La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/03/2022 | FRANCE | N°20LY01118

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 17 mars 2022, 20LY01118


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société par actions simplifiée (SAS) La Professionnelle du Nettoyage a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la réduction, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge pour la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014 ainsi que des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2013 et 2014, du fait des exercices clos au 31 décembre, et de mettre à la charge de l'Etat une somm

e de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société par actions simplifiée (SAS) La Professionnelle du Nettoyage a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la réduction, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge pour la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014 ainsi que des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2013 et 2014, du fait des exercices clos au 31 décembre, et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1807458 du 21 janvier 2020, le tribunal administratif de Lyon a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 17 mars 2020 et le 15 décembre 2020, la SAS La Professionnelle du Nettoyage, représenté par la Selas Abocap Conseil, demande à la cour :

1°) d'annuler ou réformer ce jugement ;

2°) à titre principal, de prononcer la décharge partielle, en droits et pénalités, des impositions litigieuses ;

3°) à titre subsidiaire, de prononcer la réduction en droits des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge, à concurrence de 373 euros pour la période correspondant à l'année 2013 et de 174 euros pour 2014, ainsi que des pénalités correspondantes, et la réduction en base des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie, à hauteur de 24 985 euros au titre de l'année 2013 et de 11 590 euros au titre de l'année 2014, ainsi que des pénalités correspondantes ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat les dépens et la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la procédure d'imposition est irrégulière au regard des dispositions de l'article L. 76B du livre des procédures fiscales, l'administration n'ayant pas fait état du droit de communication exercé auprès du Crédit agricole ;

- en application de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales, et compte tenu de l'avis de la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, il appartenait à l'administration de démontrer que les notes de frais et indemnités kilométriques de son dirigeant, reconstituées au prorata du chiffre d'affaires de la société dans le groupe, n'auraient pas été engagées dans le seul intérêt de son exploitation, et qu'elles ne constitueraient pas des charges déductibles de son résultat.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 novembre 2020, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- si la proposition de rectification ne mentionne pas que le droit de communication concernait également le Crédit Agricole Centre Est, cet élément n'était pas déterminant pour établir le redressement et n'a pas empêché le contribuable d'exercer ses droits de la défense avant la mise en recouvrement, dès lors qu'une copie de l'ensemble des informations recueillies lui a été remise par courrier du 16 septembre 2016 ;

- les autres moyens soulevés par la requérante ne sont pas davantage fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Le Frapper, première conseillère,

- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public,

- et les observations de Me Bonnet, représentant M. et Mme B... ;

Considérant ce qui suit :

1. La SAS La Professionnelle du Nettoyage (LPN), qui a pour dirigeant M. A... B..., exerce une activité de nettoyage, travaux d'entretien et remise en état. A l'issue d'une vérification de sa comptabilité, l'administration fiscale a mis à sa charge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014 et l'a assujettie à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des années 2013 et 2014 du fait des exercices clos au 31 décembre, résultant notamment de la remise en cause de la déductibilité de certaines dépenses correspondant à des remboursements de notes de frais ou d'indemnités kilométriques. L'administration fiscale n'a pas suivi l'avis partiellement défavorable aux rectifications émis par la commission départementale des impôts et des taxes sur le chiffre d'affaire lors de sa séance du 30 juin 2017 et a mis en recouvrement les impositions, à concurrence des montants confirmés sur recours hiérarchique. La SAS LPN relève appel du jugement du 21 janvier 2020 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la réduction, en droits et pénalités, des impositions supplémentaires en litige.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. L'obligation faite par l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales à l'administration fiscale d'informer le contribuable de l'origine et de la teneur des renseignements qu'elle a utilisés pour procéder à des rectifications a pour objet de permettre à celui-ci, notamment, de discuter utilement leur provenance ou de demander que les documents qui, le cas échéant, contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent, afin qu'il puisse vérifier l'authenticité de ces documents et en discuter la teneur ou la portée. Les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales instituent ainsi une garantie au profit de l'intéressé.

3. En l'espèce, si la proposition de rectification adressée à la SAS LPN ne mentionne pas explicitement l'exercice d'un droit de communication auprès du Crédit agricole, il résulte de l'instruction, et il n'est d'ailleurs pas contesté, que l'administration a communiqué à la requérante, environ 18 mois avant la mise en recouvrement des impositions litigieuses, l'intégralité des informations qu'elle a recueillies auprès de tiers par l'exercice de son droit de communication, dont celles obtenues du Crédit agricole. Par suite, la SAS LPN, qui a pu vérifier l'authenticité de ces documents et en discuter la teneur ou la portée, n'a été privée d'aucune garantie.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

En ce qui concerne l'impôt sur les sociétés :

4. D'une part, aux termes de l'article 39 du code général des impôts, rendu applicable à l'impôt sur les sociétés par l'article 209 du même code : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : / 1° Les frais généraux de toute nature, les dépenses de personnel et de main-d'œuvre (...) ". Si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. Le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée. Dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive.

5. D'autre part, aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au litige : " Lorsque l'une des commissions ou le comité mentionnés à l'article L. 59 est saisi d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission ou le comité. (...) ". En adoptant le premier alinéa de l'article L. 192 précité, le législateur n'a pas entendu déroger aux principes généraux ci-dessus énoncés en exigeant de l'administration fiscale qu'elle justifie qu'une charge n'est pas déductible dans son principe, dès lors que la commission départementale des impôts directs et des taxes sur les chiffres d'affaires, saisie, a rendu un avis favorable au contribuable.

6. Il résulte de l'instruction que l'administration fiscale a remis en cause la déduction de dépenses correspondant à des remboursements de notes de frais de restauration établies par M. B..., à des remboursements de notes de frais de restauration établies au nom de salariés mais encaissés par M. B... ainsi qu'à des indemnités kilométriques créditées au compte courant d'associé de M. B... dans les livres de la SAS LPN, en raison notamment de l'insuffisante justification de ces différents frais, compte tenu de l'emploi de multiples duplicatas des mêmes frais au soutien de notes distinctes, et de nombreuses incohérences ou anomalies relevées en annexe par la vérificatrice, tenant en particulier à l'existence de plusieurs notes de frais comportant la même date pour des repas pris dans des lieux différents. La vérificatrice a également estimé que les dépenses correspondantes ne pouvaient avoir été engagées dans l'intérêt de l'exploitation, alors que de nombreuses notes de frais ainsi que les indemnités kilométriques avaient également fait l'objet de remboursements à M. B... C... la part de trois autres sociétés qu'il dirige et que l'avance de ces frais par le dirigeant n'était pas justifiée.

7. En premier lieu, la SAS LPN ne conteste pas, dans la présente instance, le rejet des notes de frais établies au nom de certains salariés et étayées par des duplicatas des justificatifs déjà joints aux demandes de remboursement émanant de son dirigeant, par ailleurs bénéficiaire de l'intégralité des remboursements.

8. En deuxième lieu, en se bornant à produire deux tableaux, étayés par des relevés de trajets émanant d'une société d'autoroute, récapitulant les trajets journaliers qui auraient été effectués par M. B... pour les deux années en litige, principalement entre son domicile et le siège de la société, ainsi que les notes de repas qui auraient été pris certains jours, et en réclamant que ces frais soient admis en déduction au prorata du chiffre d'affaires de la société LPN au regard du chiffre d'affaires des trois autres sociétés ayant procédé à leur remboursement, la SAS LPN ne remet pas sérieusement en cause les constatations circonstanciées récapitulées par la vérificatrice dans le corps de la proposition de rectification ainsi qu'en annexe, et précisées dans la réponse aux observations du contribuable, pour écarter le caractère déductible, pour la société LPN, de ces dépenses soit déjà prises en charge par d'autres sociétés, soit incohérentes entre elles et non assorties de justificatifs suffisants. L'administration doit ainsi être regardée comme ayant suffisamment établi que les dépenses en litige n'ont pas été engagées dans l'intérêt de l'exploitation de la SAS LPN et ne sont, dès lors, pas déductibles de son résultat.

En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée :

9. Aux termes du 1 du I de l'article 271 du code général des impôts, dans sa rédaction alors en vigueur : " La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération ". En vertu du II du même article, les redevables ne peuvent opérer la déduction de la taxe que dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables.

10. Lorsque l'administration, sur le fondement de ces dispositions, met en cause la déductibilité de la taxe ayant grevé l'acquisition d'un bien ou d'un service, il lui appartient, lorsqu'elle a mis en œuvre la procédure de redressement contradictoire et que le contribuable n'a pas accepté le redressement qui en découle, d'établir les faits sur lesquels elle se fonde pour soutenir que le bien ou le service acquis n'était pas utilisé pour les besoins de ses opérations imposables.

11. Aux termes de la proposition de rectification, l'administration fiscale a remis en cause la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les frais de repas remboursés à M. B... soit au titre de ses propres notes de frais soit au titre de celles établies au nom de salariés. L'analyse circonstanciée par la vérificatrice des anomalies entachant les différentes notes de frais en litige permet toutefois d'établir les faits sur lesquels se fonde l'administration pour soutenir que les dépenses ainsi prises en charge par la société LPN soit ne se rattachaient pas aux besoins de ses propres opérations imposables, mais à ceux de sociétés distinctes, également dirigées par M. B..., soit se rattachaient à des fins personnelles étrangères à celles de l'entreprise, sans qu'il y ait lieu de procéder à la proratisation également demandée par la requérante.

12. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS LPN n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté ses demandes.

Sur les frais liés au litige :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à la SAS LPN la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En l'absence de dépens, la demande présentée sur le fondement de l'article R. 761-1 du même code doit être également rejetée.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SAS La Professionnelle du Nettoyage est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS La Professionnelle du Nettoyage et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré après l'audience du 24 février 2022, à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Dèche, présidente assesseure,

Mme Le Frapper, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 mars 2022.

2

N° 20LY01118


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY01118
Date de la décision : 17/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Bénéfices industriels et commerciaux - Détermination du bénéfice net.

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Mathilde LE FRAPPER
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : SELAS ABOCAP CONSEIL

Origine de la décision
Date de l'import : 29/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-03-17;20ly01118 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award