La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/03/2022 | FRANCE | N°20LY01439

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 17 mars 2022, 20LY01439


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon :

- de surseoir à statuer, en tant que de besoin, et de poser une question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union européenne ;

- de prononcer la décharge des cotisations de contribution sociale généralisée, de contribution au remboursement de la dette sociale et de contribution additionnelle de solidarité pour l'autonomie assises sur les revenus de pension de vieillesse de source allemande pour l'année 2016.

Par un juge

ment n° 1708955 du 17 mars 2020, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

P...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon :

- de surseoir à statuer, en tant que de besoin, et de poser une question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union européenne ;

- de prononcer la décharge des cotisations de contribution sociale généralisée, de contribution au remboursement de la dette sociale et de contribution additionnelle de solidarité pour l'autonomie assises sur les revenus de pension de vieillesse de source allemande pour l'année 2016.

Par un jugement n° 1708955 du 17 mars 2020, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 13 mai 2020, Mme B..., représentée par Me Schaeffer, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 17 mars 2020 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions susmentionnées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice.

Elle soutient que :

- les contributions litigieuses qui sont affectées pour partie à la caisse d'amortissement de la dette sociale et au fonds de solidarité vieillesse participent au financement du régime français de sécurité sociale et sont ainsi soumises au respect du principe d'unicité énoncé par l'article 11 du règlement (CE) du 29 avril 2004 portant coordination des systèmes de sécurité sociale ;

- dès lors que ces cotisations cofinancent la branche vieillesse veuvage, la simple perspective pour un ancien travailleur que le montant brut des pensions des retraites à laquelle il aurait acquis droit au cours de sa vie professionnelle soit soumis à un double prélèvement, alors qu'il s'est déjà acquitté des contributions couvrant le même risque sur ses revenus d'activité, est susceptible de le dissuader d'exercer son droit à la libre circulation édictée par les articles 45 à 48 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- les dispositions du 2° du II de l'article L. 136-8 du code de la sécurité sociale, de la première ligne de l'article 19 de l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale et du 1° bis de l'article L. 14-10-4 du code de l'action sociale et des familles ne sont pas conformes aux droits et libertés que la Constitution garantit, en particulier au principe d'égalité résultant des articles 1er, 6 et 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.

Par un mémoire enregistré le 19 mai 2020, Mme B... demande à la cour, à l'appui de sa requête, de transmettre au Conseil d'Etat une question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du II de l'article L. 136-8 du code de la sécurité sociale, de l'article 19 de l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 et de l'article L. 14-10-4 du code de l'action sociale et des familles.

Par une ordonnance du 25 juin 2020, le premier vice- président, président de la 5ème chambre de la cour a rejeté la demande de transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'Etat.

Par un mémoire enregistré le 22 octobre 2020, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution ;

- le traité sur l'Union européenne ;

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- le règlement (CE) n° 1408/71 du Conseil du 14 juin 1971 ;

- le règlement CE n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée, portant loi organique sur le Conseil Constitutionnel ;

- l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dèche, présidente assesseure,

- et les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... réside en France et perçoit des pensions de retraite, d'une part, de source allemande, qui lui sont versées à raison des droits qu'elle avait constitués dans ce pays et, d'autre part, de source française. Elle a été assujettie à des cotisations de contribution sociale généralisée, de contribution de solidarité au remboursement de la dette sociale et de contribution additionnelle de solidarité pour l'autonomie au titre de l'année 2016 à raison des pensions de vieillesse de source allemande qu'elle a perçues au cours de cette année. Elle relève appel du jugement du 17 mars 2020 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions.

2. En premier lieu, d'une part, en application de l'article 11 du règlement n° 883/2004 ci-dessus visé relatif à la coordination des systèmes de sécurité sociale des Etats membres, les personnes qui relèvent du champ de ce règlement ne sont soumises qu'à la législation d'un seul Etat membre, déterminée selon les règles définies à ses articles 11 à 16, ce qui exclut dès lors toute possibilité de cumul de plusieurs législations nationales pour une même période et, de manière corollaire, qu'un même revenu soit exposé au paiement de doubles cotisations.

3. D'autre part, en application de l'article 23 du règlement n° 883/2004, le titulaire de pensions dues au titre de législations de deux Etats membres, dont celle de l'Etat membre de résidence, et qui a droit aux prestations au titre de la législation de ce dernier Etat membre, obtient ces prestations de l'institution du lieu de résidence et à la charge de cette institution, comme si l'intéressé était titulaire d'une pension due au titre de la seule législation de ce dernier Etat membre. Si l'article 30 du règlement n° 883/2004 en son paragraphe 1 autorise l'Etat membre de résidence à opérer, sur la pension qu'il verse à un assuré également bénéficiaire d'une pension au titre de la législation d'un autre Etat membre, des retenues de cotisations pour la couverture de prestations de maladie et de maternité dont il assure le service, le paragraphe 2 du même article interdit à l'Etat membre de résidence au titre de la législation duquel aucune pension n'est due d'exiger, du fait de la résidence sur son territoire du titulaire d'une pension servie au titre de la législation d'un autre Etat membre, de recouvrer des cotisations pour la couverture de prestations de maladie et de maternité, lorsque ces dernières sont prises en charge par l'institution de cet autre État membre en application de l'article 25.

4. Il résulte de ces dispositions telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, en particulier dans son arrêt du 10 mai 2001 Rundgren (aff. C-389/99), que le principe général, qui découle du règlement n° 883/2004, lequel succède au règlement n° 1408/71 ci-dessus visé, et dont l'article 33 de ce règlement constitue une application, selon lequel le titulaire d'une pension ou d'une rente ne peut pas se voir réclamer, du fait de sa résidence sur le territoire d'un Etat membre, des cotisations d'assuré obligatoire pour la couverture de prestations prises en charge par une institution d'un autre Etat membre, s'oppose à ce que l'Etat membre sur le territoire duquel réside le titulaire d'une pension ou d'une rente exige le paiement par celui-ci de cotisations ou retenues équivalentes prévues par sa législation pour la couverture de prestations de vieillesse, d'incapacité de travail et de chômage, lorsque l'intéressé bénéficie de prestations ayant un objet analogue prises en charge par l'institution de l'Etat membre compétent en matière de pension.

5. Cependant, la Cour de justice a également dit pour droit, dans son arrêt du 18 juillet 2006 Nikula (aff. C-50/05) que l'article 33, paragraphe 1, du règlement n° 1408/71, repris par l'article 30 du règlement n° 883/2004, ne s'oppose pas à ce que, pour la détermination de l'assiette des cotisations d'assurance maladie appliquées dans l'Etat membre de résidence du titulaire de pensions versées par des institutions de cet Etat membre compétent pour servir des prestations en vertu de l'article 23 de ce règlement, soient comprises dans cette assiette, outre les pensions perçues dans l'Etat membre de résidence, des pensions versées par des institutions d'un autre État membre, dans la mesure où ces cotisations ne dépassent pas le montant des pensions servies dans l'Etat membre de résidence. Aux termes du même arrêt, toutefois, l'article 39 du traité instituant la Communauté européenne devenu l'article 45 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne s'oppose à ce que le montant des pensions perçues d'institutions d'un autre État membre soit pris en compte si des cotisations ont déjà été versées dans cet autre Etat membre sur les revenus d'activité perçus dans ce dernier État membre. Il appartient aux intéressés d'établir la réalité de ces versements de cotisations antérieurs. Il résulte de cet arrêt et notamment de son point 33 que la législation de l'Etat de résidence ne doit pas avoir pour effet de pénaliser le titulaire de pension qui se serait déjà acquitté, durant ses années d'activité dans un Etat membre autre que l'Etat de résidence, des cotisations destinées au financement des prestations servies aux pensionnés, par rapport à celui qui serait demeuré dans ce dernier Etat pour y exercer la totalité de son activité.

6. Il résulte des dispositions du règlement n° 1408/71 et du règlement n° 883/2004 citées aux points précédents, telles qu'interprétées par la Cour de justice dans sa jurisprudence rappelée également aux points précédents, que le principe général selon lequel l'Etat membre de résidence ne peut exiger le paiement de cotisations vieillesse lorsque l'assuré bénéficie d'une pension versée par un autre Etat membre, ne trouve à s'appliquer que sous réserve que l'assuré ne bénéficie pas également d'une pension versée par l'Etat membre de résidence. Mme B... ne peut donc utilement invoquer le bénéfice de ce principe, dès lors qu'il résulte de l'instruction qu'elle était également titulaire de pensions de vieillesse de droit français. En cette qualité, elle était, en vertu du f du 2 de l'article 13 du règlement n° 1408/71, reprises au e du 3 de l'article 11 du règlement n° 883/2004, soumise à la législation française au sens et pour l'application de ces règlements, la seule circonstance qu'elle soit également titulaire d'une pension de vieillesse de droit allemand acquise au titre d'une activité professionnelle accomplie dans ce pays étant sans incidence au regard des règles de détermination de la législation applicable définies aux articles 11 à 16 du règlement n° 883/2004. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que les impositions en litige auraient été recouvrées en méconnaissance du principe d'unicité de législation ni du principe prohibant les doubles cotisations. Enfin, en se bornant à faire valoir que les revenus d'activité ayant ouvert droit à cette pension de retraite ont été assujettis par l'Allemagne à des cotisations vieillesse, la requérante n'établit pas qu'elle aurait été placée dans une situation moins favorable que celle des assurés demeurés en France pour y exercer la totalité de leur activité, susceptible de caractériser une entrave à la libre circulation des travailleurs garantie par l'article 39 du traité instituant la Communauté européenne devenu l'article 45 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et, par application de la règle énoncée par l'arrêt Nikula, de faire obstacle à l'assujettissement de ses pensions de vieillesse de source allemande aux prélèvements en litige.

7. En second lieu, le moyen tiré de l'inconstitutionnalité des dispositions applicables du code de la sécurité sociale a été regardé comme dépourvu de caractère sérieux par une ordonnance du 25 juin 2020 et doit donc être écarté.

8. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Il y lieu, par voie de conséquence, de rejeter les conclusions présentées par la requérante au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré après l'audience du 24 février 2022 à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Dèche, présidente assesseure,

Mme Le Frapper, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 mars 2022.

2

N° 20LY01439


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY01439
Date de la décision : 17/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

Communautés européennes et Union européenne - Règles applicables - Politique sociale.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Pascale DECHE
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : SCHAEFFER JULIEN

Origine de la décision
Date de l'import : 29/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-03-17;20ly01439 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award