Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... A... et Mme D... C... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 30 octobre 2018 par lequel le maire de Bren ne s'est pas opposé à la déclaration préalable de travaux déposée par la société civile immobilière (SCI) Sanfran en vue de l'édification d'une clôture sur des parcelles situées 319 chemin Chenelotte.
Par un jugement n° 1826738 du 27 décembre 2019, le tribunal administratif de Lyon auquel la demande a été transmise par une ordonnance du Conseil d'Etat n° 430232 du 6 avril 2019 prise en application de l'article R. 351-8 du code de justice administrative, a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 5 mars 2020 et deux mémoires en réplique enregistrés le 10 février et le 1er mars 2021, ce dernier n'ayant pas été communiqué, M. A... et Mme C..., représentés par Me Ramdenie, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 27 décembre 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 30 octobre 2018 ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Bren la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- ils ont intérêt pour agir en leur qualité de voisins immédiats du projet et dès lors que le mur projeté, d'une hauteur de plus de 3,80 mètres, est à l'origine d'un préjudice de vue et d'agrément ;
- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que le projet ne méconnaît pas l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme ; le projet s'inscrit dans une zone naturelle devant être préservée et disposant d'un intérêt paysager de par sa situation sur un coteau avec une vue panoramique et au sein de la ZNIEFF de type II dite des Collines drômoises ; le mur projeté est visible en différents points, notamment du centre du village et, compte tenu de ses caractéristiques, notamment de sa hauteur, porte atteinte au site.
Par trois mémoires enregistrés l'un le 28 décembre 2020 et deux le 18 février 2021, la commune de Bren, représentée par la SELARL Cabinet Champauzac, conclut au rejet de la requête, et à ce que les requérants lui versent la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête est irrecevable faute pour Mme C... et M. A... de présenter un intérêt pour agir ; le mur projeté n'affecte pas leurs conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de leur bien ;
- c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que le maire de Bren n'avait pas entaché l'arrêté en litige d'une erreur manifeste d'appréciation, dans l'application des dispositions de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme.
Par lettre en date du 10 décembre 2021, les parties ont été informées de ce que la cour était susceptible de faire application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme pour régulariser le vice tiré de la méconnaissance de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme.
Les observations de la SCI Sanfran en réponse à ce courrier ont été enregistrées le 16 décembre 2021.
Les observations de Mme C... et M. A... en réponse à ce courrier ont été enregistrées le 11 janvier 2022.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Christine Psilakis, rapporteure,
- les conclusions de M. Jean-Simon Laval, rapporteur public,
- les observations de Me Gatti pour Mme C... et M. A..., celles de Me Di Curzio, substituant Me Champauzac, pour la commune de Bren, ainsi que celles de Me Matras pour la SCI Sanfran ;
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 30 octobre 2018, le maire de Bren ne s'est pas opposé à la déclaration préalable de travaux portant sur l'édification d'une clôture, déposée par la société Sanfran. Mme C... et M. A... relèvent appel du jugement du 31 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande.
Sur les fins de non-recevoir opposées par les intimés :
2. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que M. A... et Mme C... sont propriétaires d'une maison d'habitation située sur un terrain cadastré section A n° 420, 675, 729 et 731, jouxtant le terrain d'assiette du projet litigieux. Eu égard à l'implantation du mur projeté en limite séparative, à ses caractéristiques et à sa visibilité depuis leur propriété, malgré la présence d'une haie d'arbres, la construction projetée est de nature à affecter les conditions de jouissance de leur propriété pour les requérants. Dans ces conditions, la fin de non-recevoir invoquée par la commune et tirée du défaut d'intérêt pour agir de M. A... et Mme C... doit être écartée.
3. En second lieu, l'intimée soutient que la requête de M. A... et Mme C... est irrecevable faute pour ces derniers d'y avoir joint leur titre de propriété comme l'exigent les dispositions de l'article R. 600-4 du code de justice administrative. Si, conformément à l'article 9 du décret n° 2018-617 du 17 juillet 2018, ces dispositions, applicables aux requêtes dirigées contre des décisions intervenues après le 1er octobre 2018, s'appliquaient en l'espèce, il ressort des pièces du dossier que les requérants ont justifié de leur titre de propriété dans le dossier de première instance. Dans ces conditions, cette fin de non-recevoir devra être écartée.
Sur le bien-fondé du jugement :
4. Aux termes de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales ".
5. Il ressort des pièces du dossier que le projet consiste en l'édification d'une clôture le long des limites séparatives nord et est du terrain d'assiette, composée d'un mur en parpaings de deux mètres de hauteur revêtu d'un enduit uniquement sur sa face sud et surmonté de panneaux en bois faisant office de brise-vue d'une hauteur supplémentaire de 1,85 mètres sur une partie de sa longueur et dont la totalité mesure plus de soixante-dix mètres. Quand bien même le secteur ne fait l'objet d'aucune protection paysagère ni d'aucun classement et alors même que le mur projeté s'inscrit dans la pente du coteau le long notamment d'une haie d'arbres plantés sur la parcelle des requérants qui la dissimule partiellement du sommet du coteau, la hauteur de la clôture qui s'implante de part et d'autre des constructions présentes sur la parcelle d'assiette, de même que la dualité des matériaux qui la composent, la rendent nettement perceptible du centre bourg et la font apparaître comme une ligne brisant horizontalement le coteau, lequel a conservé une vocation essentiellement naturelle et agricole. Le projet, par sa hauteur et la dualité des matériaux employés, porte ainsi atteinte à l'environnement proche dans lequel il a vocation à s'implanter. Dans ces conditions, les requérants sont fondés à soutenir que le maire de Bren a, en ne s'opposant pas aux travaux litigieux, entaché son arrêté d'une erreur manifeste d'appréciation.
Sur l'application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme :
6. Aux termes de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme : " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre (...) une décision de non-opposition à déclaration préalable estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le refus par le juge de faire droit à une demande de sursis à statuer est motivé. ".
7. Le vice tiré de la méconnaissance de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme relevé au point 4 est susceptible d'être régularisé. Par suite, il y a lieu, de surseoir à statuer sur les conclusions à fin d'annulation de M. A... et Mme C... et de fixer à trois mois à compter de la notification du présent arrêt le délai imparti à la société Sanfran pour justifier de l'intervention d'une mesure de régularisation du projet en litige.
DÉCIDE :
Article 1er : En application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, il est sursis à statuer sur la requête de M. A... et Mme C... jusqu'à l'expiration du délai de trois mois fixé au point 7.
Article 2 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... et Mme C..., à la société civile immobilière Sanfran et à la commune de Bren.
Délibéré après l'audience du 22 février 2022 à laquelle siégeaient :
Mme Danièle Déal, présidente de chambre,
M. Thierry Besse, président-assesseur,
Mme Christine Psilakis, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 mars 2022.
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N° 20LY00949