Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme C... B..., épouse E..., a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner le centre hospitalier universitaire de Saint-Etienne à lui verser la somme totale de 132 238,16 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 7 mai 2018, en réparation des préjudices causés par l'irrégularité des conditions dans lesquelles sa demande de réintégration sur un emploi relevant de son grade a été instruite.
Par un jugement n° 1805342 du 31 décembre 2019, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 3 mars 2020, Mme B..., épouse E..., représentée par Me Bonicatto (SELARL Reflex droit public), avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 31 décembre 2019 ;
2°) de condamner le centre hospitalier universitaire de Saint-Etienne à lui verser la somme totale de 132 238,16 euros, assortie des intérêts à taux légal à compter du 7 mai 2018, en réparation des préjudices causés par la tardiveté de sa réintégration sur un emploi relevant de son grade ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Saint-Etienne une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier, les premiers juges ayant dénaturé ses moyens et insuffisamment motivé leur réponse au moyen tiré de la méconnaissance par le comité médical supérieur de l'article 8 du décret du 19 avril 1988 ;
- le centre hospitalier universitaire a commis une faute en tardant à la réintégrer, en raison de sa volonté de l'évincer du service, en saisissant le comité médical supérieur sans son accord, et en poursuivant la procédure de mise à la retraite d'office ; son refus de la réintégrer procède ainsi d'un détournement de pouvoir et de procédure ;
- ce comportement fautif lui a causé un préjudice tenant à la perte de traitements et de primes à hauteur de 25 700,76 euros, à une perte de droits à pension qui doit être évaluée à 85 560 euros, à des troubles dans ses conditions d'existence qui doivent être indemnisés à hauteur de 10 000 euros, à un préjudice moral qui doit être évalué à 10 000 euros et à divers préjudices matériels liés aux frais exposés qui s'élèvent à 972,40 euros.
Par ordonnance du 18 mai 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 21 juin 2021.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- le décret n° 88-386 du 19 avril 1988 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Sophie Corvellec, première conseillère,
- les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public,
- et les observations de Me Bonicatto avocat, représentant Mme B... épouse E... ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., épouse E..., ouvrière professionnelle titulaire, relève appel du jugement du 31 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier universitaire de Saint-Etienne à réparer les préjudices que lui aurait causés sa réintégration tardive, à la suite d'un congé de longue maladie qui a pris fin le 18 octobre 2015.
Sur la régularité du jugement :
2. En premier lieu, après avoir cité les dispositions de l'article 8 du décret du 19 avril 1988, les premiers juges ont, au paragraphe 4 du jugement attaqué, indiqué les raisons pour lesquelles ils ont estimé que le comité médical supérieur avait été régulièrement saisi par le centre hospitalier universitaire de Saint-Etienne. Par suite, Mme E... n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué ne serait pas suffisamment motivé à cet égard.
3. En second lieu, si Mme E... reproche aux premiers juges d'avoir dénaturé ses écritures de première instance, elle ne prétend pas que ceux-ci auraient ainsi omis de répondre à l'un de ses moyens. Par suite, une telle circonstance, qui relève de l'appréciation du bien-fondé du jugement attaqué, n'est pas susceptible de l'entacher d'irrégularité.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
4. Aux termes de l'article 8 du décret du 19 avril 1988 relatif aux conditions d'aptitude physique et aux congés de maladie des agents de la fonction publique hospitalière : " Le comité médical supérieur (...), saisi par l'autorité administrative compétente, à son initiative ou à la demande du fonctionnaire, peut être consulté sur les cas dans lesquels l'avis donné en premier ressort par le comité médical compétent est contesté. Le comité médical supérieur se prononce uniquement sur la base des pièces figurant au dossier tel qu'il lui est soumis au jour où il l'examine (...) ". Selon l'article 17 du même décret : " (...) Lorsqu'un fonctionnaire a obtenu pendant une période de douze mois consécutifs des congés de maladie d'une durée totale de douze mois, il ne peut, à l'expiration de sa dernière période de congé, reprendre son service qu'après l'avis favorable du comité médical. Si l'avis du comité médical est défavorable, le fonctionnaire est soit mis en disponibilité, soit, s'il le demande, reclassé dans un autre emploi, soit, s'il est reconnu définitivement inapte à l'exercice de tout emploi, admis à la retraite après avis de la commission de réforme des agents des collectivités locales (...) ". L'article 31 de ce décret dispose que : " (...) Le comité médical doit, en même temps qu'il se prononce sur la dernière période du congé, donner son avis sur l'aptitude ou l'inaptitude présumée du fonctionnaire à reprendre ses fonctions à l'issue de cette prolongation. (...) Si le comité médical estime qu'il y a présomption d'inaptitude définitive, le cas de l'intéressé est soumis à la commission départementale de réforme (...), qui se prononce sur l'application de l'article 35 ci-après ". Enfin, cet article 35 prévoit que : " Le fonctionnaire ne pouvant, à l'expiration de la dernière période de congé de longue maladie ou de longue durée, reprendre son service est soit reclassé dans un autre emploi, soit mis en disponibilité, soit admis à la retraite après avis de la commission de réforme. Pendant toute la durée de la procédure requérant soit l'avis du comité médical, soit l'avis de la commission de réforme, soit l'avis de ces deux instances, le paiement du demi-traitement est maintenu jusqu'à la date de la décision de reprise de service ou de réintégration, de reclassement, de mise en disponibilité ou d'admission à la retraite ".
5. Il résulte de l'instruction que, placée en congé de longue maladie à compter du 9 octobre 2012, en raison d'une dépression ayant suivi des complications subies après une intervention chirurgicale, Mme E... a, dans la perspective du terme de ce congé, sollicité le bénéfice d'un congé de longue durée en se prévalant d'un certificat en ce sens du Dr F..., psychiatre, en date du 4 mai 2015. Ce congé lui a été refusé au vu de l'avis défavorable rendu par le comité médical départemental le 30 juillet 2015. A cette occasion, et en application de l'article 31 précédemment rappelé du décret du 19 avril 1988, ce même comité a estimé l'intéressée inapte totalement et définitivement à ses fonctions, préconisant une mise à la retraite d'office pour invalidité. Cet avis lui ayant été notifié par courrier du 15 septembre 2015, Mme E... a contesté son inaptitude par courrier du 25 septembre 2015, en se prévalant d'un nouveau certificat du Dr F... préconisant une reprise à mi-temps et d'un certificat, en ce sens également, du Dr D..., généraliste. Au vu de ce courrier qu'il a, à juste titre, considéré comme une contestation, le centre hospitalier universitaire de Saint-Etienne a pu décider de saisir le comité médical supérieur, conformément à l'article 8 du décret précité. Si, en réaction à cette saisine, Mme E... a, par courrier du 13 octobre 2015, demandé qu'une nouvelle consultation du comité médical départemental soit privilégiée en raison des délais de procédure devant le comité médical supérieur, le centre hospitalier n'était nullement tenu d'y donner suite et n'a ainsi commis aucune faute en poursuivant la procédure auprès du comité médical supérieur, lequel a, ainsi qu'il ressort du courrier de saisine daté du 19 octobre 2015, eu connaissance des nouveaux éléments médicaux dont elle se prévalait, avant de confirmer l'avis du comité médical départemental, lors de sa séance du 6 septembre 2016. Contrairement à ce que soutient la requérante, le choix de cette procédure, de même que les courriers électroniques échangés avec son supérieur hiérarchique au mois d'octobre 2015, qui se bornent à justifier ce choix au vu notamment des délais de procédure qu'entrainerait une nouvelle consultation du comité médical départemental, au demeurant déjà consulté deux mois seulement auparavant, et un éventuel recours, ne sauraient révéler une volonté malveillante du centre hospitalier universitaire de l'évincer.
6. Par ailleurs, ce recours devant le comité médical supérieur, engagé en raison de la contestation dont la requérante a pris l'initiative, a eu pour effet de suspendre la consultation de la commission de réforme, à laquelle Mme E... s'était, en tout état de cause, initialement opposée en refusant de se soumettre à l'examen prévu à cette fin auprès du Dr A..., le 25 septembre 2015. Au vu des avis concordants du comité médical départemental et du comité médical supérieur, concluant tous deux à l'inaptitude de l'intéressée, le centre hospitalier universitaire de Saint-Etienne a pu régulièrement reprendre la procédure de consultation de cette commission pour l'examen d'une mise à la retraite d'office. Mme E... a ainsi été examinée par le Dr G... le 10 octobre 2016, sans qu'elle ne puisse utilement se plaindre de documents qui ne lui auraient pas été soumis, celui-ci ayant, en tout état de cause, rendu une expertise favorable à sa reprise. En outre, si, initialement prévue le 10 février 2017, la séance de la commission de réforme a été reportée au 5 mai 2017, ce report a été décidé en vue de la réalisation d'une nouvelle expertise, confiée au Dr H... le 29 mars 2017, sans qu'il ne soit établi que la première expertise réalisée par le Dr G... lui ait alors été dissimulée. Dès lors, la circonstance que le rapport du Dr G... ait été communiqué tardivement à Mme E... a été dépourvue d'incidence sur le délai de cette procédure.
7. Enfin, au vu des expertises ainsi établies par les Dr G... et H..., ce n'est que le 5 mai 2017 que Mme E... a été considérée comme apte à la reprise de ses fonctions sans restrictions, par la commission de réforme. Après une ultime consultation de la CNRACL, qui ne saurait être regardée comme une incitation auprès de l'intéressée à solliciter son admission à la retraite, et une visite de reprise organisée le 31 août 2017, le centre hospitalier universitaire a dès lors réintégré l'intéressée, à compter du 11 septembre 2017. Eu égard aux avis divergents ainsi rendus successivement quant à l'aptitude de Mme E... à reprendre ses fonctions et alors même que la consultation de la CNRACL ne s'avérait pas nécessaire, le délai mis par le centre hospitalier, à compter de l'avis de la commission de réforme, pour réintégrer Mme E... n'apparaît pas excessif, ni dès lors fautif, en l'espèce.
8. Au vu de ce qui précède, il ne résulte pas de l'instruction que le centre hospitalier universitaire de Saint-Etienne aurait eu un comportement fautif dans le traitement de la demande de réintégration de Mme E.... En particulier, il n'est nullement établi que la durée de la procédure qui a précédé la réintégration de Mme E... et, par suite, son défaut de réintégration à une date antérieure résulteraient d'un détournement de pouvoir ou de procédure.
9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier universitaire de Saint-Etienne, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par Mme E....
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... épouse E... et au centre hospitalier universitaire de Saint-Etienne.
Délibéré après l'audience du 15 mars 2022, à laquelle siégeaient :
M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,
M. Gilles Fédi, président-assesseur,
Mme Sophie Corvellec, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 mars 2022.
La rapporteure,
Sophie CorvellecLe président,
Jean-Yves Tallec
La greffière,
Sandra Bertrand
La République mande et ordonne au préfet de la Loire en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 20LY00922