Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
La SARL Flaubert Centre Occasions a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes qui lui sont réclamés pour la période du 1er janvier 2010 au 31 janvier 2013.
Par un jugement n° 1702018 du 19 décembre 2019, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 5 février 2020, et des mémoires complémentaires, enregistrés les 8 octobre, 4 et 5 novembre 2021, la SARL Flaubert Centre Occasion, devenue la SARL Clermont Car Company, représentée par Me Cordeiro, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2010 au 31 janvier 2013 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le vérificateur a pris copie des documents justificatifs comptables sans demande préalable ;
- les propositions de rectification sont insuffisamment motivées ;
- l'administration n'a pas indiqué dans les propositions de rectification la possibilité de saisir la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires compétente en méconnaissance de l'article L. 10 de la charte du contribuable vérifié ;
- en omettant de rappeler le délai de saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, elle a été privée d'une garantie substantielle ;
- l'obligation légale posée par l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales, à savoir l'obligation d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers, et le respect des droits de la défense ont été méconnus ;
- il ne ressort pas des documents sur lesquels se fonde l'administration que les précédents propriétaires étaient nécessairement redevables de la taxe sur la valeur ajoutée sur le prix total ou que les véhicules vendus ne relevaient pas du régime de taxe sur la valeur ajoutée sur la marge ;
- elle ne pouvait avoir connaissance de ce que les fournisseurs des véhicules appliquaient indûment le régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge bénéficiaire ;
- l'administration a, à tort, mis à sa charge de nouvelles obligations comme celle d'une obligation de diligence vis-à-vis de ses fournisseurs pour s'assurer de la bonne application du régime de la marge ;
- l'accès aux mentions figurant sur les documents remis lors de la vente du véhicule du précédent utilisateur ne saurait suffire à établir de manière certaine la qualification fiscale des opérations d'achat-revente successives intervenues sur les véhicules d'occasion antérieurement utilisés par un assujetti ;
- le négoce intra-communautaire de véhicules d'occasion est une activité accessoire dans la mesure où elle dispose d'un stock de véhicules et où, dans la plupart des cas, elle n'achète pas un véhicule à la seule demande préalable du consommateur final ;
- l'administration ne saurait faire état de l'achat direct d'un véhicule en Allemagne par une société tierce dont Mme B... était dirigeante sans commettre une immixtion caractérisée dans la gestion de cette société ;
- l'administration n'apporte pas la preuve d'une application indue de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge aux 37 et 108 véhicules détaillés en annexe des propositions de rectification ;
- elle a cessé toute relation contractuelle, avant la fin des opérations de vérification, avec les opérateurs situés en amont ;
- l'administration lui a délivré le quitus fiscal nécessaire à l'immatriculation des véhicules ;
- à titre subsidiaire, elle devrait être bien fondée à pouvoir déduire la taxe ayant grevé les prix d'achat desdits véhicules et pour lesquels les fournisseurs ont eux-mêmes été rectifiés.
Par des mémoires, enregistrés le 21 août 2020 et le 21 octobre 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Le mémoire, enregistré le 19 janvier 2022, présenté pour la SARL Clermont Car Company n'a pas été communiqué.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Caraës, première conseillère,
- et les conclusions de Mme Vinet, rapporteure publique ;
Considérant ce qui suit :
1. La SARL Flaubert centre occasions, devenue Clermont Car Company, dont M. D... C... puis, à compter du 1er novembre 2011, M. A... B..., directeur salarié de l'établissement, est le gérant et qui exerce une activité de négoce automobile, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant, en matière de taxe sur la valeur ajoutée, sur la période du 1er janvier 2010 au 31 janvier 2013, à l'issue de laquelle le vérificateur a remis en cause l'application du régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge, prévu par les dispositions de l'article 297 A du code général des impôts, pour cent quarante-cinq véhicules acquis auprès de fournisseurs français par des intermédiaires européens en provenance principalement d'Allemagne au titre des exercices clos en 2010, 2011, 2012 et janvier 2013. L'administration a mis à la charge de la SARL Clermont Car Company des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, assortis des intérêts de retard et de majorations pour manquements délibérés de 40 % prévues à l'article 1729 du code général des impôts. La SARL Clermont Car Company relève appel du jugement du 19 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des majorations correspondantes qui lui ont été réclamés sur la période du 1er janvier 2010 au 31 janvier 2013 et qui ont été mis en recouvrement le 24 octobre 2016.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
En ce qui concerne la motivation des propositions de rectifications :
2. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) ". Aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. L'administration invite, en même temps, le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la proposition ". Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, l'année d'imposition, la base d'imposition et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, afin de permettre au contribuable de formuler ses observations.
3. Les propositions de rectification des 20 décembre 2013 et 9 décembre 2014 comportent l'énoncé des motifs de droit et de fait ayant conduit l'administration à remettre en cause le régime de taxe sur la valeur ajoutée sur la marge appliquée par la SARL Clermont Car Company. Elles indiquent, dans un tableau figurant en annexe, les fournisseurs français, les titulaires de la dernière carte grise des véhicules, les noms des vendeurs allemands et des sociétés interposées, les montants concernés ainsi que les motifs pour lesquels le régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge n'était pas applicable et les raisons pour lesquelles la société requérante pouvait être regardée comme n'ayant pu l'ignorer. Par suite, les propositions de rectification ont mis la société requérante en mesure de présenter utilement ses observations et d'engager une discussion contradictoire avec l'administration, ce qu'elle a d'ailleurs fait en adressant au service des courriers des 10 février 2014 et 9 novembre 2016 auxquels il a été répondu respectivement le 3 août 2015 et 5 octobre 2017. Le moyen tiré d'une insuffisante motivation des propositions de rectification doit dès lors être écarté.
En ce qui concerne la communication des documents obtenus de la préfecture du Puy-de-Dôme :
4. Aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ".
5. L'obligation ainsi faite à l'administration fiscale d'informer le contribuable de l'origine et de la teneur des renseignements qu'elle a utilisés pour procéder à des rectifications a pour objet de permettre à celui-ci, notamment, de discuter utilement leur provenance ou de demander que les documents qui, le cas échéant, contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent, afin qu'il puisse vérifier l'authenticité de ces documents et en discuter la teneur ou la portée.
6. La SARL Clermont Car Company fait valoir que la garantie instituée par l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales n'a pas été respectée compte tenu de ce que les propositions de rectification n'identifient pas clairement les pièces obtenues dans le cadre du droit de communication auprès de la préfecture et leur teneur.
7. Les propositions de rectification des 20 décembre 2013 et 9 décembre 2014 adressées à la société indiquent que l'administration a exercé son droit de communication auprès de la préfecture du Puy-de-Dôme et a obtenu communication de copies des documents transmis par la société requérante à la préfecture dans le cadre des procédures d'immatriculation qu'elle a menées pour le compte de ses clients pour une liste de véhicules d'origine étrangère. Si la proposition de rectification du 9 décembre 2014 indique que " parmi ces pièces, certaines permettent d'appréhender le circuit d'approvisionnement des véhicules ", lesdites pièces sont précisément identifiées. Au demeurant, l'indication générale que les documents obtenus par le droit de communication auprès de la préfecture sont " la copie des documents transmis par la SARL Flaubert centre occasions à la préfecture dans le cadre des procédures d'immatriculation " est suffisante pour identifier l'origine et la teneur desdits documents et mettre ainsi la société à même d'apprécier l'utilité de demander leur communication. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales, qui n'impose pas à l'administration d'identifier et de lister chaque pièce à laquelle l'administration a eu accès ou qui lui a servi à asseoir ou conforter les impositions, et de la violation des droits de la défense ne peuvent qu'être écartés.
En ce qui concerne l'emport de copies de documents comptables :
8. La SARL Clermont Car Company fait valoir que l'administration a procédé à l'emport de copies de documents comptables sans demande préalable visant à recueillir son accord.
9. Il résulte de l'instruction que, par une lettre du 11 avril 2013, l'administration a informé la société qu'elle avait " pris copie de documents justificatifs produits à l'appui de sa comptabilité ", que ces copies ont été effectuées de façon dématérialisée à l'aide d'un scanner et a joint, en annexe, la liste des documents pris en copie signée du vérificateur et du représentant légal de la société. S'agissant de simples copies de documents comptables, dont la société a conservé les originaux, la société ne saurait soutenir que cet emport constituerait, faute de demande préalable au contribuable, un emport irrégulier de documents comptables de nature à la priver de la faculté d'un débat oral et contradictoire et, par suite, à vicier la procédure d'imposition.
En ce qui concerne l'absence d'information quant à la possibilité de saisir la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires :
10. Aux termes de l'article L. 59 du livre des procédures fiscales : " Lorsque le désaccord persiste sur les rectifications notifiées, l'administration, si le contribuable le demande, soumet le litige à l'avis [...] de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires prévue à l'article 1651 du code général des impôts [...] ". Aux termes de l'article L. 59 A du même livre : " I. La commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires intervient lorsque le désaccord porte : / 1° Sur le montant du résultat industriel et commercial, non commercial, agricole ou du chiffre d'affaires, déterminé selon un mode réel d'imposition [...]. / II. - Dans les domaines mentionnés au I, la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires peut, sans trancher une question de droit, se prononcer sur les faits susceptibles d'être pris en compte pour l'examen de cette question de droit [...] ".
11. La société fait valoir que les propositions de rectification ne comportent pas la mention de la possibilité de saisir la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires compétente. Toutefois, l'éligibilité d'opérations de revente de véhicules au régime de taxation sur la marge, prévu par l'article 297 A du code général des impôts, ne porte pas sur le montant de son chiffre d'affaires taxable. Cette question a trait au principe de la taxation selon le droit commun du régime réel d'imposition et n'entre ainsi pas dans le champ de compétence de la commission tel qu'il est défini au I de l'article L. 59 A du livre des procédures fiscales. Dès lors, et alors même que l'examen de cette question pouvait nécessiter l'appréciation de situations de fait, la commission n'était pas compétente pour en connaître. Par suite, le moyen tiré de ce qu'elle aurait été privée d'une garantie procédurale faute pour les propositions de rectification de comporter la mention de la possibilité de saisir la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires doit être écarté. Par voie de conséquence, le moyen tiré de ce qu'elle aurait été privée d'une garantie substantielle dès lors que les propositions de rectification n'indiquent pas le délai de saisine de la commission départementale est inopérant et doit être écarté.
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne l'application du régime de taxation sur la marge :
12. Aux termes du I de l'article 256 bis du code général des impôts : " 1° Sont également soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les acquisitions intracommunautaires de biens meubles corporels effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ou par une personne morale non assujettie lorsque le vendeur est un assujetti agissant en tant que tel et qui ne bénéficie pas dans son Etat du régime particulier de franchise des petites entreprises (...) / 2° bis Les acquisitions intracommunautaires de biens d'occasion (...) effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ou par une personne morale non assujettie ne sont pas soumises à la taxe sur la valeur ajoutée lorsque le vendeur ou l'assujetti est un assujetti revendeur qui a appliqué dans l'Etat membre de départ de l'expédition ou du transport du bien les dispositions de la législation de cet Etat prises pour la mise en œuvre des articles 312 à 325 ou 333 à 341 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 ". Aux termes de l'article 297 A du même code : " I. 1° La base d'imposition des livraisons par un assujetti revendeur de biens d'occasion (...) qui lui ont été livrés par un non redevable de la taxe sur la valeur ajoutée ou par une personne qui n'est pas autorisée à facturer la taxe sur la valeur ajoutée au titre de cette livraison est constituée de la différence entre le prix de vente et le prix d'achat ". Aux termes de l'article 297 E de ce code : " Les assujettis qui appliquent les dispositions de l'article 297 A ne peuvent pas faire apparaître la taxe sur la valeur ajoutée sur leurs factures ".
13. Il résulte des dispositions précitées qu'une entreprise française assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée a la qualité d'assujetti revendeur et peut appliquer le régime de taxation sur la marge prévu par l'article 297 A du code général des impôts lorsqu'elle revend un bien d'occasion acquis auprès d'un fournisseur qui, en sa qualité d'assujetti revendeur, lui a délivré une facture conforme aux dispositions de l'article 297 E dudit code, et dont le fournisseur a aussi cette qualité ou n'est pas assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée. L'administration ne peut refuser à un assujetti qui a reçu une facture sur laquelle figurent des mentions relatives au régime de la marge bénéficiaire, le droit d'appliquer le régime de la marge bénéficiaire, même s'il résulte d'un contrôle postérieur effectué par elle que l'assujetti-revendeur ayant fourni les biens d'occasion n'avait pas effectivement appliqué ce régime à la livraison de ces biens, à moins d'établir que l'assujetti n'a pas agi de bonne foi ou qu'il n'a pas pris toutes les mesures raisonnables en son pouvoir pour s'assurer que l'opération qu'il effectue ne le conduit pas à participer à une fraude fiscale.
14. Lorsqu'une entreprise produit des factures émanant de ses fournisseurs qui mentionnent que les ventes de véhicules s'effectuaient sous le régime de la taxe sur la marge mentionné ci-dessus, il incombe à l'administration, si elle s'y croit fondée, de démontrer, d'une part, que les mentions portées sur ces factures sont erronées, d'autre part, que le bénéficiaire de ces achats de véhicules savait ou aurait dû savoir que les opérations présentaient le caractère d'acquisitions taxables sur l'intégralité du prix de revente à ses propres clients, sans que pèse sur le contribuable l'obligation de vérifier la qualité d'assujetti revendeur de ses fournisseurs.
15. La société fait valoir qu'il ne ressort pas des documents sur lesquels se fonde l'administration que les précédents propriétaires étaient nécessairement redevables de la taxe sur la valeur ajoutée sur le prix total ou que les véhicules vendus ne relevaient pas du régime de taxe sur la valeur ajoutée sur la marge.
16. Il résulte de l'instruction que la SARL Clermont Car Company a revendu sous le régime de la taxation sur la marge à ses clients français des véhicules automobiles achetés auprès de fournisseurs français, qui les avaient eux-mêmes acquis auprès de sociétés situées en Espagne, en Slovénie ou en Roumanie en provenance principalement d'Allemagne et secondairement d'Italie et d'Espagne. Pour établir que la mention du régime de taxe sur la valeur ajoutée sur la marge figurant sur les factures de ces fournisseurs était erronée, l'administration a retenu, en se fondant notamment sur les informations obtenues dans le cadre de l'assistance administrative internationale, que les véhicules en cause, qui avaient été immatriculés, principalement en Allemagne, au nom de professionnels de l'automobile, étaient vendus aux intermédiaires européens sous le régime général de la taxe sur la valeur ajoutée sur le prix global et non sous celui de la marge bénéficiaire. L'administration a obtenu la réponse des autorités fiscales allemandes, espagnoles, slovènes et roumaines compétentes confirmant que ces fournisseurs n'étaient pas en droit d'appliquer le régime de la marge bénéficiaire pour l'ensemble des opérations de revente auxquelles ils se livraient, compte tenu de la provenance des véhicules, et soit des factures délivrées par les vendeurs allemands mentionnant le régime normal de taxe sur la valeur ajoutée ou le régime des livraisons intracommunautaires exonérées de taxe, soit de leur participation à un schéma général de fraude. Dans ces conditions, l'administration fiscale établit que le régime de taxation sur la marge n'était pas applicable aux opérations litigieuses.
17. La société fait valoir qu'elle n'avait pas connaissance du régime appliqué aux véhicules acquis en matière de taxe sur la valeur ajoutée dès lors qu'elle ne procédait pas à l'acquisition directe des véhicules en provenance d'un autre Etat membre et que ce n'est qu'après la vente de véhicule au client final qu'elle était destinataire des certificats de cession et des attestations d'origine.
18. Pour établir que la société ne pouvait ignorer qu'elle n'était pas en droit d'appliquer le régime de taxation sur la marge, l'administration a notamment retenu que la SARL Flaubert Centre occasion était presque systématiquement destinataire des cartes grises d'origine allemande, des certificats de cession par les sociétés intercalées européennes et des attestations d'origine des véhicules pour les besoins des procédures d'immatriculation en France lui permettant ainsi de constater que les propriétaires des véhicules étaient des sociétés commerciales de location ou de négoce de véhicules, et dont elle pouvait raisonnablement penser qu'elles avaient pu déduire la taxe en qualité de professionnels assujettis. Il n'est pas sérieusement contesté que les documents précités étaient en possession de la société au moment de la vente des véhicules aux clients finals dès lors que 33 bons de commande comportaient l'immatriculation allemande, que la société réceptionnait directement d'Allemagne les véhicules via un transporteur en possession de documents administratifs permettant de porter sur le registre de police, dès la livraison, le numéro de châssis et, dans la plupart des cas, l'immatriculation allemande du véhicule. L'administration indique également que les immatriculations françaises apparaissent sur 23 factures de vente de la société à ses clients et que 57 véhicules sont restés plus d'un mois en stock chez elle lui permettant ainsi de réceptionner les certificats d'immatriculation. Si la seule circonstance que la société appelante a eu connaissance des documents d'immatriculation établis dans l'autre Etat membre et indiquant que les propriétaires des véhicules étaient des professionnels de l'automobile ne suffit pas à rendre manifeste que le fournisseur n'aurait pas été autorisé à appliquer le régime de taxation sur la marge, dès lors qu'elle ne permet pas de déterminer avec certitude si l'opération en cause lui a ou non ouvert droit à déduction, cet élément constitue toutefois un indice qui peut valablement être pris en compte.
19. Par ailleurs, les responsables successifs de la SARL Clermont Car Company sont des professionnels expérimentés du négoce automobile, M. C... étant président de la SAS JPC Automobile, société exploitante d'une concession BMW, et M. B... étant spécialisé dans la commercialisation des véhicules d'occasion. Par suite, ils auraient dû être alertés par l'acquisition de véhicules auprès de fournisseurs récurrents bénéficiant systématiquement de prix inférieurs à ceux du marché et ce alors que l'administration constate, sans s'immiscer dans la gestion et la conduite des affaires de la société, que deux voire trois ou quatre intervenants avaient participé à l'approvisionnement de la société en véhicules, et que les véhicules étaient acheminés directement depuis l'Allemagne sans passer par le fournisseur. En outre, l'administration a relevé, dans sa proposition de rectification du 9 décembre 2014 que M. B..., le gérant de la société, n'a pas été en mesure de fournir une des listes d'annonces émanant de ses fournisseurs à partir desquelles il aurait passé commande pour satisfaire aux souhaits de ses clients et indique que s'il a admis consulter un site internet de mise en ligne d'annonces uniquement depuis 2013, ce site connu et utilisé par les professionnels de l'automobile existe depuis au moins la période vérifiée et permet d'avoir connaissance de l'identité du vendeur et du régime de taxe sur la valeur ajoutée applicable. Compte tenu de ces éléments, et eu égard au nombre important de véhicules concernés, l'administration établit suffisamment, sans inverser la charge de la preuve, que la SARL Clermont Car Company ne pouvait ignorer que le régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge n'était pas applicable sans que la société puisse se prévaloir de ce qu'elle aurait cessé toute relation contractuelle avant la fin des opérations de vérification avec les opérateurs situés en amont. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a remis en cause l'application de ce régime.
20. A l'appui de ses conclusions, la SARL Clermont Car Company reprend le moyen invoqué en première instance et tiré de ce que l'administration lui a délivré le quitus fiscal nécessaire à l'immatriculation des véhicules. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par les premiers juges.
En ce qui concerne le droit à déduction de la taxe :
21. Aux termes de l'article 271 du code général des impôts, " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. (...) II. 1. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est, selon le cas : (...) d) Celle qui correspond aux factures d'acquisition intracommunautaire établies conformément à la réglementation communautaire dont le montant figure sur la déclaration de recettes conformément au b du 5 de l'article 287.2. (...) Pour les acquisitions intracommunautaires, la déduction ne peut être opérée que si les redevables ont fait figurer sur la déclaration mentionnée au d du 1 toutes les données nécessaires pour constater le montant de la taxe due au titre de ces acquisitions et détiennent des factures établies conformément à la réglementation communautaire. Toutefois, les redevables qui n'ont pas porté sur la déclaration mentionnée au d du 1 le montant de la taxe due au titre d'acquisitions intracommunautaires sont autorisés à opérer la déduction lorsque les conditions de fond sont remplies et sous réserve de l'application de l'amende prévue au 4 de l'article 1788 A ".
22. La SARL Clermont Car Company fait valoir qu'en vertu du principe de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée, le montant des rappels de la taxe collectée sur la revente, par ses soins, des véhicules achetés auprès de ses fournisseurs établis en France devait être minoré du montant du rappel de taxe sur la valeur ajoutée collectée dont ces fournisseurs ont dû faire l'objet à raison des ventes de véhicules, laquelle constitue pour la société une taxe d'amont déductible.
23. Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que les sociétés françaises fournisseurs de la SARL Clermont Car Company auraient fait l'objet d'un rappel au titre de la taxe sur la valeur ajoutée qui aurait dû être collectée sur les ventes de véhicules effectuées au profit de la requérante, et la SARL Clermont Car Company n'établit pas qu'elle aurait effectivement supporté cette taxe dont elle revendique la déduction. Il suit de là que la société requérante n'est pas fondée à obtenir la déduction dont elle réclame le bénéfice.
24. Il résulte de ce qui précède que la SARL Clermont Car Company n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
25. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à la SARL Clermont Car Company la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SARL Clermont Car Company est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Clermont Car Company et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Délibéré après l'audience du 27 janvier 2022, à laquelle siégeaient :
Mme Evrard, présidente de la formation de jugement,
Mme Caraës, première conseillère,
Mme Lesieux, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 février 2022.
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N° 20LY00504