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24/03/2022 | FRANCE | N°21LY01389

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre, 24 mars 2022, 21LY01389


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... D... et Mme B... C... ont demandé au tribunal administratif de Lyon :

1°) d'annuler les décisions du 15 avril 2021 par lesquelles le préfet de l'Ardèche leur a fait obligation de quitter le territoire, a refusé de leur accorder un délai de départ volontaire, a fixé un pays de destination, a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans et les a assignés à résidence ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat, au profit de leur conseil, la

somme de 1 500 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... D... et Mme B... C... ont demandé au tribunal administratif de Lyon :

1°) d'annuler les décisions du 15 avril 2021 par lesquelles le préfet de l'Ardèche leur a fait obligation de quitter le territoire, a refusé de leur accorder un délai de départ volontaire, a fixé un pays de destination, a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans et les a assignés à résidence ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat, au profit de leur conseil, la somme de 1 500 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, à charge pour ce dernier de renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Par un jugement nos 2102738, 2102739 du 22 avril 2021, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 3 mai 2021, M. D... et Mme C..., représentés par Me Richon, demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement susmentionné du 22 avril 2021 du tribunal administratif de Lyon et les décisions précitées du 15 avril 2021 du préfet de l'Ardèche ;

2°) d'enjoindre au préfet de l'Ardèche de leur délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des articles

L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Ils soutiennent que :

- le jugement est irrégulier en ne relevant pas l'acquiescement aux faits du préfet, qui n'a pas répondu aux moyens tirés de la violation de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- les décisions contestées ne sont pas motivées ;

- elles n'ont pas été précédées d'un examen particulier de leur situation personnelle ;

- elles ont été prise en méconnaissance du droit d'être entendu ;

- elles violent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elles violent l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- les décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- les décisions fixant le pays de destination violent l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- les décision portant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par une décision du 26 mai 2021, M. D... et Mme C... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Rivière ;

- les observations de Me Richon, représentant M. D... et Mme C....

Une note en délibéré a été présentée le 3 mars 2022 pour M. D... et Mme C..., représentés par Me Richon.

Considérant ce qui suit :

1. Par des décisions du 15 avril 2021, le préfet de l'Ardèche a obligé M. D... et Mme C..., ressortissants géorgiens, à quitter le territoire sans leur accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination en cas d'éloignement d'office en prononçant une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans et les a assignés à résidence. Les intéressés ont demandé au tribunal administratif de Lyon l'annulation de ces décisions. Par un jugement nos 2102738, 2102739 du 22 avril 2021, dont ils relèvent appel, ce tribunal a rejeté leurs demandes.

Sur la régularité du jugement :

2. La circonstance que le tribunal ne s'est pas fondé sur l'acquiescement par le préfet aux faits avancés, eu égard à son absence de réponse aux moyens tirés de la violation de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'est pas de nature à entacher d'irrégularité le jugement contesté, qui a répondu de manière motivée à ces moyens au regard des éléments des dossiers soumis au juge.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne les moyens communs aux décision contestées :

3. En premier lieu, les décisions contestées comportent les considérations de droit et de fait qui les fondent et sont par suite suffisamment motivées.

4. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que les décisions attaquées n'aient pas été précédées d'un examen particulier de la situation personnelle des intéressés.

5. En troisième lieu, il y a lieu par adoption des motifs du premier juge d'écarter le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu dès lors que les requérants n'assortissent ce moyen d'aucune précision supplémentaire ni d'aucun élément pertinent par rapport à l'argumentation déjà développée en première instance.

6. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) ".

7. Il ressort des pièces du dossier que M. D... et Mme C... sont entrés en France en 2013 selon leurs déclarations, accompagnés de leurs fils, nés les 28 février 2005 et 22 novembre 2006, âgés à la date des décisions contestées de 16 et 14 ans, scolarisés en France en classe de 3ème et 4ème, en faisant preuve d'implication et en obtenant globalement de bons résultats. Leurs deux filles, nées en France les 28 avril 2015 et 25 juillet 2017 sont également scolarisés, en grande section et petite section de maternelle. Ils produisent de nombreuses attestations soulignant leur intégration sociale, notamment l'attention portée à la scolarité de leurs enfants, leur implication en qualité de bénévoles dans des associations, les liens amicaux qu'ils ont noués et leur maîtrise de la langue française, en particulier par Mme C.... Cette dernière exerce un emploi d'aide-ménagère à domicile pour des heures néanmoins réduites et son époux a une promesse d'embauche en qualité de menuisier. Toutefois, M. D... se maintient en France en dépit de précédentes obligations de quitter le territoire français prononcées à son encontre les 2 mars 2015, puis après refus de séjour, les 2 mars 2017 et 2 septembre 2018, avec le prononcé d'une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans, toutes décisions validées par tribunal administratif de Lyon. Mme C... a également fait l'objet de deux précédentes mesures d'éloignement après refus de séjour les 22 février 2015 et 2 septembre 2018 et le prononcé d'une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans, également validés par le tribunal administratif de Lyon. M. D... et Mme C... ne démontrent pas qu'ils ne pourraient pas mener une vie privée et familiale normale dans leur pays d'origine, où leur cellule familiale à vocation à se reconstituer et où résident la sœur et la mère de M. D... et les parents et la sœur de Mme C.... Si les intéressés font état à l'audience des conditions dans lesquelles M. D... a été placé en rétention administrative et éloigné en direction de la Géorgie, ces circonstances, pour regrettables qu'elles soient, sont relatives à l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français et sont en elles-mêmes sans incidence sur sa légalité. Ainsi, compte tenu de la durée et des conditions du séjour en France des intéressés, les décisions contestées ne portent pas une atteinte disproportionnée à leur droit au respect de leur vie privée et familiale. Elles ne méconnaissent dès lors pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

8. En cinquième lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ".

9. En l'absence d'obstacle à ce que la vie privée et familiale des requérants se poursuive en dehors de France, et en particulier en Géorgie, où il n'est pas démontré que les enfants ne pourraient pas y poursuivre leur scolarité, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.

En ce qui concerne la légalité des décisions refusant d'octroyer un délai de départ volontaire :

10. Il y a lieu par adoption des motifs du premier juge d'écarter le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation dès lors que les requérants n'assortissent ce moyen d'aucune précision supplémentaire ni d'aucun élément pertinent par rapport à l'argumentation déjà développée en première instance.

En ce qui concerne la légalité des décisions fixant le pays de destination :

11. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ".

12. Si les requérants soutiennent qu'ils ont été persécutés en Géorgie en raison de circonstances familiales, ils n'établissent pas, par les pièces produites, être personnellement et actuellement exposés à des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour dans leur pays d'origine.

En ce qui concerne la légalité des décisions portant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans :

13. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. (...) / Lorsque l'étranger faisant l'objet d'une interdiction de retour s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire au-delà du délai de départ volontaire ou alors qu'il était obligé de quitter sans délai le territoire français (...) l'autorité administrative peut prolonger cette mesure pour une durée maximale de deux ans. / La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / Sauf menace grave pour l'ordre public, la durée totale de l'interdiction de retour ne peut excéder cinq ans, compte tenu des prolongations éventuellement décidées. (...)."

14. Eu égard à ce qui a été dit au point 7, les requérants ne sont pas fondés à soutenir qu'ils justifient d'une circonstance humanitaire et que les décisions contestées sont entachées d'une erreur d'appréciation.

15. Il résulte de tout de ce qui précède que M. D... et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes.

16. Leurs conclusions à fin d'injonction et tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent par suite qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... D... et de Mme B... C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D..., à Mme B... C..., et au ministre de l'intérieur.

Copie sera adressée au préfet de l'Ardèche.

Délibéré après l'audience du 3 mars 2022, à laquelle siégeaient :

M. d'Hervé, président de chambre,

Mme Michel, président-assesseur,

M. Rivière, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 mars 2022.

2

N° 21LY01389


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY01389
Date de la décision : 24/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. d'HERVE
Rapporteur ?: M. Christophe RIVIERE
Rapporteur public ?: M. SAVOURE
Avocat(s) : RICHON

Origine de la décision
Date de l'import : 05/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-03-24;21ly01389 ?
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