, sur la qualification des avances antérieures faisant l'objet des provisions en litige.

6. Par ailleurs, les avances de trésorerie rémunérées à compter de l'exercice clos en 2012, également consenties dans l'intérêt du développement commercial de la requérante à l'étranger et dès lors qu'il n'est ni établi, ni même allégué, que le taux de cette rémunération serait insuffisant, ne sont en l'espèce constitutives ni d'un acte anormal de gestion ni d'une aide au sens du 13 de l'article 39 du code général des impôts. Par suite, malgré l'érosion du chiffre d'affaires de la filiale allemande, à compter de l'exercice 2012, et la persistance de résultats comptables négatifs, l'administration fiscale n'établit pas le caractère anormal de ces avances rémunérées, et donc des actes de gestion à l'origine du surplus des provisions dont elle a remis en cause la déductibilité au titre de l'exercice 2015.

7. Par suite, la requérante est fondée à demander la réduction de ses bases d'imposition à concurrence d'un montant de 500 184 euros au titre de l'année 2014 et de 583 518 euros au titre de l'année 2015, ainsi que la décharge, en droits et pénalités, des impositions correspondantes.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Nambudo est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté ses demandes.

Sur les frais liés au litige :

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante, une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1809098 du 4 février 2020 du tribunal administratif de Lyon est annulé.

Article 2 : Les bases imposables à l'impôt sur les sociétés de la SARL Nambudo sont réduites d'une somme de 500 184 euros au titre de l'année 2014 du fait de l'exercice clos le 31 décembre et d'une somme de 583 518 euros au titre de l'année 2015 du fait de l'exercice clos le 30 juin.

Article 3 : La SARL Nambudo est déchargée des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2014 et 2015 conformément à la réduction des bases d'imposition définie à l'article 2, ainsi que des pénalités correspondantes.

Article 4 : L'Etat versera à la SARL Nambudo une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Nambudo et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré après l'audience du 10 mars 2022, à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Dèche, présidente assesseure,

Mme Le Frapper, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 mars 2022.

La rapporteure,

M. Le Frapper

Le président,

F. Bourrachot

La greffière,

C. Langlet

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 20LY01253

ap


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY01253
Date de la décision : 31/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-04-02-01-04-082 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. - Bénéfices industriels et commerciaux. - Détermination du bénéfice net. - Acte anormal de gestion.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Mathilde LE FRAPPER
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : TEISSIER

Origine de la décision
Date de l'import : 12/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-03-31;20ly01253 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award