Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
La commune de Valence a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner in solidum, d'une part, les sociétés Guion et la société d'assurance L'Auxiliaire à lui verser une indemnité de 10 746 euros en réparation des désordres affectant le plafond du hall d'entrée du gymnase édifié rue Brunet et, d'autre part, les sociétés Panorama Architecture et la société d'assurance Mutuelle des architectes français (Maf) à lui verser une indemnité de 117 820,84 euros en réparation des désordres affectant la façade ouest de ce gymnase.
Par un jugement n° 1902592 du 8 mars 2021, le tribunal, après avoir rejeté les conclusions de la commune de Valence présentées à l'encontre des sociétés L'Auxiliaire et Maf comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître, a condamné la société Guion à lui verser la somme de 10 746 euros et la société Panorama Architecture à lui verser la somme de 103 696,77 euros. Le tribunal a mis respectivement à la charge de la société Guion et de la société Panorama Architecture les sommes de 2 505,64 euros et 16 652 euros au titre des frais d'expertise.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire enregistrés le 7 mai 2021 et le 21 janvier 2022, ce dernier non communiqué, la société Panorama Architecture et la société Mutuelle des architectes français, représentées par la SCP Albertini Alexandre et L'Hostis, demandent à la cour :
1°) à titre principal d'ordonner avant dire-droit la désignation d'un expert afin de déterminer la cause des désordres affectant la façade ouest ;
2°) à titre subsidiaire de rejeter l'ensemble des demandes formulées à leur encontre par la commune de Valence ;
3°) à titre plus subsidiaire de réduire le montant de la condamnation prononcée à l'encontre de la société Panorama Architecture et de condamner M. B..., la société Dekra Industrial, les sociétés Guion, Serrurerie Menuiserie Aluminium Bouisse (SMAB) et Entreprise H. Darnis et cie, ainsi que la commune de Valence, à les relever et garantir de toutes condamnations qui seraient prononcées à leur encontre, y compris au titre des frais d'expertise, et au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
4°) de condamner tout succombant à leur payer, outre les entiers dépens, la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le tribunal a omis de statuer sur son appel en garantie de la commune de Valence ;
- ainsi que l'a indiqué la commune de Valence, les écritures de la société l'Auxiliaire qui ne justifie pas être subrogée dans les droits de son assuré sont irrecevables ;
- les conclusions de l'Auxiliaire, notamment celles l'appelant en garantie, ne sont pas fondées ;
- la cour a relevé à juste titre le moyen relevé d'office tiré de l'existence de réserves faisant obstacle à la mise en œuvre de la garantie décennale ;
- compte-tenu des conclusions contradictoires de deux expertises et des éléments qu'elle apporte au soutien de ses allégations, il convient à titre principal d'ordonner une nouvelle expertise qui permettra de conclure que le dommage ne lui pas imputable ;
- subsidiairement, les dommages ne lui sont pas imputables ;
- très subsidiairement, elle est fondée à être relevée des condamnations prononcées à son encontre par les sociétés SMAB et Guion responsables de défauts d'exécution et de conseil, chacune à hauteur de 40 %, par la société Dekra Industrial, à hauteur de 10 %, à raison des fautes commises dans sa mission de bureau de contrôle technique et par M. B... en sa qualité d'économiste de la construction, à hauteur de 5 % ;
- la commune de Valence est responsable à hauteur de 5 % de la survenue du dommage puisqu'elle était assistée de services techniques et d'un architecte ;
- le montant de la condamnation doit être prononcé HT auquel il convient d'ajouter un taux de taxe sur la valeur ajoutée de 3,4 % dans la mesure où la commune de Valence bénéficie du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) qui lui permet de récupérer 16,6 % du montant de la taxe sur la valeur ajoutée ;
- le montant des travaux de reprises pour la casquette à retenir pour le désordre sur les infiltrations en façade Ouest est de 21 540 euros HT et non 30 320 euros HT ;
- les demandes annexes qui concernent les travaux réalisés à la suite de l'expertise C... ne pouvaient être indemnisées puisqu'elles sont étrangères à l'intervention de la SARL Fradin Weck Architectures, aux droits de laquelle la société Panorama Architecture est venue ; les dépens correspondants ne pouvaient être pris en compte dans la présente procédure ;
- elle doit être garantie par les sociétés SMAB et Darnis du montant des travaux que ces deux sociétés ont réalisés à la demande du premier expert ;
- les conclusions présentées à titre subsidiaire par la commune sur le fondement contractuel devront être rejetées compte tenu de l'intervention du décompte général définitif et en l'absence de faute commise lors de la réception des travaux.
Par un mémoire enregistré le 11 aout 2021, la société L'Auxiliaire, représentée par la SELARL Heinrich Avocats, demande à la cour :
1°) de réformer le jugement en tant qu'il a prononcé diverses condamnations à l'encontre de la société Guion et de rejeter les demandes dirigées contre la société Guion et contre elle-même ;
2°) de condamner in solidum la société Fradin Weck Architecture et son assureur la Maf à relever et garantir la société Guion et son assureur l'Auxiliaire à hauteur de 20 % des condamnations prononcées à leur encontre ;
3°) de rejeter la demande d'expertise complémentaire ;
4°) de mettre in solidum à la charge des sociétés Panorama Architecture et Mutuelle des architectes français une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens.
Elle soutient que :
- le maître d'œuvre, qui avait une mission DET, aurait dû déceler les défauts d'exécution en cours de chantier ;
- le montant du préjudice relatif aux infiltrations au niveau du hall d'entrée qui est surévalué, doit être arrêté à la somme de 4 000 euros ;
- si la cour devait procéder à la condamnation de la société L'Auxiliaire, elle devrait constater qu'il existe des limites de garantie entre elle et son assuré la société Guion ;
- une troisième expertise judiciaire n'est pas nécessaire en ce qui concerne les désordres provenant de la façade ouest ;
- ni la société Guion, ni elle-même ne sont responsables des désordres de la façade ouest.
Par des mémoires en défense enregistrés le 9 décembre 2021 et le 17 janvier 2022, la commune de Valence, représentée par Me Saban, conclut au rejet de la requête et des écritures de la société L'Auxiliaire et demande, en outre, à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) à titre principal, de réformer le jugement en condamnant in solidum sur le fondement de la responsabilité décennale la société Panorama Architecture, M. B..., la société Guion, la société SMAB et la société Dekra Industrial à lui verser une somme de 111 003,12 euros en réparation des désordres subis sur la façade ouest du bâtiment ;
2°) à titre subsidiaire, de condamner in solidum sur le même fondement les mêmes sociétés à lui verser une somme de 61 165,35 euros en réparation des désordres subis sur la façade ouest du bâtiment ;
3°) à titre infiniment subsidiaire, de condamner sur le fondement de la responsabilité contractuelle la société Panorama Architecture à lui verser une somme de 111 003,12 euros en réparation des désordres subis sur la façade ouest du bâtiment ;
4°) dans le cas où le jugement ne serait pas confirmé s'agissant de l'indemnisation des désordres liés au hall d'entrée, de condamner la société Panorama Architecture sur le fondement de la responsabilité contractuelle à lui verser une somme de 10 746 euros en réparation de ces désordres ;
5°) de mettre à la charge de la société Panorama Architecture, de M. B... et des sociétés Guion, SMAB et Dekra Industrial une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les écritures de la société l'Auxiliaire, assureur ne justifiant pas être subrogé dans les droits de son assuré, et dont l'assuré n'entend pas interjeter appel, sont irrecevables ;
- le jugement est régulier ;
- les désordres affectant la façade ouest et ceux affectant le hall d'entrée présentent un caractère décennal ;
- les réserves prononcées lors de la réception des travaux sont sans lien avec les désordres ;
- la réserve émise le 6 février 2008 à l'égard de l'entreprise Guion doit être regardée comme ayant été tacitement levée le 24 janvier 2012 à la suite des travaux supplémentaires réalisés après la première expertise ;
- les désordres affectant l'étanchéité de la façade ouest n'étaient alors pas apparents ;
- les désordres de la façade ouest sont imputables à la maitrise d'œuvre, notamment à la société Panorama Architecture et à M. B..., à la société Guion, à la société SMAB et au contrôleur technique, la société Dekra Industrial ;
- les désordres du hall d'entrée sont entièrement imputables à la société Guion ;
- la commune n'a commis aucune faute ;
- si la responsabilité décennale des constructeurs devait ne pas être retenue, la responsabilité contractuelle de la maitrise d'œuvre devrait être engagée à raison des fautes commises lors de la réception des travaux ;
- le préjudice doit être indemnisé TTC, même si elle bénéficie du fonds de compensation de la taxe sur la valeur ajoutée ;
- le montant de ses réparations au titre des désordres affectant la façade ouest du bâtiment doit être porté à 111 003,12 euros ;
- le tribunal a, à juste titre, condamné la société Guion à lui verser la somme de 10 746 euros ;
- les frais d'expertise doivent être laissés à la charge des sociétés Guion et Panorama Architecture ;
- la demande d'expertise n'est pas justifiée.
Par un courrier en date du 10 janvier 2022, les parties ont été informées de ce que la cour était susceptible de relever d'office le moyen tiré de ce que le tribunal ne pouvait condamner le maître d'œuvre à indemniser le maître d'ouvrage de désordres relatifs à l'étanchéité de la façade du gymnase sur le fondement de la garantie décennale alors qu'une réserve portant sur cette étanchéité avait été émise lors de la réception des travaux du lot n°2 et qu'elle n'avait pas été levée.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Duguit-Larcher,
- les conclusions de M. Savouré, rapporteur public,
- et les observations de Me Ouvrelle pour la commune de Valence et celles de Me Rochat pour la société l'Auxilliaire ;
Considérant ce qui suit :
1. Pour la construction d'un gymnase situé rue Brunet, la commune de Valence a conclu divers marchés publics. Elle a notifié le 28 juin 2005 à la société Norisko Construction, aux droits de laquelle est venue la société Dekra Industrial, un marché portant sur le contrôle technique de l'opération, puis le 17 octobre 2005 à un groupement solidaire composé notamment de la société Fradin-Weck Architecture (architecte et mandataire du groupement), aux droits de laquelle est venue la société Panorama Architecture, et de M. A... B... (économiste de la construction) un marché de maitrise d'œuvre. Les lot n°2 " Charpentes métalliques " et n°4 " Menuiseries extérieures " ont été attribués les 20 et 23 octobre 2006 respectivement à la société Guion et à la société SMAB. Au cours des travaux, qui se sont déroulés de novembre 2006 à janvier 2008, des infiltrations sont apparues en façade ouest du bâtiment, qui ont nécessité la réalisation de prestations supplémentaires effectuées par les sociétés attributaires des lots n°2 et n°4. Les travaux du lot n°2 ont été réceptionnés le 22 février 2008, avec effet à la date du 22 janvier 2008, sous réserve de l'exécution de certains travaux, notamment la finition de travaux d'étanchéité. Ceux du lot n°4 ont été réceptionnés le 22 février 2008, sans réserve sur l'étanchéité de la façade.
2. Quelques mois après, de nouvelles infiltrations d'eau ont été constatées. A la demande de la commune de Valence, une expertise a été ordonnée par le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble le 18 novembre 2008 et confiée à M. C... qui a déposé son rapport le 24 août 2010. Il a conclu que les entreprises Guion et SMAB, étroitement liées concernant les problèmes d'étanchéité des assemblages menuiseries et charpente, étaient chacune responsables de la moitié des désordres, à l'exception de celui lié à la mise en place de l'étanchéité sur le nez de dalle, imputable à l'OPC. Certains travaux préconisés par l'expert ont été réalisés par les sociétés SMAB et Darnis, la société Guion alors placée en liquidation judiciaire ne pouvant les réaliser.
3. Au cours de l'année 2015, de nouvelles infiltrations d'eau ont affecté le bâtiment. Par ordonnance du 4 juin 2018, le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble saisi par la commune de Valence a désigné M. D... en qualité d'expert avec mission de décrire les désordres et les dysfonctionnements affectant le gymnase. A la suite du dépôt le 19 mars 2019 du rapport d'expertise, la commune de Valence a demandé au tribunal de condamner in solidum, d'une part, les sociétés Guion et son assureur L'Auxiliaire à lui verser une indemnité de 10 746 euros en réparation des désordres affectant le plafond du hall d'entrée du gymnase et, d'autre part, les sociétés Panorama Architecture, venue aux droits de la société Fradin-Weck Architecture, et son assureur, la Mutuelle des architectes français (Maf), à lui verser une indemnité de 117 820,84 euros en réparation des désordres affectant la façade ouest de ce gymnase. Par un jugement du 8 mars 2021 dont la société Panorama Architecture relève appel, le tribunal administratif de Grenoble, après avoir rejeté les conclusions de la commune de Valence présentées à l'encontre des sociétés L'Auxiliaire et Maf comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître, a condamné la société Guion à lui verser la somme de 10 746 euros en réparation des désordres affectant le hall d'entrée du gymnase et la société Panorama Architecture à lui verser la somme de 103 696,77 euros en réparation des désordres affectant la façade ouest. Le tribunal a également mis respectivement à la charge de la société Guion et de la société Panorama les sommes de 2 505,64 euros et 16 652 euros au titre des frais d'expertise. La société Panorama Architecture et la société MAF relèvent chacune appel de ce jugement en tant qu'il a condamné la société Panorama Architecture à indemniser la commune à raison des désordres affectant la façade ouest. La société l'Auxiliaire demande la réformation du jugement en tant qu'il a prononcé une condamnation à l'encontre de son assurée la société Guion à raison des désordres affectant le hall d'entrée. Par la voie des appels incident et provoqué, la commune de Valence demande à la cour de réformer le jugement en prononçant la condamnation in solidum des constructeurs à l'indemniser à hauteur de 111 003,12 euros des désordres ayant affecté la façade ouest.
Sur la recevabilité des conclusions de la société L'Auxilliaire :
4. Aux termes de l'article L. 121-12 du code des assurances : " L'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur ". Il appartient à l'assureur qui demande à bénéficier de la subrogation prévue par ces dispositions de justifier par tout moyen du paiement d'une indemnité à son assuré. En outre, l'assureur n'est fondé à se prévaloir de la subrogation légale dans les droits de son assuré que si l'indemnité a été versée en exécution d'un contrat d'assurance.
5. En ce qui concerne les désordres affectant la façade ouest du gymnase, la société L'Auxiliaire, dont la responsabilité n'est pas directement recherchée par la société Panorama Architecture, n'a pas qualité de partie. A supposer qu'elle ait entendu intervenir en défense au soutien de la société Guion, cette dernière n'a cependant pas produit d'écritures devant la cour. Une telle intervention n'est, par suite, pas recevable.
6. En ce qui concerne les désordres affectant le hall d'entrée du gymnase, la société L'Auxiliaire, qui n'allègue pas même être subrogée dans les droits de son assurée la société Guion, n'est pas recevable à demander à la cour de réformer le jugement en tant qu'il a prononcé diverses condamnations à l'encontre de cette dernière. A supposer, qu'elle ait entendu intervenir au soutien de la société Guion, cette dernière n'a pas produit d'écritures devant la cour. Une telle intervention n'est, par suite, pas recevable.
Sur la régularité du jugement :
7. Au point 23 du jugement, le tribunal, après avoir examiné le moyen soulevé par la société Panorama Architecture tiré de ce que la commune de Valence avait commis une faute, l'a écarté et a conclu qu'aucune faute exonératoire de responsabilité n'était imputable à la commune. Si la société Panorama Architecture avait indiqué dans ses écritures devant le tribunal, comme elle persiste d'ailleurs à le faire en appel, qu'elle entendait ainsi " appeler en garantie " la commune à raison de cette faute, cette dernière, en sa qualité de victime des désordres, ne pouvait être appelée en garantie par un constructeur mais seulement se voir opposer le cas échéant ses propres fautes en atténuation de la responsabilité des constructeurs. Par suite, il ne saurait être fait grief au tribunal, qui a donné une portée utile aux écritures de la société Panorama Architecture, d'avoir omis de statuer sur l'appel en garantie présenté par cette dernière à l'encontre de la commune.
Sur les désordres affectant la façade ouest du bâtiment :
8. Il résulte des principes qui régissent la responsabilité décennale des constructeurs que des désordres apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité, même s'ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans. Le constructeur dont la responsabilité est recherchée sur ce fondement ne peut en être exonéré, outre les cas de force majeure et de faute du maître d'ouvrage, que lorsque, eu égard aux missions qui lui étaient confiées, il n'apparaît pas que les désordres lui soient en quelque manière imputables.
9. Le tribunal a condamné la société Panorama Architecture à verser la somme de 103 696,77 euros à la commune de Valence en réparation des désordres ayant affecté la façade ouest du gymnase en 2008 puis en 2015 sur le fondement de la garantie décennale après avoir indiqué que les travaux avaient été réceptionnés sans réserve. Ces désordres se rapportaient, à hauteur de 45 037,77 euros aux désordres survenus en 2008 et à hauteur de 58 659 euros aux désordres survenus en 2015.
10. Devant la cour, la commune de Valence demande la réformation du jugement afin que soit prononcée la condamnation in solidum de la société Panorama Architecture, M. B..., la société Guion, la société Smab et la société Dekra Industrial. Elle n'avait toutefois, devant le tribunal, demandé que la condamnation solidaire de la société Panorama Architecture et son assureur la MAF " ou tout autre constructeur dont la responsabilité serait retenue ". Eu égard à cette formulation, ses conclusions tendant à la condamnation in solidum des autres constructeurs, qu'elle a pour la première fois devant la cour nommément désignés, sont nouvelles en appel et, par suite irrecevables.
En ce qui concerne les désordres survenus en 2008 :
11. Il résulte de l'instruction que la réception du lot n° 2 " Charpentes métalliques " avait été prononcée avec réserves et que la réserve en date du 6 février 2008 qui portait notamment sur la finition des travaux d'étanchéité, qui n'est pas sans lien avec les problèmes d'étanchéité survenus sur la façade après l'année 2008 ainsi que cela ressort des termes mêmes du rapport de l'expertise déposé le 24 août 2010, n'était pas levée lorsque ces premiers désordres sont apparus. Cette réserve doit être regardée comme n'ayant été tacitement levée qu'à compter du 24 janvier 2012, une fois réalisés les travaux supplémentaires ordonnés à la suite de la première expertise et leur règlement par la commune de Valence qui avait par ailleurs d'ores et déjà pris possession des lieux. Par suite, le tribunal ne pouvait engager la responsabilité décennale du maître d'œuvre et le condamner sur ce fondement à réparer à hauteur de 45 037,77 euros les désordres en lien avec le défaut d'étanchéité de la façade ayant affecté l'ouvrage avant cette date du 24 janvier 2012.
12. La commune demande, à titre subsidiaire, d'engager la responsabilité contractuelle du maître d'œuvre à raison des fautes qu'il aurait commises lors de la réception de l'ouvrage. Toutefois, alors que des réserves ont été émises lors de la réception de travaux en ce qui concerne l'étanchéité de l'ouvrage, la commune ne démontre pas que le maître d'œuvre n'aurait pas conseillé utilement le maître d'ouvrage lors des opérations de réception ou n'aurait pas attiré son attention sur la nécessité de réserver des éléments non conformes. Par suite, la commune de Valence n'est pas fondée à rechercher la responsabilité contractuelle de la société Panorama Architecture à raison de fautes commises lors de la réception des travaux.
13. Les conclusions d'appel en garantie présentées par la société Panorama Architecture au titre des désordres survenus en 2008 sont dès lors dépourvues d'objet en l'absence de toute condamnation prononcée à son encontre pour ces désordres.
En ce qui concerne les désordres survenus en 2015 :
S'agissant de la responsabilité :
14. Pas plus que devant le tribunal il n'est contesté que les désordres ayant affecté la façade ouest du gymnase entrent dans le champ de la garantie décennale.
15. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise déposé le 19 mars 2019, que la façade ouest du gymnase est constituée d'une ossature en acier sur laquelle ont été fixées des fenêtres à cadre en aluminium. La disparité des coefficients de dilatation respectifs de l'acier et l'aluminium est à l'origine de légers déplacements survenant entre le cadre des fenêtres et la structure en acier qui ne permettant pas d'assurer une étanchéité pérenne de la structure d'ensemble. Si, ainsi que le fait valoir la société Panorama Architecture, et comme en atteste la société JLV Aluminium Verre et Structure, l'association de matériaux en aluminium et en acier galvanisé, n'est pas, en elle-même, contre indiquée, il est constant que malgré diverses interventions sur la façade en cours de chantier puis après la survenue de désordres en 2008 afin de remédier aux défauts d'exécution, les problèmes d'infiltration ont perduré. Les désordres réapparus en 2015 ne résultent donc pas d'un simple défaut d'exécution. Si, ainsi que l'indique la société JLV Aluminium Verre et Structure, la réalisation de façades alliant ces matériaux nécessite, avant de réaliser les travaux, des études approfondies afin de déterminer le traitement des interfaces, notamment le type de joints à utiliser et leurs modalités de pose, il ne résulte pas de l'instruction qu'en l'espèce, les désordres litigieux proviendraient d'une défaillance des études réalisées par les entrepreneurs dans la mesure où, au stade de la seconde expertise, la solution proposée par les parties, et notamment par le maître d'œuvre, n'a pas été de faire procéder à une telle étude, mais de recourir à un procédé constructif différent pour assurer l'étanchéité de l'immeuble en fixant, au-dessus de la coursive de la façade ouest un bac acier protégeant l'ensemble de la façade. Dans ces conditions, ainsi que l'a retenu l'expert et sans qu'il soit besoin d'ordonner une nouvelle expertise les désordres persistants après les diverses réparations faites en vain trouvent leur cause dans un défaut de conception de l'ouvrage, défaut qui n'a pas été décelé au stade des études d'exécution menées par les entreprises. Ils sont notamment imputables à la société Panorama Architecture, venant aux droits de la société Fradin Weck Architecture, qui en qualité de maître d'œuvre de l'opération était chargée des études d'avant-projet détaillé et des études de projet. Cette société n'est par suite pas fondée à soutenir que sa responsabilité ne peut être engagée sur le fondement de la garantie décennale à raison des désordres survenus depuis la réception du chantier et la levée des réserves en lien avec l'étanchéité de la façade.
16. Le fait que la commune de Valence disposait de l'assistance de ses services techniques et d'un architecte qui n'ont pas émis de réserves sur les choix constructifs proposés par la maitrise d'œuvre n'est pas susceptible d'atténuer de quelque manière que ce soit la responsabilité des constructeurs.
S'agissant des préjudices :
17. Le tribunal a condamné la société Panorama Architecture à verser à la commune de Valence une somme de 58 659 euros TTC en réparation du préjudice subi à raison des désordres survenus à compter de 2015. Cette somme correspond, à hauteur de 33 244 euros aux travaux nécessaire à la création d'une couverture sur la coursive, à hauteur de 23 741 euros à la reprise de sols et de plafonds et à une note de calcul pour un montant de 1 674 euros.
18. Si, dans son rapport remis le 19 mars 2019, l'expert a chiffré sur la base de devis à 33 244 euros le coût des travaux de couverture de la coursive, la commune justifie avoir fait réaliser ces travaux dès juillet 2020, dans le cadre cependant d'un marché à bon de commande la liant par ailleurs depuis janvier 2017 et selon les conditions tarifaires prévues par l'accord cadre. Il y a lieu, dans ces conditions et en l'absence d'élément permettant d'établir que si la commune avait immédiatement après l'expertise fait réaliser ces travaux leur coût aurait été sensiblement différent, de porter le montant de son préjudice à ce titre à la somme de 35 750 euros qui est celle dont elle a dû effectivement s'acquitter auprès de son fournisseur.
19. Ainsi que l'a indiqué le tribunal, si l'article L. 1615-1 du code général des collectivités territoriales a institué un fonds de compensation destiné à permettre progressivement le remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée acquittée par les collectivités territoriales sur leurs dépenses réelles d'investissement, ces dispositions législatives, qui ne modifient pas le régime fiscal des opérations desdites collectivités, ne font pas obstacle à ce que la taxe sur la valeur ajoutée grevant les travaux de reprise d'un bâtiment public soit incluse dans le montant de l'indemnité due au maître de l'ouvrage. Par suite, la société Panorama Architecture n'est pas fondée à soutenir que la commune ne peut, compte tenu de l'existence de ce fonds de compensation, demander réparation du coût des travaux TTC.
20. Il y a lieu, en conséquence de ramener la condamnation de la société Panorama Architecture à la somme de 61 165 euros (35 750 euros + 23 741 euros + 1 674 euros).
Sur les dépens :
21. Selon l'article R. 761-1 du code de justice administrative, les dépens sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties.
22. Le tribunal, après avoir estimé que les dépens de l'instance étaient constitués des frais de l'expertise du 27 août 2010 taxés et liquidés à la somme de 6 630,03 euros mis à la charge provisoire de la commune de Valence et des frais de l'expertise du 12 avril 2019 taxés et liquidés à la somme de 12 528,21 euros mis à la charge provisoire de la société Fradin Weck Architecture à hauteur de 10 022,57 euros et de la société Guion à hauteur de 2 505,64 euros, les a mis définitivement à la charge de la société Panorama Architecture, pour un montant de 16 652 euros et de la société Guion, pour un montant de 2 505,64 euros. Compte tenu de ce qui a été dit aux points 11 et 12, il y a lieu de ramener la somme définitivement mise à la charge de la société Panorama Architecture à celle de 10 022,57 euros et de laisser à la charge définitive de la commune de Valence les frais de l'expertise du 27 août 2010 taxés et liquidés à la somme de 6 630,03 euros.
Sur les appels en garantie :
23. La société Panorama Architecture demande à être garantie des condamnations prononcées à son encontre par M. B..., économiste de la construction, membre du groupement de maitrise d'œuvre qui a rédigé les CCTP des lots 2 et 4. Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que M. B... aurait participé à la conception de l'ouvrage, aurait été associé aux choix à l'origine du défaut de conception décrit au point 15 ou était à même de déceler le défaut d'ordre technique affectant la conception de l'ouvrage. Par suite, c'est à bon droit que le tribunal a rejeté la demande de la société Panorama Architecture dirigée contre de M. B....
24. Dans le cadre d'un litige né de l'exécution de travaux publics, un participant à l'opération de construction peut rechercher la responsabilité quasi-délictuelle des autres participants avec lesquels il n'est lié par aucun contrat, notamment s'ils ont commis des fautes qui ont contribué à l'inexécution de ses obligations contractuelles à l'égard du maître d'ouvrage, sans devoir se limiter à cet égard à la violation des règles de l'art ou à la méconnaissance de dispositions législatives et réglementaires. Il peut en particulier rechercher leur responsabilité du fait d'un manquement aux stipulations des contrats qu'ils ont conclus avec le maître d'ouvrage.
25. Les entreprises Guion et SMAB n'ont pas alerté le maître d'ouvrage et le maître d'œuvre sur le défaut de conception de la façade, alors qu'elles avaient été alertées, dans les CCTP, de la nécessité d'un traitement des sujétions de liaisons entre la charpente et les menuiseries. La société SMAB avait à sa charge les croquis et plans d'exécution des ouvrages, et notamment le détail des raccordements avec les ouvrages des autres corps d'état.
26. La société Dekra Industrial, investie notamment d'une mission L, relative à la solidité des ouvrages et des éléments d'équipement indissociables, et qui devait effectuer un contrôle des documents de conception et d'exécution, a alerté le maître d'ouvrage et le maître d'œuvre des problèmes d'étanchéité de la façade lors de la réalisation des travaux, mais aurait dû alerter le maître d'ouvrage et le maître d'œuvre du défaut de conception.
27. Eu égard aux fautes respectives commises par les différents constructeurs dans la survenue des différents désordres apparus sur la façade ouest du bâtiment depuis la réception des travaux et la levée des réserves, il y a lieu de condamner les sociétés Guion, SMAB et Dekra Industrial à garantir la société Panorama Architecture, dont les appels en garantie devant le tribunal précisaient suffisamment le fondement, à hauteur de respectivement 5 %, 10 % et 5 % des condamnations prononcées à son encontre.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
28. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de laisser les frais d'instance à la charge de chacune des parties.
DÉCIDE :
Article 1er : L'intervention de la société L'Auxiliaire n'est pas admise.
Article 2 : La somme que la société Panorama Architecture a été condamnée à payer à la commune de Valence par l'article 3 du jugement attaqué est ramenée de 103 696,77 euros à 61 165 euros.
Article 3 : Les frais de la première expertise, taxés et liquidés à la somme de 6 630,03 euros, sont laissés à la charge définitive de la commune de Valence.
Article 4 : Les frais de la seconde expertise, taxés et liquidés à la somme de 12 528,21 euros, déjà mis définitivement à la charge de la société Guion à hauteur de 2 505,64 euros par le tribunal, sont définitivement mis à la charge de la société Panorama Architecture pour le surplus, soit 10 022,57 euros.
Article 5 : Les sociétés Guion, SMAB et Dekra Industrial garantiront, respectivement, à hauteur de 5 %, 10 % et 5 % la société Panorama Architecture des condamnations prononcées à son encontre aux articles 2 et 4 du présent arrêt.
Article 6 : Les articles 3, 5 et 7 du jugement n° 1902592 du tribunal administratif de Grenoble en date du 8 mars 2021 sont réformés en ce qu'ils ont de contraire au présent arrêt.
Article 7 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 8 : Le présent arrêt sera notifié à la Mutuelle des architectes français, désignée en qualité de représentante unique des requérants, à la commune de Valence, à la SARL MJ Synergie, en qualité de liquidatrice de la société Guion, à M. A... B..., à la société Dekra Industrial, à la société SMAB, à la SAS H Darnis et Cie et à la société l'Auxilliaire.
Délibéré après l'audience du 27 janvier 2022, à laquelle siégeaient :
M. d'Hervé, président,
Mme Michel, présidente assesseure,
Mme Duguit-Larcher, première conseillère.
Lu en audience publique le 17 février 2022.
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N° 21LY01447