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31/03/2022 | FRANCE | N°20LY00495

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 31 mars 2022, 20LY00495


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. et Mme A... B... ont demandé au tribunal administratif de Lyon de leur accorder la prise en compte d'un déficit foncier de 41 165 euros au titre de l'année 2013 en lieu et place d'un revenu net foncier de 1 345 euros et de prononcer en conséquence la réduction des cotisations d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2013.

Par un jugement n° 1721631 du 3 décembre 2019, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande.
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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. et Mme A... B... ont demandé au tribunal administratif de Lyon de leur accorder la prise en compte d'un déficit foncier de 41 165 euros au titre de l'année 2013 en lieu et place d'un revenu net foncier de 1 345 euros et de prononcer en conséquence la réduction des cotisations d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2013.

Par un jugement n° 1721631 du 3 décembre 2019, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire enregistrés les 1er février 2020 et 14 septembre 2020, M. et Mme B..., représentés par Me Rivière-Pain, avocate, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 3 décembre 2019 ;

2°) de leur accorder la prise en compte du déficit foncier susmentionné ainsi que la réduction des impositions susmentionnées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice.

Ils soutiennent que :

- l'administration n'ayant pas demandé une substitution de motif tenant à l'indissociabilité des travaux, le tribunal a entaché sa décision d'irrégularité en procédant d'office à une telle substitution ;

- les dépenses litigieuses concernent des travaux visant à remettre en état le gros œuvre, sans modification ou installation d'éléments nouveaux, lesquels ont la nature de travaux d'entretien et de réparation, tel qu'il résulte de la jurisprudence et de la doctrine applicables ;

- ces dépenses de travaux sont dissociables des travaux relatifs aux parties privatives, qui ont été supportés par un maître d'ouvrage distinct sur des parties distinctes de l'immeuble, dans un marché distinct ;

- la doctrine affirme clairement la dissociabilité des travaux réalisés sur les parties communes en cas de transformation sur les parties privatives.

Par un mémoire enregistré le 5 juin 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- le tribunal n'a pas entaché son jugement d'irrégularité pour avoir procédé à une substitution de motifs qui n'était pas demandée par l'administration ;

- non seulement les requérants ne démontrent pas que les travaux qu'ils ont financés sur les parties communes constitueraient, par nature, des travaux d'entretien ou de réparation déductibles, mais de surcroît ils n'apportent pas la preuve que ces travaux seraient dissociables de l'opération d'ensemble ayant consisté à transformer des locaux à usage de bureaux en locaux d'habitation ;

- les requérants ne sauraient se prévaloir de la doctrine administrative publiée au BOI-IR-RICI-230-30-10 paragraphes n° 390 et 400 qui se rapporte à la réduction d'impôt accordée au titre des investissements locatifs réalisés dans le cadre de la loi dite " Scellier " et ne concerne donc pas les règles de déduction des revenus fonciers des charges de propriété.

Par un courrier du 16 avril 2020 les parties ont été informées en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative de ce que la cour était susceptible de relever d'office le moyen tiré de l'irrégularité du jugement pour avoir procédé à une substitution de motifs qui n'était pas demandée par l'administration.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dèche, présidente assesseure,

- et les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme B... ont acquis, le 27 décembre 2013 trois lots en nue-propriété dans un immeuble situé 3 et 5 avenue Durante à Nice. Ils ont constitué avec les autres copropriétaires l'association syndicale libre " Nice Durante " afin de réaliser des travaux de restauration de cet immeuble, à laquelle ils ont réglé, sur appel de fonds en 2013, la somme de 42 550 euros correspondant à leur quote-part. Au titre de l'année 2013, ils ont été imposés à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales conformément à leur déclaration. Par trois réclamations, conformément à leur déclaration rectificative, ils ont demandé la prise en compte, dans leurs revenus fonciers de l'année 2013, des dépenses liées aux travaux effectués sur leur bien à hauteur de 42 550 euros et faisant apparaître un déficit foncier de 41 165 euros. L'administration a rejeté ces réclamations. M. et Mme B... relèvent appel du jugement du 3 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande tendant à la réduction des cotisations d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2013, à concurrence de la prise en compte d'un déficit foncier de 41 165 euros.

2. Aux termes du I de l'article 31 du code général des impôts : " Les charges de la propriété déductibles pour la détermination du revenu net comprennent :/ 1° Pour les propriétés urbaines :/ a) Les dépenses de réparation et d'entretien (...) /b) Les dépenses d'amélioration afférentes aux locaux d'habitation, à l'exclusion des frais correspondant à des travaux de construction, de reconstruction ou d'agrandissement (...) ". Au sens de ces dispositions, doivent être regardés comme des travaux de reconstruction ceux qui comportent la création de nouveaux locaux d'habitation, ou qui ont pour effet d'apporter une modification importante au gros œuvre, ainsi que les travaux d'aménagement interne qui, par leur importance, équivalent à des travaux de reconstruction, et, comme des travaux d'agrandissement, ceux qui ont pour effet d'accroître le volume ou la surface habitable des locaux existants.

3. Les impositions contestées ayant été établies conformément aux énonciations des déclarations de M. et Mme B..., ceux-ci supportent la charge de la preuve, en application des dispositions de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales.

4. Il résulte de l'instruction et notamment du décompte détaillé chiffré du marché de travaux établi par la société Evolupierre ainsi que de l'attestation établie par cette société que les travaux réalisés par l'association syndicale libre " Nice Durante " ont consisté " en la remise en état et restauration des parties communes existantes de l'immeuble à savoir : - pour les parties communes extérieures : remise en état des façades (reprise des enduits et vérification des scellements / remise en état de la couverture (remaniement et révision) / remise en état de la zinguerie (vérification, dépose et remplacement selon nécessité) / remplacement de fenêtre de toit / reprise de terrassement pour mise aux normes des réseaux - pour les parties communes intérieures : renforcement des structures (re-scellement des pierres, re-jointement de maçonneries, renforcement de poutres, ajout de profilés métalliques suivant nécessités, mise en place de connecteurs) / remise en état des planchers (remplacement des revêtements PVC ou moquette : mise à nu, remise à niveau des planchers selon nécessité) / réfections des peintures / reprise des cloisons et plafonds, remplacement après dépose de l'existant et selon nécessité / remise en état des menuiseries extérieures (vérification, dépose et remplacement selon nécessité) / restauration des menuiseries intérieures ou remplacement selon nécessité / mise aux normes de l'électricité. ". Il ne résulte pas de l'instruction que ces travaux auraient modifié le gros œuvre au sens des dispositions précitées, ce que d'ailleurs, l'administration ne conteste pas. Ainsi, ces travaux qui caractérisent une importante opération de restauration immobilière ne portant pas atteinte au gros œuvre, constituent des dépenses d'entretien, de réparation et d'amélioration déductibles des revenus fonciers. Le ministre fait valoir que ces travaux sont indissociables des travaux effectués sur les trois lots à usage initial de bureaux, acquis dans le même immeuble, par les requérants en nue-propriété, et qui sont destinés à accroître la surface habitable de ces lots par leur transformation en locaux d'habitation et qu'ils ne peuvent ainsi faire l'objet d'une déduction au titre des dispositions précitées. Toutefois, il résulte de l'instruction que ces travaux qui, pour les uns, ont concerné les parties privatives de l'immeuble et, pour les autres, les parties communes de ce bien ont fait l'objet de deux marchés de travaux distincts avec des contractants différents et ont porté respectivement sur des parties clairement dissociées de l'immeuble. Ainsi, les travaux portant sur les parties privatives qui ne pouvaient faire l'objet d'une déduction étaient techniquement et fonctionnellement indépendants des travaux litigieux et ils ne sauraient à eux seuls et pour ce motif exclure de la déduction susvisée l'ensemble des travaux d'entretien, de réparation et d'amélioration réalisés dans l'immeuble en litige. Il ne résulte pas de l'instruction, et n'est d'ailleurs pas soutenu à titre subsidiaire par l'administration fiscale, que la somme de 42 550 euros dont les requérants demandent la prise en compte pour constater un déficit foncier au titre de l'année 2013 comprendrait des travaux réalisés dans les parties privatives de l'immeuble qui se sont traduits par une augmentation de la surface habitable. Il s'en suit que c'est à tort que l'administration a estimé que les travaux réalisés au sein de l'immeuble litigieux n'étaient, pour la quote-part détenue par M. et Mme B... dans celui-ci, pas déductibles de leurs revenus fonciers au titre de l'année en cause.

5. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, M. et Mme B... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande tendant à ce que soit admise en déduction au titre de l'année 2013 la somme de 42 550 euros et à ce que la cotisation primitive d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de cette même année soit réduite en conséquence.

Sur les frais liés au litige :

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante dans la présente instance, la somme de 2 000 euros à verser à M. et Mme B..., au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 3 décembre 2019 est annulé.

Article 2 : Les bases de l'impôt sur le revenu et des contributions sociales de M. et Mme B... au titre de l'année 2013 sont réduites d'une somme de 42 550 euros.

Article 3 : M. et Mme B... sont déchargés de la différence entre les cotisations d'impôt sur le revenu et les contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2013 et celles qui résultent de l'article 2 ci-dessus.

Article 4 : L'Etat versera à M. et Mme B... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré après l'audience du 10 mars 2022 à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Dèche, présidente assesseure,

Mme Le Frapper, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 31 mars 2022.

La rapporteure,

P. DècheLe président,

F. Bourrachot

La greffière,

C. Langlet

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 20LY00495

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY00495
Date de la décision : 31/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-04-02-02-02 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. - Revenus fonciers.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Pascale DECHE
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : Rivière | Avocats | Associés

Origine de la décision
Date de l'import : 12/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-03-31;20ly00495 ?
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