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15/03/2022 | FRANCE | N°20LY02376

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre, 15 mars 2022, 20LY02376


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

L'association Les amis de la colline de Chantemerle et M. B... A... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les arrêtés du 13 février 2018 et du 28 janvier 2019 par lesquels le maire d'Aix-les-Bains a délivré à la société Anaka un permis de construire et un permis de construire modificatif ainsi que les décisions du 4 juin 2018 rejetant leur recours gracieux contre le permis de construire initial.

Par un jugement n° 1804680 du 23 juin 2020, le tribunal administratif de Grenoble

a annulé l'ensemble de ces décisions et mis à la charge de la commune d'Aix-les...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

L'association Les amis de la colline de Chantemerle et M. B... A... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les arrêtés du 13 février 2018 et du 28 janvier 2019 par lesquels le maire d'Aix-les-Bains a délivré à la société Anaka un permis de construire et un permis de construire modificatif ainsi que les décisions du 4 juin 2018 rejetant leur recours gracieux contre le permis de construire initial.

Par un jugement n° 1804680 du 23 juin 2020, le tribunal administratif de Grenoble a annulé l'ensemble de ces décisions et mis à la charge de la commune d'Aix-les-Bains la somme de 1 500 euros à verser à l'association précitée et M. A....

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 20 août 2020 et 28 octobre 2021, la société Anaka, représentée par la Selarl CDMF-Affaires Publiques, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 23 juin 2020 ;

2°) de rejeter la demande des intimés ;

3°) de renvoyer l'affaire au tribunal administratif de Grenoble pour qu'il y soit statué après délivrance d'un permis de construire de régularisation en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme ;

4°) de mettre une somme globale de 5 000 euros à la charge de M. A... et de l'association Les amis de la colline de Chantemerle au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont admis l'intérêt pour agir de M. A... ; l'association intimée n'a pas intérêt ni qualité pour agir compte tenu de son objet statutaire et de son ressort ;

- c'est à tort que les premiers juges ont fait droit au moyen tiré de la méconnaissance de l'article UD 10 du règlement du PLU d'Aix-les-Bains ; à supposer ce vice fondé, c'est à tort que le tribunal, dont le jugement est entaché d'une motivation suffisante sur ce point, n'a pas sursis à statuer en vue de permettre une régularisation des permis de construire ;

- c'est à tort que les premiers juges ont fait droit au moyen tiré de la méconnaissance de l'article 6 des dispositions générales du règlement ; le projet, tel que modifié par le permis de construire délivré le 28 janvier 2019, comporte une aire de collecte pour les ordures ménagères située à l'extérieur de la construction projetée et en bordure de la voie publique ; à supposer ce vice fondé, une régularisation aurait pu être obtenue sur ce point et c'est à tort que le tribunal n'a pas fait usage en conséquence des pouvoirs qu'il tient de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme ;

- les autres moyens soulevés par les intimés ne sont pas fondés.

Par deux mémoires en défense enregistrés les 27 avril et 9 novembre 2021, l'association Les amis de la colline de Chantemerle ainsi que M. A..., représentés par la SCP Fessler Jorquera et Associés puis par la SELAS Seban Armorique, concluent à titre principal, à la réformation du jugement en tant qu'il a rejeté les autres moyens dirigés contre les permis de construire en litige, et à titre subsidiaire, au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit versée à chacun d'eux et mise solidairement à la charge du requérant et de la commune d'Aix-les-Bains au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent :

- M. A... ainsi que l'association Les amis de la Colline de Chantemerle ont intérêt pour agir ;

- les moyens de la requête ne sont pas fondés ;

- le projet méconnaît l'article R. 431-10 du code de l'urbanisme ; les documents d'insertion du bâtiment dans son environnement immédiat procèdent manifestement d'une présentation frauduleuse ;

- le projet méconnaît le caractère du secteur UD tel que défini par les dispositions introductives du règlement de la zone UD ;

- en s'abstenant d'opposer un sursis à statuer, le maire a entaché les permis délivrés d'erreur manifeste d'appréciation ;

- le projet méconnaît l'article UD 7 ;

- le projet méconnaît l'article UD 9 ;

- le projet méconnait l'article UD 12 ;

- le projet méconnait l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ; les conditions de desserte du projet ne sont pas satisfaisantes compte tenu de l'étroitesse de la voie d'accès.

Par un mémoire en observations, enregistré le 22 octobre 2021, la commune d'Aix-les-Bains, représentée par la Selarl Sindres, conclut à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 23 juin 2020 ainsi qu'au rejet de la demande des intimés.

Elle fait valoir que :

- c'est à tort que les premiers juges ont retenus comme fondés les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 6 des dispositions générales ainsi que de l'article UD 10 du règlement ;

- les moyens soulevés par les intimés dans leur appel incident ne sont pas fondés.

La clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 30 novembre 2021 par une ordonnance du 16 novembre précédent.

Par lettre en date du 17 décembre 2021, les parties ont été informées de ce que la cour était susceptible de faire application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme pour régulariser les vices tirés de la méconnaissance de l'article 6 des dispositions générales, des articles Ud 7 et Ud10 du règlement du PLU d'Aix-les-Bains.

Par un mémoire enregistré le 22 décembre 2021, l'association les Amis de la colline de Chantemerle et autres a présenté ses observations en réponse à ce courrier. Ils font valoir que la régularisation du projet est impossible, notamment du fait de l'entrée en vigueur de nouvelles règles de prospect et de performance énergétique et que l'application de ces nouvelles règles changerait la nature du projet.

La société pétitionnaire a, en réponse à ce courrier, présenté un dossier de demande permis modificatif, enregistré les 5 et 7 janvier 2022 et le 18 février 2022.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Christine Psilakis, première conseillère,

- les conclusions de M. Jean-Simon Laval, rapporteur public,

- les observations de Me Fiat pour la société Anaka, celles de Me Louche, substituant Me Manhes, pour l'association les Amis de la colline de Chantemerle et M. A..., ainsi que celles de Me Kauffmann, substituant Mr Sindres, pour la commune d'Aix-les-Bains ;

Et après avoir pris connaissance de la note en délibéré présentée pour la société ANAKA, enregistrée le 25 février 2022 ;

Considérant ce qui suit :

1. La société Anaka relève appel du jugement du 23 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé, à la demande de M. A... et de l'association les Amis de la colline de Chantemerle, les permis de construire et permis de construire modificatif que lui a délivré par arrêtés des 13 février 2018 et 28 janvier 2019 le maire d'Aix-les-Bains ainsi que les décisions du 4 juin 2018 rejetant les recours gracieux de M. A... et de l'association précitée contre le permis de construire initial.

Sur la régularité du jugement :

2. Il ressort du jugement attaqué que le tribunal administratif de Grenoble, après avoir relevé au point 8 que " le vice relevé au point 5 [UD 10] ne peut être régularisé sans remettre en cause l'économie générale et la conception d'ensemble du projet " a écarté les conclusions de la société pétitionnaire tendant à la mise en œuvre de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme. Ce faisant, les premiers juges ont suffisamment motivé leur jugement et le moyen tiré de son irrégularité pour ce motif doit être écarté. Par ailleurs, le bien-fondé de ce refus de mettre en œuvre l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme relève d'une question de fond et non d'une question de régularité.

Sur l'intérêt pour agir des intimés :

3. Ainsi que l'ont relevé les premiers juges, il ressort des pièces du dossier que l'ensemble immobilier projeté se trouve à proximité immédiate du terrain d'assiette de la maison d'habitation dont est propriétaire M. A..., qui se prévaut de sa qualité de voisin immédiat et évoque les préjudices notamment de vue que cette nouvelle construction va engendrer sur sa propriété, lesquels sont avérés quand bien même le projet est situé en surplomb de l'autre côté de la voie publique et qu'aucun appartement ne comportera de vues plongeantes sur la propriété de M. A.... Dans ces conditions, la société pétitionnaire requérante n'est pas fondée à soutenir que, faute pour ses auteurs de justifier d'un intérêt à agir, la demande collective tendant à l'annulation des permis de construire obtenus les 13 février 2018 et 28 janvier 2019 n'était pas recevable.

Sur la légalité des permis de construire :

En ce qui concerne le bien-fondé des motifs d'annulation retenus par les premiers juges :

4. Pour annuler le permis de construire délivré à la SAS Anaka, le tribunal a estimé que le projet méconnaît l'article 6 des dispositions générales du règlement ainsi que l'article UD 10 du règlement du PLU.

S'agissant de l'article 6 des dispositions générales du règlement :

5. L'article 6 des dispositions générales du règlement prévoit que " Pour toute opération d'habitat individuel de plus de 3 logements, une aire de collecte pour les ordures ménagères devra être prévue à proximité de la voie publique ".

6. Il ressort des pièces du dossier, que le projet, dans sa version modifiée par le permis de construire modificatif du 28 janvier 2019, ne prévoit qu'une aire de stockage des ordures ménagères d'une superficie de 14 m² en sous-sol du bâtiment, lequel n'est toutefois pas équivalent à une aire de collecte située à proximité de la voie publique dont la création est exigée pour un programme d'habitat individuel supérieur à trois logements comme en l'espèce. Partant, la société pétitionnaire n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a retenu ce moyen comme fondé.

S'agissant de l'article UD 10 :

7. L'article UD 10 prévoit que " 1. Disposition générale : la hauteur est prise à la verticale de tout point au faîtage du toit ou à l'acrotère par rapport au terrain naturel avant travaux. Hors accès ponctuel au sous-sol, la partie visible d'une façade située en dessous du terrain naturel avant travaux, ne pourra pas excéder une hauteur de 2 m. ".

8. Il ressort des pièces du dossier que le projet s'implante en escaliers sur un terrain fortement pentu. Il ressort des plans de coupe joints au soutien des demandes de permis de construire que le niveau en rez-de-chaussée, dédié essentiellement aux stationnements s'implante, sur la totalité de la largeur du bâtiment et donc de la façade sur la voie publique, en dessous du terrain naturel et présente une hauteur supérieure à deux mètres, hauteur qui est d'ailleurs portée à 3,32 mètres au niveau de la rambarde du balcon des appartements du niveau 1 et dont le plancher se confond avec la dalle du plafond du rez-de-chaussée. Alors même que l'accès au sous-sol s'intègre dans cette façade, le projet n'apparaît ainsi pas conforme à la règle posée par les dispositions précitées de l'article UD 10.

9. Les vices affectant le permis de construire, relevés aux points 6 et 8, s'ils nécessitent une modification importante du projet, sont susceptibles d'être régularisés sans en changer la nature même. Une telle régularisation n'est toutefois envisageable que si aucun des autres moyens soulevés par les intimés, en première instance ou en appel, qu'il y a lieu d'examiner au titre de l'effet dévolutif, n'y fait obstacle.

En ce qui concerne les autres moyens soulevés à l'encontre des permis en litige :

10. En premier lieu, aux termes de l'article R. 431-10 du code de l'urbanisme : " Le projet architectural comprend également : / a) Le plan des façades et des toitures ; (...) / b) Un plan en coupe précisant l'implantation de la construction par rapport au profil du terrain ; (...) / c) Un document graphique permettant d'apprécier l'insertion du projet de construction par rapport aux constructions avoisinantes et aux paysages, son impact visuel ainsi que le traitement des accès et du terrain ; / d) Deux documents photographiques permettant de situer le terrain respectivement dans l'environnement proche et, sauf si le demandeur justifie qu'aucune photographie de loin n'est possible, dans le paysage lointain. (...) ".

11. La circonstance que le dossier de demande de permis de construire ne comporterait pas l'ensemble des documents exigés par les dispositions du code de l'urbanisme, ou que les documents produits seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes, n'est susceptible d'entacher d'illégalité le permis de construire qui a été accordé que dans le cas où les omissions, inexactitudes ou insuffisances entachant le dossier ont été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable.

12. Si les intimés font valoir que les documents d'insertion versés à l'appui des demandes de permis ne reflètent pas la réalité de la construction projetée, procèdent d'une vue trompeuse quant à l'implantation des bâtiments et l'imposante végétalisation qui l'entoure, et sont susceptibles d'avoir induit en erreur les services instructeurs, il ressort toutefois des pièces du dossier que les services instructeurs disposaient des plans parcellaires pour bien situer le terrain d'assiette, des plans de masse et d'élévation permettant d'en apprécier la volumétrie et les dimensions et par voie de conséquence, son insertion dans le site d'implantation. Le moyen doit par suite être écarté.

13. En deuxième lieu, les intimés soutiennent que le projet n'est pas conforme au caractère du secteur tel que défini par les dispositions générales du début du chapitre 5 du règlement et relatif aux secteurs UD lequel définit le secteur Ud comme " correspondant principalement aux secteurs de densité moyenne à faible, caractérisés par un mélange de typologies de construction : constructions plus ou moins anciennes, maison de ville à l'architecture particulière et villas récentes à l'architecture variée. ". Toutefois, ces dispositions ne sont pas opposables en tant que telles aux autorisations d'urbanisme et ne sauraient ajouter aux articles 1 et 2 du règlement relatif aux zones UD, lesquels n'interdisent pas la construction d'immeubles collectifs. Le moyen tiré de la non-conformité du projet aux dispositions précitées doit donc être écarté comme inopérant.

14. En troisième lieu, l'article UD 7 prévoit : " 1. Dispositions générales : Sauf dispositions particulières, les constructions doivent être édifiées de telle sorte que la distance horizontale de tout point du bâtiment à édifier au point le plus proche de la limite séparative doit être au moins égale à la moitié de la différence d'altitude entre ces deux points, sans pouvoir être inférieure à 4 m, exceptions faites pour : - les sous-sols complètement enterrés ; - les débords de toiture, balcons, escaliers non cloisonnés, oriels, pergolas, qui peuvent outrepasser une profondeur de 1,20 m maximum cette distance minimum. Les remblais dans les marges d'isolement sont limités à 1 m par rapport à l'état initial pour arriver au niveau du terrain naturel. ".

15. Il ressort des plans de masse joints à la demande de permis initial, lequel n'a pas été modifié sur ce point par le permis délivré le 28 janvier 2019, que les escaliers situés en partie nord du terrain le long de la construction projetée, sont implantés sur une largeur de 1,20 mètres dans la bande des quatre mètres où sont interdites toutes constructions à l'exception de celles énumérées à l'article UD 7 précité. Si ces escaliers sont présentés comme des " escaliers d'accès piéton à la propriété " situés " sous le terrain naturel et désolidarisés du volume du bâtiment principal par une bordure de hauteur variable ", ils sont toutefois maçonnés, reposent sur une bordure de soutènement dont les paliers constituent le prolongement de la dalle de chacun des étages de la construction et ne peuvent être considérés comme des escaliers non cloisonnés au sens et pour l'application des dispositions précitées. Par ailleurs, l'accès aux garages, à l'entrée du sous-sol et à l'ascenseur, qui s'implante en façade Nord-Ouest sous la bordure de hauteur variable reliant l'escalier latéral dédié à l'accès piétonnier aux étages supérieurs et le bâtiment, empiète de la même manière dans la bande des quatre mètres et ne respecte ainsi pas les distances aux limites séparatives définies par l'article UD 7 précité.

16. En quatrième lieu, le certificat d'urbanisme a pour effet de garantir à son titulaire un droit à voir toute demande d'autorisation ou de déclaration préalable déposée dans le délai indiqué examinée au regard des règles d'urbanisme applicables à la date de la délivrance du certificat. Parmi ces règles, figure la possibilité, lorsqu'est remplie, à la date de délivrance du certificat, l'une des conditions énumérées à l'article L. 111-7 précité du code l'urbanisme, d'opposer un sursis à statuer à une déclaration préalable ou à une demande de permis. Si l'omission de la mention d'une telle possibilité dans le certificat d'urbanisme peut être, en vertu du cinquième alinéa de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme et du sixième alinéa de l'article A. 410-4 du même code, de nature à constituer un motif d'illégalité de ce certificat, elle ne fait pas obstacle à ce que l'autorité compétente oppose un sursis à statuer à une déclaration préalable ou à une demande de permis ultérieure concernant le terrain objet du certificat d'urbanisme.

17. D'une part, il ressort des pièces du dossier que le permis de construire du 13 février 2018 a été obtenu au bénéfice d'un certificat d'urbanisme délivré par arrêté du maire d'Aix-les-Bains le 15 septembre 2016 date à laquelle s'appliquait l'article UD 9 du règlement de la zone alors en vigueur tel qu'issu du PLU modifié en dernier lieu par délibération du 4 septembre 2015, lequel prévoyait que l'emprise au sol des constructions n'est pas réglementée. Alors que le permis modificatif délivré le 28 janvier 2019 ne modifie pas l'emprise au sol de la construction projetée, la révision du PLU adoptée par délibération de la communauté de communes du Grand Lac le 8 décembre 2016 et qui prévoit un coefficient d'emprise au sol (CES) applicable à toute nouvelle construction de 0,1 sur la zone n'est pas opposable à ce permis modificatif et le moyen tiré de sa méconnaissance ne pouvait utilement être invoqué par les intimés.

18. D'autre part, les intimés soutiennent que le maire d'Aix-les-Bains a entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation en s'abstenant de s'opposer à la délivrance du permis du 13 février 2018, alors que le PLU intercommunal était en cours d'élaboration, le débat sur le PADD du PLUi ayant eu lieu le 8 décembre 2016 et que, concomitamment, la révision n° 4 du PLU de la commune d'Aix-les-Bains, adoptée par délibération du 8 décembre 2016 par la communauté de communes du Grand Lac avait ramené le CES à 0,1. Toutefois, ces circonstances sont postérieures au 15 septembre 2016, date de délivrance du certificat d'urbanisme au bénéfice de la société pétitionnaire et date à laquelle doit être appréciées si les conditions pour opposer un sursis à statuer sont réunies. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation entachant le refus d'opposer un sursis à statuer à la demande de permis de construire initial doit être écarté.

19. En cinquième lieu, aux termes de l'article UD 12 dédié aux stationnements : " Le stationnement des véhicules correspondant aux besoins des constructions et installations doit être assuré en dehors des voies publiques. 1. Il est exigé : 1.1 Pour les constructions à usage d'habitation : - 1 place de stationnement par tranche de 70 m² de surface de plancher avec un minimum de 1 place couverte par appartement. (...) ".

20. Il ressort des pièces du dossier que le projet prévoit la création de 627 m² de surface plancher répartis en quatre logements sans logement locatif aidé. Alors que le permis de construire modificatif est présenté par la société comme " précisant que la place P7 située à l'extérieur de la parcelle clôturée est accessible directement depuis le Bd Mourichon / portail ", il ressort toutefois des pièces du dossier que le nombre de places de stationnement fixé à 9 dans le formulaire de demande du permis de construire initial a été ramené à 8 places dans le formulaire de demande du permis de construire modificatif. Or, suivant les prescriptions de l'article UD 12 dans ses versions applicables aux permis en litige, et alors que le règlement ne prévoit pas d'arrondir le nombre de stationnement à l'entier supérieur, 8 places étaient exigibles. Le projet est ainsi conforme aux dispositions précitées au point 19.

21. En septième lieu et dernier lieu, aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations. ".

22. Les intimés soutiennent que le boulevard Mourichon, voie publique qui dessert le projet et dont la largeur est comprise entre 3,70 mètres et 4,50 mètres sans marquages au sols ni ralentisseur ou trottoirs est trop étroit et présente un caractère de dangerosité qui s'aggravera compte tenu de la circulation supplémentaire induite par le projet. Il ressort toutefois des pièces du dossier, notamment des photographies versées aux débats, que cette voie, située en agglomération et qui dessert neuf habitations existantes est rectiligne au droit de l'accès au projet et permet de ce fait une bonne insertion des véhicules. Par ailleurs, les quatre logements induits par le projet ne sont pas susceptibles d'aggraver les conditions de circulation y existants de façon telle à ce que cela induirait des risques en matière de sécurité publique. Par suite, c'est sans entacher sa décision d'erreur manifeste d'appréciation pour l'application des dispositions précitées au point 21 que le maire d'Aix-les-Bains a délivré les permis en litige.

Sur l'application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme :

23. Aux termes de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme : " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le refus par le juge de faire droit à une demande de sursis à statuer est motivé. ".

24. Les vices affectant le permis de construire, relevés aux points 6, 8 et 15 du présent arrêt, apparaissent susceptibles d'être régularisés, sans que la nature même du projet ne soit modifiée, quand bien même un nouveau plan local d'urbanisme a été adopté et restreint les possibilités de construction sur le terrain en y réduisant le CES. Il y a lieu, en conséquence de faire application des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme. Dans ces conditions, il y a lieu de surseoir à statuer et de fixer à six mois à compter de la notification du présent arrêt le délai imparti à la requérante pour justifier de l'intervention d'une mesure de régularisation du projet en litige.

DÉCIDE :

Article 1er : En application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, il est sursis à statuer sur la requête jusqu'à l'expiration du délai de six mois fixé au point 24.

Article 2 : Tous droits et moyens des parties dans cette instance sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Anaka ainsi qu'à M. A... et l'association Les amis de la colline de Chantemerle.

Copie en sera adressée à la commune d'Aix-les-Bains et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Chambéry.

Délibéré après l'audience du 22 février 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Danièle Déal, présidente de chambre,

M. Thierry Besse, président-assesseur,

Mme Christine Psilakis, première conseillère.

Lu en audience publique, le 15 mars 2022.

2

N° 20LY02376


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20LY02376
Date de la décision : 15/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-01-01 Urbanisme et aménagement du territoire. - Plans d'aménagement et d'urbanisme. - Plans d`occupation des sols (POS) et plans locaux d’urbanisme (PLU).


Composition du Tribunal
Président : Mme DEAL
Rapporteur ?: Mme Christine PSILAKIS
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : SCP FESSLER et JORQUERA ET ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 29/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-03-15;20ly02376 ?
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