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17/03/2022 | FRANCE | N°20LY02142

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 17 mars 2022, 20LY02142


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de condamner l'université Clermont-Auvergne à lui verser, au titre du préjudice financier, la somme de 8 500 euros assortie des intérêts au taux légal, capitalisés, en indemnisation du non-paiement d'heures de cours accomplies lors d'une mission d'enseignement en Chine.

Par un jugement n° 1800507 lu le 4 juin 2020, le tribunal n'a fait droit à sa demande qu'à hauteur de la somme de 2 311,40 euros, outre intérêts au taux légal

compter du 10 novembre 2017, capitalisés au 10 novembre 2018 puis à chaque échéan...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de condamner l'université Clermont-Auvergne à lui verser, au titre du préjudice financier, la somme de 8 500 euros assortie des intérêts au taux légal, capitalisés, en indemnisation du non-paiement d'heures de cours accomplies lors d'une mission d'enseignement en Chine.

Par un jugement n° 1800507 lu le 4 juin 2020, le tribunal n'a fait droit à sa demande qu'à hauteur de la somme de 2 311,40 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 10 novembre 2017, capitalisés au 10 novembre 2018 puis à chaque échéance annuelle.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire enregistrés le 3 août 2020 et le 18 janvier 2021, Mme B..., représentée par Me Maisonneuve, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande ;

2°) de porter la condamnation de l'université Clermont-Auvergne à la somme de 8 622,83 euros, outre intérêts et capitalisation ;

3°) de mettre à la charge de l'université Clermont-Auvergne une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle a accompli cent treize heures supplémentaires d'enseignement sur le site de Nanning en Chine qui ne lui ont pas été payées, en méconnaissance de la règle du service fait, alors que lui a été délivré un ordre de mission et que lui avait été donnée l'assurance de leur paiement ;

- aucun motif ne justifie qu'elle ait été privée de la prime de responsabilité ;

- qu'elle a subi préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence résultant de ce traitement caractérisant une sanction déguisée.

Par un mémoire enregistré le 14 novembre 2020, l'université de Clermont-Auvergne, représentée par Me Gardien conclut au rejet de la requête et demande à la cour, par la voie de l'appel incident :

1°) d'annuler le jugement attaqué en tant qu'il l'a condamnée à verser à Mme B... les sommes de 2 311,40 euros et de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et de rejeter lesdites demandes présentées par Mme B... au tribunal ;

2°) de mettre à la charge de Mme B... une somme de 2 760 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la demande de première instance est irrecevable car tardive ;

- aucun moyen n'étant fondé, sa demande de première instance comme ses conclusions d'appel doivent être rejetées.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code civil ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- le décret n° 84-431 du 6 juin 1984 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Djebiri, première conseillère ;

- les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ;

- et les observations de Me Maisonneuve pour Mme B..., ainsi que celles de Me Gardien, pour l'université Clermont-Auvergne ;

Considérant ce qui suit :

1. Par jugement du 4 juin 2020, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a condamné l'université Clermont-Auvergne à verser à Mme B..., maître de conférence dans la discipline de gestion des entreprises et des administrations, la somme de 2 311,40 euros en indemnisation du non-paiement d'heures de cours dispensés dans l'établissement que gère l'université, en Chine, au cours de l'année universitaire 2014-2015, après avoir retenu à sa charge une part de 50 % du préjudice demandé de ce chef, représentative de la faute qu'elle aurait commise pour ne pas s'être assurée de la disponibilité préalable des crédits. Mme B... relève appel de ce jugement en tant qu'il rejette le surplus de sa demande afférent à l'indemnisation de la totalité du non-paiement des cours, de la prime de responsabilité, de son préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence. L'université Clermont-Auvergne, par la voie de l'appel incident, conteste sa condamnation au paiement de l'indemnité de 2 311,40 euros et au versement de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

2. D'une part, le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci en a eu connaissance. En une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable qui, sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ne saurait excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance. D'autre part, l'expiration du délai permettant d'introduire un recours en annulation contre une décision expresse dont l'objet est purement pécuniaire fait obstacle à ce que soient présentées des conclusions indemnitaires ayant la même portée.

3. Or, il ne résulte pas de l'instruction que Mme B... ait reçu notification de la décision du 16 octobre 2015 portant refus d'indemnisation ou de paiement d'heures supplémentaires, ni qu'elle en ait eu connaissance par la consultation de son espace numérique de travail, lequel ne comportait nulle mention de l'édiction ou du contenu de cette décision. Ainsi, aucun délai n'a pu courir et l'université n'est pas non plus fondée à soutenir que les décisions à objet pécuniaire des 24 novembre 2017 et 29 janvier 2018 ne pourraient faire l'objet d'un recours ayant la même portée que celui qui aurait dû être présenté contre la décision initiale. Il suit de là que la fin de non-recevoir opposée à la demande de première instance doit être écartée.

Sur la responsabilité de l'université Clermont-Auvergne :

4. Aux termes de l'article 20 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée : " Les fonctionnaires ont droit, après service fait, à une rémunération comprenant le traitement (...) ainsi que les indemnités instituées par un texte législatif ou réglementaire (...) ". Aux termes de l'article 28 alors en vigueur de la loi du 13 juillet 1983 : " Tout fonctionnaire, quel que soit son rang dans la hiérarchie, est responsable de l'exécution des tâches qui lui sont confiées. Il doit se conformer aux instructions de son supérieur hiérarchique (...) ".

5. Il résulte de l'instruction que le président de l'université a délivré à Mme B... des ordres de mission pour qu'elle dispense un enseignement sur le site de Nanning, en Chine, du 17 octobre 2014 au 26 avril 2015, en supplément de son service à Clermont-Ferrand. Ces ordres de mission valant obligation d'accomplir le service, l'autorité qui les délivre devait faire le nécessaire pour dégager les crédits permettant de rémunérer les heures correspondantes et il n'appartient pas au fonctionnaire, à qui cet ordre s'adresse, de s'assurer que les conditions budgétaires à l'exécution de sa mission ont été satisfaites. Dès lors, l'université Clermont-Auvergne ne saurait se prévaloir des contraintes de sa réglementation interne qui, si elles étaient un obstacle au paiement et donc au service rendu, ne sauraient justifier, une fois ce service accompli en exécution d'un ordre, que l'intéressée ne soit pas indemnisée. Enfin, aucun comportement fautif de Mme B... justifiant qu'une quelconque part soit retenue à sa charge ne saurait lui être opposé au motif qu'elle ne pouvait ignorer les incertitudes nées de la mission que lui avait confiée sa hiérarchie, alors qu'ainsi qu'il a été dit, il appartenait à l'université Clermont-Auvergne de créer les conditions pour l'en rémunérer intégralement. S'en étant abstenue, sa responsabilité est engagée à ce titre.

Sur les préjudices :

En ce qui concerne le préjudice financier :

6. Ainsi qu'il a été dit au point 5 il n'est pas contesté que Mme B... a effectué des heures supplémentaires en Chine sur ordre de mission du président de l'université. Il incombait la responsabilité à l'université de créer les conditions de rémunération de ces heures. Il sera fait une exacte appréciation du préjudice ayant résulté de la privation de cette rémunération en le chiffrant à 4 622,80 euros, représentant la somme dont elle a été privée.

7. Il résulte de l'instruction que la prime pédagogique est allouée aux enseignants-chercheurs en rétribution de l'exercice de leurs fonctions à hauteur d'un montant variant de 500 à 1 750 euros, y compris à ceux qui ont enseigné sur le site de Nanning. Mme B... est fondée, en conséquence, à soutenir avoir été indûment privée de ce complément de rémunération, l'université ne se prévalant d'aucun critère tiré de la manière de servir de l'intéressée qui aurait fait obstacle à un tel paiement. Ne sauraient en tenir lieu les contraintes liées à la consultation de l'organe délibérant de l'établissement qu'il appartenait à l'autorité qui a délivré l'ordre de mission, en vertu de ce qui est dit au point 4, de lever préalablement. Il sera fait une exacte appréciation du préjudice ayant résulté de la privation de cette rémunération en le chiffrant à la somme de 1 000 euros qui correspond au montant moyen de ce qui est alloué aux enseignants de l'établissement.

En ce qui concerne le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence :

8. Il ne résulte pas de l'instruction que la faute de l'université procède de la volonté de sanctionner Mme B.... Dès lors, celle-ci n'est pas fondée à demander à être indemnisée de son préjudice moral ou des troubles dans ses conditions d'existence, qu'elle présente comme découlant de l'attitude vexatoire de l'établissement.

En ce qui concerne les frais de l'instance mis à la charge de l'université de Clermont-Auvergne par le tribunal :

9. L'université de Clermont-Auvergne n'articulant aucun moyen à l'appui de l'article 3 du jugement attaqué qui met à sa charge une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, les conclusions de son appel incident y afférentes doivent être rejetées.

10. Il résulte de ce qui précède, d'une part, que la somme que l'université Clermont-Auvergne a été condamnée à payer à Mme B..., outre intérêts et capitalisation, doit être portée à 5 622,80 euros et, d'autre part, que l'appel incident de l'université Clermont-Auvergne tendant à être déchargée de tout ou partie de la condamnation de 2 311,40 euros et des frais de justice doit être rejeté.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'université Clermont-Auvergne une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme B... à l'occasion de la présente instance. En revanche, les conclusions présentées par l'université Clermont-Auvergne, partie perdante, doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La somme de 2 311,46 euros, outre intérêts capitalisés, que l'université de Clermont-Auvergne a été condamnée à verser à Mme B... par l'article 1er du jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 4 juin 2020, est portée au montant de 5 622,80 euros.

Article 2 : L'université Clermont-Auvergne versera à Mme B... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand n° 1800507 lu le 4 juin 2020 est réformé en ce qu'il a contraire au présent arrêt.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et à l'université Clermont-Auvergne.

Délibéré après l'audience du 24 février 2022 à laquelle siégeaient :

M. Arbarétaz, président de chambre ;

M. Seillet, président assesseur ;

Mme Djebiri, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 mars 2022.

N° 20LY02142 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY02142
Date de la décision : 17/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

66-07-01 Travail et emploi. - Licenciements. - Autorisation administrative - Salariés protégés.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: Mme Christine DJEBIRI
Rapporteur public ?: M. CHASSAGNE
Avocat(s) : TEILLOT et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 29/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-03-17;20ly02142 ?
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