Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 25 février 2019 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé son employeur, la société Bayer, à le licencier, le rejet implicite de son recours hiérarchique et la décision du 28 octobre 2019 par laquelle la ministre du travail, retirant le rejet du recours hiérarchique, a annulé la décision de l'inspecteur du travail du 25 février 2019 et a autorisé son licenciement.
Par un jugement n° 1908148, 1909721 lu le 15 septembre 2020, le tribunal a prononcé un non-lieu à statuer sur la demande d'annulation de la décision de l'inspecteur du travail du 25 février 2019 et du rejet implicite de recours hiérarchique, et a rejeté le surplus de la demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire enregistrés le 10 novembre 2020 et le 18 juin 2021, M. B..., représenté par Me Dumoulin, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement et la décision du 28 octobre 2019 ;
2°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier : c'est à tort que les premiers juges ont rejeté sa demande pour irrecevabilité en tant qu'elle était dirigée contre la décision du 28 octobre 2019 en ce qu'elle procédait au retrait de la décision implicite précédemment intervenue et qu'elle annulait la décision du 25 février 2019, dès lors qu'il démontre qu'il a intérêt à agir contre le rejet implicite du recours hiérarchique présenté contre l'autorisation de l'inspecteur du travail ;
- les griefs qui ont été retenus à son encontre ne constituent pas des fautes d'une gravité suffisante ;
- la demande d'autorisation de licenciement est en lien avec les mandats syndicaux qu'il détient.
Par un mémoire enregistré le 24 février 2021, la société Bayer, représentée par Me Renaud, conclut au rejet de la requête et demande de mettre à la charge de M. B... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que la requête n'est pas recevable la décision contestée n'ayant pas été produite dans les temps, et subsidiairement qu'aucun moyen de la requête n'est fondé.
Par un mémoire enregistré le 29 juin 2021, la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion conclut au rejet de la requête.
Elle soutient qu'aucun moyen de la requête n'est fondé.
Par une ordonnance du 11 mai 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 7 juillet 2021.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Djebiri, première conseillère ;
- les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ;
- les observations de Me Pieri pour M. B..., ainsi que celles de Me Ouannes, substituant Me Renaud, pour la société Bayer ;
Considérant ce qui suit :
1. Par une décision du 25 février 2019, l'inspecteur du travail a autorisé le licenciement de M. B..., délégué syndical, demandé par la société Bayer. Ce dernier a formé, le 23 avril 2019, un recours hiérarchique, qui a été implicitement rejeté. Par une décision du 28 octobre 2019, la ministre du travail, retirant le rejet implicite de recours hiérarchique, a annulé la décision du 25 février 2019 et a autorisé le licenciement de M. B....
2. La décision de la ministre du travail du 28 octobre 2019, en tant qu'elle retire le rejet implicite du recours hiérarchique et annule la décision de l'inspectrice du travail, fait droit à la demande de M. B... qui, dès lors, n'avait pas qualité pour en demander l'annulation au contentieux. Il suit de là que le tribunal n'a pas entaché le jugement attaqué d'irrégularité en rejetant comme irrecevable la demande d'annulation de cette décision.
3. En vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi.
4. La demande d'autorisation de licenciement disciplinaire présentée par la société Bayer reposait sur les griefs tirés d'un comportement agressif et de propos déplacés envers un responsable des ressources humaines, caractérisant un abus de liberté d'expression, notamment lors d'une réunion de délégués du personnel, ainsi qu'au travers de courriels envoyés à la hiérarchie et d'autre part, sur un manquement, le 12 décembre 2018, à une obligation de sécurité. La ministre a retenu ces griefs comme établis et les a regardés comme étant d'une gravité suffisante pour justifier un licenciement.
5. L'attitude agressive adoptée par M. B... lors de la réunion du 3 décembre 2018 à l'égard du responsable des ressources humaines est établie malgré ses dénégations par la majorité des membres participant à la réunion et rendue crédible par les courriels de même nature critiquant la même personne. L'entrée sur un site classifié dans la nomenclature la plus élevée de risques industriels, sans badge, au mépris des règles de sécurité est reconnue par le requérant. Ces deux faits sont chacun d'une gravité suffisante pour justifier d'un licenciement, tant en raison de la répétition des manifestations d'agressivité de M. B... que des risques induits par les manquements aux consignes de sécurité des installations.
6. Enfin le lien avec le mandat n'est pas établi par les pièces du dossier alors que le requérant ne fait part que d'allégations dépourvues de tout élément factuel.
7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée en défense, que le requérant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 28 octobre 2019 de la ministre du travail autorisant son licenciement. Les conclusions de la requête présentées aux mêmes fins doivent être rejetées.
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées aux mêmes fins par la société Bayer.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la société Bayer présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion et à la société Bayer.
Délibéré après l'audience du 24 février 2022 à laquelle siégeaient :
M. Arbarétaz, président de chambre ;
M. Seillet, président assesseur ;
Mme Djebiri, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 mars 2022.
N° 20LY03333 2