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22/02/2022 | FRANCE | N°21LY01322

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre, 22 février 2022, 21LY01322


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... C... née B... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler les arrêtés du 28 septembre 2020 par lesquels le préfet de la Côte d'Or, d'une part lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination, d'autre part l'a assignée à résidence pendant un délai de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 2100019 du 12 janvier 2021, le magistrat désigné par le président du tribu

nal administratif de Dijon a renvoyé en formation collégiale les conclusions dirigées cont...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... C... née B... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler les arrêtés du 28 septembre 2020 par lesquels le préfet de la Côte d'Or, d'une part lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination, d'autre part l'a assignée à résidence pendant un délai de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 2100019 du 12 janvier 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Dijon a renvoyé en formation collégiale les conclusions dirigées contre la décision de refus de séjour et rejeté le surplus de sa demande.

Par un jugement n° 2100019 du 21 mai 2021, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande dirigée contre la décision de refus de séjour.

Procédure devant la cour

I) Par une requête enregistrée le 24 avril 2021 sous le n° 21LY01322, Mme A... C... née B..., représentée par Me Brey, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 12 janvier 2021 ;

2°) d'annuler ces arrêtés du 28 septembre 2020, en ce qu'ils portent obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixation du pays de destination et assignation à résidence ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Côte-d'Or de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la décision portant obligation de quitter le territoire français a été prise par une personne incompétente ;

- elle est fondée à exciper, à l'appui de ses conclusions, de l'illégalité de la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour ; la décision de refus de séjour méconnaît le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; la décision de refus de séjour méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale, dès lors qu'elle devait se voir délivrer de plein droit un titre de séjour en application des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est fondée à exciper, à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination, de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français ;

- elle est fondée à exciper, à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision l'assignant à résidence, de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français ;

- la décision l'assignant à résidence est insuffisamment motivée ;

- la décision l'assignant à résidence est disproportionnée, ainsi que les obligations de se présenter chaque jour au commissariat, compte tenu de l'état de santé de son époux.

Par un mémoire enregistré le 24 janvier 2022, le préfet de la Côte-d'Or conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 500 euros soit mise à la charge de la requérante au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête d'appel n'est fondé.

Mme A... C... née B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, par une décision du bureau d'aide juridictionnelle en date du 24 mars 2021.

II) Par une requête enregistrée le 12 octobre 2021 sous le n° 21LY03299, Mme A... C... née B..., représentée par Me Brey, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 21 mai 2021 ;

2°) d'annuler cette décision du 28 septembre 2020 portant refus de séjour ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Côte-d'Or de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision de refus de séjour méconnaît le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision de refus de séjour méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En application de l'article R. 611-8 du code de justice administrative l'affaire a été dispensée d'instruction.

Par une décision du 8 septembre 2021, le bureau d'aide juridictionnelle a rejeté la demande d'aide juridictionnelle présentée par Mme A... C... née B....

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

La présidente de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Besse, président-assesseur ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., ressortissante géorgienne née en 1973, est entrée régulièrement en France en septembre 2019. Elle a présenté une demande d'asile, qui a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 25 novembre 2019, décision confirmée le 29 mai 2020 par la Cour nationale du droit d'asile. Par arrêté du 28 septembre 2020, le préfet de la Côte d'Or l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un arrêté du même jour, il l'a assignée à résidence. Par jugement du 12 janvier 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Dijon a renvoyé en formation collégiale les conclusions dirigées contre la décision de refus de séjour et rejeté le surplus de sa demande. Par un second jugement du 21 mai 2021, le tribunal administratif de Dijon a rejeté la demande en ce qu'elle était dirigée contre le refus de séjour. Mme C... relève appel de ces deux jugements.

2. Les deux requêtes susvisées tendent à l'annulation d'une même décision. Il a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.

Sur la légalité des décisions du 28 septembre 2020 :

3. Lorsque, comme en l'espèce, le préfet oblige un étranger à quitter le territoire français sur le fondement des dispositions du 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile après le rejet de sa demande d'asile par les instances compétentes, il ne se prononce pas sur le droit au séjour de l'intéressé. Si le préfet de la Côte-d'Or a précisé, dans le dispositif de l'arrêté litigieux, que Mme C... n'était pas autorisée à résider en France au titre de l'asile, il s'est ainsi borné à constater qu'elle ne remplissait pas les conditions pour obtenir un titre de séjour en qualité de réfugié ou au titre de la protection subsidiaire. Cette mention étant superfétatoire, en application des dispositions du 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les conclusions de l'intéressée dirigées contre la décision de refus de titre de séjour, inexistante, sont irrecevables.

4. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. "

5. Ainsi que le fait valoir Mme C..., par jugement du 21 mai 2021, le tribunal administratif de Dijon a annulé le refus de séjour pris le 28 septembre 2020 à l'encontre de son époux en raison d'un vice dans la procédure d'examen de la demande de titre de séjour qu'il avait présentée au regard de son état de santé. Il ressort des différents certificats médicaux produits que ce dernier est atteint de pathologies médicales lourdes, qui l'obligent notamment à se rendre trois fois par semaine au centre hospitalier de Dijon pour y bénéficier d'une hémodialyse. Alors qu'il ressort de ces certificats que ce dernier souffre également d'hépatite B et d'une fibrose hépatique et est atteint d'une cardiopathie ischémique nécessitant de multiples pontages, sa situation médicale rendait nécessaire la présence en France de son épouse, dans l'attente qu'il soit statué sur sa demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade. Dès lors, en obligeant Mme C... à quitter le territoire français, le préfet de la Côte d'Or a porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a pris sa décision et méconnu les stipulations citées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il y a lieu, par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens dirigés contre cette décision, d'annuler la décision du 28 septembre 2020 du préfet de la côte d'Or obligeant la requérante à quitter le territoire français dans un délai d'un mois, ainsi que, par voie de conséquence, la décision fixant le pays de destination et l'arrêté du 28 septembre 2020 assignant Mme C... à résidence.

6. Il résulte de ce qui précède que Mme C... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 12 janvier 2021 attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande. En revanche, elle n'est pas fondée à se plaindre à de ce que, par le jugement du 21 mai 2021, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande dirigée contre la décision de refus de séjour.

Sur l'injonction :

7. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. (...) ". Aux termes de l'article L. 911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. (...) ".

8. Aux termes de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si la décision portant obligation de quitter le territoire français est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues aux articles L. 721-6, L. 721-7, L. 731-1, L. 731-3, L. 741-1 et L. 743-13, et l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas. "

9. Le présent arrêt, qui n'annule que la décision portant obligation de quitter le territoire français ainsi que les décisions subséquentes, n'implique pas que le préfet de la Côte d'Or délivre un titre de séjour à Mme C... mais seulement qu'il réexamine sa situation, dans un délai qu'il y a lieu de fixer à deux mois, après lui avoir délivré, dans un délai de quinze jours, une autorisation provisoire de séjour.

Sur les frais liés au litige :

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser à Me Brey, avocate de Mme C..., au titre des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que cette dernière renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée. En revanche, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit, dans l'instance n° 21LY01322, aux conclusions présentées par le préfet de la Côte-d'Or, partie perdante, ainsi que, dans l'instance n° 21LY03299, aux conclusions présentées par Mme C..., partie perdante dans cette seconde instance

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 12 janvier 2021 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Dijon et les décisions du 28 septembre 2020 du préfet de la Côte d'Or obligeant Mme C... à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixant le pays de destination et l'assignant à résidence sont annulés.

Article 2 : Il est fait injonction au préfet de la Côte d'Or de réexaminer la situation de Mme C... dans un délai de deux mois, après lui avoir délivré une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me Brey, avocate de Mme C... une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Brey renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties dans la requête n° 21LY01322 et la requête n° 21LY03299 sont rejetés.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... née B..., au ministre de l'intérieur, au préfet de la Côte d'Or et à Me Brey.

Délibéré après l'audience du 1er février 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Danièle Déal, présidente de chambre,

M. Thierry Besse, président-assesseur,

M. François Bodin-Hullin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 février 2022.

2

N° 21LY01322, 21LY03299


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21LY01322
Date de la décision : 22/02/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme DEAL
Rapporteur ?: M. Thierry BESSE
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : BREY

Origine de la décision
Date de l'import : 15/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-02-22;21ly01322 ?
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