Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. et Mme A... ont demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 24 juillet 2019 par lequel le maire de Dijon a accordé à la société civile de construction-vente (SCCV) Fer de Lance un permis de construire un ensemble immobilier de 17 logements et de mettre à la charge de la commune de Dijon une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 7611 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1902637 du 5 novembre 2020, le tribunal administratif de Dijon a rejeté leurs demandes.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 29 décembre 2020, M. et Mme A..., représentés par la Selarl Bastien-Jeaugey-Telenga et Associés, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 24 juillet 2019 ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Dijon la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- ils ont intérêt à contester le permis de construire en litige ;
- le jugement est intervenu en méconnaissance des articles L. 9 et R. 741-2 du code de justice administrative et entaché de contradiction, notamment en ce qu'il a insuffisamment indiqué en quoi aucune fraude n'aurait été commise par le pétitionnaire et en quoi les dispositions de l'article UG 7 du plan local d'urbanisme auraient été respectées ;
- l'arrêté attaqué est entaché d'incompétence ;
- c'est à tort que le tribunal a jugé que la composition du dossier n'était pas incomplète et que les dispositions de l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme n'étaient pas méconnues, alors que ce dossier masque frauduleusement l'obstruction des fenêtres de leur maison par la nouvelle construction, ce qui était de nature à fausser l'appréciation de l'autorité chargée d'instruire la demande ;
- c'est également à tort que le tribunal a écarté le moyen tiré de la méconnaissance de l'article UG 7 du plan local d'urbanisme, alors que la hauteur de la construction projetée est de 10,90 mètres et que la longueur de la façade implantée en limite séparative avec leur propre parcelle est de 16,25 mètres, de sorte qu'un recul était nécessaire ;
- le projet méconnaît l'article UG 11 du plan local d'urbanisme, la construction projetée étant sans rapport avec les constructions de son environnement proche ;
- il méconnaît également l'article UG 12 du plan local d'urbanisme ainsi que l'article R. 111-18 du code de la construction et de l'habitation, en l'absence d'accessibilité des places de stationnement en sous-sol.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 avril 2021, la commune de Dijon, représentée par Me Corneloup, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de M. et Mme A... une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête est irrecevable, M. et Mme A... étant dépourvus d'intérêt à agir ;
- les moyens soulevés par les appelants ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 avril 2021, la SCCV Fer de Lance, représentée par Me Burdy-Clément, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de M. et Mme A... une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête est irrecevable, M. et Mme A... étant dépourvus d'intérêt à agir ;
- les moyens soulevés par les appelants ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Le Frapper, première conseillère,
- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public,
- et les observations de Me Frayssinet, représentant la commune de Dijon, et de Me Burdy-Clément, représentant la SCCV Fer de Lance ;
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 24 juillet 2019, le maire de Dijon a accordé à la SCCV Fer de Lance un permis de construire un ensemble immobilier de 17 logements sur un terrain situé 36 rue du Docteur C.... M. et Mme A..., propriétaires d'une parcelle contiguë supportant leur maison d'habitation, relèvent appel du jugement du 5 novembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté leur demande tendant à l'annulation de ce permis de construire.
Sur la régularité du jugement :
2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision (...) contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application ". En l'espèce, le jugement déféré contient l'ensemble des mentions requises par ces dispositions, aucune critique étayée n'étant au demeurant formée sur ce point.
3. En deuxième lieu, l'éventuelle contradiction entre les motifs d'une décision juridictionnelle affecte son bien-fondé et non sa régularité.
4. En dernier lieu, en rappelant notamment que le permis de construire est délivré sous réserve des droits des tiers et que le consentement des requérants à la construction d'un mur venant s'appuyer sur une façade de leur maison et en obstruer des ouvertures ne faisait pas partie des pièces devant figurer dans le dossier de demande de permis de construire, le tribunal a suffisamment indiqué les raisons pour lesquelles il a estimé qu'aucune fraude du pétitionnaire n'était caractérisée, s'agissant tant du respect des dispositions de l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme que de la composition du dossier de demande. Les premiers juges ont en outre répondu de manière précise et suffisante au moyen tiré de la méconnaissance de l'article UG 7 du plan local d'urbanisme.
5. Il résulte de ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'irrégularité.
Sur la légalité du permis de construire :
6. En premier lieu, M. et Mme A... reprennent en appel le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté accordant le permis de construire en litige. Il y a lieu pour la cour d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.
7. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme : " Les demandes de permis de construire (...) sont adressées par pli recommandé avec demande d'avis de réception ou déposées à la mairie de la commune dans laquelle les travaux sont envisagés : / a) Soit par le ou les propriétaires du ou des terrains, leur mandataire ou par une ou plusieurs personnes attestant être autorisées par eux à exécuter les travaux ; / b) Soit, en cas d'indivision, par un ou plusieurs co-indivisaires ou leur mandataire (...) ".
8. Il résulte de ces dispositions que les demandes de permis de construire doivent seulement comporter l'attestation du pétitionnaire qu'il remplit les conditions définies à cet article. Les autorisations d'utilisation du sol, qui ont pour seul objet de s'assurer de la conformité des travaux qu'elles autorisent avec la législation et la réglementation d'urbanisme, étant accordées sous réserve du droit des tiers, il n'appartient pas à l'autorité compétente de vérifier, dans le cadre de l'instruction d'une demande de permis, la validité de l'attestation établie par le demandeur. Ainsi, sous réserve de la fraude, caractérisée lorsqu'il ressort des pièces du dossier que le pétitionnaire a eu l'intention de tromper l'administration sur sa qualité pour présenter la demande d'autorisation d'urbanisme, le pétitionnaire qui fournit l'attestation prévue à l'article R. 423-1 du code doit être regardé comme ayant qualité pour présenter sa demande. Toutefois, lorsque l'autorité saisie d'une telle demande de permis de construire vient à disposer au moment où elle statue, sans avoir à procéder à une mesure d'instruction lui permettant de les recueillir, d'informations de nature à établir son caractère frauduleux ou faisant apparaître, sans que cela puisse donner lieu à une contestation sérieuse, que le pétitionnaire ne dispose, contrairement à ce qu'implique l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme, d'aucun droit à la déposer, il lui revient de refuser la demande de permis pour ce motif. Il en est notamment ainsi lorsque l'autorité saisie de la demande de permis de construire est informée de ce que le juge judiciaire a remis en cause le droit de propriété sur le fondement duquel le pétitionnaire avait présenté sa demande.
9. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier, et il n'est d'ailleurs pas contesté, que la SCCV Fer de Lance a établi l'attestation requise par les dispositions précitées de l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme pour le terrain faisant l'objet de sa demande de permis. L'autorité en charge de l'instruction de la demande ne disposait pas, du seul fait que la construction projetée prenait appui sur la maison des requérants, d'informations relatives à une éventuelle fraude du pétitionnaire, sans devoir procéder à une mesure d'instruction soulevant une contestation sérieuse, relevant du seul juge judiciaire. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier qu'en s'abstenant de faire état, dans son dossier de demande, de deux petites ouvertures présentes sur la façade des époux A... que le projet aura pour effet d'obstruer, le pétitionnaire se serait livré à une manœuvre frauduleuse destinée à obtenir une autorisation indue ou à tromper l'administration sur sa qualité pour présenter la demande d'autorisation d'urbanisme, alors que l'occultation d'ouvertures critiquée par les requérants soulève un litige de voisinage d'ordre exclusivement privé, sans lien avec l'une des règles d'urbanisme dont le service instructeur devait vérifier le respect. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme doit être écarté.
10. En troisième lieu, la circonstance qu'un dossier de demande de permis de construire ne comporterait pas l'ensemble des documents exigés par les dispositions du code de l'urbanisme, ou que les documents produits seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes, n'est susceptible d'entacher d'illégalité le permis de construire que dans le cas où les omissions, inexactitudes ou insuffisances entachant le dossier ont été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable.
11. En l'espèce, à la supposer même irrégulière, l'absence d'indication, dans le dossier de demande, de la présence des deux petites ouvertures précédemment évoquées sur la façade de la maison occupée par M. et Mme A..., sur laquelle le projet vient prendre appui, n'a pu que demeurer sans influence sur l'appréciation devant être portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation d'urbanisme, et en particulier sur son insertion dans l'environnement urbain. M. et Mme A... ne se prévalent d'ailleurs d'aucune règle du plan local d'urbanisme qui serait directement méconnue au motif que la construction projetée masquera à l'avenir ces deux ouvertures, mais n'invoquent que la méconnaissance de leur droit de propriété. Le dossier présenté par la SCCV Fer de Lance comporte par ailleurs les indications requises afin d'apprécier les dimensions du projet, ce qui n'est au demeurant pas sérieusement discuté. Le moyen tiré de l'insuffisance du dossier de demande doit, par suite, être écarté.
12. En quatrième lieu, aux termes de l'article UG7 du règlement du plan local d'urbanisme : " Les constructions nouvelles peuvent s'implanter en limite(s) séparative(s) latérale(s). La longueur sur la limite ne peut excéder 12m, ou 14m dans le cas de constructions de bâtiments basse consommation (BBC), lorsque la construction présente une hauteur supérieure à 9m (...) ". Aux termes de l'article UG 10, auquel renvoie l'article UG 7 pour la mesure de la hauteur : " La hauteur des constructions est mesurée verticalement entre (...) le niveau supérieur de la dalle brute de la terrasse et : / le niveau du fond de trottoir dans la bande de 21m (...) ".
13. Il ressort des cotes reportées sur le plan de masse joint au dossier de demande que la construction projetée est implantée sur la limite séparative latérale par rapport à la parcelle de M. et Mme A..., sur une longueur de 14 mètres précisément. L'exactitude de cette déclaration ne saurait être sérieusement remise en cause par le résultat de mesures qui auraient été réalisées par les requérants sur des copies de ce plan dans des conditions indéterminées. M. et Mme A... ne sont en conséquence pas fondés à soutenir que la longueur de la construction sur la limite séparative atteindrait 16,25 mètres. Il ressort par ailleurs de l'attestation de prise en compte de la réglementation thermique 2012, applicable au projet, que le bâtiment litigieux est, du seul fait du respect de cette réglementation, un bâtiment basse consommation au sens des dispositions précitées du plan local d'urbanisme, de sorte que la longueur projetée en limite séparative est en toute hypothèse conforme à l'article UG 7 précité du règlement du plan local d'urbanisme. Le moyen tiré de la méconnaissance de cet article ne peut, dès lors, qu'être écarté.
14. En dernier lieu, M. et Mme A... reprennent en appel les moyens tirés de la méconnaissance de l'article UG 11 du règlement du plan local d'urbanisme ainsi que de l'article UG 12 du même règlement et de l'article R. 111-18 du code de l'urbanisme. Il y a lieu pour la cour d'écarter ces moyens par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.
15. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 juillet 2019.
Sur les frais liés au litige :
16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la commune qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à M. et Mme A... la somme qu'ils demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit à la demande présentée par la SCCV Fer de Lance au même titre. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de M. et Mme A... le versement à la commune de Dijon de la somme de 2 000 euros.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme A... est rejetée.
Article 2 : M. et Mme A... verseront à la commune de Dijon une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... et Mme B... A..., à la commune de Dijon et à la SCCV Fer de Lance.
Délibéré après l'audience du 3 février 2022, à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Dèche, présidente assesseure,
Mme Le Frapper, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 mars 2022.
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N° 20LY03829