Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. et Mme C... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge du complément d'impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux auxquels ils ont été assujettis au titre de l'année 2012 et des majorations correspondantes.
Par un jugement n° 1706222 du 20 décembre 2019, le tribunal administratif de Grenoble a prononcé un non-lieu à statuer partiel en ce qui concerne les prélèvements sociaux et a rejeté le surplus des conclusions de leur demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 19 février 2020, et un mémoire complémentaire, enregistré le 31 juillet 2020, Mme B... C..., représentée par Me Zelteni, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions et des majorations correspondantes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'article L. 57 du livre des procédures fiscales a été méconnu dès lors que l'administration n'a pas répondu aux observations du contribuable ;
- l'administration n'établit pas l'existence d'un écart significatif entre le prix convenu et la valeur vénale du bien cédé ;
- le prix de cession des titres était minoré et il appartenait à l'administration d'établir que la valeur de cession des titres correspondait à une valeur de marché ;
- l'administration n'établit pas que la valeur retenue lors des apports était majorée et une expertise diligentée par ses soins permet de le confirmer ;
- l'administration n'établit pas l'existence d'une libéralité en se bornant à une évaluation par comparaison entre la valeur d'apport et le prix définitif des titres de la société Loidis sur la base d'une situation très différente et non comparable ; il n'y a eu aucun enrichissement personnel ;
- le prix de cession définitif n'était pas connu au moment de l'apport ; la minoration se justifie par les 29 points en litige contestés par les vendeurs et apparus postérieurement aux opérations d'apport ;
- la majoration pour manquement délibéré n'est pas justifiée dès lors qu'ils n'ont pas entendu bénéficier d'une libéralité octroyée par les sociétés Cebad et Claudo.
Par un mémoire, enregistré le 13 mai 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Caraës,
- les conclusions de Mme Vinet, rapporteure publique ,
- et les observations de Me Zelteni, représentant Mme C... ;
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme C... et leurs trois enfants détenaient ensemble, au 1er janvier 2012, la totalité du capital de la SAS Loidis qui exploitait un supermarché sous l'enseigne Super U en Haute-Savoie. Le 21 juillet 2012, ils ont apporté une partie des actions de la SAS Loidis à deux sociétés constituées peu de temps auparavant, dont ils détenaient ensemble la totalité du capital, la SAS Claudo et la SAS Cebad. Ils ont ainsi apporté 4 000 actions de la SAS Loidis à la SAS Cebad et 800 actions à la SAS Cebad au prix unitaire de 1 250 euros par action, la même valeur ayant été retenu lors de l'augmentation de capital à laquelle ils ont procédé. Le 1er août 2012, M. et Mme C..., leurs enfants ainsi que les SAS Claudo et Cebad ont cédé la totalité des actions de la SAS Loidis qu'ils détenaient à la SAS DAG au prix unitaire de 1 067,76 euros par action. Les SAS Claudo et Cebad ont, chacune, fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue desquelles l'administration, ayant constaté que les apports réalisés par M. et Mme C... avaient été valorisés pour des montants supérieurs à ceux réellement reçus en trésorerie, a remis en cause la déductibilité de la perte exceptionnelle constatée par chacune de ces deux sociétés qualifiée d'acte anormal de gestion pour la fraction excédant le prix de vente à la SAS DAG, et en a réintégré le montant, soit respectivement 729 200 et 145 840 euros, dans leurs résultats de l'exercice 2012. M. et Mme C... ont, en conséquence de ces redressements, été assujettis, au titre de l'année 2012, à un complément d'impôt sur le revenu résultant de la réintégration dans leur base imposable à l'impôt sur le revenu de ces sommes que l'administration a regardées comme des libéralités imposables entre leurs mains sur le fondement du c) de l'article 111 du code général des impôts. Le complément d'impôt sur le revenu en résultant, de même que la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et les contributions sociales consécutivement mises à leur charge, ont été assortis de la majoration de 40 % pour manquement délibéré prévue au a) de l'article 1729 du code général des impôts pour une partie des redressements de la majoration de 10 % du I de l'article 1758 du code général des impôts pour le surplus. Mme C... relève appel du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 20 décembre 2019 en tant qu'il a rejeté leur demande de décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes.
2. Aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués (...) c) les rémunérations et avantages occultes (...) ".
3. La seule circonstance qu'une société bénéficie d'un apport pour une valeur que les parties ont délibérément majorée par rapport à la valeur vénale de l'objet de la convention ne saurait par elle-même traduire l'existence d'un appauvrissement de la société bénéficiaire de l'apport au profit de l'apporteur. Dès lors, l'apporteur des titres ne bénéficie pas de la part du bénéficiaire de l'apport d'une libéralité, taxable entre ses mains sur le fondement du c) de l'article 111 du code général des impôts, au seul motif que les parties à cette opération ont délibérément retenu une valeur d'apport supérieure à la valeur réelle des actifs apportés.
4. En se bornant à faire valoir que M. et Mme C... ont apporté aux SAS Claudo et Cebad, dont ils sont les seuls associés, des actions de la SAS Loidis pour une valeur délibérément majorée par les parties, l'administration, en admettant même que la valeur des titres soit supérieure à la valeur réelle des actifs apportés, ne rapporte pas la preuve qui lui incombe de l'existence d'une libéralité imposable entre les mains des intéressés.
5. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme C... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'article 2 du jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté le surplus des conclusions de la demande.
Sur les frais liés à l'instance :
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme C... dans l'instance en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : L'article 2 du jugement du 20 décembre 2019 du tribunal administratif de Grenoble est annulé.
Article 2 : M. et Mme C... sont déchargés des compléments d'impôt sur le revenu, de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et des prélèvements sociaux auxquels ils ont été assujettis au titre de l'année 2012 et des majorations correspondantes.
Article 3 : L'Etat versera à Mme C... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Délibéré après l'audience du 3 mars 2022, à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président de chambre,
Mme Evrard, présidente assesseure,
Mme Caraës, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 mars 2022.
La rapporteure,
R. Caraës
Le président,
D. PruvostLa greffière,
M.-A.... Pillet
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 20LY00692