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03/03/2022 | FRANCE | N°21LY02538

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 03 mars 2022, 21LY02538


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 31 mars 2021 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a désigné le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit d'office, d'enjoindre sous astreinte au préfet de l'Isère de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ou de lui délivrer un titre de

séjour lui permettant d'exercer une activité non salariée, dans un délai d'un mois...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 31 mars 2021 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a désigné le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit d'office, d'enjoindre sous astreinte au préfet de l'Isère de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ou de lui délivrer un titre de séjour lui permettant d'exercer une activité non salariée, dans un délai d'un mois, et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre des frais liés au litige.

Par un jugement n° 2102763 du 24 juin 2021, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 26 juillet 2021, M. B..., représenté par Me Schürmann, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 31 mars 2021 ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la décision à intervenir et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le refus de titre de séjour est insuffisamment motivé ;

- c'est à tort que le tribunal a estimé qu'il ne justifiait de sa présence en France que depuis 2018, en contradiction avec l'arrêté attaqué et alors qu'il prouve sa présence depuis le 16 mars 2011 ;

- l'arrêté attaqué méconnaît l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il résidait habituellement en France depuis plus de dix ans ;

- il méconnaît l'article L. 743-3 du même code dès lors qu'il pouvait être autorisé à demeurer sur le territoire français au titre de ses attaches personnelles et familiales ;

- il porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- c'est à tort que le tribunal a estimé que l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant n'était pas méconnu ;

- le refus de séjour assorti d'une mesure d'éloignement procède d'une erreur manifeste d'appréciation et d'un défaut d'examen particulier, compte tenu notamment de son état de santé et des conséquences de ces mesures sur la situation de son enfant atteint d'un handicap, alors qu'il justifie de trois promesses d'embauche.

La requête a été communiquée au préfet de l'Isère qui n'a pas produit de mémoire en défense.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 septembre 2021.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de Mme Le Frapper, première conseillère, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant du Nigéria né le 31 mars 1976, a déclaré être entré en France au début du mois de mars 2011, sous couvert d'un titre de séjour portant la mention " résident de longue durée - UE ", délivré par les autorités italiennes. Sa demande de protection internationale enregistrée le 28 juillet 2017 a été définitivement rejetée par la Cour nationale du droit d'asile le 3 septembre 2020. M. B... s'est parallèlement présenté en préfecture le 6 mars 2019 afin de demander son admission au séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable, ou des articles L. 313-14 et L. 313-10 du même code. Par un arrêté du 31 mars 2021, le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation, sur le fondement du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit d'office. M. B... relève appel du jugement du 24 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de l'arrêté :

En ce qui concerne le refus de séjour :

2. En premier lieu, contrairement à ce que soutient le requérant, l'arrêté attaqué comporte l'ensemble des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Il est, par suite, suffisamment motivé. Il ne ressort en outre ni des termes de la décision attaquée ni des pièces du dossier que le préfet n'aurait pas procédé à l'examen particulier de l'ensemble des éléments relatifs à la situation de M. B... portés effectivement à sa connaissance. Les moyens tirés de l'insuffisance de motivation et du défaut d'examen particulier de la situation personnelle de M. B... doivent, par suite, être écartés.

3. En deuxième lieu, il appartient à la cour, saisie dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner à nouveau le bien-fondé des moyens du requérant repris en appel, en portant notamment sa propre appréciation sur les circonstances de fait invoquées. La circonstance que le tribunal aurait entaché son jugement d'une erreur de fait ne peut ainsi que demeurer, par elle-même et à elle seule, sans influence sur l'issue du litige soumis à la cour.

4. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

5. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B... résiderait de manière habituelle sur le territoire français depuis le mois de mars 2011, alors qu'il pouvait circuler entre la France et l'Italie sous couvert de son titre de résident de longue durée, et qu'il s'est déclaré domicilié en Italie à l'occasion de la naissance en France de son premier enfant le 10 juin 2013. S'il se prévaut d'une relation de concubinage avec une compatriote ayant bénéficié d'un titre de séjour de novembre 2018 à novembre 2020 et de la naissance de deux enfants en 2013 et 2014, à l'entretien et à l'éducation desquels il ne justifie toutefois subvenir que depuis 2018, date à laquelle il justifie également d'une communauté de vie, il ne ressort pas des pièces du dossier, en l'absence d'intégration particulière en France de M. B... ou de sa compagne, que la cellule familiale, incluant un premier enfant de sa compagne, ne pourrait se reconstituer normalement dans le pays dont ils ont la nationalité, dans lequel le requérant dispose d'attaches familiales fortes, ou, le cas échéant, en Italie. Il n'est en particulier pas justifié que le handicap dont est atteint l'un des fils mineurs de M. B... et de Mme A..., ne pourrait être pris en charge dans un autre pays. Les seules promesses d'embauche émises par une association d'aide à l'insertion pour des missions courtes de manutention, de peinture et d'entretien auprès de particuliers sont insuffisantes à établir de réelles perspectives d'intégration professionnelle. Compte tenu par ailleurs des conditions du séjour de M. B... en France, le refus de séjour en litige n'a pas porté d'atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Il n'a ainsi pas méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

6. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir et sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale, dans toutes les décisions les concernant, à l'intérêt supérieur des enfants.

7. Le refus de séjour en litige n'a ni pour objet, ni pour effet, de séparer le requérant de ses enfants mineurs en l'absence d'obstacle avéré à la reconstitution de l'ensemble de la cellule familiale au Nigéria ou, le cas échéant, en Italie. La réinstallation des enfants dans un autre pays ne saurait, à elle seule, caractériser la méconnaissance de leur intérêt supérieur, en l'absence d'impossibilité de poursuivre leur scolarité et de nouer de nouvelles relations sociales. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.

8. En dernier lieu, à supposer même que M. B... ait porté à la connaissance de l'autorité préfectorale l'affection rénale chronique dont il souffre, bien qu'il ait indiqué sur sa fiche de renseignements ne pas bénéficier d'une prise en charge médicale en France ni nécessiter de soins médicaux, il ne ressort d'aucune pièce du dossier qu'il ne pourrait être pris en charge au Nigéria ou en Italie pour cette pathologie. Il ne ressort pas davantage des pièces produites aux débats que le handicap de son fils mineur ne pourrait être pris en charge dans l'un de ces pays. Par suite, pour ces motifs et ceux déjà exposés aux points 5 et 7 du présent arrêt, le refus de séjour en litige n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle du requérant.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

9. En premier lieu, si M. B... soulève un moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il doit être regardé comme se prévalant des dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté attaqué, aux termes desquelles : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / (...) 4° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans, sauf s'il a été, pendant toute cette période, titulaire d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle portant la mention "étudiant" (...) ".

10. Il résulte toutefois de ces dispositions qu'elles s'appliquent aux seuls étrangers qui résident en situation régulière, c'est-à-dire sous couvert d'un titre de séjour, sur le territoire français depuis plus de dix ans. Ainsi, à supposer même que M. B... ait résidé habituellement en France depuis mars 2011, il ne peut en tout état de cause se prévaloir d'une protection contre l'éloignement sur le fondement des dispositions précitées.

11. En deuxième lieu, le moyen, qui doit être regardé comme dirigé contre l'obligation de quitter le territoire français, tiré de la méconnaissance de l'article L. 743-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lequel ne constitue pas le fondement de la mesure, est inopérant.

12. En dernier lieu, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent, même en tenant compte des effets propres à la mesure d'éloignement, être écartés pour les motifs précédemment exposés.

13. Il résulte de ce qui précède, aucun moyen n'étant soulevé à l'encontre de la décision fixant le pays de destination, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse au conseil de M. B... la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 3 février 2022, à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Dèche, présidente assesseure,

Mme Le Frapper, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 mars 2022.

2

N° 21LY02538


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY02538
Date de la décision : 03/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Mathilde LE FRAPPER
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : SCHURMANN

Origine de la décision
Date de l'import : 15/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-03-03;21ly02538 ?
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