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22/02/2022 | FRANCE | N°20LY02572

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre, 22 février 2022, 20LY02572


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. E... C... et Mme B... D... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 3 novembre 2017 par lequel le maire de La Bridoire a délivré à M. F... un permis de construire un tunnel agricole destiné au stockage de fourrage, et la décision du 2 mars 2018 rejetant leur recours gracieux.

Par un jugement n° 1802530 du 7 juillet 2020, le tribunal administratif de Grenoble a annulé cet arrêté du 3 novembre 2017 et la décision de rejet du recours gracieux.

Procédure dev

ant la cour

Par une requête enregistrée le 4 septembre 2020 et un mémoire en réplique e...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. E... C... et Mme B... D... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 3 novembre 2017 par lequel le maire de La Bridoire a délivré à M. F... un permis de construire un tunnel agricole destiné au stockage de fourrage, et la décision du 2 mars 2018 rejetant leur recours gracieux.

Par un jugement n° 1802530 du 7 juillet 2020, le tribunal administratif de Grenoble a annulé cet arrêté du 3 novembre 2017 et la décision de rejet du recours gracieux.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 4 septembre 2020 et un mémoire en réplique enregistré le 5 mars 2021, la commune de La Bridoire, représentée par Me Gallety, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 7 juillet 2020 ;

2°) de rejeter les conclusions de la demande de M. C... et Mme D... ;

3°) de mettre à la charge des intimés la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont retenu le moyen tiré de la méconnaissance de l'article A 11 du règlement du plan local d'urbanisme (PLU) ;

- aucun des autres moyens soulevés par les intimés n'est fondé.

Par un mémoire en défense enregistré le 19 octobre 2020, M. E... C... et Mme B... D..., représentés par Me Milliand, concluent au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de la commune requérante au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- c'est à bon droit que les premiers juges ont retenu le moyen tiré de la méconnaissance de l'article A 11 du règlement du PLU ;

- le dossier de demande est insuffisant, la notice ne précisant pas l'aménagement du terrain, la composition et le volume des constructions nouvelles, le traitement des espaces libres et l'organisation des accès, en méconnaissance de l'article L. 431-8 du code de l'urbanisme ;

- le projet architectural ne comprend pas de documents permettant suffisamment de situer le projet par rapport aux bâtiments déjà existants, en méconnaissance de l'article R. 431-10 du code de l'urbanisme ;

- le projet n'est pas nécessaire à l'exploitation agricole, en méconnaissance de l'article A 1 du règlement du PLU ;

- le pétitionnaire n'a pas sollicité l'avis de l'architecte consultant de la commune, en méconnaissance des dispositions du règlement de la zone A de la commune ;

- le permis méconnaît l'article A 4 du règlement du PLU, s'agissant du traitement des eaux pluviales.

La clôture de l'instruction a été fixée au 9 décembre 2021, par une ordonnance en date du 8 novembre 2021.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Thierry Besse, président-assesseur,

- les conclusions de M. Jean-Simon Laval, rapporteur public,

- les observations de Me Gallety pour la commune de La Bridoire ;

Considérant ce qui suit :

1. Par arrêté du 3 novembre 2017, le maire de La Bridoire a délivré un permis de construire à M. F... afin de régulariser la construction d'un tunnel agricole de 370 m² destiné au stockage du fourrage. Par jugement du 7 juillet 2020, le tribunal administratif de Grenoble a annulé cet arrêté, à la demande de M. C... et Mme D..., ainsi que la décision rejetant le recours gracieux formé par ces derniers. La commune de La Bridoire relève appel de ce jugement.

Sur la légalité de l'arrêté du 3 novembre 2017 :

2. Pour annuler le permis de construire délivré à M. F..., le tribunal administratif de Grenoble a estimé que le projet méconnaît l'article A 11 du règlement du PLU.

3. Aux termes de l'article A 11 du règlement du PLU : " (...) 1.1 Les divers modes d'occupation et d'utilisation du sol ne doivent pas, par leur implantation ou leur aspect extérieur, porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants ainsi qu'aux perspectives urbaines. (...) / 2. Implantation des constructions : Les constructions, par leur composition et leur accès, doivent s'adapter au terrain naturel, sans modification importante des pentes de celui-ci. / 3. Bâtiment d'exploitation agricole : Il sera fait application de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme. Ces bâtiments feront l'objet d'une étude particulière d'intégration dans leur environnement (...) ".

4. Il ressort des pièces du dossier que le projet porte sur la construction d'un tunnel agricole recouvert d'une bâche verte, d'une longueur de 36 mètres et d'une hauteur de 4,70 mètres. Ce tunnel doit s'implanter à proximité immédiate d'un autre tunnel, un peu plus petit, et de l'exploitation agricole du pétitionnaire, sur un terrain en pente, dans un secteur à dominante agricole mais proche d'un lotissement. Si ce tunnel fait partie des bâtiments pouvant être construits en zone agricole, laquelle ne présente pas par ailleurs d'intérêt paysager particulier, le projet, compte tenu de sa situation en haut d'un coteau, du fait qu'il a été construit sur un remblai dépassant une hauteur de deux mètres et de l'absence de tout traitement paysager de ses abords, porte atteinte au caractère des lieux avoisinants et méconnaît les dispositions citées au point précédent de l'article A 11 du règlement du PLU.

5. Le vice affectant le permis de construire, relevé au point précédent, est susceptible d'être régularisé sans changer la nature même du projet. Une telle régularisation n'est toutefois envisageable que si aucun des autres moyens soulevés par les intimés, en première instance ou en appel, qu'il y a lieu d'examiner au titre de l'effet dévolutif, n'y fait obstacle.

6. En premier lieu, aux termes de l'article R. 431-8 du code de l'urbanisme : " Le projet architectural comprend une notice précisant : (...) 2° Les partis retenus pour assurer l'insertion du projet dans son environnement et la prise en compte des paysages, faisant apparaître, en fonction des caractéristiques du projet : a) L'aménagement du terrain, en indiquant ce qui est modifié ou supprimé ; b) L'implantation, l'organisation, la composition et le volume des constructions nouvelles, notamment par rapport aux constructions ou paysages avoisinants ; (...) e) Le traitement des espaces libres, notamment les plantations à conserver ou à créer ; f) L'organisation et l'aménagement des accès au terrain, aux constructions et aux aires de stationnement. "

7. Il ressort des pièces du dossier que la notice du permis de construire précise les caractéristiques de la construction projetée et son insertion dans l'environnement. Le projet ne prévoit par ailleurs aucun accès spécifique à ce tunnel situé au sein de l'exploitation agricole du pétitionnaire et n'envisage pas de traitement paysager particulier que la notice aurait dû préciser. Enfin, les plans fournis à l'appui de la demande permettent d'apprécier l'aménagement envisagé du terrain. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de la notice du dossier de demande doit être écarté.

8. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 431-10 du code de l'urbanisme : " Le projet architectural comprend également : (...) d) Deux documents photographiques permettant de situer le terrain respectivement dans l'environnement proche et, sauf si le demandeur justifie qu'aucune photographie de loin n'est possible, dans le paysage lointain. Les points et les angles des prises de vue sont reportés sur le plan de situation et le plan de masse. "

9. Il ressort des pièces du dossier que le dossier de demande comprend deux documents photographiques qui, s'ils ont été pris sous des angles proches, permettent d'apprécier l'insertion du tunnel agricole dans son environnement, sans que l'appréciation du service instructeur ait pu être faussée. Dans ces conditions, et alors même que les points et angles des prises de vue n'ont pas été reportés sur le plan de situation et le plan de masse, ce qui n'a pu non plus en l'espèce fausser l'appréciation du service instructeur, le moyen tiré de l'insuffisance du projet architectural doit être écarté.

10. En troisième lieu, en vertu du préambule du règlement de la zone A du PLU de la commune de La Bridoire : " Pour établir leurs projets, les constructeurs solliciteront, préalablement au dépôt de leur demande de permis de construire ou déclaration préalable de travaux, l'avis de l'architecte consultant de la commune. " Par ces dispositions, les auteurs du PLU n'ont pas entendu imposer une formalité autre que celles prévues aux dispositions législatives et réglementaires, ce qu'ils ne pouvaient légalement faire, mais ont seulement invité les pétitionnaires à prendre contact avec l'architecte consultant avant le dépôt de la demande pour qu'ils puissent déposer une demande conforme aux exigences fixées par le règlement, s'agissant notamment de l'insertion paysagère du bâtiment projeté. Par suite, s'il ne ressort pas des pièces du dossier que M. F... avait sollicité cet avis, cette circonstance reste, par elle-même, sans incidence sur la légalité de l'arrêté du 3 novembre 2017 en litige.

11. En quatrième lieu, aux termes de l'article A 1 du règlement du PLU : " Occupations et utilisations du sol interdites : 1. Les nouvelles constructions non liées à l'activité agricole ou non nécessaires aux services publics ou d'intérêt collectif sont interdites (...) ". Aux termes de l'article A 2 du règlement : " Les occupations et utilisations du sol suivantes ne sont admises que si elles respectent les conditions ci-après : 1. Les constructions et installations reconnues indispensables à l'activité agricole, et notamment : - Les habitations indispensables à l'exploitation agricole. Un seul logement par exploitation est autorisé. Ce logement devra être intégré dans le volume de l'activité. - Les aires naturelles de camping. - Les gîtes ruraux et fermes auberges ou les annexes touristiques des exploitations agricoles (...). "

12. Il ressort des pièces du dossier que la demande de permis de construire a été présentée par M. F..., qui est éleveur et producteur laitier. Le bâtiment projeté, qui doit servir à stocker du fourrage est, par nature, un bâtiment agricole. Si le pétitionnaire dispose déjà d'un tunnel agricole, il a fait valoir dans sa demande que ce premier tunnel est trop petit et peu adapté pour le stockage des balles rondes. Compte tenu des caractéristiques et de la destination du tunnel agricole, il est ainsi nécessaire à l'activité agricole, sans que le service instructeur ait à vérifier la rentabilité de ce projet, comme le soutiennent les intimés. Par suite, le moyen doit être écarté.

13. Enfin, aux termes de l'article A 4 du règlement du PLU : " (...) 2.2 Gestion des eaux pluviales : Les aménagements réalisés sur tout terrain doivent être tels qu'ils garantissent l'écoulement direct des eaux pluviales. Le constructeur doit réaliser à sa charge exclusive les dispositifs appropriés à l'opération et au terrain. "

14. Il ressort des pièces du dossier que le projet prévoit le rejet des eaux pluviales par gravitation dans la parcelle et la réalisation de deux tranchées d'infiltration de 5 m3 avec un débit de fuite de cinq litres par hectare et par seconde de chaque côté du tunnel. L'aménagement prévu permet l'écoulement des eaux pluviales de ce bâtiment situé sur les terrains de l'exploitation agricole du pétitionnaire. Par suite, le moyen doit être écarté.

Sur l'application de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme :

15. Aux termes de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme : " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5-1, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice n'affectant qu'une partie du projet peut être régularisé, limite à cette partie la portée de l'annulation qu'il prononce et, le cas échéant, fixe le délai dans lequel le titulaire de l'autorisation pourra en demander la régularisation, même après l'achèvement des travaux. Le refus par le juge de faire droit à une demande d'annulation partielle est motivé. "

16. Le vice relevé au point 4 est susceptible d'être régularisé sans modifier la nature même de la construction, par un traitement paysager adapté des abords du tunnel. Par ailleurs, il n'affecte, dans cette mesure, qu'une partie du projet. Il y a lieu de fixer à deux mois le délai imparti au pétitionnaire pour solliciter la régularisation de ce projet.

17. Il résulte de ce qui précède que la commune de La Bridoire est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a annulé le permis de construire délivré le 3 novembre 2017, sans mettre en œuvre les dispositions de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme.

Sur les frais d'instance :

18. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la commune de La Bridoire au titre des frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de M. C... et Mme D..., partie perdante dans l'instance d'appel, tendant au remboursement des frais non compris dans les dépens qu'ils ont exposés.

DÉCIDE :

Article 1er : Le permis de construire du 3 novembre 2017 du maire de La Bridoire est annulé en tant que, par son absence de traitement paysager, il porte atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants.

Article 2 : Le délai imparti à M. F... pour solliciter la régularisation de son permis est fixé à deux mois.

Article 3 : Le jugement du 7 juillet 2020 du tribunal administratif de Grenoble est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Les conclusions des parties sont rejetées pour le surplus.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de La Bridoire et à M. E... C..., pour les intimés.

Copie en sera adressée à M. A... F... et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Chambéry.

Délibéré après l'audience du 1er février 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Danièle Déal, présidente de chambre,

M. Thierry Besse, président-assesseur,

M. François Bodin-Hullin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 février 2022.

2

N° 20LY02572


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20LY02572
Date de la décision : 22/02/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03 Urbanisme et aménagement du territoire. - Permis de construire.


Composition du Tribunal
Président : Mme DEAL
Rapporteur ?: M. Thierry BESSE
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : GALLETY

Origine de la décision
Date de l'import : 15/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-02-22;20ly02572 ?
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