Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 12 mars 2020 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours.
Par un jugement n° 2002715 du 18 décembre 2020, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 17 mars 2021, Mme B..., représentée par Me Di Nicola (SELARL DNL Avocats), avocate, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 18 décembre 2020 du tribunal administratif de Lyon ;
2°) d'annuler les décisions du préfet du Rhône du 12 mars 2020 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un titre de séjour ou, subsidiairement, de procéder à un nouvel examen de sa situation, dans le délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement à son avocate d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le refus de titre de séjour litigieux méconnaît le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et procède d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- l'obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;
- cette décision procède d'une erreur manifeste d'appréciation en lui laissant un délai de trente jours seulement.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 3 mars 2021.
Par une ordonnance du 28 octobre 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 29 novembre 2021.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Sophie Corvellec, première conseillère,
- et les observations de Me Schiltz, avocate, pour Mme B... ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., de nationalité marocaine, relève appel du jugement du 18 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet du Rhône du 12 mars 2020 rejetant sa demande de titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours.
2. En premier lieu, l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable aux ressortissants marocains en vertu de l'article 9 de l'accord franco-marocain, dispose, dans sa rédaction alors applicable, que : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...) La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ".
3. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
4. Il ressort des pièces du dossier que, pour rejeter la demande dont il était saisi, le préfet du Rhône s'est approprié le sens de l'avis médical de l'OFII du 11 septembre 2018, selon lequel si l'état de santé de Mme B... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine, au vu de l'offre de soins et des caractéristiques du système de santé marocain. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... souffre d'une dépression chronique, pour le traitement de laquelle lui sont prescrites deux spécialités comportant de la paroxetine et de l'hydroxyzine. Si elle conteste la disponibilité de cette dernière molécule au Maroc, en invoquant la fin de la commercialisation de l'Atarax 25 mg qui lui est prescrit, il résulte de l'extrait de site internet qu'elle produit à l'appui de son affirmation, au demeurant postérieur à l'arrêté en litige, que celle-ci y est désormais commercialisée sous la dénomination Taraxet 25 mg. En outre, elle ne démontre nullement l'absence de caractère substituable de ce traitement, une mention en ce sens, au demeurant ajoutée de manière manuscrite, ne figurant, pour ce produit, que sur l'une des nombreuses prescriptions qu'elle produit. Par ailleurs, si elle invoque l'insuffisance des services de psychiatrie au Maroc, elle n'établit nullement avoir été régulièrement suivie par un psychiatre en France, par l'attestation du 25 avril 2018 dont elle se prévaut, établie par des infirmières et limitée aux mois de novembre 2017 à avril 2018, ni par les prescriptions par ailleurs produites, qui ont été délivrées par des médecins généralistes. En tout état de cause, les documents généraux dont elle se prévaut, s'ils font état d'un nombre limité de psychiatres dans le pays, ne permettent pas d'établir qu'un suivi par un tel spécialiste n'y serait pas possible. Enfin, si elle invoque le coût des traitements au Maroc et indique que ceux-ci sont pris en charge uniquement en cas d'hospitalisation dans le cadre du régime d'assistance médicale (RAMED) prévu pour les personnes vulnérables, elle n'apporte aucune précision quant au coût qui serait celui de son traitement et quant à la situation financière dans laquelle elle se trouverait au Maroc et aux éventuels soutiens, notamment familiaux, dont elle pourrait bénéficier, en se bornant à invoquer sa précarité en France. Elle ne démontre pas davantage qu'elle relèverait exclusivement du RAMED. Par suite, Mme B... n'est pas fondée à soutenir qu'en refusant de lui délivrer un titre de séjour en raison de son état de santé, le préfet du Rhône a méconnu les dispositions précitées. Pour ces mêmes motifs, et en l'absence d'autres précisions apportées à l'appui de ce moyen, le refus de titre de séjour en litige ne procède pas davantage d'une erreur manifeste d'appréciation.
5. En second lieu, en relevant que la décision en litige ne comportait qu'une invitation à quitter le territoire français, qui ne fait pas grief, le tribunal administratif a rejeté comme irrecevable la demande de Mme B... tendant à l'annulation d'une obligation de quitter le territoire français. Mme B..., en réitérant ses conclusions à l'encontre d'une prétendue obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, ne conteste pas en appel l'irrecevabilité qui lui a été ainsi opposée. Ses conclusions contre une telle décision ne peuvent dès lors qu'être rejetées.
6. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
7. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte et celles de son conseil tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 15 mars 2022, à laquelle siégeaient :
M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,
M. Gilles Fédi, président-assesseur,
Mme Sophie Corvellec, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 mars 2022.
La rapporteure,
Sophie CorvellecLe président,
Jean-Yves Tallec
La greffière,
Sandra Bertrand
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 21LY00856