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24/03/2022 | FRANCE | N°19LY02123

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre, 24 mars 2022, 19LY02123


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

L'association des contribuables actifs du lyonnais (CANOL) a demandé au tribunal administratif de Lyon :

- d'annuler la décision n° CP-2017-1778 du 20 juillet 2017 par laquelle la commission permanente de la métropole de Lyon a approuvé les avenants n° 3 aux marchés précédemment conclus par la métropole avec, respectivement, les société Vortex et JL international pour assurer le transport des élèves et étudiants en situation de handicap et autorisé le président à signer ces avenants ;
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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

L'association des contribuables actifs du lyonnais (CANOL) a demandé au tribunal administratif de Lyon :

- d'annuler la décision n° CP-2017-1778 du 20 juillet 2017 par laquelle la commission permanente de la métropole de Lyon a approuvé les avenants n° 3 aux marchés précédemment conclus par la métropole avec, respectivement, les société Vortex et JL international pour assurer le transport des élèves et étudiants en situation de handicap et autorisé le président à signer ces avenants ;

- d'annuler la décision du président de la métropole de Lyon en date du 24 septembre 2017 rejetant son recours gracieux ;

- d'annuler les 34 avenants n° 3 conclus entre la métropole de Lyon et la société Vortex ;

- d'annuler les 12 avenants n° 3 conclus entre la métropole de Lyon et la société JL international ;

- de mettre à la charge de la métropole de Lyon le versement d'une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1708840 du 4 avril 2019, le tribunal administratif de Lyon a annulé les 34 avenants n° 3 conclus entre la métropole de Lyon et la société Vortex et les 12 avenants n° 3 conclus entre la métropole de Lyon et la société JL international, mis à la charge de la métropole de Lyon au profit de la CANOL la somme de 1 400 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et rejeté le surplus des conclusions de l'association.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 3 juin 2019 et un mémoire enregistré le 14 mai 2020, la métropole de Lyon, représentée par Me Nahmias demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler le jugement susmentionné n° 1708840 du 4 avril 2019 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) de rejeter la demande de l'association des contribuables actifs du lyonnais tendant à l'annulation des avenants n° 3 conclus avec les société Vortex et JL international ;

3°) de procéder à la suppression des passages signalés comme diffamatoires du mémoire en défense de l'association précitée par application de l'article L. 741-2 du code de justice administrative ;

4°) de mettre à la charge de l'association des contribuables actifs du lyonnais la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a admis l'intérêt à agir de l'association CANOL à l'encontre des avenants au seul regard de leur objet et de leur montant en valeur absolue, sans analyser si l'incidence de ces avenants sur le budget de la métropole est significative et s'ils sont de nature à entraîner une augmentation de la fiscalité locale ;

- c'est à tort que le tribunal a considéré que les 46 avenants n° 3 entraînaient un bouleversement de l'économie du marché ;

- c'est à tort que le tribunal a prononcé l'annulation des avenants en raison d'un bouleversement de l'économie du marché alors qu'une telle irrégularité, qui ne tient pas au caractère illicite du contenu du contrat, ni aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, ne revêt pas un caractère de gravité justifiant une telle annulation ;

- le prix du marché est révisable et n'est donc pas un prix définitif au sens de l'article 18 du code des marchés publics ; ferme, actualisable ou révisable, aucune règle n'interdit aux parties de modifier le marché d'un commun accord pour y intégrer une clause de variation de prix qui n'y était pas initialement, pour augmenter ou pour réduire les prix, ou encore pour prévoir de nouveaux prix, dès lors que la modification ne bouleverse pas son économie.

Par des mémoires en défense enregistrés les 27 février 2020 et 12 juin 2020, l'association des contribuables actifs du lyonnais conclut à la confirmation du jugement contesté et au rejet de la requête, à l'annulation des 46 avenants litigieux susmentionnés, et à ce qu'il soit mis à la charge de la métropole de Lyon la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- son intérêt à agir doit s'apprécier au regard du montant du marché contesté en valeur absolue et non au regard du montant total du budget de la collectivité ; la notion de lésion des intérêts des contribuables n'est pas restreinte à la seule augmentation de la fiscalité locale mais s'étend plus largement au contrôle par les contribuables de la dépense publique et de l'usage des deniers publics ; elle a donc intérêt à contester les avenants qui emportent l'engagement d'une dépense sans contrepartie, ce qui est de nature à léser ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine ;

- la modification du prix par les avenants, qui n'est justifiée ni par une augmentation du volume des prestations ni par des sujétions techniques imprévues, est contraire au principe de l'intangibilité du prix et donc illégale ;

- le principe de continuité du service public ne justifiait pas la signature des avenants contestés ;

- les avenants litigieux, qui ont pour objet d'augmenter de 15 % les prix initiaux des marchés, sans aucune prestation supplémentaire ou sujétion imprévue, sont irréguliers au regard des dispositions de l'article 18 du code des marchés publics, la notion de bouleversement économique du marché étant inopérante en l'espèce ;

- l'augmentation des prix des marchés, générée par les avenants contestés, doit s'apprécier lot par lot, s'agissant de marchés fractionnés à bons de commande et ne saurait s'apprécier globalement en incluant des lots pour lesquels les prix n'ont pas été modifiés ; le pourcentage d'augmentation généré par les avenants est donc bien de 15,56 %, ce qu'a d'ailleurs toujours reconnu la métropole de Lyon et qui a eu pour effet de bouleverser l'économie des contrats ;

- le contenu des avenants a un caractère illicite en tant qu'il est contraire au principe de l'intangibilité du prix contractuel, ce qui constitue un vice grave justifiant leur annulation.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Rivière ;

- les conclusions de M. Savouré, rapporteur public ;

- et les observations de Me Derro pour la métropole de Lyon et celles de Me Matricon pour l'association CANOL.

Considérant ce qui suit :

1. Le Département du Rhône, auquel a succédé la Métropole de Lyon le 1er janvier 2015 pour l'exercice de cette compétence sur son territoire, a conclu, par actes d'engagement du 20 mai 2014, des marchés fractionnés à bons de commande avec les sociétés Vortex et JL international, relatifs au transport des élèves et étudiants en situation de handicap entre leur domicile et leur établissement scolaire. Par décision du 20 juillet 2017, la commission permanente de la Métropole de Lyon, à la demande des deux prestataires, a décidé par avenants d'augmenter de 15 % le montant initial des marchés avec effet à compter du jour de la rentrée scolaire 2017-2018. Saisi par l'association CANOL, le tribunal administratif de Lyon, après avoir écarté comme irrecevables les conclusions dirigées contre les actes détachables de ces contrats, a prononcé par un jugement n° 1708840 du 4 avril 2019 l'annulation des 34 avenants n° 3 signés entre la métropole de Lyon et la société Vortex et celle des 12 avenants n° 3 signés entre la métropole de Lyon et la société JL international. La Métropole de Lyon relève appel de ce jugement.

2. Tout tiers à un contrat administratif susceptible d'être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles. Lorsque l'auteur individuel d'un tel recours se prévaut de sa qualité de contribuable local, il lui revient d'établir que le contrat ou les clauses dont il conteste la validité sont susceptibles d'emporter des conséquences significatives sur les finances ou le patrimoine de la collectivité.

3. En l'espèce, la demande a été présentée au tribunal administratif de Lyon par l'association CANOL qui aux termes de l'article 2 de ses statuts, " a pour objet principal l'information, la défense et la promotion des intérêts des contribuables habitant dans le département du Rhône. A cette fin, elle engage librement toutes missions relevant de son objet et notamment : / (...) / - actions amiables ou contentieuses devant les tribunaux compétents contre les personnes morales visées à l'article 2 bis lorsque les intérêts des contribuables du Rhône paraissent lésés. ". L'article 2 bis des statuts mentionne " toutes les collectivités territoriales et les établissements publics dont la gestion et les décisions peuvent avoir une incidence sur la fiscalité locale des habitants du département du Rhône et de la métropole de Lyon ".

4. La seule circonstance que les avenants à des contrats en cours d'exécution génèrent une dépense supplémentaire destinée à la rémunération des prestataires de la collectivité, dans des conditions réputées par l'association susceptibles de révéler une méconnaissance de certaines dispositions contractuelles, ne permettait pas toutefois de constater une atteinte aux intérêts collectifs défendus par l'association, dès lors qu'il est constant que la dépense induite par les avenants en litige, certes évaluée à un montant de 414 288,85 euros HT, ne représente cependant que 0,013 % du budget de la Métropole et que cette variation n'est susceptible, en l'absence de conséquences significatives sur les finances ou le patrimoine de la collectivité, ni de léser les intérêts des contribuables du Rhône, ni d'entrainer une incidence sur la fiscalité locale des habitants de la Métropole telle que les objectifs généraux promus par l'association lui donneraient en cette qualité un intérêt pour contester les mesures financières liées à l'exécution de contrats en cours.

5. Il résulte de ce qui précède que la métropole de Lyon est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lyon a écarté sa fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt de l'association CANOL pour agir contre les avenants litigieux et a fait droit à ses demandes sur ce point.

Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'association CANOL une somme à verser à la métropole de Lyon au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les conclusions présentées à ce même titre par l'association CANOL, partie perdante, ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les conclusions au titre de l'article L. 741-2 du code de justice administrative :

7. En vertu des dispositions de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881 reproduites à l'article L. 741-2 du code de justice administrative, les cours administratives d'appel peuvent, dans les causes dont elles sont saisies, prononcer, même d'office, la suppression des écrits injurieux, outrageants ou diffamatoires.

8. Le passage figurant en page 3 du mémoire enregistré le 27 février 2020 de l'association CANOL commençant par les mots " ces faits étaient constitutifs... " et se terminant trois lignes plus bas par les mots " ...la société Vortex " présentent un caractère diffamatoire. Par suite, il y a lieu d'en prononcer la suppression.

DÉCIDE :

Article 1er : Les articles 1 et 2 du jugement n° 1708840 du 4 avril 2019 du tribunal administratif de Lyon sont annulés.

Article 2 : Le passage, défini au point 10 du présent arrêt et figurant dans le mémoire de l'association CANOL enregistré le 27 février 2020, est supprimé.

Article 3 : Les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative présentées par l'association CANOL et la Métropole de Lyon sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la métropole de Lyon et à l'association des contribuables actifs du lyonnais. Copie sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 3 mars 2022, à laquelle siégeaient :

M. d'Hervé, président,

Mme Michel, présidente assesseure,

Mme Evrard, présidente assesseure,

Mme Duguit-Larcher, première conseillère,

M. Rivière, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 mars 2022.

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N° 19LY02123


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY02123
Date de la décision : 24/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-08 Marchés et contrats administratifs. - Règles de procédure contentieuse spéciales.


Composition du Tribunal
Président : M. d'HERVE
Rapporteur ?: M. Christophe RIVIERE
Rapporteur public ?: M. SAVOURE
Avocat(s) : MATRICON

Origine de la décision
Date de l'import : 05/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-03-24;19ly02123 ?
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