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30/03/2022 | FRANCE | N°21LY00955

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 30 mars 2022, 21LY00955


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 11 août 2020 par lequel la préfète de l'Ain a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, lui a accordé un délai de départ volontaire de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2006902 du 26 février 2021, le tribunal administratif de Lyon a annulé cet arrêté et a enjoint à la préfète de l'Ain de délivrer à M. B... un titre de s

jour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 11 août 2020 par lequel la préfète de l'Ain a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, lui a accordé un délai de départ volontaire de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2006902 du 26 février 2021, le tribunal administratif de Lyon a annulé cet arrêté et a enjoint à la préfète de l'Ain de délivrer à M. B... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, en le munissant dans l'attente d'une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler.

Procédures devant la cour

Par une requête, enregistrée le 26 mars 2021, la préfète de l'Ain demande à la cour d'annuler ce jugement et de rejeter la demande de M. B....

Elle soutient que :

- l'arrêté contesté ne méconnaît ni l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni le 1. de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

- M. B... relève de la procédure de réunification familiale prévue par les articles L. 313-25 et L. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'obligation de suivre cette procédure ne traduit pas d'atteinte à l'intérêt supérieur des enfants, en méconnaissance des stipulations du 1. de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, ni au droit au respect de la vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentale ;

- les autres moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

M. B..., représenté par Me Pochard, a produit un mémoire, enregistré le 21 juillet 2021, par lequel il conclut au rejet de la requête, à l'annulation de l'arrêté du 11 août 2020 de la préfète de l'Ain, à ce qu'il soit enjoint à la préfète de l'Ain de lui délivrer une carte de séjour pluriannuelle ou, à titre subsidiaire, un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", à ce que lui soit accordée l'aide juridictionnelle provisoire et à ce que soit mise à la charge de l'Etat et au bénéfice de son conseil la somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Il soutient que :

Sur la décision portant refus de titre de séjour :

- elle méconnaît le 1. de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle méconnaît les articles 8 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnaît le préambule et l'article 24 de la directive n° 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 ;

- elle méconnaît l'article L. 313-25 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article L. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français, la décision fixant le délai de départ volontaire et celle fixant le pays de destination :

- ces décisions se fondent sur un refus de titre de séjour illégal ;

- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article 24 de la directive n° 2011/95/UE du 13 décembre 2011 ;

- elle méconnaît les articles 8 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît le 1. de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 12 mai 2021.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Evrard, présidente-assesseure ;

- et les observations de Me Pochard, représentant M. B... ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant albanais né le 15 juillet 1991, est entré en France le 30 juin 2013, selon ses déclarations, et a sollicité la reconnaissance du statut de réfugié. Sa demande a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 7 janvier 2014. Il a été condamné à une peine d'emprisonnement d'un an et six mois et à une interdiction de séjour d'une durée de cinq ans par un jugement du tribunal correctionnel de Mulhouse du 11 mars 2015 pour des faits de vols et de participation à une association de malfaiteurs. Le 22 avril 2014, le préfet du Rhône l'a obligé à quitter le territoire français. M. B... est de nouveau entré en France le 11 octobre 2015, accompagné de sa compagne, Mme E... A.... Sa demande de réexamen de sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 13 avril 2017, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 6 novembre 2019. Le 16 janvier 2020, M. B... a sollicité son admission au séjour sur le fondement des articles L. 313-25 et 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, au motif que sa compagne Mme A... a été admise au bénéfice de la protection subsidiaire par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 6 novembre 2019. Par un arrêté du 11 août 2020, la préfète de l'Ain a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français, lui a accordé un délai de départ de trente jours et a fixé le pays de destination en se fondant sur la circonstance que M. B... relevait de la procédure de réunification familiale. Par un jugement du 26 février 2021, le tribunal administratif de Lyon a annulé cet arrêté et a enjoint à la préfète de l'Ain de délivrer à M. B... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement. La préfète de l'Ain relève appel de ce jugement.

2. Aux termes du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.

3. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a établi une relation amoureuse en Albanie avec Mme A..., sa compatriote, à compter de mai 2015, que M. B... et Mme A... sont entrés irrégulièrement en France le 11 octobre 2015, que Mme A... a donné naissance, le 21 juillet 2016, à une fille, D... que M. B... a reconnue, que la communauté de vie entre M. B... et sa compagne, hébergés à compter du 26 janvier 2016 au centre d'accueil pour demandeur d'asile d'Ambérieu puis, à compter d'août 2020, dans un logement qui leur est sous-loué par l'association Alfa3a, a été maintenue depuis leur entrée sur le territoire français et que les deux parents participent conjointement à l'entretien et l'éducation de leur fille mineure. Il est constant également que Mme A..., qui s'est vue reconnaître la protection subsidiaire compte tenu des violences qu'elle a subies de la part de son père en Albanie et de l'absence de protection effective des autorités, ne peut accompagner M. B... dans leur pays d'origine. Enfin, la préfète de l'Ain n'apporte à l'instance aucun élément permettant d'estimer qu'à la date de la décision de refus de séjour, la présence de M. B... sur le territoire français serait susceptible de porter atteinte à l'ordre public. Dans les circonstances particulières de l'espèce, compte-tenu notamment du jeune âge de la fille de M. B... et de l'état de grossesse de Mme A... qui rend nécessaire la présence de M. B... à ses côtés, et alors même que M. B... relève de la procédure de réunification familiale prévue aux articles L. 313-25 et L. 752-1 alors en vigueur du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision refusant de l'admettre au séjour porte atteinte à l'intérêt supérieur de l'enfant protégé par le 1. de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

4. Il résulte de ce qui précède que la préfète de l'Ain n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a annulé l'arrêté du 11 août 2020.

5. M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle. Ainsi, son avocate peut se prévaloir de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Pochard renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à lui verser.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la préfète de l'Ain est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à Me Pochard la somme de 1000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Pochard renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée à la préfète de l'Ain.

Délibéré après l'audience du 3 mars 2022, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme Evrard, présidente-assesseure,

Mme Lesieux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 mars 2022.

La rapporteure,

A. Evrard

Le président,

D. Pruvost

La greffière,

M.-Th. Pillet

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

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N° 21LY00955


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY00955
Date de la décision : 30/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: Mme Aline EVRARD
Rapporteur public ?: Mme VINET
Avocat(s) : POCHARD

Origine de la décision
Date de l'import : 05/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-03-30;21ly00955 ?
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