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17/03/2022 | FRANCE | N°20LY01113

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 17 mars 2022, 20LY01113


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. et Mme B... ont demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2013 et 2014 ou, à titre subsidiaire, leur réduction, et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1808237 du 21 janvier 2020, le tribunal administratif de L

yon a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mé...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. et Mme B... ont demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2013 et 2014 ou, à titre subsidiaire, leur réduction, et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1808237 du 21 janvier 2020, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 17 mars 2020 et le 15 décembre 2020, M. et Mme B..., représentés par la Selas Abocap Conseil, demandent à la cour :

1°) d'annuler ou réformer ce jugement ;

2°) à titre principal, de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des impositions litigieuses ;

3°) à titre subsidiaire, de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales résultant des rectifications opérées dans la catégorie des revenus fonciers, et la réduction, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales résultant des rectifications opérées dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat les dépens et la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la procédure d'imposition est irrégulière au regard des dispositions des articles L. 76B et L. 57A du livre des procédures fiscales ;

- l'absence de perception des loyers auprès de la société locataire des sociétés civiles immobilières Belle Etoile et Espace Monternoz a été imposée par la situation financière du preneur, qui avait besoin de trésorerie pour faire face à un fort développement, et n'est dès lors pas constitutive d'un acte de disposition ;

- il est justifié, à hauteur des sommes admises par la commission départementale des impôts, de la déductibilité des charges exposées par la société La Professionnelle du Nettoyage du fait du remboursement à M. B... de frais professionnels exposés dans l'intérêt de la société ;

- ils sont fondés à solliciter le bénéfice du mécanisme de la cascade complète, dès lors qu'ils ont communiqué au service les écritures de régularisation comptable nécessaires ;

- la majoration de 10% appliquée sur le fondement de l'article 1758A du code général des impôts n'est pas justifiée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 novembre 2020, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les dispositions de l'article L. 57A du livre des procédures fiscales ne sont pas applicables au litige, les requérants n'ayant pas personnellement fait l'objet d'une vérification de comptabilité ;

- le mécanisme de la cascade complète a déjà été appliqué aux requérants dans les rôles supplémentaires mis en recouvrement ;

- les autres moyens soulevés par M. et Mme B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Le Frapper, première conseillère,

- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public,

- et les observations de Me Bonnet, représentant M. et Mme B... ;

Considérant ce qui suit :

1. A l'issue d'une vérification de comptabilité de la SAS La Professionnelle du Nettoyage (LPN), dont M. B... est le dirigeant, et du contrôle sur pièces des sociétés civiles immobilières " La Belle Etoile " et " Espace Monternoz ", non assujetties à l'impôt sur les sociétés et dont M. et Mme B... détiennent 90% des parts, l'administration fiscale a assujetti ces derniers à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, assorties d'une majoration de 10%, résultant notamment de la réintégration à leurs revenus de revenus fonciers et de revenus de capitaux mobiliers, sur le fondement du 1° du 1 de l'article 109 et du c) de l'article 111 du code général des impôts, par une proposition de rectification contradictoire du 20 mai 2016, dont les conséquences financières ont été réduites le 28 novembre 2017. M. et Mme B... relèvent appel du jugement du 21 janvier 2020 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande tendant à la décharge, ou subsidiairement à la réduction, en droits et pénalités, des impositions supplémentaires maintenues à leur charge.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. En premier lieu, l'obligation faite par l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales à l'administration fiscale d'informer le contribuable de l'origine et de la teneur des renseignements qu'elle a utilisés pour procéder à des rectifications a pour objet de permettre à celui-ci, notamment, de discuter utilement leur provenance ou de demander que les documents qui, le cas échéant, contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent, afin qu'il puisse vérifier l'authenticité de ces documents et en discuter la teneur ou la portée. Les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales instituent ainsi une garantie au profit de l'intéressé.

3. La proposition de rectification adressée à M. et Mme B..., lesquels ne peuvent utilement se prévaloir d'une éventuelle méconnaissance par l'administration, au demeurant infondée, de son obligation d'information à l'égard de la société LPN, comporte l'ensemble des informations relatives à l'origine et à la teneur des renseignements obtenus de tiers utilisés pour procéder aux rectifications en litige. La circonstance que la décision intervenue après mise en recouvrement sur la réclamation préalable de M. et Mme B... fasse état d'autres renseignements, concernant le cas échéant des années postérieures, ne peut que demeurer sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition.

4. En second lieu, aux termes de l'article L. 57 A du livre des procédures fiscales : " I.-En cas de vérification de comptabilité d'une entreprise ou d'un contribuable exerçant une activité industrielle ou commerciale dont le chiffre d'affaires est inférieur à 1 526 000 € s'il s'agit d'entreprises dont le commerce principal est de vendre des marchandises, objets, fournitures et denrées à emporter ou à consommer sur place ou de fournir le logement, ou à 460 000 € s'il s'agit d'autres entreprises ou d'un contribuable se livrant à une activité non commerciale dont le chiffre d'affaires ou le montant annuel des recettes brutes est inférieur à 460 000 €, l'administration répond dans un délai de soixante jours à compter de la réception des observations du contribuable faisant suite à la proposition de rectification mentionnée au premier alinéa de l'article L. 57. Le défaut de notification d'une réponse dans ce délai équivaut à une acceptation des observations du contribuable ".

5. Il résulte de l'instruction que, contrairement à ce que soutiennent M. et Mme B..., le contrôle dont ils ont fait l'objet constitue un contrôle sur pièces, quand bien même certaines rectifications procèdent de la réintégration de revenus réputés distribués par la SAS LPN, laquelle a seule fait l'objet d'une vérification de comptabilité. Dans ces conditions, les requérants ne peuvent utilement invoquer la méconnaissance de l'article L. 57 A précité du livre des procédures fiscales, qui s'applique uniquement en cas de vérification de comptabilité.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

En ce qui concerne les revenus fonciers :

6. Aux termes de l'article 8 du code général des impôts : " Sous réserve des dispositions de l'article 6, les associés des sociétés en nom collectif et les commandités des sociétés en commandite simple sont, lorsque ces sociétés n'ont pas opté pour le régime fiscal des sociétés de capitaux, personnellement soumis à l'impôt sur le revenu pour la part de bénéfices sociaux correspondant à leurs droits dans la société. (...) ". Aux termes de l'article 12 du même code : " L'impôt est dû chaque année à raison des bénéfices ou revenus que le contribuable réalise ou dont il dispose au cours de la même année ". Il résulte de ces dispositions que les bénéfices des sociétés de personnes sont soumis à l'impôt sur le revenu entre les mains des associés présents à la date de clôture de l'exercice, qui sont ainsi réputés avoir personnellement réalisé chacun une part de ces bénéfices à raison de leurs droits dans la société à cette date.

7. En l'espèce, l'administration a relevé que la SCI Espace Monternoz et la SCI La Belle Etoile, qui ont donné à bail à la SAS LPN des locaux commerciaux leur appartenant situés, respectivement, à Grandfontaine (Doubs) et à Péronnas (Ain), n'ont perçu qu'une faible partie des loyers qu'elles avaient facturés pour les années en litige, sans que cet abandon de loyers ne soit justifié par des circonstances indépendantes de leur volonté, et que, compte tenu de la communauté d'intérêts existant entre les sociétés bailleresses et la société preneuse, dans la mesure où M. A... B... est à la fois gérant et associé majoritaire des SCI La Belle Etoile et Espace Monternoz, et dirigeant de la SAS LPN, cet abandon de loyers caractérise une libéralité procédant d'un acte de disposition des sociétés bailleresses en faveur de la société preneuse.

8. M. et Mme B... soutiennent que le non-encaissement des loyers se justifierait par la situation financière de la société LPN, laquelle rencontrait, compte tenu d'un fort et rapide développement, un important besoin de trésorerie, et qu'il était de l'intérêt des SCI La Belle Etoile et Espace Monternoz d'éviter de supporter des charges inhérentes à l'éviction du locataire et à la nouvelle affectation des locaux. Les requérants ne produisent toutefois à l'appui de leurs affirmations qu'un tableur comportant un calcul du besoin en trésorerie de la société LPN, établi pour les besoins de la présente procédure et dépourvu de pièce justificative, qui ne permet pas, à lui seul, de justifier qu'elle aurait été dans l'impossibilité de payer les loyers facturés, alors qu'il résulte des propres écritures des requérants que le dirigeant commun de toutes les sociétés a, en réalité, fait prévaloir le seul intérêt de la SAS LPN, et de son développement, sur les intérêts notamment des sociétés bailleresses, sans que cela ne suffise à justifier qu'elle n'aurait pas été en mesure, sans remettre en cause sa pérennité, d'assurer le versement des loyers dus. Enfin, et en tout état de cause, M. et Mme B..., qui ne contestent pas la communauté d'intérêts entre les sociétés bailleresses et la société preneuse, ne produisent aucun élément permettant d'estimer que les SCI La Belle Etoile et Espace Monternoz auraient envisagé d'évincer la SAS LPN et de donner les biens en location à des tiers et ne donnent aucune indication des charges qu'une telle procédure aurait pu générer. Dans de telles conditions, l'administration doit être regardée comme établissant que les SCI La Belle Etoile et Espace Monternoz, qui se sont abstenues, sans circonstance indépendante de leur volonté ni contrepartie, d'engager une quelconque démarche en vue de recouvrer leurs créances de loyers, ont disposé des sommes dont il s'agit et, en s'abstenant de les recouvrer, ont accompli en faveur de la SAS LPN un acte de disposition constitutif d'une libéralité, justifiant la réintégration de ces sommes dans leurs résultats et leur imposition, à hauteur de leurs droits dans ces sociétés, entre les mains de M. et Mme B..., qui ne peuvent utilement faire valoir qu'ils n'auraient pas perçu les sommes en cause.

En ce qui concerne les revenus de capitaux mobiliers :

9. Il résulte de l'instruction que l'administration fiscale a considéré comme des revenus distribués à M. B..., sur le fondement du 1° du 1 de l'article 109 et du c de l'article 111 du code général des impôts, des dépenses comptabilisées en charges par la société LPN dont elle a refusé la déductibilité au titre de l'impôt sur les sociétés. L'administration fiscale a ainsi remis en cause la déduction de dépenses correspondant à des remboursements de notes de frais de restauration établies par M. B..., à des remboursements de notes de frais de restauration établies au nom de salariés mais encaissés par M. B... ainsi qu'à des indemnités kilométriques créditées au compte courant d'associé de M. B... dans les livres de la SAS LPN, en raison notamment de l'insuffisante justification de ces différents frais, compte tenu de l'emploi de multiples duplicatas des mêmes frais au soutien de notes distinctes, et de nombreuses incohérences ou anomalies relevées en annexe par la vérificatrice, tenant en particulier à l'existence de plusieurs notes de frais comportant la même date pour des repas pris dans des lieux différents. La vérificatrice a également estimé que les dépenses correspondantes ne pouvaient avoir été engagées dans l'intérêt de l'exploitation, alors que de nombreuses notes de frais ainsi que les indemnités kilométriques avaient également fait l'objet de remboursements à M. B... D... la part de trois autres sociétés qu'il dirige et que l'avance de ces frais par le dirigeant n'était pas justifiée.

10. En premier lieu, le sens de l'avis rendu par la commission départementale des impôts et des taxes sur le chiffre d'affaires sur saisine de la SAS LPN est par lui-même sans incidence sur la dévolution de la charge de la preuve dans la présente instance.

11. En second lieu, en se bornant à produire deux tableaux, étayés par des relevés de trajets émanant d'une société d'autoroute, récapitulant les trajets journaliers qui auraient été effectués par M. B... pour les deux années en litige, principalement entre son domicile et le siège de la société, ainsi que les notes de repas qui auraient été pris certains jours, et en réclamant que ces frais soient admis en déduction au prorata du chiffre d'affaires de la société LPN au regard du chiffre d'affaires des trois autres sociétés ayant procédé à leur remboursement, M. et Mme B... ne remettent pas sérieusement en cause les constatations circonstanciées récapitulées par la vérificatrice dans le corps de la proposition de rectification, ainsi qu'en annexe, pour écarter le caractère déductible, pour la société LPN, de ces dépenses soit déjà prises en charge par d'autres sociétés, soit incohérentes entre elles et non assorties de justificatifs suffisants. L'administration doit ainsi être regardée comme ayant suffisamment établi l'existence et le montant des distributions réputées avoir été appréhendées par M. B... en sa qualité de seul maître de l'affaire.

En ce qui concerne l'application de la cascade complète :

12. Compte tenu du rejet des demandes précédentes, M. et Mme B... ne sont pas fondés à demander une application du mécanisme de la cascade excédant celle, qu'ils ne contestent pas, déjà appliquée par l'administration fiscale le 28 novembre 2017 en réponse à leur demande, assortie des justificatifs qui leur avaient été réclamés.

Sur les pénalités :

13. M. et Mme B... ne demandent la décharge de la pénalité de 10% leur ayant été appliquée sur le fondement du I de l'article 1758 A du code général des impôts que par voie de conséquence de la décharge demandée des impositions principales en litige. Dès lors, il y a lieu de rejeter cette demande compte tenu du rejet des demandes précédentes.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes.

Sur les frais liés au litige :

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à M. et Mme B... la somme qu'ils demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En l'absence de dépens, la demande présentée sur le fondement de l'article R. 761-1 du même code doit être également rejetée.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... et Mme C... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré après l'audience du 24 février 2022, à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Dèche, présidente assesseure,

Mme Le Frapper, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 mars 2022.

2

N° 20LY01113


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY01113
Date de la décision : 17/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Revenus fonciers.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Revenus des capitaux mobiliers et assimilables - Revenus distribués.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Mathilde LE FRAPPER
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : SELAS ABOCAP CONSEIL

Origine de la décision
Date de l'import : 29/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-03-17;20ly01113 ?
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